Aller au contenu

Vie et œuvres de Descartes/Livre I/Chapitre III

La bibliothèque libre.
◄  Chapitre II Livre I Chapitre IV   ►
CHAPITRE III
JEUNESSE DE DESCARTES
PREMIÈRE PÉRIODE
(1612-1619)

Rien ne vaut pour la formation de l’esprit, non pas les études que font en commun les écoliers dans leurs classes, mais celles que plus tard un jeune homme poursuit, de son plein gré et par choix, de seize à vingt-cinq ans environ. Alors, en effet, naissent en lui les idées qui, le travail aidant, et si les circonstances sont favorables, se réaliseront au cours de sa vie. Descartes nous apprend lui-même que, sur la fin de 1619, c’est-à-dire dans sa vingt-quatrième année, il est entré en possession de sa méthode scientifique d’abord, et aussi d’une règle de conduite[1] ; quant à ses principes de philosophie ou de physique, simplement ébauchés à cette date dans son esprit, ils ne recevront une forme définitive que neuf ans après, en 1628-1629. Mais les résultats acquis dès 1619 supposaient de longues réflexions antérieures, commencées dès le collège ou tout au moins en 1612. La première partie du Discours de 1637 en donne bien un résumé, dans la revue critique que Descartes fait de tout ce qui lui avait été enseigné jusque-là. Mais l’emploi exact des sept années qui suivirent, de 1612 à 1619, et qui furent si bien remplies, nous reste totalement inconnu, et sur cette partie si intéressante de la vie du philosophe, nous en sommes réduits à des conjectures.

Nous savons à peu près ce qu’il fit en 1618-1619, grâce à la découverte récente (en 1905) d’un journal manuscrit d’Isaac Beeckman[2]. Mais pour les années qui précèdent, nous n’avons en tout que quatre documents : deux actes de baptême, où René Descartes signa comme témoin, à Sucé, diocèse de Nantes, le 22 octobre et le 3 décembre 1617 ; attestation de baccalauréat et de licence en droit, à Poitiers, 9 et 10 novembre 1616 ; un baptême encore où il fut parrain, dans cette même ville, le 21 mai de cette même année. C’en est assez pour rectifier sur certains points le récit de Baillet, et pour le compléter. D’abord il fait partir son héros pour la Hollande en mai 1617 : Descartes ne partit que l'année suivante, sans doute l’été de 1618, puisqu’on le retrouve en France, et même en Bretagne, jusqu’à la fin de 1617. En outre, Baillet qui fait résider le jeune philosophe à Paris, de 1613 à 1617, ignorait les séjours à Sucé, tout au moins l’automne de 1617, et à Poitiers l’année 1616. Nous ne sommes même pas certains que Descartes demeura à Paris les trois années 1615, 1614 et 1613. Baillet l’assure, mais n’en donne point de preuves. Lui d’ordinaire si soigneux de citer ses témoignages, n’en cite qu’un seul pour tout ce chapitre, et à propos d’une anecdote qui semble bien être le double d’un épisode, celui-là authentique, survenu dix à douze ans plus tard : disparition du philosophe, pour échapper aux importuns et aux fâcheux, et étudier en liberté. Descartes se serait caché à tous ses amis, dans une maison du faubourg Saint-Germain, deux années entières : quelle apparence[3] ! L’auteur de l’anecdote est un certain Porlier, qui avait pour oncle Chanut ; celui-ci, plus tard intime ami de Descartes, recevra de lui bien des confidences ; il se peut qu’on lui ait conté une histoire de ce genre, et qu’il l’ait redite à son neveu. Mais à quelle date faut-il la placer ? Et ne serait-ce point Baillet, qui au lieu de l’identifier avec le fait réel de 1627 environ, l’aurait rejetée si loin en arrière, afin d’avoir quelque chose à dire sur le premier séjour de Descartes à Paris ?

Ce séjour même est si peu vraisemblable, que l’honnête
Période de jeunesse.

biographe sent le besoin de disculper là-dessus le père du philosophe : quelle imprudence, en effet, d’envoyer un si jeune homme, presqu’un enfant, et de chétive santé, tout seul (avec un valet) dans la capitale[4]! Mais quoi! Descartes ne retrouvait-il pas à Paris un ami plus âgé, le P. Marin Mersenne ? Leur amitié, en effet, fut telle qu’on n’en saurait, semble-t-il, faire remonter trop haut l’origine. Elle ne datait cependant pas du collège de La Flèche : la différence d’âge entre les deux était de près de huit années[5], et Mersenne avait fini ses études depuis quelque temps, lorsque son jeune condisciple parvint dans les dernières classes. D’autre part, Mersenne, qui avait pris l’habit des Minimes au couvent de Nigeon près de Paris, le 17 juillet 1611, et fait profession,le 17 juillet 1612, à Fublaines près de Meaux, revint bien à Paris en octobre de cette année et y fut ordonné prêtre l’année suivante (sa première messe est du 28 octobre 1613) ; mais il partit en province l’avent de 1614, c’est-à-dire en novembre ou décembre, pour aller enseigner la philosophie à Nevers, où il demeura jusqu’à la fin de 1619. Si donc on veut que les relations de Descartes et de Mersenne commencent

de bonne heure, il faut faire venir Descartes à Paris les années 1613 et 1614 ; et c’est aussi ce que fait Baillet. Une autre circonstance a pu favoriser encore cette conjecture : la présence à Paris, comme député aux États généraux de 1614,de René Brochard, sieur des Fontaines, oncle et parrain de René Descartes; n’était-il pas naturel que celui-ci allât le rejoindre[6] ? Mais de tout cela nous n’avons aucune preuve.
Vie de Descartes.

L'amitié de Descartes et de Mersenne peut aussi bien dater du séjour de Descartes à Paris en 1622 ; Mersenne imprimait alors son premier grand ouvrage[7], et Descartes, âgé de vingt-six ans, avait tout intérêt et profit à se lier alors avec un savant, tandis qu'en 1613-1614 les relations du tout jeune homme qu'il était (dix-sept à dix-huit ans) avec un religieux, de beaucoup son aîné, ne se comprennent pas aussi bien. On pourrait également renvoyer à 1622 ou même plus tard les relations de Descartes et de Claude Mydorge, le seul autre ami dont parle Baillet pendant cette période de 1613 à 1617[8]. Mydorge mathématicien, qui s'occupait de miroirs et de lunettes, et des phénomènes de réflexion et de réfraction, aura plus de notoriété une dizaine d'années plus tard, et Descartes lui-même sera plus en âge de lui être présenté.

Est-ce la peine maintenant d’opposer conjecture à conjecture ? Irons-nous jusqu’à dire que Descartes n’alla point à Paris de 1613 à 1617, ou du moins n’y fit point de séjour prolongé ? Dans son Discours de la Méthode, lui-même ajoute à toutes les matières enseignées dans les classes la Jurisprudence et la Médecine, sans dire où il les a étudiées. On peut supposer que le collège de La Flèche avait des maîtres pour le droit, et même aussi pour l’anatomie, afin que les élèves n’eussent pas besoin d’aller l’apprendre ailleurs[9]. Descartes aurait profité de cet enseignement au collège même ; et c’est sans doute alors, plutôt qu’étant petit garçon, qu’on lui laissa cette liberté de travail dont il se montra plus tard si reconnaissant. Nous nous expliquerions ainsi qu’il n’assista pas, le 21 avril 1613, au mariage de sa sœur, avec Rogier du Crévy, à Rennes[10] : c’était un peu loin de La Flèche, et on n’était pas en vacances. Peut-être cependant passa-t-il une dernière année comme étudiant à Poitiers, en 1615-1616[11], afin de préparer son baccalauréat et sa licence en droit ? Il fut reçu à ces deux examens le 9 et le 10 novembre 1616[12]. On retrouvera çà et là dans ses œuvres, quelques expressions juridiques. Peut-être aussi fit-il alors à Poitiers quelques études de médecine, comme son aïeul paternel, le médecin Pierre Descartes, et comme son bisaïeul maternel, le médecin Jean Ferrand. Plus tard, pendant son séjour en Hollande, on le verra s’occuper de dissection, non pas en simple amateur, mais véritablement comme un professionnel.

Son frère aîné, Pierre Descartes, avait fait aussi des études de droit, et fut reçu bachelier et licencié trois ans plus tôt, les 7 et 8 août 1613[13]. En 1618, leur père lui acheta une charge de conseiller au Parlement de Rennes[14]. Et il pensa pour le cadet à la carrière des armes. René Descartes avait alors vingt-deux ans ; sa santé ne donnant plus d’inquiétude, on pouvait le faire voyager. La Hollande était comme une école de guerre pour les jeunes gentilshommes des pays étrangers. Son armée avait battu les Espagnols, et elle était commandée par le prince Maurice de Nassau, celui à qui une dame demanda un jour quel était le premier capitaine de l’Europe, et qui, après un moment d’hésitation, répondit que Spinola était le second[15]. La mode s’en mêlait : les jeunes Français allaient volontiers apprendre sous un tel chef le métier des armes, et en parlaient encore plus volontiers au retourErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. Les Hollandais, il est vrai, étaient protestants, et ceci avait arrêté un futur ami de Descartes, d’ailleurs futur oratorien, Charles de Condren : son père voulait l’envoyer en Hollande faire son apprentissage, avant de servir le roi ; le jeune catholique préféra aller en Hongrie combattre les TurcsErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. Mais Descartes n’avait point de ces scrupules,


a. Balzac écrivait à son cher Hydaspe, r jaiiv. 1624 : « Pour euiier la » rencontre de ces grands caufeurs, ic prendrois la polte, ie me mettroi »

• fur mer, ie m’enluirois iufqu’au bout du monde. Il femble que toutes » les paroles Ibient à eux, & que de dire vn mot, ce foit leur defrober

• quelque choie. Mais particulièrement ils me font mourir, quand ils » viennent frcjchement de Hollande, ou qu’ils commencent à eiludier en » Mathématique. » [Œuvres de Balzac, édii. i665, t. III, p. 371-372.)

b. Charles de Condren, né à Vaubuin près de Soissons, le i5 déc. i588. Son père se proposait de l’envoyer en Hollande ; mais le jeune homme supplia « que le voyage lût changé en celui de Hongrie : qu’il avoit de la » peine d’aller chez des hérétiques, & qu’il combattroit bien plus volon>• tiers contre les Turcs que contre des catholiques. » [Vies de quelq ss prêtres de l’Oratoire par le P. Cloyseault, publiées par le P. Ingold, Bibl. Orat., t. I, p. igo-i()i.) Dans le Pèlerin de Lorete, du jésuite Louis Hichcome (Bordeaux, petit in-8, S. Millangcs, 1604), dont nous avons déjà parlé, on trouve, cette page curieuse, qui nous renseigne sur les hahitudes du temps. Un tils écrit à s( ; n père, p. ytJS : « …Ayant apprins les " bonnes lettres iufques à l’eage de dixhuid ans, vous me liltes apprendre » à manier les armes auec la NoblefTe Françoife, aux meilleures Acadc » mies de l’Europe. Apres ic fus enuoyé vers Hongrie à la guerre cf)iitrc les Turcs, où ie commanday trois ans, auec honorable fucccz de mes •• trauaux, ^i contentcmeni des Seigneurs, ^ la compagnie delquels ie

Vu ; UE bEbCAmES. 6

�� � 42 Vie de Descartes.

d'autant plus que les Hollandais étaient alors des alliés et des amis de la France ; et plus tard il se fit gloire d'avoir porté les armes, pour les délivrer de l'Inquisition d'Espagne ^ En 1618, il ne leur cacha point cependant qu'il avait été élève des Jésuites, ce qui paraît leur avoir été à tous indifférent.

Il s'engagea donc comme volontaire , c'est-à-dire comme gentilhomme volontaire, s'équipant à ses frais, avec un valet au moms à son service. Il ne reçut point de solde, sauf une fois au début, un doublon, qu'il conserva en souvenir . Son père, qui venait de faire quelques sacrifices pour l'aîné, en fit sans doute aussi pour le cadet. On a retrouvé, à la date du 25 juillet 1618, une procuration de Joachim Descartes à son fils Pierre, l'auto- risant à vendre de certains biens en Poitou, qui lui venaient, ainsi qu'à Jeanne et à René, des successions de leurs mère, grand-mère et grand-tante, Jeanne Brochard, Jeanne Sain, et une sœur de celle-ci, Jeanne Brochard encore, dame d'Ar- change '^. Nous savons même, par un acte de partage de ces

» portois les armes. Ellant reuenu de ce voyage, & ne fe prefentant aucune » occâfion en noftre France où ie peufl'e m'employer honorablement félon » mon defir & vacation (ou vocation?), vous fuftes d'aduis, vous priuant y> de moy pour l'amour de moy, que i'allafTe voyager en Leuant, affin » d'apprendre la vertu en l'efcole du monde, voyant diuers pais & » diuerfes nations. . . »

a. Tome V, p. 25, I. 21-25 : lettre à Servien, 12 mai 1647.

b.' Tome X, p. 52 : Journal de Beeckman, IV.

c. « . . . Fœliciter arma literis coniungens, occupationibus militacibus » etiam minoribus incubuit apud Batauos, vbi optima eft harum rerum 1) fchola, voluntarieque per triennium belli tulit incommoda omnia abfque » vllo ftipendio; vnicum tantum accepit duplionem, quem femper in » militiae fua; monumentum feruare voluit; recul'auit etiam militum prœ- » fe£turam, quoniam militum officio fungi cupiebat, vt ei melius ars illa » & labores innotefcerent. . . » ( Vitœ Renati Cartefii, Summi Philofophi, Cotnpendium, Authore Petro Borello, p. 3-4. (Parisiis, M. DC. LVI.).

d. Alfred Barbier a publié [Société Antiquaires Ouest, t. VIII, 2= série, Poitiers, 1901) une procuration donnée par Joachim Descartes à son fils aîné Pierre, le 25 juillet 1618, à Rennes, en vertu de laquelle celui-ci pou- vait vendre en Poitou « telle partie, soit des propres de sond. procureur » filz par le deceds de ses defunctes ayeulles [Claude Ferrand et Jeanne » Sain), mère [Jeanne Brochard), et tante [Jeanne Brochard, femme de

�� � Période df. Jeunesse. 4J

trois successions, daté du 26 novembre 16 10, quelle en était la valeur totale. Et c'était une somme considérable pour le temps, puisqu'elle permettait à notre philosophe de dire plus tard qu'il n'était point, grâces à Dieu, de condition à faire un métier pour le soulagement de sa fortune •'. Ne dédaignant pas encore les titres, lors de ce premier

» Jean Demoulins, sieur d' Archange, conseiller au présidial de Poitiers], » soit des propres dud. constiiuant, qucsond. tilz et procureur adviscra. » (Page 639.) « De son côté, M« Pierre Descaries promet par la présente » employer tous les deniers qu'il touchera en l'acquit des rentes consti- » tuées des deniers deubz pour la composition de l'office de conseiller au » parlement de Bretaigne dudict M-^ Pierre Descartes, et de précompter » avec ses frère et sœur, René et Jehanne Descartes, sur les successions de » ses ayeulles, mère et tante, ce qui proviendra de la vente de leurs biens, » et le surplus des autres deniers les rapporter après le dcceds dudict » sieur constituant au partage de ce qui se fera de sa succession, entre M ledict procureur, René et Joachim, Jehanne et Anne Descartes, ses frères » et sœurs. . . » (Page 640.)

En vertu de cette procuration, Pierre Descartes vendit, le 10 décembre 1618, « étant présent à Chàtellerault. . ., le lieu, maison, mestairie des » Chappaudières, en la paroisse de Targé, Pouthumé et les environs, » consistant en loges, grange, estables, chesnevierres, vignes, prés, bois » de haute futaie, taillis, terres labourables, non labourables, avec les » terres sises au-dessous de Bcauregard, près de la ville de Chàtellerault, » et les terres du Charrau. . . » Prix, 2.5oo livres tournois. (Page 639.)

L'année sviivante, toujours en vertu de la même. procuration, Pierre Descartes se dessaisit d'une rente, acte du 7 octobre 1619. A remarquer que, dans ce dernier acte, son père et lui sont tous deux qualifiés d'escuyers. (Pages 640-641.)

Ici s'intercalerait l'obligation contractée par notre philosophe envers son aîné, Pierre Descartes, à Rennes, le 3 avril 1622, ainsi que la lettre d'atfaires à son père, du 22 mai suivant. (Tome I, p. i-3.)

Enfin voici une autre pièce, qui date de son retour d'Italie : « 27 juillet » 1625. — Procuration de René Descartes, escuier, sieur du Perron, » estant et demeurant de présent en cestc ville de Chastellcrault, logé au » logis de Sainct André, à .lehan Coûtant, sergent royal, à l'eH'et d'atfer- » mer. . . les métairies de la Brctallière, la Braguerie, la Durandièrc et le » Coudray, le fief de Mombaudon et la Parentière dans la paroisse de » Leigné-sur-Usscau à l'exception des rentes general/:s çt du bois de » Mondidier. » (A. Barbikr, Société Antiquaires Ouest, t VIII, 1901, p. 562.)

a. Voir ci-avant, p. i4-i5, note. Et t. VI, p. 9, I. 4-7.

�� � séjour en Hollande, il se fit appeler M. du Perron : les lettres pour lui, que nous avons de cette période, ne portent point d’autre adresse[16]. Le Perron était un petit fief du Poitou, qui lui venait de sa grand’tante, dame d’Archangé[17]. De même son aîné, Pierre Descartes, s’appela du nom d’un autre fief, M. de la Bretaillère. Plus tard, lorsque notre philosophe fut connu sous le nom de Descartes simplement (encore écrivait-on et imprimait-on M. des Cartes, en deux mots), on se souvenait toujours de cette première appellation ; lui-même l’employait encore, dans ses réclamations au « Magistrat » d’Utrecht en 1643[18] ; et elle reparaît dans le médaillon que Schooten dessina en 1644 : Perronij toparcha ; mais Descartes défendit de le publier, ayant, dit-il alors, toutes sortes de titres en aversion[19].

Combien dura ce premier séjour en Hollande ? Le journal de Beeckman, nous donne deux dates extrêmes : le 29 avril 1619, Descartes s’embarqua à Amsterdam pour quitter la Hollande ; le 10 novembre 1618, avait eu lieu sa première rencontre avec Beeckman à Bréda[20]. Descartes ne faisait-il que d’arriver en cette ville, ou bien s’y trouvait-il depuis quelque temps déjà ? On ne sait pas. Un texte postérieur, et assez sujet à caution, parle bien d’un séjour de quinze mois à Bréda[21] ; Descartes serait parti pour la Hollande en janvier 1618, ou même décembre 1617, ce qui est un peu tôt et surtout à une saison bien peu favorables[22]. Il se mit en route probablement l’été de 1618 et par la voie de terre, ce semble, plutôt que par mer : en janvier 1619, il se félicite d’avoir bien supporté une petite traversée, la première qu’il ait faite en bateau[23] ; c’était pour venir à Middelbourg, voir son ami Beeckman.

Le fait capital de ces cinq mois, novembre 1618 jusqu’en avril 1619, fut certainement cette amitié[24]. On savait déjà que le premier ouvrage de Descartes, Compendium Musicæ, signé et daté de Bréda, 31 décembre 1618, était dédié à Isaac Beeckman[25]. On savait aussi que plus tard leur amitié avait subi une éclipse, sauf à reparaître cependant, bien qu’avec quelques nuages. Mais on ignorait l’aube de cette amitié, et ce qu’elle était dans son premier feu. En 1618, Beeckman avait trente ans, et n’était pas encore le principal du collège de Dordrecht, c’est-à-dire un personnage ; il ne le devint qu’en 1627, après divers emplois à Utrecht et à Rotterdam. C’était simplement un docteur en médecine, et il avait été chercher ce grade en France, le 6 septembre 1618, près de l’Université de Caen : raison de plus de se lier avec un jeune Français, curieux comme lui des sciences de la nature. D’autre part, ce fut une bonne fortune pour notre philosophe, isolé et comme perdu parmi des gens de guerre, de rencontrer, dans le désœuvrement de la vie de garnison, un compagnon d’études, à qui il pût confier ses idées, ses recherches et déjà même ses découvertes. « Je m’endormais et vous m’avez réveillé », dira-t-il à Beeckman[26]. Celui-ci, en effet, par des conversations quotidiennes et d’amicales discussions, empêcha le jeune soldat de céder à la torpeur du milieu et de s’engourdir intellectuellement : il fut pour son esprit comme un agent excitateur. Sans aller jusqu’à dire que nous devons Descartes à Beeckman, celui-ci lui tint lieu un moment de frère aîné, l’aida à se développer, à prendre conscience de lui-même et aussi confiance en lui-même. Tous deux à certains égards se ressemblaient. Descartes ne se donnait pas encore comme un philosophe, ni même comme un physicien, du moins à l’ancienne mode, et pas davantage comme un pur mathématicien ; mais, et c’était là son originalité, il étudiait les mathématiques pour leurs applications à la physique, et d’autre part la physique pour la ramener aux mathématiques ; c’était un physicien-mathématicien et réciproquement, et Beeckman se flattait d’avoir justement cette même tournure d’esprit[27]. On peut dire que, de son côté, il devina Descartes. Le volumineux manuscrit qu’on a retrouvé à Middelbourg, révèle en lui un savant universel, d’ailleurs assez confus, comme Mersenne ; il y a noté, au jour le jour, tout ce qui lui paraissait digne d’être conservé pour son instruction. Or il ne pouvait pas savoir, en 1618-1619, que ce volontaire de vingt-deux à vingt-trois deviendrait plus tard un grand philosophe ; il ne le saura même pas en 1628-1629. Et cependant, il se remémore leurs entretiens, il les rédige aussitôt, il lui demande en communication ses écrits, quelques pages sur la chute des corps, sur l’équilibre des liqueurs, et sur ses inventions algébriques[28]. Il a le sentiment très net de se trouver en présence d’un esprit supérieur ; et ceci fait l’éloge de tous deux, de Beeckman autant que de Descartes lui-même.

Celui-ci quitta la Hollande en avril 169. Où alla-t-il ? S’il faut en croire ses propres déclarations et les lettres de Beeckman, il devait s’embarquer le 29 à Amsterdam pour Copenhague. De là il se serait rendu à Dantzig ; puis par la Pologne et la Hongrie, il aurait gagné l’Autriche et la Bohême[29]. C’était un grand détour ; mais il voulait éviter le trajet direct par le Palatinat et la Bavière : on était à la veille de la guerre de Trente ans, et les mouvements de troupes en ces parages rendaient les routes peu sûres. Toutefois, au dernier moment, il parait s’être ravisé, et avoir pris quand même le chemin le plus court. Nous savons en effet par lui, qu’il se trouva en Allemagne pour les fêtes du couronnement de l’empereur Ferdinand[30] : ces fêtes eurent lieu à Francfort, du 20 juillet au 9 septembre 1619. Or, du mois d’avril au mois d’août, aurait-il eu le temps de faire ce long voyage de Danemark, Pologne, Hongrie, etc. ?

Après le couronnement, il s’arrêta l’hiver en un quartier, où loin de toute distraction et même de toute conversation, enfermé comme il dit dans un poèle[31], (c’est-à-dire la chambre la mieux chauffée, où l’on se tenait dans les maisons allemandes), ses idées se fixèrent définitivement. Quel est exactement l’endroit ? On n’en sait rien. Aux environs d’Ulm peut-être, et dans quelque village, plutôt qu’à Ulm même. Cette grande ville se trouvait sur la route qui va de Francfort à Vienne : ville impériale, et place d’armes de premier ordre, avec une école d’ingénieurs, donc un centre d’études mathématiques, lesquelles, en effet, sont nécessaires pour les fortifications et l’art de dresser un camp. C’est d’Ulm que nous viennent les mathématiciens, disait-on dans les Universités de Leipzig et de Wittemberg : d’Ulm, et aussi de la cité voisine et rivale, Nuremberg[32]. Justement en ces années deux noms brillaient d’un certain éclat : Peter Roth ou Roten à Nuremberg, et Johann Faulhaber à Ulm. Descartes les cite l’un et l’autre, dans son Parnassus, opuscule de 1619[33]. Roth, il est vrai, était mort en 1617 ; et son principal ouvrage, dont le titre est mentionné par notre philosophe, date de 1604, Arithmetica philosophica. Descartes en eut sans doute connaissance par Faulhaber, qui était lui-même au plus fort de sa production scientifique. Quelques-unes des questions dont il s’occupait, se retrouvent dans des écrits de Descartes en ce temps-là : De solidorum elementis[34].

Mais, et ce serait là le point intéressant, Faulhaber était affilié aux Rose-Croix, et il dut en parler à Descartes, ou celui-ci dut s’en enquérir auprès de lui. Descartes s’en défendit, il est vrai, plus tard ; et Baillet, qui tient à le disculper entièrement à ce sujet, cite une phrase du Studium bonæ mentis, la seule phrase qui en ait été conservée[35], où le philosophe déclare qu’il ne savait rien de cette société secrète. « Rien du tout », traduit Baillet ; mais Descartes avait dit seulement « rien de certain », necdum… quidquam certi. Et il avait eu la curiosité, autrefois, de jeter au moins un coup d’œil sur les livres d’Alchimie, d’Astrologie et de Magie[36]. En outre, le peu qu’on sait des règles prescrites aux confrères de la Rose-Croix, s’accorde singulièrement avec certaines particularités de la vie de notre philosophe : exercice gratuit de la médecine, science occulte mise au service de l’humanité souffrante[37]. Enfin (ce n’est là, sans doute, qu’une coïncidence), son cachet, avec les deux initiales entrelacées R et C (René des Cartes), se trouvait être précisément le sceau de la Confrérie des Rose-Croix. Mais à Paris et en Hollande même, on lui eût fait un crime d’y être affilié, et nous comprenons qu’avec son habituelle prudence il ait repoussé loin de lui pareille imputation.

Est-ce en 1619 ou 1620, avant ou après cette réclusion Période de Jeunesse. 49

volontaire dans un poêle, qu'il vit Faulhaber ? Plutôt avant, semble-t-il, donc en septembre ou octobre 161 9 ; car il n'at- tendit pas la fin de l'hiver" pour se remettre en route, et gagner enfin l'Autriche et la Bohême. Mais le début de cette réclusion fut marqué par un événement capital, et qui fait époque dans la vie de notre philosophe. Il le jugea tel lui- même, puisqu'il le rapporte tout au long, et en fait presque le principal objet de son opuscule Olympien . Il s'agit de trois songes successifs qu'il eut dans la même nuit, ou plutôt d'un songe en trois parties, qui lui parut envoyé du Ciel même ou de l'Olympe. En effet, au-dessus de la région des choses sensibles, choses d'expérience, Expérimenta ; au-dessus de la région des choses intellectuelles, ou région des Muses, Parnassus : se trouve la région supérieure des choses divines, Olympica ". Le ferme esprit qu'était cependant Descartes, n'avait pas su se garder ici de l'enthousiasme, comme le note- ront sans indulgence Huygens et Leibniz**; et malgré soi, on pense aux illuminés et aux Rose-Croix. Le philosophe, mani- festement, eut un accès ou une crise de mysticisme, condition peut-être de toute grande découverte : il faut que l'homme soit soulevé hors de soi, au-dessus de soi, pour avoir une vision nouvelle de la vérité. Un songe ainsi interprété devenait comme un ordre divin de prendre enfin parti.

Quod vitœ sectabor iter ?

lisait Descartes dans son recueil de poètes, ouvert à une

a. Tome VI, p. 28, 1. 23-24.

b. TomeX, p. 179-188.

c. Ibid., p. 189-190 (Expérimenta), p. 213-248 (Parnaffus ? passim), p. 179-188 {Olympica).

d. « Cet endrort [remarque Huygens) où il raconte comment il avoit » le cerveau trop échauffé «& capable de vifions, & fon vœu à Notre- » Dame de Loretta, marque une grande faiblesse, & je crois qu'elle » paroîtra telle mefmc aux catholiques qui fe font défait de la bigoterie. » (Remarques sur l'ouvrage de Baillet, pp. Victor Cousin, Fragments philo- sophiques, i. II, p. i58, Paris, Ladrange, 3» édit., i838.)

Vie dk Dkscartks. 7

�� � page d’Ausone^ Et il obéit à cette injonction mystérieuse, semblable à un oracle des livres sybillins. En même temps, pour remercier le Ciel de cette faveur insigne, l’ancien élève des Jésuites, se souvenant de sa dévotion à la Vierge, fit vœu d’aller en pèlerinage au sanctuaire d’Italie le plus révéré alors de tous les catholiques, Notre-Dame de Lorette,

Nous avons la date de ce songe singulier : lo Novembre 1619 ’°. Cette même date reparaît encore ailleurs, avec une mention nouvelle ; Descartes vient de trouver les fondements d’une science admirable : X Novembris i6ig, cùm mirabilis scientice fundamenta reperirem <=. . . Le texte s’arrête là, malheureusement, et ne nous dit pas quelle était cette science : nous en sommes donc réduits, une fois de plus, aux conjectures.

Peut-être était-ce simplement la solution très générale d’un problème, solution qui vaudrait pour tous les problèmes du même genre ? Si l’on en croit Lipstorp, Descartes aurait fait part à Faulhaber d’une telle invention précisément, sans qu’on sache quel était le problème. Mais peut-être s’agissait-il aussi de tout autre chose. Nous n’avons que l’embarras du choix : mathématique universelle, ou bien réforme de l’algèbre, ou bien expression de toutes les quantités par des lignes, et des lignes elles-mêmes par des caractères algébriques, voilà autant d’inventions vraiment admirables, qui toutes peuvent être datées de cet hiver 1619-1620.

Commençons par la Mathématique universelle ^. L’idée était ancienne : elle remonte jusqu’aux Pythagoriciens, qui comptaient quatre sciences mathématiques, la Géométrie, l’Arithmétique, l’Astronomie et la Musique ; c’est la quadruple division qui reparaît au moyen âge sous le nom de quadriinum. A ces

a. Tome X, p. i83 et p. 216. Voir ci-avant, p. 21.

b. Ibid., p. 181 et 216. Voir aussi p. 179.

c. Mêmes textes.

d. Tome X, p. 377, 1. 9, à p. 378, Lu: Regulce &c., iv. Tout ce développemeat est résumé dans une phrase du Discours de la Méthode, t. VI, p. 19, 1. 29, à p. 20, 1. 10. quatre sciences s’en ajouta une cinquième, l’Optique, qui prit rang parmi les mathématiques, et même une sixième, la Mécanique, enfin beaucoup d’autres encore, dit Descartes sans les nommer ". On voyait bien les différences entre ces sciences, puisqu’elles étudiaient ici les figures et là les nombres, ou bien les astres, ou les sons. On voyait moins leur ressemblance, et Descartes fut le premier à la déterminer. Toutes considèrent dans leurs objets une même chose, à savoir des rapports de grandeur et des proportions : peu importe que ce soit entre des figures ou des nombres, entre les astres ou les sons. Mais ces proportions, susceptibles d’être exactement mesurées, ne peuvent-elles faire l’objet d’une science à part, supérieure aux cinq ou six autres, supérieure même à toutes, s’il est vrai qu’en toutes choses on peut considérer, comme dans les objets de ces sciences mathématiques, des rapports numériques et des proportions mesurables ? Ainsi se trouve constituée la Mathématique, qui n’est plus seulement le nom générique de plusieurs espèces de sciences, et comme leur étiquette ou leur désignation commune, sans autre objet que ceux de ces sciences elles-mêmes : elle a son objet propre, qui consiste dans les caractères communs, que l’on peut dégager des figures et des nombres, des astres et des sons. Descartes d’ailleurs, dans les mathématiques elles-mêmes, réduit tout à des proportions, comme pour en bien marquer l’unité, qui prépare leur universalité. La multiplication n’est que la recherche du quatrième terme d’une proportion; et la division, la recherche du troisième terme. Les puissances successives d’un nombre peuvent aussi s’exprimer par une série continue de proportions : la racine étant moyenne proportionnelle entre l’unité et le carré; celui-ci eçtre la racine et le cube; le cube,

a. Tome X, p. 377, 1. 14-13 : « . . .Mechanica, aliaequecomplures. » Voir aussi Mersenne, La Vérité des Sciences, 1625 : « Les Pytagoriciens, grands amateurs du quaternaire, ne faifoient que 4 parties des Mathematiques : l’Aritmetique, la Géométrie, la Muſique & l’Aſtronomie,... voyla le quadriuium Pythagorique. » (Page 232.) 5 2 Vie de Descartes.

entre le carré et le bi-carré, etc. S Mathématique universelle, ou science des proportions, voilà donc une première invention de Descartes, et qui suffirait à expliquer son enthousiasme.

Voici maintenant une autre invention, non moins impor- tante. L'Algèbre semblait tenir lieu déjà de cette Mathéma- tique universelle. Mais en l'état où elle se trouvait encore, Descartes n'y voit qu'un « art confus et obscur », dit-il, et non pas une science. Il lui fait surtout deux reproches". D'abord elle emploie des nombres, qu'elle multiplie les uns par les autres ou chacun d'eux par lui-même, de sorte que les pro- duits subsistent seuls dans les équations, sans qu'on puisse en démêler les facteurs : ainsi 225 se trouve être finalement la somme de 144 et de 8i, nombres qui sont eux-mêmes les carrés de 12 et de 9, et 225 d'autre part est le carré de i5 : à pre- mière vue, qui s'en douterait? Ensuite l'algèbre, pour exprimer les puissances d'un nombre, racine, carré, cube, etc., se sert d'un « chiflPre », au sens cabalistique du mot, lequel chiflFre consiste en caractères ou signes, ou figures, ou lettres même, qui n'expliquent point ces puissances, c'est-à-dire qui ne les rendent pas manifestes aux yeux, mais qui les dissimulent au contraire et les masquent, et empêchent qu'on puisse les addi- tionner ou soustraire aisément : ainsi la racine, le carré (quarré), le cube, s'exprimaient par les lettres initiales, R, Q, C, ou par des caractères dits cossiques, ^. ^, Ct, dont Descartes lui-même se servait encore cette année 1619 A ce double défaut, qui entrave l'algèbre et arrête ses progrès, il

a. Tome X, p. 384-387 et p. 463-464. Voir aussi le commencement de la Géométrie: t. VI, p. 369-370.

b. Tome VI, p. 18, 1. i-5 : « on s'eft tellement affuieti à certaines » reigles & à certains chiffres, qu'on en a fait vn art confus & obfcur. » La traduction latine, revue par Descanes, donne, ibid., p. 549 : « Alge- » bram verè, ut folet doceri, certis regulis & numerandi formulis ita effe » contentam. . . « 

c. Tome X, p. 377, 1. 5-j : « fi tantùm multiplicibus numeris & inexpli- » cabilibus figuris, quibus obruitur, ita poffit e.xfolvi... » On interprète ici multiplicibus et inexplicabilibus.

�� � Période de Jeunesse. ^i

apporte un double remède. D'abord toutes les quantités, connues et inconnues, seront désignées par des lettres de l'alphabet, les quantités connues par les premières lettres, a, b, c, minuscules, au lieu de nombres; les inconnues, par les mêmes lettres majuscules. A, B, C : il dira plus tard, et ce sera un nouveau progrès, par les dernières lettres de l'alpha- bet, Xj y, i^. Ainsi les quantités sur lesquelles on opère, demeureront toujours distinctes, et les facteurs d'un produit, par e.xemple, continueront d'apparaître dans le produit lui- même : si a et ^ désignent 3 et 4, on aura ab au lieu de 12, etc. D'autre part. Descartes renonce aux lettres, R, Q, C, et de même aux caractères cossiques, 2£, J, Ct, pour désigner les puissances. II les remplace par des nombres, 2,3, etc., qu'on employait déjà comme exposants ; seulement on les écrivait au-dessus des lettres précédentes ou des caractères cossiques, qu'ils désignaient, et qui se trouvaient ainsi faire double emploi : Descartes supprime lettres et caractères comme inutiles, et conserve leur désignation, qui prend place désormais après les quantités, connues et inconnues, a, b, c... et x,y, {, élevées au carré, au cube, etc., et qu'on écrit soit sur la même ligne a2,b3, soit un peu au-dessus x^,y\ Par exemple, i R, plus 4 Q, moins 7CC, qui s'écrivait aussi Pi 2g. P4S'. MyCC, deviendra tout simplement x + 4X- — 7jc\ Et cette double réforme de l'algèbre, ou si l'on veut, du langage algébrique, peut se résumer ainsi : remplacer dans les équa- tions les nombres par des lettres [a, b, c, . . . x, y, i), et inver- sement remplacer par des nombres les lettres ou figures ou caractères (R, Q, C, ou %, J, ft-O dont on se servait. Cette seconde invention n'était-elle pas admirable autant que la première ?

a. Tome X, p. 455, 1. 10-12, et p. 462, note b. Voir la Géométrie, t. VI, p. 372-376. Cette seule différence suffirait à établir l'antériorité des Regulce par rapport à toute la publication de lôSj.

b. Descartes s'en servait encore en 1619. Voir t. X, p. 1 34-1 56. Mais sa réforme est indiquée dans les Regulce, t. X, p. 433.

�� � C4 Vie de Descartes.

Enfin voici encore une troisième et une quatrième inven- tion. Par sa réforme de l'algèbre, Descartes avait perfectionné l'instrument de la science ; par sa Mathématique universelle, il avait indiqué nettement l'objet auquel on doit l'appliquer. Mais entre les deux subsistait comme un hiatus, qu'il va combler de la façon suivante. D'abord, toutes les quantités entre lesquelles existent des relations numériques et des pro- portions, peuvent être exprimées par des lignes. Descartes le dit en propres termes, dans le Discours de la Méthode, et il insiste dans la traduction latine ; il le redit plus explicitement dans la Géométrie; il l'avait dit déjà dans les Regulœ^. Et c'est toute la Science de la nature, ou toute la Physique, ramenée à la Géométrie. En outre, toutes ces lignes qui expriment des quantités, peuvent être exprimées à leur tour par des lettres a, b, c, et X, y, {, comme nous avons vu tout à l'heure, et prendront place ainsi dans des équations. Cette fois, c'est toute la Géométrie elle-même ramenée à l'Algèbre.

La Science forme ainsi comme un tout complet. Au-dessus de la Physique, la Géométrie, qui la domine et la dépasse, et par là-même l'absorbe ; au-dessus de la Géométrie, l'Al- gèbre, qui fait de même. On s'élève ainsi à une généralité de plus en plus haute et de plus en plus étendue. Et si l'on redes- cend, en sens inverse, les formules algébriques peuvent s'ex-

a. Re'gulce, t. X, p. 413-414, p. 430-451, p. 454-455 et p. 464-467. Voir aussi Discours, t. VI, p. 20, 1. 10-18 : « pour les confiderer mieux en » particulier, ie les deuois fuppofer en des lignes, r La traduction latine ajoute, ibid., p. 55i : « ...in lineis reâis. » Voir enfin la Géométrie, même t. VI, p. 371-374.

b. Tome X, p. 458-459 : Réguler. — Tome VI, p. 371, 1. 6-20 : Géomé- trie. Et p. 20, 1. 18-21 : Discours. Dans ce dernier texte, le mot chiffre est pris dans un sens particulier : « il falloit que ie les expliquaffe par » quelques chiffres, les plus courts qu'il feroit poffible. » La traduction latine donne, ibid., p. 55 1 : « fi eafdeni characleribus five notis quibul- ^) dam quàm breviffimis fieri poffet defignarem. » Le même mot latin se trouvait déjà dans les Regulce, t. X, p. 455, 1. lo-i i : « . . .vtemur cha- » ra£teribus a, b, c, &c., ad magnitudines . . .exprimendas. » Donc chiffres veut dire ici lettres, telles qu'on les emploie en algèbre.

�� � primer en telles et telles lignes ou figures, moins générales, mais visibles aux yeux ; et les lignes ou figures géométriques peuvent se traduire par des rapports entre les choses elles-mêmes qui sont encore plus particulières et concrètes, comme toujours est le réel. C’est ainsi un va-et-vient continu entre les conceptions de l’esprit ou les idées et les choses, les unes répandant sur les autres leur vérité, et celles-ci leur communiquant en retour la réalité.

Laquelle de ces trois ou quatre inventions vint à l’esprit de Descartes, le 10 novembre 1619 : on ne saurait le dire. Mais l’ensemble qu’elles constituent, remonte à ce temps-là, puisqu’il employa les neuf années qui suivirent, à s’exercer en cette science et avec cette méthode[38]. L’hiver de 1619-1620 marque donc la date décisive, et le point culminant de la vie intellectuelle du philosophe : d’un bond il s’est élevé au sommet d’où, comme à la lueur d’un éclair, toute l’étendue à parcourir désormais apparut un moment à ses yeux éblouis.

Ces inventions, en effet, sont bien de celles qui jaillissent tout à coup dans l’esprit, comme un trait de lumière, à la suite d’un long travail antérieur, et dont l’apparition produit une sorte d’éblouissement. Il n’en pouvait être de même des quatre préceptes de logique, adoptés aussi à ce moment par Descartes dans son poêle[39]. Il n’a pas eu à les inventer ; il les trouvait déjà, plus ou moins formulés, dans la plupart des traités. Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, qu’on ne la connût évidemment être telle ; diviser chacune des difficultés qu’on aurait à résoudre ; les examiner par ordre, en allant du simple au composé ; et revenir sans cesse sur ce qu’on a étudié, afin d’être bien sûr de n’avoir rien omis : voilà, certes, qui n’était pas nouveau, en effet, et c’est ce qu’avaient fait de tout temps, qu’ils s’en rendissent compte ou non, tous les vrais savants. Mais la nouveauté, et elle était grande, consistait à démêler ces quelques préceptes parmi tant d’autres, à les mettre à part, à les proclamer nécessaires et suffisants, capables de constituer à eux seuls une logique complète. Il fallait pour cela le coup d’œil du génie, et Descartes l’avait incontestablement.

Toutefois ces préceptes ont eu peut-être dans l’esprit de notre philosophe, à la date où nous sommes de 1619, une portée moindre, quoique très étendue encore, qu’on ne croirait à les lire dans le Discours de la Méthode en 1637. En effet, dans un écrit antérieur, qui est peut-être de 1628, les Regulæ ad directionem ingenii, où Descartes semble résumer ses travaux depuis 1619, il s’était fait des règles appropriées, et ce sont les mêmes que celles du Discours[40] Elles en ont bien d’avance, si l’on veut, la généralité, c’est-à-dire l’extension à toutes sortes de matières ; néanmoins, on voit qu’elles sont faites surtout et d’abord pour cette science des proportions, pour cette mathématique universelle, qui semble avoir été alors l’idée dominante du philosophe.

Le premier effet de cette méthode devait être, dans toutes les choses peu claires, la suspension du jugement, le doute. Mais cet état d’esprit, utile sans doute et même nécessaire au début de la recherche scientifique, serait nuisible et en fait impossible dans la vie courante. Là, il faut se décider, et promptement ; il faut agir. Primò vivere, deinde philosophari, disait-on jadis. Descartes fait une nouvelle application de ce vieil adage. Mais ici encore un petit nombre de maximes, trois ou quatre, lui suffiront ; et dès la fin de 1619, qui décidément fait à tous égards époque dans sa vie, son choix sera fait[41].

Né Français et catholique, il vivra en conséquence, sans prétendre rien innover ni en politique ni en religion : voilà pour le dehors. Quant à sa vie intérieure, il sera ferme et résolu, il saura prendre parti, après réflexion, et n’aura ensuite, quoi qu’il arrive, ni regret ni remords. Pour le reste, acceptation pure et simple des événements, indifférence même à leur égard : à quoi bon nous mettre en peine de ce qui ne dépend pas de nous ?

Ces deux dernières maximes rappellent la sagesse stoïque, tandis que la première serait plutôt épicurienne, sans que Descartes d’ailleurs songe à les concilier. C’était assez l’usage des moralistes du temps, de prendre leur bien où ils le trouvaient, et de mettre à profit tout ce qui leur paraissait bon dans l’héritage de l’antiquité. D’abord Descartes parle un peu comme Montaigne, et ses protestations de respect à l’égard de la religion de son pays, toutes sincères qu’elles soient, ne doivent pas nous en imposer. En ce temps-là, les plus enclins au scepticisme, en parole et en pensée, se montraient, dans leurs actions, chrétiens et catholiques comme tout le monde, et la philosophie sceptique qu’enseignera, par exemple, un Charron ou un La Mothe le Vayer, sera une sceptique « chrétienne ». En outre, le christianisme de Descartes, soigneusement mis à part dans la première maxime, se trouve accompagné de deux autres maximes, qui n’ont plus rien de chrétien : l’acceptation raisonnable de l’ordre du monde n’est pas, tant s’en faut, la soumission filiale à la volonté d’un Dieu, père de tous les hommes ; quant à la confiance en soi-même, en soi tout seul, dont témoigne cette fermeté et résolution qu’il prend pour la vertu, et quant au mépris de tout remords comme inutile ensuite, ce sont là des choses qui jurent par trop avec l’humilité prêchée par l’Évangile. C’est l’homme de la nature qui parle sur ce ton, non sans noblesse d’ailleurs, mais sans aucun besoin ni souci de la grâce divine ; c’est le philosophe païen, fidèle à l’esprit de l’antiquité et de la renaissance.

Mais voici qui est plus grave encore. Descartes réserve pour la fin une quatrième maxime, toute personnelle, il est vrai, qui lui enjoint d’employer sa vie à la recherche de la vérité. C’est à cette condition seule, que les trois autres maximes sont acceptées de lui provisoirement[42]. Mais alors le caractère de ces trois maximes en est tout changé : elles n’expriment plus la vérité absolue, la règle de conduite immuable, que l’homme doit suivre en tout temps, en tout lieu. Elles énoncent seulement ce qu’il est préférable de faire pour le moment, dans l’état actuel de nos connaissances, et en attendant mieux. Ce mieux, la science un jour le fera connaître : la morale future, morale définitive cette fois, sera fondée sur la vérité scientifique. Les conséquences de la quatrième maxime ainsi comprise, ont une portée incalculable : christianisme et stoïcisme, philosophie et religion, la foi et la raison même, telles qu’on les entendait jusqu’alors, perdent leur caractère absolu ; elles se trouvent entachées de relativité, et comme frappées de déchéance : elles deviennent quelque chose de provisoire, répétons-le, et par suite de précaire, destiné finalement à disparaître à la lumière de la science. Descartes retient momentanément, pour sa commodité particulière, ce qui lui paraît se recommander le plus dans le patrimoine des doctrines religieuses ou morales de son siècle ; mais c’est là le passé, dont il faut bien que le présent s’accommode, et le meilleur de son esprit est résolument tourné vers l’avenir.

  1. Tome VI, p. 11, l. 3 et suiv. ; p. 28, l. 24, etc. ; p. 30, l. 10-14.
  2. Tome X, p. 17-39.
  3. Baillet, après avoir parlé du départ de Mersenne, l’avent de 1614, continue ainsi :

    « Cette ſéparation toucha M. Deſcarte aſſez vivement. Mais au lieu de luy donner la penſée de retourner à ſes divertiſſemens & à ſon oiſiveté, elle le fit encore mieux rentrer en luy même, que la préſence de ſon vertueux ami, & luy inſpira la réſolution de ſe retirer du grand monde. & de renoncer même à ſes compagnies ordinaires, pour ſe remettre à l’étude qu’il avoit abandonnée. Il choiſit le lieu de ſa retraite dans le fauxbourg Saint-Germain, où il loüa une maiſon écartée du bruit, & s’y renferma avec un ou deux domeſtiques ſeulement, ſans en avertir ſes amis, ni ſes parens. » [En marge : Relat. MS. de M. Porlier.] (Baillet, t. I, p. 37-38.)

    « …M. Deſcartes avoit eu la prudence, au commencement de ſa retraite, de ſe précautionner contre les hazards de la rencontre, pour ne pas tomber entre les mains de ces Amis fâcheux qu’il vouloit éviter, toutes les fois qu’il étoit obligé de ſortir pour ſes beſoins. La choſe ne luy réüſſit point mal pendant l’eſpace de deux années. Mais il ſe repoſa dans la ſuite avec un peu trop d’aſſurance ſur le bonheur de ſa ſolitude, & ne veillant plus ſur ſa route & ſes détours avec la même précaution qu’auparavant, lorſqu’il alloit dans les ruës, il fut rencontré par un de ſes anciens amis qui ne voulut pas le quitter, qu’il ne luy eût découvert ſa demeure. [En marge : Rél. de Porl., etc.] Il en coûta la liberté, pour ne rien dire de plus, à M. Deſcartes. L’ami fit ſi bien, par ſes viſites réitérées & par ſes importunitez, qu’il vint à bout de troubler prémiérement ſa retraite & ſon repos, & de le déterrer en ſuite tout de bon de ſa chére ſolitude pour le remener dans le monde, & le replonger dans les occaſions de divertiſſement comme auparavant. »

    « Mais il s’apperçut bientôt qu’il avoit changé de goût pour les plaiſirs. Les jeux & les promenades n’avoient plus pour luy les mêmes attraits qu’auparavant ; & les enchantemens des voluptez ne purent agir en luy que trés-foiblement contre les charmes de la Philoſophie & des Mathématiques, dont ces amis de joie ne purent le délivrer. Ils luy firent paſſer les fêtes de Noël, & le commencement de l’année ſuivante [en marge : 1617] juſqu’aux jours gras, le moins triſtement qu’il leur fut poſſible. Mais ils ne purent luy faire ſentir d’autres douceurs que celles de la Muſique, aux concerts de laquelle il ne pouvoit être inſenſible avec la connoiſſance qu’il avoit des Mathématiques. » (Ibid., t. I, p. 38-39.)

  4. Baillet, t. I, p. 36-37.
  5. Marin Mersenne naquit le 8 septembre i388, au bourg d’Oizé, dans le pays du Maine (à 21 kilom. de La Flèche et à 26 du Mans). Voir La Vie du R. P. Marin Mersenne, Theologien, Philosophe & Mathématicien, de l’Ordre des Pères Minimes, par F. H. D. C. (Frère Hilarion de Coste.) Paris, Cramoisy, 1644. Réimprimée par Tamizey de Larroque, Paris, Picard, 1894.
  6. Baillet, t. I, p. 38. Ajoutons aussi que Joachim Descartes le père pouvait avoir à Paris des amis à qui il aurait confié son jeune fils. Lui-même avait habité Paris en sa jeunesse : il était avocat au Parlement de Paris, lorsqu'il obtint en 1585 ses lettres de provision pour un office de conseiller au Parlement de Bretagne. (Ropartz, p. 9.)
  7. F. Marini Mersenni, Ordinis Minimorum S. Francisci de Paula, Quæstiones celeberrimœ in Genesim. In hoc volumine. Athei & Deistæ impugnantur & expugnantur, & Vulgata editio ab hæreticorum calumniis vindicatur. Græcorum & Hebræorum Musica instauratur . Francisci Georgii Veneti Cabalistica Dogmata fuse refelluntur, quæ passim in illius problematibus habentur. Opus Theologis, Philosophis, Medicis, Jurisconsultis, Mathematicis, Musicis verò, & Catoptricis præsertim utile. (Lutetiae Parisiorum, Seb. Cramoisy, M. DC. XXIII.) Achevé d'imprimer, 1er fév. 1623. La première partie de cet énorme in-folio : Quæstiones ... comprend 1915 pages; et la seconde : Francisci Georgii..., 489 pages : en tout 2354.
  8. Baillet, t. I, p. 36-37. Mersenne, dans ses Quæstiones etc., parle aussi de Mydorge, à propos des miroirs, c. si-xvii, p. 498-338. Ce qu'il dit de lui est remarquable, à cette date de 1623 ou déjà 1622 : « ... D. Mydorgius, alter quoad specula Proclus aut Archimedes », p. 500, en marge. Et dans le texte : « ...D. Mydorgium, Fisei gallici apud Ambianos præfectum, hujus seculi praestantissimum Mathematicum, omnia speculorum arcana hactenus inaudita brevi aperturum, mihique amicissimum... » Et plus loin : « Qui plura de loco imaginis voluerit, consulat Keplerum in Paralip. ad Vitellion., vel D. Mydorgii doctissimas demonstrationes expectet, &, si potest, in lucem advocet. » (Page 506.).
  9. A vrai dire, les statuts de la Compagnie de Jésus s’y opposaient : « Medicinæ & legum ſtudium, ut à noſtro Inſtitutô magis remotum, in Univerſitatibus Socictatis vel non tractabitur, vel ſaltem Societas per ſe id oneris non ſuſcipict. — Tractabitur Logica, Phyſica, Metaphyſica, Moralis ſcientia & etiam Mathematicæ, quatenus tamen ad ſinem nobis propoſitum conveniunt. » (Conſt. S.J., IV, 12. — Declar. in cap. 12.) Toutefois Henri IV désirait que la Jurisprudence et le Droit fussent enseignés à La Flèche, comme à l’Université de Pont-à-Mousson. On lui objecta le statut de la Compagnie. Il remit à plus tard la fondation de ces deux cours ; mais la mon le surprit auparavant. (Rochemonteix, t. I, p. 56-59) Que se passa-t-il ensuite ? Au moins nous savons qu’il y avait à La Flèche, du temps de Descartes, un médecin, entendez par là non seulement un praticien, mais un savant qui pouvait enseigner l’anatomie. Plus tard noire philosophe s’en souviendra, et lui fera demander ses objections au mouvement du cœur. (Tome I, p. 561, l. 20-24.)
  10. Ropartz, p. 54.
  11. Ce qui ferait croire que Descartes ne vint pas seulement à Poitiers pour ses examens, les 9 et 10 nov. 1616, et qu’il y séjourna quelque temps comme étudiant, c’est ce baptême du 21 mai 1616, où il fut parrain de l’enfant d’un tailleur chez qui il avait une chambre en location. (Barbier, Société Antiquaires Ouest, 1901, p. 554.)
  12. « Nobilis Vir Dominus Renatus Deſcartes, Dioceſis Pictavienſis, creatus ſuit baccalaureus in utroque jure, die nona, & licentiatus in eiſdem canonico & civili juribus, die décima Menſis Novembris, anno Domini milleſimo fſexcenteſimo decimo ſexto. Examinatus ad 40 Theſes de teſtamentis ordinandis in utroque jure. Pure & ſimpliciter de juſtitia & jure. Et laudetur. A de la Dugnie. » (Bibliothèque de Niort, MS. 35, fol. 12 v.)
  13. « Nobilis Vir Dominus Petrus Deſcartes, Diæcefis Pictavienſis, creatus ſuit baccalaureus in utroque jure, die ſeptima, & licenciatus in eiſdem canonico & civili juribus, die octava Menſis Auguſti. anno Domini milleſimo ſexeenteſimo decimo tertio. Examinatus ad L. II & t. 55 de Rébus cred., & ad caput antigones de Pactis, etc. Pure & ſimpliciter de juſtitia & jure. Et laudetur. A. Gautier. » (Mémoires Antiquaires Ouest, t. XXXII, p. 78.)
  14. Nous avons vu, p. 11, note, que Pierre Descartes fut installé en cette qualité le 10 avril 1618.
  15. Anecdote rapportée par Balzac : Remarques ſur les deux ſonnets d’Vranie & de Job, c. VI, p. 331-332. (Socrate chreſtien, édit. in-12, 1661.) Maurice de Nassau mourut le 23 avril 1625. Balzac rapporte ses dernières paroles à un ministre protestant, qui l’exhortait de rendre quelque témoignage, avant de mourir, de la religion qu’il professait : « …Ie croy que deux & deux font quatre, & que quatre & quatre font huit. Monſieur tel (montrant du doigt vn mathematicien qui eſtoit là preſent) vous pourra éclaircir des autres points de noſtre créance. » Balzac ajoute que ce prince cependant « ne manquoit pas des vertus morales. Il ne iuroii que Certes, & ne buvoit que de l’eau. Il eſtoit extrêmement reglé en tout ce qui paroiſſoit de luy au dehors. » (Ibid., p. 124-125.) Tallemant des Réaux raconte à peu près la même chose de Maurice de Nassau. (Historiettes, lviii, t. I, p. 131, 3e édit. Monmerqué.)
  16. Tome X, p. 60, 62, 63, et surtout p. 153, 160, 161, 164, 166, 169, et enfin p. 331.
  17. Acte du 27 mars 1607, p. p. Alfred Barbier : Bull. Soc. Ant. Ouest, t. VIII, 2e série, 1901, p. 626.
  18. Tome IV, p. 12-13 : lettre du 6 juillet 1643.
  19. Tome V, p. 338, l. 14-18 : lettre à Schooten, 9 avril 1649.
  20. Tome X, p. 46, et p. 165, l. 24.
  21. Ibid., p. 646.
  22. Le 3 décembre 1617, Descartes était encore à Sucé, près de Nantes. En mars et avril 1618, furent remplies les formalités de nomination de son frère aîné comme conseiller au Parlement de Rennes.
  23. Tome X, p. 158, l. 10.
  24. Ibid., p. 17-39. Tous les faits que nous ne faisons ici que résumer, se trouvent développés dans cette étude, chacun avec sa date et renvoi aux textes qui l’établissent. Voir aussi p. 47-51.
  25. Ibid., p. 141, l. 13-14. Voir aussi p. 82 et p. 83.
  26. Ibid., p. 151, l. 9, et p. 162, l. 18 : « deſidioſum excitaſti ».
  27. Tome X, p. 52 : Phyſico-Mathematici pauciſſimi.
  28. Ibid., p. 67-74, 75-78 et 154-156.
  29. Ibid., p. 162, l. 8-13. Lipstorp ne donne pas d’itinéraire, et parle assez confusément des pays visités :

    « …ſequentes annos variis peregrinationibus per Galliam, Belgium, Daniam, Germaniam, Italiam impendens. « (Specimina, 1653, p. 76.)

    « Interim ille erumpentibus in flammam belli igniculis inter Bavarum & Fredericum Bohemiæ Regem antea gliſcentibus, quæ proh dolor ! totam Germaniam fermé depopulata eſt, noluit amplius militiam ſequi, ſed renunciatâ ſide militari ad ulteriores peregrinationes animum adjecit, perque totam ſuperiorem Germaniam ad plagas Borealiores » progreſſus, Pomeraniam, Marchionatum Brandeburgenſem, Megapolin, Holſatiam, Daniam inviſit, & ex eâ in Bataviam ſolvens, per Belgium & Germaniam in Italiam conceſſit, perque eam rurſus in Galliam remeans Lutetiam Pariſiorum ſeſe contulit, ibique per integrum triennium commoratus… » (Specimina, p. 80.)

  30. Tome VI, p. 11, l. 4-7. Voir aussi Baillet, t. I, p. 54-59.
  31. Ibid., p. 11, l. 10-11.
  32. c. Ulmenses sunt Mathematici, dicton cité par L. F. Ofterdinger, p. 3 de son opuscule : Beiträge zur Geschichte der Mathematik in Ulm bis zur Mitte des XVIIten Jahr. (Ulm, 1867, s. 12.)
  33. Tome X, p. 242, 252-255 et 638. Faulhaber, né le 5 mai 1580, avait donc trente-neuf ans ; il était de seize ans plus âgé que Descartes.
  34. Ibid., p. 257-276.
  35. Ibid., p. 196 et 200.
  36. Tome VI, p. 9, l. 10-16.
  37. Tome X, p. 196.
  38. Tome VI, p. 29, l. 30-31, et p. 30, l. 10. — D’autre part, Chanut, dans l’épitaphe très étudiée qu’il composa pour Descartes, avec des renseignements qu’il tenait de sa bouche, dit en propres termes : « …in otiis hibernis Naturæ myſteria componens cum legibus Matheſeos, vtriuſque arcana eâdem clavi reſerari poſſe auſus eſt. » (Baillet, t. I,. p. 430.)
  39. Tome VI, p. 18, l. 16, à p. 19, l. 5.
  40. Tome X, p. 362, 366, 379, 381, 387.
  41. Tome VI, p. 22, l. 30 ; p. 24, l. 18 ; et p. 25, l. 20.
  42. Tome VI, p. 27, l. 21, à p. 28, l. 1.