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Vie et œuvres de Descartes/Livre II/Chapitre premier

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LIVRE II

��CHAPITRE PREMIER

EN HOLLANDE (1628- 1649)

��Descartes se trouvait encore en France, et plus exactement en Bretagne, au printemps de 1628'. Mai» l'automne de cette même année, il était en Hollande. 11 n'alla donc pas au siège de La Rochelle, si ce n'est pour une courte apparition, assez invraisemblable^ l'été de 1628. Cette place forte, dernier bou- levard de la rébellion des huguenots, se rendit à Louis XIII, le 3o octobre. Or le 8 du même mois, Beeckman note avec soin, sur son Journal, l'arrivée de Descartes à Dordrecht ^. Les deux

a. Tome I, p. Syi : lettre de Balzac, 3o mars 1628.

b. Tome X, p. 33 etp. 33i. — L'unique témoignage que Ton ait, que Descartes ait assisté au siège de La Rochelle, est celui de Pierre Borel, Carte/il Vitœ CompenJiunt, i656, p. 4 : «... & in obfidione RupeUenfi » aliifque militaribus aclionibus etiam voluntariè adfuii. » Cette phrase fait suite à deux autres que nous avons citées, p. 66, note a, et p. 60, note a. Dans ces dix à douze lignes, Borel a rassemblé les quatre sièges fameux de ce temps-là : Bréda (deux sièges), Gavi, La Rochelle, et ne manque pas de faire assister son héros à tous les quatre. Mais le fait est inexact pour Bréda, douteux pour Gavi, et après le renseignement de Beeckman, il parait inexact aussi pour La Rochelle. D'autant plus que les inexactitudes continuent dans le récit de Borel : voir notre t. I, p. 207.

�� � loo Vie de Descartes.

amis étaient heureux de se revoir, après une si longue absence, et de reprendre des relations qui allaient durer cette fois, puisque notre philosophe revenait définitivement.

Les Provinces-Unies, comme on les appelait, étaient peut être le pays d'Europe qui, pour un homme d'études, offrait alors le plus d'avantages. Elles venaient de conquérir leur indépen- dance, après une lutte victorieuse contre l'Espagne, où elles s'étaient révélées comme une puissance militaire de premier ordre : leur armée, nous l'avons vu, était la grande école où venaient de partout s'aguerrir les jeunes nobles". Comme puis- sance commerciale, la Hollande tenait aussi le premier rang : son commerce, qui s'étendait à tous les pays de l'ancien et du nouveau continent, faisait d'elle à cet égard le centre du monde. De curieuses estampes de ce temps-là nous montrent l'intérieur de la Bourse d'Amsterdam, avec une foule cosmo- polite, où les larges chapeaux de feutre des marchands du pays se mêlent aux turbans enroulés des Turcs et aux bonnets poin- tus des Arméniens; c-t Descartes nous parle lui-même de ce grand port, entrepôt de tous les produits des deux Indes^ Cette prospérité matérielle n'était pas la seule : la Hollande ambi- tionnait aussi, comme il convient, la gloire des lettres, des sciences et des arts. La ville de Leyde, en récompense du long siège soutenu par elle contre les Espagnols, avait demandé et

��a. Voir ci-avant, p. 40-42.

b. Ciianut, résident du roi de France en Suède, rend ce bel hommage à la puissance commerciale de la Hollande, dans une lettre à M. de Brienne, écrite de Stockholm, le i5 déc. 1646 : ■< Il n'eft pas aifé de » diuertir le commerce de la Holande, où il fe fait depuis longues » années par la commodité de leurs haures, la fituation auantageufe au >' milieu des eaues, au delVous de l'Allemagne, & comme au centre de )) l'Europe, & où il s'exerce par vne longue traditiue de toutes les rufes » du traficq. Mais fi cela fe peut, on ne le doit point efperer par eftablifle- « ment de Compagnies, qui n'eurent jamais aucun fucces en France, » où elles fe propofent auec chaleur, fe forment à la hafte, fe refroi- >. diffent aux premières difgraces, & fe terminent enfin en procès entre .. les alfociez. » (Paris, Bibl. Nat., MS. fr. 17962, p. 700. 1

c. Tome I, p. 203-204 : lettre à Balzac, 5 mai i63i.

�� � obtenu, en 1575, une Université, qui grandit rapidement, au point de dépasser, vers le milieu du xviie siècle, même les Universités d’Allemagne. Utrecht voulut avoir aussi son « Ecole Illustre » d’abord, en 1634, puis aussitôt après, en 1636, son Université ; Descartes vit naître celle-ci, et espéra même un moment qu’elle deviendrait le foyer de propagande de ses nouvelles doctrines. En 1646, Bréda eut son Académie, fondée par le Prince d’Orange. Et depuis 1632, une Académie encore existait à Amsterdam, la ville des marchands par excellence. Mais les marchands de ce pays-là avaient toutes les curiosités de l’esprit : leurs bibliothèques étaient pourvues de livres, et leurs appartements ornés d’estampes et de tableaux. C’est pour eux que peignaient et gravaient tant d’artistes, Rembrandt en tête ; et pour eux aussi que tant de belles éditions étaient imprimées, à Leyde et à Amsterdam, par la dynastie des Elzeviers. Descartes s’adressera à ces maîtres-imprimeurs pour quelques-uns de ses ouvrages, comme il demandera aussi son portrait au grand peintre de Harlem, Frans Hals. Et déjà bien des livres de France et même d’Italie (telle œuvre de Galilée, notamment[1]), qui n’auraient point paru sans difficulté dans leur pays d’origine, profitaient de la grande liberté qui régnait aux Pays-Bas protestants.

Il ne semble pas cependant que cette liberté fût la principale raison du choix de notre philosophe, bien différent en cela d’un de ses contemporains et compatriotes, Claude Saumaise. Celui-ci le déclare franchement, les savants de Leyde ne lui firent pas bon accueil, le regardant comme un intrus, qui venait prendre une de leurs places ; et le climat non plus ne lui était guère favorable, « quatre mois d’hiver », dit-il, « et huit mois 102 Vie de Descartes.

» de froid » . Mais, ajoute-t-il aussitôt, « c'est tout ce qui me » déplaît en ce pays; tout le reste m'agrée, et surtout la liberté. » Notre France n'est plus France pour ce sujet, et c'est ce qui » me la fera moins regretter". » N'oublions pas que Saumaise était huguenot, ou plutôt il le devint, de catholique romain qu'il était d'abord ; et s'il a quitté la France, c'est que la liberté y devenait moindre tous les jours pour ceux de sa religion. Il se félicitait de plus en plus d'avoir changé, appréciant fort d'être libéré « du pape et de la messe, des chapelets et grains bénits,

a. Lettres de Saumaise à M. du Puy, prieur de S. Sauveur à Paris. {Bibl. Nat., MS. fr., coll. Dupuy, 71 3) :

« A Leyden, ce 20 Nouembre i632 : ...n'ayant eu tout iufte que ce » qu'il me falloit de temps pour arriuer en ces quartiers auant l'hyuer qui » commence toufiours ici de bonne heure & finit bien tard. Et c'efl; tout » ce qui me defplait de ce pais, où toutes chofes au refle m'agréent fort » & fur tout la liberté. Noftre France n'eft plus France pour ce fubied, & » c'efl: la caufe qui me la fera moins regretter. . . » (Fol. i3.)

« A Leyden, ce 23 lanuier i633 : . . .L'air d'ici commence à ne m'eftre » gueres fauorable, & moins encore à ma famille. le tafcherai neant- » moins à m'y accommoder & accouftumer. l'aime mieux uiure ici, que » uiure en France; mais i'aimerois mieux uiure en France, que de mourir » ici. . . » (Fol. ig.)

« 1 1 mars 1634, Leyde : Pour moi, ie ne penfe qu'à recouurer ma » fanté ; ie ne fçai fi l'en viendrai à bout à ce renouueau. Elle empire » pluftoft que d'amander. Il faudra tout voir & fe refoudre à tout, plu- » ftoft que de reprendre le chemin de France, puifque la liberté y » deuient moindre touts les iours pour ceux de ma profeflîon. Encore » vault il mieux endurer la fumée que de fe ietter au feu. . . » [Fol. 35 verso.)

« A Leyde, ce i luin 1637 : . . .Nous auons au refte fenti en ce climat » de feptentrion des chaleurs depuis vn mois en ça, qui ne font pas tole- » râbles & qui ne cèdent pas aux plus grandes que l'on fent quelquefois B en France. l'aucis couftume de dire à nos Hollandois qu'ils auoient en » toute l'année quatre mois d'hyuer & huit mois de froid ; mais i'ai bien » (efté) contraint cette année de changer de langage. Nos aftrologues » iugent par la que l'eft'ctl de la comète a ceffé & que nous aurons doref- )> enauant les faifons plus réglées, c'eft à dire les eftés chauds & les » hyuers froids. Oultre cela il y a quafi trois mois qu'il ne pleut point en » cette contrée. Ce qui caufe la peiïe en beaucoup de villes & de nos plus >> voifines. Elle n'eft point encore en cette ci ni à la Haye. . . » (Fol. 12g verso.)

��

En Hollande.

et autres bagatelles[2] ». Plus tard, en 1638, il se moquera du vœu de Louis XIII (vouant la France à Notre-Dame), mauvaise affaire, selon lui, si les Espagnols s'avisaient par contre de se vouer à Jésus-Christ, qui doit être plus puissant que sa mère[3]. Nous sommes loin de Descartes, dont Saumaise dira d'ailleurs, pour l'avoir vu à Leyde en 1637, que c'était un catholique, et « des plus zélés[4] ». Nous verrons, en effet, notre philosophe, fidèle à la règle de conduite qu'il s'était tracée, choisir toujours avec soin les endroits où l'on pratiquait le catholicisme. À cet égard, les Provinces-Unies comprenaient trois évéchés, Leuwarden, Groningue et Harlem, avec un archevêque résidant à Utrecht. Au début de son séjour en Hollande, Descartes s'installa d'abord, entre Leuwarden et Groningue, à Franeker, où il y avait, outre les prêtres ordinaires, au moins deux religieux, un Franciscain et un Jésuite, naturellement en rivalité. À Leyde, où il demeura à deux reprises, en 1636-1637 et en 1640-1642, Saumaise nous dit que « quantité de catholiques s'y trouvaient, et des principaux, qui y avaient leur culte assez libre, quoique en maisons privées[5] » ; il s’y trouva même, précisément vers 1640, un Jésuite et un Oratorien : on a le nom de celui-ci, Ellequens. Enfin, Egmond, que Descartes habita de 1643 à 1649, était peut-être le pays le plus catholique de la Hollande, ainsi qu’Alckmar et Harlem : on pouvait même, dans cette dernière ville, faire ses dévotions devant une image de la Vierge, en récitant les litanies de Lorette[6]. Et Descartes, au cours de En Hollande. io^

polémiques philosophico-religieuses, fut couramment traité de papiste, d'élève des Jésuites, Jésuite lui-même, dans des pam- phlets où d'ailleurs, quelques pages plus loin, on l'assimilait à Vanini, prince des athées.

Ces attaques lui venaient de ministres protestants, qui firent campagne contre lui avec la dernière violence. Notre philo- sophe, certainement, n'eût pas essuyé en France autant de persécutions. Les Jésuites auraient ménagé en lui leur ancien élève, qui ne demandait aussi qu'à faire preuve d'une soumis- sion parfaite extérieurement. Mais les théologiens huguenots, en Hollande, plus violents de nature, et, si l'on ose dire, plus grossiers, encore dans l'ivresse d'un triomphe récent et qu'ils avaient payé cher, rendaient maintenant les coups sans compter, et montraient dans les moindres choses la plus rigoureuse intransigeance. Un ministre français, qui exerça son ministère à Bois-le-Duc, le constate avec chagrin. En France, dans les Parlements et autres tribunaux, dit-il, magistrats et avocats protestants siègent comme les catholiques sous les images du Christ et delà Vierge, suspendues aux murs des prétoires ; les protestants assistent aux convois funèbres des catholiques, oii, comme dans les processions, se déploient les bannières des confréries et autres emblèmes ; ainsi le permet le synode national de Charenlon. Mais pour des choses semblables en Hollande, pour moins que cela, à Bois-le-Duc, un gros scandale éclata, et toute une guerre de pamphlets où nous verrons que Descartes prit part, justement au sujet d'une confrérie de Notre-Dame-'. Si donc ce fut la liberté ou la

a. Samuel Des Marets [Maresius), ministre et théologien protestant, dans la dédicace de son livre Uliima Patientia, &c., adressée à son frère, Charles Dcs-Marets, avocat au Parlement de Paris, et datée de Gro- ningue, 2u oct. 1645, disait ceci : « . . . Hoc Belgium doclorcs habet eriili- >' cos... Plccleliam controvcrfiis non neceffariis 'tonturhant. Gratiiloi » noUra; Gallia; Eccleliis Reformatis, quod licet nullis in Orbe quoad » puritatem cédant, tamen hue ulque ab ejufmodi fcrupulis procul fuêre. " Pag. III.) ...Tranfeo quôd ludices «Se Senatores. Reformati in dica- » tlcriis publicis fedeant citra (crupulum l'ub imagiiiibus Cnicitixi & ). B. Maria.-, & iifdem in locis noftrif Religionis Advocati, m tu l'a-pil"-

Vlt DE DtbCARlES. 14

�� � io6 Vie de Descartes.

tolérance philosophique et religieuse, qu'il vint chercher en Hollande, il ne l'y trouva pas, certes, du moins au même degré qu'il l'aurait eue en France.

En réalité, notre philosophe ne demandait qu'une chose, une solitude relative, afin de pouvoir travailler à son aise, sans dérangement. Il voulait échapper à ces obligations de société, qui, à Paris et même en province, lui prenaient tout son temps. En France, il aurait trouvé toujours trop d'importuns à son gré et de fâcheux, qui ne respectent pas assez la vie privée, même consacrée au travail et à l'étude, tandis qu'en Hollande les habitudes et les mœurs permettaient à chacun de vivre à sa guise etcomme il l'entend". Qu'on ne s'imagine pas cependant que Descartes ait été un sauvage, un solitaire farouche, ennemi de toutes relations sociales. Sa correspondance montre assez qu'il n'oubliait pas ses amis de France, et qu'en Hollande même il ne tarda pas à contracter un assez bon nombre de fidèles amitiés .

» limè.^nte ealdem imagines caufas dicant. [Pag. iv.) Sexcenta ejufmodi » poffem enumerare, in quibus mei prascififtas crimeh idololatris partici- » patae facile poflent imaginari. Sed maxime ad hanc meam quîeftionem » pertinet, quôd Synodus Nationaiis Carentonia penuhima decrevit fas » effe piis & fidelibus, iis in locis in quibus mos iile jam inoleverat, » Pontificiorum funeribus & exequiis intereffe, licet in iliis vexilla ido- » lolatriae circumferantur & varii exerceantur adus Superftitionis illi- » citae... Hoc carpere \ei defendere nolo ; folùm volo non tam longe » proceffiffe meos Sylvasducenfes quos defendo. . . » {Pag. v.)

a. En Hollande même, il préféra aux grandes villes les endroits plus tranquilles, et même les endroits solitaires, pour les mêmes raisons. C'est ainsi qu'en i632, il quitta Amsterdam pour une toute petite ville, Deventer, et Golius écrira là-dessus à Huygens, le i'"' nov. i632 : « Ipfe » (Descartes) nunc Da'ventriam fecefïït, ut fe turbae & compellationibus » eximat, & poftea fe fruftuofius operibus impertiat. » Huygens regret- tait d'ailleurs qu'à Amsterdam même Descartes vécût presque dans la solitude, et il écrivait à Golius, le 7 avril i632 : « . . .Galli amici. . . tui, » cujus in magnà urbe [Amsterdam) paulum fepultae diftat inertiae celata » virtus. » [Revue de Métaphysique et de Morale, juillet 1896, p. 495 et 497.)

b. LiPSTORP en énumère quelques-unes, mais il en omet beaucoup d'autres, Specimina, i653, p. 85-86 : « Tangamus verbo ejus mores...

�� � En Hollande. 107

La plus ancienne fut avec Isaac Beeckman, puisque leur première rencontre date du lo novembre 1618; et c'est lui que Descartes, aussitôt revenu en Hollande, alla voir tout d'abord". Il y eut bien ensuite une grosse brouille entre eux, et notre philosophe écrivit des choses dures à son ami : mais c'était en latin, ce qui tirait moins à conséquence, et on se réconcilia. En attendant, Beeckman se montrait dévoué jusqu'à la bourse inclusivement, puisque Descartes mandera à Ferrier de ne pas craindre d'y puiser pour ses frais de voyage, de Dordrecht jusqu'à Franeker en 1629. Beeckman était, nous l'avons vu, un savant universel pour le temps, et il avait commencé par être docteur en médecine. Descartes se lia encore avec au moins deux autres médecins, en i63o, à Amsterdam : un catholique, Plempius, qui devint bientôt professeur à l'Université de Louvain dans les Pays-Bas espagnols", et un Allemand de Silésie, établi en Hollande, Elichman, inventeur de remèdes dont profitera Saumaise ; c'était un libre esprit, curieux de

» Illud intérim Une | affedu & veritatis jadurâ de eo dicere poffumus, » iilum ira apud Batavos prx-fertim vixifle, ut (quod de Germanis noflris » alio loco Tacitus loquitur) plus apud ipfum vaiuerint boni mores, » quàm alibi bona; leges. Sanè tam incorruptè, fobriô, temperanter, & piè » vitam apud iilos traduxit, ut earum virtutum ornamentis non minus » quàm iplius excellenti eruditione illedi, plures ipfum Viri Reverentià, » Nobilitate, Claritate & Eruditione eminentiores impenfè coluerint, & » gratiiïimâ ejus virtutes memorià adhuc recolant. Fuere inter illos prx- » cipui Illullris Ctaudiiis Salmafius ; Samuel Mareftus, & Abrahamus r> Heidanus, Theologix Doclores, Profed'ores, & Eccleliai^a;, aher in " Academià Groningenli, hic in almà Lugduno-Batavà ; Adrianus Hee- n rebordius, Illultris Collegii DD. Ordinum Holl. <S: Wtft-fV. Sub- » regens, & Philof. in hac Univerl. Profellor ; Jacubus Golius, & » Fraucifcus Schotenius, Matiiematici hujus Academiic percelebres ; » Johannes de Raey, Medicinie & Philofopliix- Dovilor cxcellens; Gotko- » fredus ab Haftrecht Nobilis Leodicenfis, Cornélius Hongland Nobilis » Batavus, Mon/. Picot Nobilis Gallus ; Mon/'. Chilot, nunc Portugalli;u '• Régis Mathematicus, «S: alii innumeri, omnes cruditionis fama celc- » briores. »

a. Voir ci-avant, p. 43-46. El surtout, t. X, p. 22-28, et p. 35-39.

b. Tome I, p. 14, 1. 29, à p. i5, 1. 2 : leitre du 18 juin 1629.

c. Voir notre t. I, p. 401.

�� � langues orientales, et que la religion n’embarrassait guèreErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. A Amsterdam encore, Descartes connut un mathématicien, Hortensius, ancien élève de Snellius à Leyde ; ils durent s’entretenir ensemble des lois de la réfractionErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu..

Leyde n’était pas loin avec son Université, et deux professeurs au moins devinrent presque aussitôt amis de notre philosophe : Golius, mathématicien et orientalisteErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu., par qui il

a. Elichman (Jean), médecin silésien, né vers 1600, établi en Hollande, et qui mit Descartes et Plempius en relations à Amsterdam en 1630. En octobre 1634, il partit pour un voyage en Danemark ; il y était encore en février 1635, et voulait aller de là dans le Levant et jusqu’aux Indes. Saumaise, qui l’appréciait fort, songea à l’attacher à Auguste de Thou, qui devait aller en ambassade à Constantinople. Le projet n’eut pas de suite. Mais il est question d’Elichman dans plusieurs lettres de Saumaise à M. du Puy, prieur de St Sauveur, datées de Leyde, 27 nov. 1634, 16 févr., 8 et 21 avril, 1er juin 1635. (Bibl. Nat., MS. fr. 713.) On lit dans la seconde : « …Pour ce qui eſt de Monſr de Thou, ie ne croi pas qu’il puiſſe prendre en ſa compagnie perſonne duquel il puiſſe plus tirer de plaiſir & de proffit, que de cettui-ci (Elichman), meſmement pour vn tel voiage & vne telle demeure que celle de Conſtantinople. Ie ne vous dirai rien en exaggerant pour le louer, mais ſimplement ce qui en eſt, & mefme au delVous de fon mérite. Oultre fa langue maternelle & allemande, il entend, parle & efcrit fort bon François & bon Italien. 11 fçait la langue Arabique comme fa maternelle, & la Perfienne, » & n’eft pas ignorant de la Turque. Il a d’admirables fecrets en la médecine & en cette partie de la philofophie qui regarde les chofes naturelles. C’eft lui qui eft l’aucleur de ces pilules qui m’ont guairi, > defquelles il a feul le fecret. Auec tout cela, il eft d’une fort douce humeur, & n’eft aagé que de trente cinq ans. Pour fa religion, il ne » fault pas que Monf’de Thou appréhende d’en auoir du bruit ( ?) : » oultre qu’il eft fort homme de bien en fes meurs & fort pacifique, il femble que c’eft l’ordinaire de touts les médecins, de n’eftre pas fort » zélés pour aucune religion… » (Fol. 68.) Elichman était de retour à Amsterdam, fin mai i635. Il mourut en 1639. Voir notre t. I, p. 401, et t. II, p. 570 et 573.

b. HoRTENSius (Martinus), né à Delft en 16o5, professeur de mathématiques à VAthenceum Illustre d’Amsterdam, 1" mai 1634, mourut le 17 août 1639. Voir t. V, p. 6o3, au mot Hortensius.

c. GooL (Jacob), ou Golius, né à La Haye en iSgô, professeur de langues orientales à l’Université de Leyde en 1624, à la mort de son maître Erpenius ; il fit ensuite un voyage de quatre années dans le Levant (lenre du Prince d’Orange à cet effet, du 3o nov. i625) ; à son retour En Ho[.i,ande. 109

fut amené à reprendre le problème de Pappus, une des pièces principales de sa Géométrie, et Schooten le père \ dont le fils aîné, mathématicien également et habile dessinateur, tracera les figures de la Dioptrique en lôSy, et aussi des Principes en 1644; il dessina même alors, pour l'en-tête du volume, un portrait du philosophe d'après nature. Plus tard, Descartes connut d'autres professeurs de cette Université, Vorstius

en 1629, il occupa en outre la chaire de mathématiques, où il avait été nommé à la mort de Snellius en 1626; il avait appris sa nomination, étant à Constantinople. Il mourut le 28 septembre 1667.

Les langues orientales étaient d'ailleurs enseignées à Leyde, en vue de la propagande protestante dans le Levant. Voici à ce sujet un curieux renseignement, dans une lettre de Brasset à M. de la Haye, 17 avril 1647 : « ...Pour ce qui eft de la Religion, ilz irauaillent encores par » d'autres voyes pour en refpandre au Lcuant les mauuaifes femenccs, » y ayant à Leyden vn feminaire exprez de gens qui eftudient aux lan- » gués orientales pour aller puis aprez dogmatifer en ces contrées la; » ce qu'ilz font foubz prétexte d'eftre médecins, affin d'auoir vne entrée » plus libre dans les maifons des Grecz & autres. C'eft vn fecret que » i'ay appriz, long temps y a, de M. Riuet... » IBibl. Nat., MS. fr. 17899, f. 167 v.)

a. Il y eut jusqu'à trois Schooten, tous les trois professeurs de mathé- matiques à l'Université de Leyde. Le père, Frans van Schooten. mourut le 1 1 décembre 1646. Son fils aîné, du même nom, Frans, lui succéda, et mourut en janvier 1661 ; il eut pour successeur un frère cadet, Petrus, 1661-1679. Lipstorp, dans ses Sptcimina, i653, p. 84, donne ce précieux renseignement : « Illud intérim tacere mihi religio lit, non minimam >' gratiam, tum quoad Principiuruvt Philifophice, tum Dioptrices, tum » Meteororum evulgationem, nos debere Clariffimo Dn. Francisco Scho- » TENio, ne quid dicam de aliis innumeris ejus in Cartelium noftrum » meritis, qui fuâ de omnibus bene nicrcndi promptitudine effecit, ut » citiùs & elegantiori ornatu, quàm fieri alias licuiffet prodiérint. Ille » enim dclineavit ac depinxit omnes iftas figuras, quie in omnibus Carte- » fianis operibus confpicienda; nobis prcebentur. »

b. Vorstius ( Adolfus), né à Delft, 23 novembre 1 597, d'un professeur de médecine à l'Université de Leyde, Everardus Vorstius ; son père, qui avait lui-même passé quatorze ans en Allemagne, en Italie et jusque dans la Grande-Grèce, le fit aussi voyager, ses études faites, dans le Brabani, en Angleterre et en France, à partir de 1620. Le jeune Vorstius vint à Paris, à Saumur, où il connut Duplessis-Mornay. ot h Blois; puis il alla en Italie, à Venise, à Padoue où il vit Spigelius et Creinonini, et à Rome. En 1624, il devint professeur extraordinaire d'anatomie et de chirurgie

�� � iio Vie de Descartes.

pour la médecine, L'Empereur pour le droit ^ Il se lia en outre avec des théologiens réformés, Heereboord^ et Heydanus% partisans de sa philosophie. Enfin un médecin catholique de Leyde, qui exerçait la médecine plutôt par charité, Hoge- lande, fut pour lui un ami intime, un inséparable comme

à l'Université de Levde, et son père étant mort le 22 oct. de la même année, il lui succéda comme professeur ordinaire de médecine et de bota- nique. Il fut trois fois recteur, en i636, en i652 et en 1660, et mourut le 9 oct. i663. Nous avons une lettre que lui écrivit Descartes, 19 juin 1643. Il reçut notre philosophe à sa table (lettre du 24 mai 1647, ^- ^> P- ^^)- Plus tard, ce fut lui qui fit l'oraison funèbre de Saumaise en 1654; ei il eut lui-même comme successeur un cartésien, Florent Schuyl, traducteur et éditeur en Hollande du De Homine.

a. L'Empereur (Constantin), né à Oppyck, élève de l'orientaliste Erpe- nius, fut professeur d'hébreu à l'Université de Leyde en 1627, mourut en 1648. Cousin sous-germain d'un grand ami de Descartes, David le Leu de Wilhem. Voir t. V, p. 33. 1. i 3-14.

b. Heereboord (Adriaan), né à Leyde, en 16 14, étudia à l'Université de cette ville, où il eut pour maître Burgersdijk. Il y enseigna la logique dès 1641 ; qn 1642, pro-régent du collège des théologiens à Leyde; 3 juin 1644, professeur ordinaire à l'Université. Il mourut en lôSg. Il soutint de rudes combats pour la doctrine de Descartes, contre ses deux col- lègues, Revins et Triglandius, comme nous le verrons en son lieu.

c. Heidanus (Abraham) ou Van de.r Heyden, né le i*' août 1597 à Frankenthal dans le Palatinat, où s'était réfugié son aïeul, protestant de Malines. Son père fut pasteur à Amsterdam, de 1608 à 1626. Lui-même fut pasteur, d'abord à Naerdem de i6i8 à 1627, puis"à Leyde jusqu'à la hn de sa vie. En outre, il devint professeur de théologie à l'Université en 1648 [oratio inauguralis du 18 oct.). Plus tard, l'édit qui défendait d'en- seigner les opinions de Descartes ayant été renouvelé, 16 janv. 1676, Hei- danus protesta : il dut quitter sa chaire, le 4 mai suivant. Il mourut à 81 ans passés, le i5 oct. 1678. — Un des plus beaux témoignages en faveur de Descartes, est celui-ci de Heidanus : « als ick daerom denckô', hoe » menichmael ick 't gefelfchap en 't vriendelyck onthaal van d'Heer des » Cartes genoten hebbe, fyne ongeveynfde vrolyckheyt, fyne goetheyt » in ailes, dat men hem vragen wilde, op flaande voet te beantworden, » met fulcken klaerheyt van redenen. als of de Philofophie felfs door » fyn mondt fprak, fonder yemant te larteren, maar van ailes rediglijck » te oordelen. » [Confideratien ovcr eenige faecken onlanghs vuorge- vallen m te Univerfiteyt binnen Leyden, 1676, § 3o.)

d. Tome IV, p. 627, note c. Le petit ouvrage est dédié à Descartes : Nobilijffimo Clai-ijfimo Viro Du. D. Renato Des-Cartes, Philofopho incom-

�� � En Hollande. i i i

on dira, et lui dédia en 1646, un petit livre en latin sur Dieu et l'immortalité.

L'Université d'Utrecht se montra d'abord favorable aux nouveautés, comme il convient à une jeune Université sur

parabili, Cornélius ab Hogelande. S. D. Dabam Lugd. Batav. Anno 164.6, ipjis Cal. Septemb. :

i< Vir maxime, quid in tioc argumenti génère pro virium mearum » tenuiiaie prœftiterim. tuum elt judicare. Tua namque eft, tibique uni 1) debetur. plana ilia ac faciiis philofophandi ratio, quam in vcritate '1 indaganda fecutus fui. Eténim ad) hoc unum operam dedi, ut nihil 1) line du^'itatione alTererem. quod non fatis à me perceptum eflet. Tuo " excmplo, nullius opiniones, non obfcuras dubiafque rationes, fed » perlpicua illa atque facilia principia, à motu materiae ejulque forma & >' magnitudinc petita, in corporis animalis œconomia mihi propofui. » Sunt quidem illa tam obvia, ut vix ullus à ratione adeô (it alienus, qui " lis non quandoque utatur : l'cd quod ex his Iblis purifque ptiilofophari » jam liceat, tua liberalitati acceptum ftrimus. Et in lioc mihi gratulor. " quod ego, qui aliis operibus intcntus, librorum leclionibus non multum » vacare polïum, nec ullam Icriptorum tuorum partcm examinavi, ea » meditatus fui.rim, quas à divinis tuis l'pecuJationibus non admodum » abfona elle, amici qui iS; tua examinaruni & mea legerunt, conftanter '> aiicverant. . . ••

Plus tard Samuel Sorbière, Lettres et Di/cours 1660], p. 444-445, dira ceci : « Quant au Cornélius ab Hoghelande, duquel vous avez Cogita- » tiones de Œconomia Animalis, ceft un gentilhomme catholique, grand » ami de M. Descartes. Lorique je demeurois à Leyden, il exerçoit une « médecine charitable, & ne demandoit des pauvres gens qu'il traitoit « qu'un fidèle rapport du luccés de fes remèdes. Et comme il etoit ravi » d'entendre que les aiiaires fuccedoicnt bien, qu'on fe portoit un peu » mieux ou qu'on étoit entièrement guéri ; il ne fe rebutoit point auffi de ' fa pratique, lor(qu"on lui difoit que la maladie eiloit empirée. qu"un tel . fvmptome ètoit furvenu, «S: qu'à la quarantième felle le pauvre patient >' étoit expire ; car il ètoit fort homme de bien, il louoit Dieu de toutes )' chofes, & voyant, par le moyen de fes trois elemens, des raifons de » tous les phénomènes defquellcs il fe fatisfaifoit, il ne detefperoit » jamais de remédier une autre fois aux plus fâcheux inconvénients de fa » pharmacie. J'ai ete fouvent dans fon laboratoire, & je l'ai vu plufieurs » fois au vertibule de fon logis en pantoufles & en bonnet de nuit diftri- >■ buant de 8 à 9 heures du matin, «k de une à deux après midi, des » drogues qu'il tiroit d'un cabinet qui en ertoit bien pourveu. Son père » avoit travaille au grand œuvre, & même il en a écrit, fi je ne me » trompe. Mais le lils ne fe fervoit de la chimie que pour la médecine, " 6: il n'emplovoit ks remèdes de cet art qu'au défaut des comniuns èc » des galéniques, qu'il mettoit premièrement en uiage. « 

�� � 112 Vie de Descartes.

qui ne pèse encore aucune tradition. Les doctrines de Descartes y furent enseignées dès le début, en 1634, parle premier disciple qu'il ait eu en Hollande, Reneri% et bientôt après par un autre, plus connu, Henry de Roy ou Regius.

a. Rkgnier (Henri), connu sous le nom de Reneri, naquit à Huy en 1593. Il fit ses humanités à Liège, et sa philosophie à Louvain, où il connut Froimond [Fromondus). De retour à Liège, l'étude de la théo- logie au grand séminaire le détacha du catholicisme ; il se fit protestant, et vint à Leyde étudier l'Ecriture sainte. Déshérité de se.« parents, il se mit à enseigner à Leyde, puis à Amsterdam, où il vit peut-être Descartes sur la fin de 1628 par l'intermédiaire de Beeckman, et sûrement Gassend l'été de 1629. hu commencement de i63o, il quitta Amsterdam pour un préceptorat à Leyde, puis fut nommé professeur de philosophie au « Gymnafium Illuftre » de Deventer, le 4 (ou 14) oct. i63i, et y fit sa leçon inaugurale le 28 nov. lou 8 déc.) suivant. Descartes, quittant aussi Amsterdam, vint demeurer auprès de lui à Deventer, de mai ou juin i632 jusqu'à la fin de i633, où il retourna à Amsterdam. Le 18 juin 1634, Reneri fut nommé professeur de philosophie à la nouvelle Académie d'Utrecht, inaugurée le 20 août de cette année, et bientôt érigée en Uni- versité, le 16 mars i636. Descartes vint encore le retrouver à Utrecht, l'année i635. Reneri mourut le 18 mars 1639. — Le 16 juin 1637, Reneri écrivait à P. C. Hooft : « Monlieur, Eftant en Amfterdam pour diftribuer » quelques exemplaires du livre de Monf des Cartes à perfonnes de qua- » lité, dont il failoit eftime pour avoir eu l'honneur de les avoir veu & de )> leur avoir parlé aultrefois, il m'avoit recommandé de bailler un ou le » faire tenir à Voftre Seigneurie pour le grand ellime qu'il fait de voftre » mérite, defirant bien d'eftre tenu pour voilre très humble ferviteur. » J'efpere que vous trouverez le livre à voilre goût ; pour moy, je n'ay » encore rien veu d'approchant es aultres autheurs fur les fubjets qu'il a » choifi pour efchantillons d'un œuvre plus grand... « (P. C. Hoofts Brieven, édit. Van Vloten, Deel III, Leiden, iSS-, p. 21 3. J Reneri écri- vait cette lettre d'Utrecht, qu'il habitait depuis 1634; et c'est sans doute à Utrecht, pendant l'année i635, que Descartes aura fait connaissante avec Hooft, qui devint un des principaux historiens hollandais : P.-C. Hoofts Neederlandfche Htjioorien, federt de ooverdraght der heerjchappye van kai\ar Kaiel den Vy/den op kooning Philips ^ynen :{oon. (Amsterdam, Louys Elzevier, 1642 ; et 2» vol., ibid., Blaeu, 1654.)

b. Regius (Henricus), ou Henry de Roy, né à Utrecht, 26 juillet 1598, devint professeur de médecine théorique et de botanique à l'Université de sa ville natale (professeur extraordinaire, 6 sept i638; ordinaire, l'année suivante), puis professeur d'anatomie en 1649, enfin premier pro- fesseur de médecine, 2 déc. 1661. Il mourut à Utrecht, 19 févr. 1679. En août i638, Reneri lui fit connaître Descartes. Voir t. XI, p. 672-687.

�� � Pour suivre de plus près et diriger au besoin un enseignement qui l’intéressait si fort, notre philosophe s’était installé quelque temps en 1632 à Deventer, où Reneri était d’abord professeur ; puis il vint le rejoindre l’année 1635 à Utrecht. Il y connut l’historien P. C. Hooft[7]. Là, en dehors de l’Université, il se lia aussi avec des notables de la ville, comme Van der Hoolck[8] qui fut plusieurs fois bourgmestre, et un gentilhomme du voisinage, curieux de mathématiques. Godefroid de Haestrecht.

Notre philosophe, en effet, ne borna pas ses relations à des hommes d’études, amis de la science et des livres par devoir professionnel autant que par goût. Il était gentilhomme, et savait faire sonner ce titre à l’occasion. Il fréquenta de bonne heure des personnages de la cour, en particulier, grâce au professeur Golius, le secrétaire du prince d’Orange, Constantin Huygens le père[9]. Cet « honnête Hollando-Français », comme l’appelait Balzac[10], était un lettré, en vers et en prose, qui même rivalisait de préciosité avec les beaux-esprits de France ; et c’était aussi un amateur de curiosités scientifiques, qui s’intéressait particulièrement à l’optique et à l’hydraulique. Esprit distingué, il devina aussitôt en Descartes un génie supérieur, par les seuls entretiens qu’il eut avec lui, notre philosophe n’ayant encore rien publié. Ils devinrent grands amis : lorsque Huygens perdit sa femme en mai 1637, Descartes lui écrivit une lettre de consolation qui révèle, en effet, une réelle intimité[11]. Il connut aussi une sœur de Huygens, Constantia, , En Hollande. i i ^

et le mari de celle-ci, David le Leu de Wilhem", qui lui prêtait ses bons offices dans les affaires d'argent. Il soigna même,

enfants, dont quatre fils : Constantin, né le lo mars 1628; Christian (le grand Huygens), 14 avril J629; Louis, i3 mars i63i ; Philippe, 12 octobre i633; et une fille, appelée Suzanne comme sa mère, i3 mars 1637. Rectifions à ce propos une erreur que nous avons commise, t. 1, p. 374. Huygens, resté veuf, fut aidé dans l'éducation de ses enfants, non point par sa sœur, qui avait elle-même une famille et une maison à tenir, mais par une cousine-germaine, non mariée; il lui confia aussitôt son intérieur, qu'elle gouverna trente et un ans. On lit, en effet, dans son Dagboek (publié à Amsterdam, par J. H. W. IJnger, en 1884).:

« 17 May 1637. Intro in novas a;des, heu! fine meâ turture. » (Sa femme venait de mourir, le 10 mai.)

« 28 May [id.). Introiit in contubernium meum cognata Catharina » Zueria. »

« 4 May (i638). Cum Doubletiis, forore & cognata Ziieriâ, Harle- » mum & vicinos hortos luftro. . . »

« II Sept. (1643). Cognata cum 5 liberis meis Zulichemum appellit » circa meridiem. . . « 

« 29 Oct. (1Ô68). Difcedii Bredam cognata Catharina Zueria, polt- » quam 3i annos mihi cohabitavit. » L'aîné des fils venait de se marier, et avait amené sa jeune femme dans la maison paternelle : la vieille parente se retire donc. « 28 Aug. 1668. Conllantinus meus uxorem ducit. » — 25 Sept. [id.). Uxorem domum ducit Conftantinus meus... »

« 10 Oct. 1680. Obit Breda; Catharina Zuerius aitatis 8... » Le second chiffre manque. On peut lire de 80 à 90 ans. Catherine Zuerius avait donc, en 1637, au moins 37 ans. Elle venait justement de perdre un frère, Joris (George), mort le 4 mai 1637. Elle avait perdu son père Jacob Zuerius, le 28 juin 1629, et sa mère Elizabeth Zueria, le 26 août i63o. Celle-ci s'appelait de son nom de famille Hoefnagel; elle était sœur de Suzanne Hoefnagel, mère de Constantin Huygens, morte elle-même le 16 mai i633. Catherine Zueria se trouvait donc toute désignée pour devenir comme la sœur de celui-ci, et comme la tante ou la seconde mère de ses enfants; et Descartes a justement l'attention délicate de lui donner ce nom de sœur (t. I, p. 373, 1. i3). Ajoutons enfin que le texte de Clerselier donnait : Madame de Z., leare initiale de Zueria ou Zue- rius, que nous avons eu tort de changer en Madame de V., pensant à Madame de Wilhem.

a. David le Leu de Wilhem naquit à Hambourg, le i5 mai i588. Le 16 janv. i633, il épousa Constantia Huygens, sœur de Constantin Huy- gens, l'ami de Descartes. Elle était née à La Haye, le 2 août 1602, et y mourut le 1" déc. 1667. Huygens note sur son Dagboek la mort de son beau-frère, à la date du 27 janv. i658. Voir t. L p. 374.

�� � ii6 Vie de Descartes.

en 1640, comme médecin, une petite Wilhem, lorsqu'elle eut à subir une opération chirurgicale. Il s'intéressait aux enfants Huygens, admirablement élevés par leur père, et surtout au second, Christian, jeune mathématicien, qu'il disait être a de » son sang" », et qui devint, en effet, le grand Huygens. Et il alla sans doute plus d'une fois en partie de plaisir à cette maison de campagne, non loin de La Haye, séjour de prédi- lection de la famille Huygens : on y jouait aux quilles, et on se régalait d'une collation de cerises. Pour ses girouettes elle avait des sphères, ce qui faisait dire à Balzac, que la science apparaissait partout en cette maison, chez les habi- tants à l'intérieur, et au dehors jusque dans les ornements.

Lui-même recevait volontiers, à Endegeest ou à Egmond, dans ce qu'il appelait son « hermitage », quelques amis de choix, entre autres Alphonse de PoUot, ou PoUotti ou même Palotti*^. C'était un protestant du Piémont, dont la famille, fuyant la persécution du duc de Savoie, s'était réfugiée d'abord à Genève; puis comme il y avait cinq enfants dont trois fils, deux de ceux-ci vinrent chercher fortune en Hollande, au ser- vice du prince d'Orange : l'un, Jean-Baptiste, mourut tôt, le 14 janvier 1641, mais l'autre fit une belle carrière à l'armée et à la cour, et (tel autrefois Joseph en Egypte) devint le bienfai- teur des siens demeurés en Suisse. C'était Alphonse de PoUot,

a. Tome X, p. 63 1.

b. Ibidem. Voir aussi Balzac, loc. cit. (p. 5oi).

c. Alphonse Pollot, né vers 1604, d'une famille protestante de Dro- niera (marquisat de Saluées), réfugiée à Genève en 1620 pour échapper à la persécution du duc de Savoie. Il partit presque aussitôt pour la Hol- lande avec son frère Jean-Baptiste. Il devint successivement capitaine d'infanterie au service des États généraux; gentilhomme delà chambre du prince d'Orange, 3 mars 1^42; commandant du fort Sainte- Anne dans le polder de Namen, i5 mai 1645; et après la mort de Frédéric-Henri, maréchal de la cour de la princesse douairière, Amalie de Solms, i"' avril 1648. Il revint à Genève vers 1639, et y mourut, le 8 oct. 1668, bienfai- teur de sa famille et de la ville. — Jean-Baptiste Pollot était gentilhomme de la chambre depuis le 24 déc. 16*57, lorsqu'il mourut à La Haye, le 14 janv. 1641. Voir la lettre de Descartes, t. III, p. 278-281. Ces rensei- gnements sont tirés des archives d'Eugène de Budé, à Genève.

�� � En Hof.i.ANDt:. 1 17

l'ami de Descartes, assez intime encore pour que celui-ci, à la mort de son frère, lui écrivit une lettre de consolation. Singu- lière lettre d'ailleurs : il compare la perte do ce frère à celle d'un bras, que PoUot avait aussi perdu. Puis il fait lui-même un retour discret sur ses propres deuils; mais (peut-être était-ce une offre délicate), l'amitié d'un bon frère, ajoute-t-il, peut se réparer par l'acquisition d'un fidèle ami. Pollot, nous le verrons, mettra plus tard en relations le philosophe et la princesse Elisabeth de Bohême.

En sa qualité de gentilhomme français. Descartes ne pouvait se dispenser de rendre ses devoirs aux ambassadeurs de France à La Haye. Ce fut d'abord le baron de Charnacé', dont le père avait été, comme le sien propre, conseiller au Parlement de Rennes. Venu aux Pays-Bas en i633, Charnacé s'intéressait beaucoup aux lettrés et aux savants, qu'il mettait volontiers aux prises, pour le plus grand profit, pensait-il, de la science. Descartes ne manqua pas de lui offrir un exemplaire de son livre en i63j, et de le prier d'en faire parvenir deux à Paris, un pour le roi, l'autre pour le cardinal de Richelieu ; mais Charnacé fut tué presque aussitôt, au siège de Bréda, le I" septembre lôSy. Ce fut plus tard Gaspard Coignet de la

a. Fils de Jacques de Charnacé (1548-1617), qui fut conseiller au Par- lement de Rennes 'quatre années seulement, de 1577 à i582), le baron Hercule de Charnaci: naquit au château de ce nom, paroisse de Cham- pigné en Anjou, le 3 sept. i588. Élevé à la cour, de quatorze à dix-neuf ans, il demeura ensuite trois ans à Rome avec l'ambassadeur de France M. de Brèves, puis un an à Naples. Le 22 juillet 1618, il épousa Jeanne de Maillé-Brézé. qu'il perdit le 21 févr. 1620. Il se remit alors à voyager auprès des cours étrangères, et se lia avec Gustave-Adolphe. En 1628, il prit part au siège de La Rochelle. Puis Richelieu, à qui son mariage l'avait apparenté, lui confia plusieurs missions en Suède et en Allemanne. Le i3 janv. i633, des instructions lui furent données en vue d'une alliance avec les- Provinces-Unies : le traité fut signé à La Haye, le 5 avril 1(534. Bien qu'ambassadeur, il commandait le régiment que Louis XIII avait mis au service de ses alliés ; c'est ainsi qu'il fut tué au siège de Bréda, le i'='sept. it)37. — Sur son attitude à l'égard des hommes de lettres, voir t. II, p. 283, 1. 16-20.

�� � Thuillerie ^, à qui Saumaise dédia un ouvrage, et que Descartes fit intervenir en sa faveur pour obtenir gain de cause dans un procès à Groningue : il faut voir le ton que prend l’ambassadeur de France en cette occasion. Ce fut ensuite Abel Servien ^ : Descartes eut également recours à son intervention dans une affaire du même genre à Leyde. Mais surtout il connut le secrétaire de l’ambassade, Brassef^, qui pendant

a. Gaspard Coignet, sieur de La Thuillerie, né en 1597, sans doute à PariSi mort en i65 3, à cinquante-sept ans’baron, puis comte de Courson). Conseiller au Parlement de Paris, 27 août 1618, à vingt et un ans ; maître des requêtes, 2 3 déc. 1624, à vingt-sept ans ; intendant auprès de l’armée au siège de La Rochelle, 9 févr. 1628 ; intendant d’Aunis, Saintonge et Angoumois, 16 nov. 1628 ; ambassadeur à Venise, 1632-1637, puis auprès de divers princes d’Italie, 1637-1640, enfin aux Pays-Bas, 1640-1648 : il arriva à La Haye, le 10 nov. 1640, et son audience de congé est du 23 mai 1648. Il fut d’ailleurs deux ans absent, d’avril 1644 jusqu’en avril 1646, comme ambassadeur extraordinaire en Danemark et Suède. — Sa lettre en faveur de Descartes est de mars 1644, t. IV ; p. 96.

b. Abel Servien, marquis de Sablé et du Bois-Dauphin, comte de la Roche-Servien, naquit à Grenoble, en iSgS, et mourut au château de Meudon, 18 févr. lèSg. Procureur général au Parlement de Dauphiné, 1616 ; conseiller d’État à Paris, 1618 ; maître des requêtes, 1624 ; intendant de Guyenne, puis premier président du Parlement de Bordeaux, i63o ; secrétaire d’Etat, négociateur du traité de Cherasco avec le duc de Savoie, i63( ; en disgrâce à Angers, 1 636— 1642. L’un des deux plénipotentiaires français au Congrès de Munster. 1643-1649. Ministre d’Etat après le Traité de Westphalie, mais en disgrâce pendant la Fronde. Surintendant des finances, en i65 3. — En se rendant au Congrès avec le comte d’Avaux. il s’arrêta en Hollande, nov. 1643 à mars 1644, et y vit Descartes qui lui fit parvenir à Munster, le 18 sept., un exemplaire des Principia. Du 29 déc. 1646 au 7 août 1647, Servien revint aux Pays-Bas pour une mission en l’absence de l’ambassadeur ordinaire La Thuillerie ; ce fut alors que Descartes eut recours à lui, 12 mai 1647. (Tome V, p. 24-27.)

c. Les quinze volumes de lettres, conservées h la Bibliothèque Nationale (MS. fr. 1789 1 à 17905 inclus), permettent de reconstituer ainsi la carrière de Brasset.

Date de naissance, le 2 5 (ou 26) oct. 1591 : « …cette folide confiance » que ie n’ay peu acquérir en la cinquante neuf""" année de mon aage ou » l’entre depuis huid iours », dit-il, dans une lettre qui porte, il est vrai, à la fin, la date du 2 nov. 1649, mais qui a été écrite en grande partie

�� � En Hollande. i 19

tout ce temps-là ne quitta point son poste de La Haye, et dont le foyer paraît avoir été aussi des plus accueillants pour notre philosophe. Un des premiers exemplaires de son petit Traité des Passions fut pour la jeune fille de Brasset, Marie- Charlotte, dont le rire joyeux le mettait sans doute lui-

ie jour de la « fefte de tous les Saintts », donc le i*^^' nov. (MS. 17901, f. 752 V.) El dans une lettre précédente, du 21 déc. 1648 : « . . .en l'aage » de 58 ans, & aprez en auoir confumé les meilleurs dans vn trauail » continuel & allidu depuis la fin de i6i5 ». (MS. 17900, f. 12'i.) Brasset est dans sa dSi^ année : or 1648 moins 5/, donne bien iSpi.

Profession du père : « ...feu mon père, lequel ayant eu l'honneur >' d'eftre longues années l'ecretaire des commandcmens de feu Mg' le » duc de Montpenlicr & Treforier de France en la généralité de Caen », écrit Brasset, le 21 janv. 1649. (MS. 17901, f. 69 v. et f. 60.) Et dans une lettre précédente, du 27 nov. 1648 : « ...ayant veu mon bon homme de » Père (à qui Dieu face paixj porter la toque de velours allez long tems » dans la généralité de Normandie. » (MS. 17900, f. 6go.)

Dans une même lettre, on lit : « ...depuis tantoll 34 ans que i"ay » l'honneur de feruir hors le royaume », et plus loin : « i'ay veu non » feulement depuis 33 anspallcz. . » (MS. 17901, f. 58 v. et f. 61.) Ceci étant écrit k 21 janv. 1649, trentre-quatre ans en arrière nous reportent juste à l'année 161 5, déjà indiquée ci-avant. Or dans une lettre du 8 juin 1649, il dira : « durant quatorze ans que i'ay feruy le Roy à Bruxelles ». [Ibid., f. 404.) Et le premier volume, MS. 17891, est le » Regilire des >■ Lettres & defpefches que i'ay (dit-il) efcrittes durant l'AmbalTade à » Bruxelles de M. de Pericard » ; ces lettres vont du 24 sept. 1616, au 17 mai 1624. Mais Brasset était là depuis 161 5, et on l'essayait, sans doute, avant de lui confier un emploi. En 1624, il obtint un congé pour revenir en France, et ce fut le seul : « ...bien que i'euffc droit & per- » milTion de faire vn tour en France aprez 22 ans que ie ne I'ay veùe & » 33 que i'en fuis abfent », écrit-il le 11 oct. 1646. (MS. 17898, f. 587 v.) Si de 1646 on ôte 22, on trouve bien 1624. (Le nombre de 33 est embar- rassant; même en le comptant pour 32 années accomplies, on trouve encore 1646 — 32 = 1614, et non i6i5. Mais peut-être Brasset avait-il quitté la France et voyagé un an avant de venir à Bruxelles ?)

Le second volume, MS. 17892, contient ce qu'il a écrit durant l'ambas- sade de M. de Baugy- à La Haye, de 1Ô28 à i635, et commence par une lettre du 2 nov. 1628. Plus tard, lettre du 27 juillet 1649, ii propos d'une question d'étiquette, Brasset rappelle tous les ambassadeurs qu'il a vus se succéder en Hollande, tandis qu'il était secrétaire, faisant parfois les intérims : M. de Baugy, en 1628; M. le Maréchal de Breze, ambassa- deur extraordinaire, et M. de Charnacé, ordinaire, sur la tin de i635 ;

�� � I20 Vie de Descartes.

même en belle humeur (ou, qui sait, le faisait peut-être aussi songera sa fille, qu'il avait perdue ?) Et nous avons l'écho des réunions de famille, la veille des Rois, par exemple, oii Descartes était invité : on ne buvait pas seulement de la bière du pays, mais aussi d'un bon petit vin de France, venu de

M. d'Estampes, en 1637; M. de La Thuillcrie, en 1641 ; MM. les comtes d'Avaux et de Servien, en 1644. (MS. 17901, f. 543 v.)

En 1645, il quitta six à sept mois la Hollande pour accompagner ceux-ci au Congrès en Westphalie. Le volume MS. 17897 contient, dit-il, les « Lettres que i'ay drelVees eftant Secrétaire de l'Ambaffade Extraordi- » naire pour le Traicté de la paix générale à Munfter, pour M. les Contes » d'Avaux & de Seruien. » La première lettre est du 3i janvier 1645, et la dernière du 24 juin 1645. Brasset écrivit cependant encore une lettre de Munster, le 7 juillet 1645 ; mais la suivante, du 1 1 juillet, est datée de Deventer.

Brasset revenait à La Haye, non plus comme secrétaire, mais comme résident. Le 21 juillet et le 4 août 1645, il présenta des lettres royales, du i3 mai, qui l'accréditaient en cette qualité. Il avait reçu en même temps le titre de « Confeiller d'Eftat priué, & des finances ». (MS. 17897, f. 274, 294, 296, 29g v. ; et MS. 17900, f. 3oo.) Justement l'ambassadeur La Thuillerie était en congé depuis avril 1644; son absence dura jus- qu'au i5 avril 1646. Il resta en Hollande deux années encore; mais le 23 mai 1648, il eut son audience de congé, partit le 3o, et ne fut pas remplacé. Le 8 mai, Brasset avait été accrédité de nouveau comme rési- dent. Lui-même explique ainsi son nouveau rang et ses droits : « ...Vous » fçavez que les Refidens ne font que d'vn degré au defloubs des Ambaf- » fadeurs Ordinaires, que leur fondion dans les affaires efl tout pareille, » & qu'ils parlent couvert aux Princes Souverains, quand ceux-cy fe » couvrent : ce que ie pratique fouuent, quand i'ay audience de M" les Eftats, aiïîz dans vne chaize à bras & doffier comme les Amb », lettre de janvier 1649. (^^- '79° ^- ^o.)

Il n'en était pas beaucoup plus riche. « Si en fuitte de cela les douze » mille francz font bien payez », écrivait-il le 20 mai 1645, « ie patien- » teray dans les fables de Hollande. » (MS. 17897, f. 299 v.) Par mal- heur, les paiements étaient fort irréguliers, et Brasset avait femme et enfants : cinq fils et une fille. Il appelle celle-ci, ainsi que leur mère, ses deux « Brabançonnes ». (MS. 17900, f. 10, et f. 12 v.) Il s'était donc marié à Bruxelles avec une femme du pays, et c'est à Bruxelles également qu'ils avaient eu leur fille, en 1628 au plus tard. Elle avait donc au moins vingt ans. lorsque Descartes fréquenta la maison, surtout à partir de 1647, ce semble. II y trouva un honnête intérieur de famille française à l'étranger; on y avait un vif souci de bien élever les enfants et d'assurer

�� � En Hollande. 121

la montagne de Reims. N'est-ce pas à son ami Brasset qu'il rappelait, dans une lettre, souvenir commun peut-être à tous deux, « les jardins de la Touraine » "?

Parmi d'autres Français établis en Hollande, il y avait aussi des ministres protestants, et Descartes en connut quelques- uns : Louis de Dieu*', à Leyde, et Abraham de Mori% celui-ci grand ami de Huygens; puis Etienne de Courc5lles,à Amster- dam, qui traduisit en latin le livre de i63 j [moins la Géométrie], esprit libéral, suspect à ce titre comme « remontrant ou armi- nien », théologien philosophe, plus philosophe encore que théo- logien. Les relations avec Samuel Desmarets' ne vinrent que plus tard, au cours de la polémique de Descartes avec Gisbert

leur avenir. « Depuis quatre ans entiers », écrivait le père, le i6 nov. 1649, " '^ i"^ conlume auec la fubllance qui deuroit feruir pour marier )' vne fille, & pouffer l'aifné de fes frères dans quelque charge d'où il peuft » prefter la main à quatre autres qui me demeurent auec luy pezamment » fur les braz. » (MS. 17901, f. 814 v.) Et le 21 sept. 1649, ^ "" ai^i de Paris en lui recommandant son aîné qu'il lui envoie : « Mon filz mènera » auec luy deux petitz frères, qu'il fault que ie tire de la vie libertine de » Hollande, pour leur en faire prendre vne plus ciuile... Refte vne » grande fille, que la mère garde, ne s'en pouuant deffaire fans argent. » {Ibid., f. 647 V.) Marie-Charlotte avait surtout en dot sa belle santé, sa bonne humeur et sa gaieté exubérante, dont les fils de Constantin Huygens avaient gardé le souvenir. Elle se maria plus tard, en 1657, en France, où Brasset était enfin rentré le 29 avril 1654, remplacé à La Haye par Chanut comme ambassadeur. Voir t. V, p. 450-451.

a. Tome V, p. 445, note. Voir ci-avant, p. 18, note a.

b. Tome VIII, 2« partie, p. 320.

c. Tome I, p. 274, 1. 20-23 : lettre du J2 déc. i633. — Tome IV, p. 299, 1. 2-1 1 : lettre du 29 sept. 1645.

d. Etienne de Courcelles, né à Genève, 2 mai i586, mourut à Amster- dam, 22 mai 1659. Son père, Firmin de Courcelles, qui était d'Amiens en Picardie, s'échappa de France, après le massacre de la Saint-Barthélémy. Sa mère Abigaïl Cox, était fille de Michel Copes, Parisien réfugié à Genève, où il fut pasteur. Etienne de Courcelles fut aussi ministre pro- testant, en France d'abord : neuf années à Fontainebleau, quelque temps à Amiens, puis dix ans à Vitry en Champagne, jusqu'en 1634, où il vint à Amsterdam. Ses œuvres furent publiées après sa mort par Daniel Elzevier : Stephani Curckll.ei, Opéra Theologica, 1675. (In-f", 18 ff. lim.. 1028 pp., et 17 tî. d'index.) En tête, éloge de l'auteur par Arn. Poelenburg.

e. Tome VIII, 2" partie, p. 319-324.

Vie dk Descartes. 16

�� � 122 Vie de 'Descartes.

Voët. Mais il connut aussi des ministres du pays, Golvius», notamment, à Dordrecht, ami de Beeckman et de Reneri, et qui essayera de s'entremettre un moment pour rétablir la paix entre le philosophe et ce terrible théologien de Voët, le plus grand ennemi que Descartes ait eu dans les Provinces-Unies. Ami de plusieurs ministres protestants, il le fut aussi de quelques prêtres catholiques .deux en particulier, Johan Albert Ban ou Bannius et Bloemaert, tous deux à Harlem. Huygens lui-même, huguenot cependant, les mit en relations. L'oc- casion en fut la musique, dont les deux prêtres étaient ama- teurs. Ils en goûtaient fort la théorie aussi bien que la pra- tique; Descartes s'intéressait au moins à la théorie; mais en outre plus d'une fois ses amis lui firent entendre des concerts d'orgue, sans doute dans les églises de Harlem, ou bien des chants religieux avec leur maîtrise. Huygens aussi était par- tisan de l'usage des orgues dans les temples protestants ^

Cette rapide esquisse, que nous aurons plus d'une fois l'oc- casion de reprendre et de compléter, montre assez que notre philosophe ne vécut pas dans l'isolement en Hollande. Plus d'une fois même le choix de ses résidences paraît avoir été dicté par le désir de se rapprocher d'un ami ou d'un compagnon d'études. C'est ainsi qu'on le trouve d'abord à Dordrecht auprès

a. CoLvius (Andréas), né à Dordrecht, en 1594, accompagna comme chapelain le chevalier Berk envoyé des États à Venise, 1620-1627, fut ministre de la communauté wallonne dans sa ville natale, 1629-1666, et y mourut, le i" juillet 1671.

b. On retrouvera Bannius et Bloemaert au chapitre des Méditations.

c. Tome III, p. i53, 1. 20-24 '■ lettre du 14 août 1640; p. 164, 1. 2-4; cl p. 32 1, 1. I. — Sur les concerts donnés à Descartes, voir t. II, p. i53 : lettre du i5 janv. i638.

d. Les résidences successives de Descartes en Hol.ande sont bien con- nues à partir de i636 jusqu'à son départ pour la Siède en sept. 1649 : Leyde, i636-i637 (étéj ; Santport près Harlem, été lôj/ à avril 1640; Leyde encore. 1 640-1 641 ; Endegeesi près de Leyie, avril 1641 à mai (643; Egmond du Hoef, mai 1643 à mai 1644; ïgmond, 1644-1G49. Avant i636, ce sont, avec des séjours intermittents à Amsterdam, i63o à i632, et 1633-1634: d'abord Franeker en t629, puis Deventer en i632-

�� � En Hollande. 12 j

de Beeckman, en octobre 1628, et sans doute aussi quelques semaines à Amsterdam. Mais il ne s'y attarda pas, et s'en fut le plus loin possible, à l'extrémité de la Frise orientale, presque au bout du monde civilisé*, comme s'il voulait échapper aux Français de passage dans une grande ville; il manqua ainsi, mais sans regret apparemment, la visite de deux compatriotes, Gassend et Luillier, qui voyagèrent en Hollande l'été de 1629. Son nom figure, à la date du 16 (ou 26) avril 1629, sur le registre des étudiants de l'Université de Franeker^. Plusieurs

i633, enfin Utrecht en i635. Notons que Descartes a commencé par l'en- droit le plus éloigné, Franeker ; puis il a été se rapprochant Deventer, Utrecht, pour s'établir finalement dans la Hollande proprement dite, non loin des villes principales, La Haye, Leyde, Amsterdam. — Lipstorp énu- mérait, pêle-mêle et sans souci de l'ordre chronologique, les résidences du philosophe : » Et ita nunc Egmondae, mox Endegeftas, | mox Amftelo- » dami, mox Lewardïe in Frifià occ, mox Daventriae, rurfus prope Har- » lemum in villulà, iterùm Harderwici, mox Ultrajedi, rurfus Lugduni » Batavorum,poti(Timùm verô in villulis folitarius egit, & hoc paclo viginti » & quod excurrit annorum fpatio aufo féliciter potitus eft. » {Specimina, i653, p. 81-82.) — Rappelons aussi ce passage de Voet, Admiranda Methodus, etc., 1643 : « ...Modo in Weftfrifià, modo in Geldrià, iterùm » in HoUandià aut Tranllfulanià, aut Traje£linà Diœceli vivere dicitur. » (Voir notre t. VIII, 2« partie, p. 142, note.) On retrouve bien dans cette énumération : Franeker [in Weftfrifià), Deventer {in Tranfifulanid) , Utrecht [in Trajeâind), etc. . . Mais on ne voit pas à quoi correspond in Geldrià ? Descartes aurait-il habité aux environs d'Arnhem ? Le baron de Pallandt, lors de notre visite au château de Rosendael, en 1894, nous disait que la tradition s'était conservée d'un séjour de Descartes en cet endroit.

a. On lit dans une lettre à Huygens, de J. van der Burgh, poète et diplomate, datée de Groningue, 22 oct. 1628 : « Je fuis icy en vn endroicl » oîi elle (la poefte) a aulTi peu de force que parmy les habitans de Nova » Zembla. . . Il {un muficien) me faiifl trouuer La Haye en Frife, & m'em- » pefche de me defplaire au mitant des marais. » {Musique et Musiciens au XVII' siècle, de Jonckbloet et Land, Leyde, 1882, p. clx.) Descartes pensera de même de ce qu'il appelle « le fejour de Weftfalie ». (Tome I, p. 274, 1. 8.)

b. Le registre MS. : Album Academice Franekerenfts, se trouve main- tenant à l'Université de Groningue. On y lit, à l'année 1629 : a April. » 16, Renatus des Cartes, Gallus, Philofophus » Gallus est le nom de la nationalité, comme on voit ailleurs Danus, Bohemus, Hungarus,

�� � 124 ^fE DE Descartes.

de ses lettres sont écrites de là, et plus tard il donne même la description de son logis : un petit château, séparé de la ville par un fossé*, presque à la campagne par conséquent, ce que Descartes préférera toujours comme habitation. Cepen- dant Amsterdam l'attira de nouveau, avant la fin de 1629 , et il y demeura, ce semble, en i63o et i63i, bien que l'on trouve encore son nom, le 27 juin i63o, sur le registre de l'Université de Leyde, avec la dénomination de français du Poitou". A Amsterdam, nous savons qu'il étudia l'anatomie (peut-être fit-il des dissections) avec Plempius, et qu'il habita une rue qui est encore aujourd'hui la rue principale de la ville, Kalverstraat . Puis Reneri, en qui il voyait un disciple fervent, ayant été

Friftus, etc. Le mot Philofophus est à noter : on lit d'ordinaire, Med. Stu- dio/us, ou Theol. St., ou Bonarum Lit. &Juris Stud , ou Jurijprud. Stud., ou enfin Philojophiœ Studio/us. Peut-être Descartes, n'ayant plus l'âge d'un étudiant en philosophie, a été pour cela qualifié de philosophe, Phi- Iqfophus, comme tel autre est qualifié de chevalier, Eques. Mais pourquoi cette inscription ? Il était étranger, en pays inconnu ; pour sa tranquillité personnelle, peut-être a-t-il voulu s'assurer au moins les garanties des étudiants de l'Université. Des mesures furent prises à cet effet, précisé- ment cette même année : « 5 Julij 1629. Décret. Sen. Acad. deiis quas fub » fpecie ftudioforum hîc commorantur, nec curant nomina fua referri in » Album Stiidioforum. . . Eos primo ad Reclorem & Senatum effe vocan- » dos. lifque decernendum tempus intra quod nomina fua curent in » Album referri. Quôd fi huic mandate non obtempèrent, interdicendum » ipfis effe omnibus ledionibus, difputationibus, exercitiifque Acade- » micis, quà publicis, quà privatis. . . » Recteur : Lubbertus. Profes- seurs : Amesius, Bouricius, Winsemius, Metius, Harstingius, Ainama...

a. Tome I, p. 129, 1. 16-18.

b. Trois lettres d'alors sont datées d'Amsterdam: 8 oct., i3 nov. et 18 déc. 1629. (Tome I, p. 32, 53 et ir>4.) De même, i5 avril i63o, 2 févr. et 23 mai i632. {Ibid., p. 147, 240 et 253.J

c. Album Studiosorum Acad. Lugd. Bat. (Hagae Comitum, Nijhoft, 1875), p. 228 : « Jun. 27, Renatus Descaries Picto. 33, Mat. (rectore » Francone Burgersdicio II, i63o) ». L'abréviation Mat. signifie Mathe- seos [Studiosus), ou bien Mathematicus. Quant au nombre 33, il indique l'âge : 33 ans. Seulement Descartes étant né le 3i mars iSgô, avait, le 27 juin i63o, trente-quatre ans et près de trois mois. Il s'est donc rajeuni d'un an.

d. Tome I, p. 401, note.

�� � nommé à la petite Académie de Deventer pour débuter, en octobre 1631, Descartes vint un moment s’installer auprès de lui, en 1632[12]. Et ce fut là sans doute qu’il rencontra cette Hélène, dont nous ne savons guère que le nom, et qu’il eut d’elle une petite fille, baptisée le 7 août 1635, sous le nom de Francine, dans l’église réformée de Deventer.

Mais Descartes avait quitté depuis longtemps Deventer. Il était revenu à Amsterdam, puisque c’est en cette ville, suivant un aveu fait à Clerselier, que l’enfant a été conçu, le 15 octobre 1634[13]. Et il demeura quelque temps à Utrecht, en 1635, ou du moins tout proche d’Utrecht ; un dessin d’autrefois[14] représente l’endroit qu’il habita, un joli pavillon avec porte cochère, à cinq ou six cents pas des remparts de la ville, sur la Maliebaan, alors simple emplacement pour le jeu du mail, avec huit rangées d’arbres, sans habitations, sauf deux, maintenant belle avenue bordée de maisons à droite et à gauche, et qui prolonge la ville de ce côté.

Puis Descartes vint à Leyde en 1636[15], pour l’impression de son livre ; et il choisit un libraire de cette ville, non pas Elzevier cette première fois, mais Jean Maire. Il y demeura jusqu’au printemps de 1637 : Saumaise le vit encore en avril[16]. Mais dès le mois de mai, il était parti pour un voyage de six semaines d’abord ; puis il s’installa près de Harlem, à la campagne, sans doute à Santport[17], qui est encore aujourd’hui un des endroits préférés en Hollande pour la beauté des arbres et des pelouses. Descartes s’y trouvait en pleine verdure, et avec toute commodité pour les études qu’il fit alors : dissection de poissons de mer, et de poulets dans l’œuf, et de lapins et de chiens, sans compter veaux et moutons, pour le cerveau et pour le cœur. Il semble même avoir vécu là un moment avec son enfant et la mère de son enfant : on sait que la petite fille mourut plus tard à Amersfort, le 7 septembre 1640[18] ; on ne sait pas ce que devint la mère.

Descartes revint encore à Leyde, et se logea en ville, depuis avril 1640 jusqu’à la fin de mars 1641[19]. Puis il trouva, à mi-chemin entre la ville et la mer, un petit castel, au milieu d’un parc, avec échappées entre les arbres sur la campagne environnante, charmante retraite que l’on visite encore aujourd’hui, Endegeest[20]. Là aussi il pouvait disséquer tout à son aise, et ne s’en fit pas faute apparemment. Il y demeura juste deux ans, de fin de mars 1641 jusqu’à fin d’avril 1643, sans doute la durée de sa location. Il menait un certain train de maison, avec domestiques des deux sexes, et peut-être même un équipage : au moins allait-il à cheval, et sans doute aussi en carrosse.

Désormais il ne changera plus de résidence, ou du moins les deux qu’il eut de mai 1643 jusqu’à la fin d’août 1649, seront dans les mêmes quartiers : Egmond près d’Alckmaar. Ce fut d’abord Egmond op den Hoef, pendant une année, de mai 1643 à mai 1644[21] ; à cette date il partit pour un voyage en France, et à son retour en novembre, il paraît avoir loué un autre logis ; ses lettres seront datées désormais d’Egmond tout court, sauf une cependant, d’Egmond binnen[22]. Un de ses bons amis, à qui il confiait le soin de ses affaires et qui reçut plus tard le dépôt de ses papiers. Antoine van Surck, seigneur de Bergen, habitait dans le voisinage[23]. L’endroit était des plus agréables. Descartes y avait, comme toujours, un jardin, pour ses expériences sur les plantes[24]. Mais surtout l’ancien château des comtes d’Egmond, dont les derniers débris ne disparurent que par suite de la guerre en 1799, bien qu’en partie détruit déjà au xviie siècle, présentait encore des ruines imposantes, à tenter plus d’une fois le pinceau d’un artiste[25]. Il devait y avoir un parc, avec des massifs et des pelouses, bref le genre de paysage où notre philosophe laissait volontiers errer nonchalamment ses regards et ses rêveries[26]. Dans l’admirable verdure de la campagne hollandaise, on se représente fort bien une maison isolée, demi-ferme et demi-manoir, à toit rouge au milieu d’un bouquet d’arbres, délicieux ermitage, où Descartes invitait parfois ses amis avec leur famille, l’été, lorsque les cerises ou les poires étaient mûres[27] : il y vivait d’une vie égoïste en apparence, pour lui seul et pour ses pensées ; mais elles deviendront celles de tous les grands esprits de son siècle, et le germe fécond de combien de réformes dans l’avenir !

  1. Diſcorſi e dimoſtrazioni matematiche, intorno à due nuoue ſcienze attenenti alla mecanica & i movimenti locali, del fignor Galileo, &c. (In Leida, appreſſo gli Elſevirii, i638, in-4.) Les Elzeviers avaient déjà publié la traduction latine de deux ouvrages de Galilée : Syſtema coſmicum, en 1635, ou Dialogus de ſyſtemate mundi (traduction Matthias Berneggerus) ; et en i636, la fameuse lettre à la grande-duchesse de Toscane, Christine de Lorraine, imprimée en 1616.
  2. Guy Patin écrira plus tard, le 19 déc. 1671 : « M. Saumaise s'étoit fait de romain huguenot, & disoit qu'il s'étonnoit de ce que tous les gens d'esprit ne faisoient pas de mème, vu que c'étoit une religion fort commode, qu'on n'y alloit point à confesse, qu'il n'y avoit point de purgatoire, de prêtres & de moines, grands coupeurs de bourse, in nomine Domini, ni de pape, ni de chapelets, ni de grains bénits & autres bagatelles.» (Lettres, édit. 1846, t. III, p. 794.)
  3. Saumaise à M. du Puy, loc. cit. : « À Leyden, ce 18 Avril 1638.
    » Monsieur, Vostre lettre du 10 Avril m'a esté rendue avec la déclaration qui soubmet le Roi & le Roiaume à la saincte Vierge, dont je vous remercie ; & encore que vous ne vouliés que je vous en donne mon jugement, devant plustost en qualité d'heretique me contenir dans le silence, je ne lairrai pas de vous dire que, s'il prenoit envie aux Espagnols de soubmettre leur Roi & leur Estat à Jesus Christ, comme nous l'avons fait à sa mère, je trouverois que nous serions les plus sots & nostre parti me sembleroit bien le plus foible. Les victoires de Weimar me donnoient bonne esperance de nos affaires ; mais je commence à present d'en desesperer, après une telle protection. C’est parler en heretique cela, voire bruslable. Au lieu de l'aucteur, que vous ne tenés pas, vous brusleres la lettre, si vous voulés. Mais je n'ai pas pu me tenir de vous dire ce petit mot en passant... » {Fol. 169.)
  4. Tome X, p. 554-555.
  5. Les ambassadeurs de France y veillaient sans doute. Voici une note, significative de La Thuiilerie au secrétaire Brasset, du 5 août 1645, Archives des Affaires étrangères, Hollande, Supplément (1571 à 1651), p. 328 : « I’approuue extremement voſtre conduite pour la liberté d’oûyr la meſſe, que vous auez touſiours conſeruée aux catholiques auec courage & prudence. Vous en uſerez de meme à l’auenir en pareilles occurrences auec le même eſprit & la meme diſcretion. »

    Saumaise « à Monſieur du Puy puiſné, à Paris », loc. cit. : « A Leyden, 28 avril 1634 : …Il n’eſt pas croiable comme la paſſion agite les eſprits de ces quartiers. Comme ils font pouſſés de diuers vents de faction, il y a des catoliques, des remonſtrants & des contreremonſtrans : les premiers tout à fait Eſpagnols, les ſeconds a demi, & qui à vn beſoin ſuiuroient plutoſt les premiers que les derniers ; leſquels derniers iont ennemis inouis des premiers & des ſeconds, & plus encor des ſeconds. Car il y a quantité de catholiques en cette ville, & des principaux, qui y ont leur exercice aſſes libre, quoi qu’en maiſons priuees ; où les Arminiens n’y font point toleres, pour ce qui eſt de l’exercice ; car pour la demeure, elle eſt libre à toutes fortes de religion & d’irréligion ou libertinage. Ie vous laiſſe à penſer, parmi tant de ſectes & d’aſſections bigarrees, ſi les nouuelles qui courent ont touſiours vne meſme forme, paſſant par tant de differents canaux… » (Fol. 36, r.et v)

  6. Indulgence de 50 jours, accordée par le vicaire apostolique en Hollande, Philippus Rovenius, lettre du 7 février 1639, aux fidèles : « …quicunque coràm dictâ Sacrâ imagine Beatiſſimæ Virginis Deigenitricis Mariæ Litanias Lauretanas devotè recitaverint. » (Bijdragen voor de Geschiedenis van het Bisdom van Haarlem.) On trouve dans le même recueil tous les détails rapportés ci-dessus et celui-ci encore :

    « …Aldaar in 1514 omſtreeks 3. 000 communicanten, in 1635 volgens de Relatio Status van Philippus Rovenius omſtreeks 5, 000 Katholieken waren, terwijl volgens Jacobus de la Torre Alcmaria Catholicis abundans hetzelfde getal bezat in 1656. » (Ibid., XXIe Deel, 1896, p. 348.) De la Torre succéda à Rovenius comme vicaire apostolique pour la Hollande.

  7. On lit dans une lettre de Reneri au Dr Cornelis Boot, conservée à la Bibliothèque municipale d’Utrecht : « Daventriâ, 26 (lege 6) Octobris 1633… Ea res ſtimuio mihi ſuit ad penitius tractanda ſtudia philoſophica ; quæ cùm viderem in obſcuro jacere mathematicarum diſciplinarum luce deſtituta, ſepoſitis omnibus alijs curis, inprimis ijs, quas medicinæ feu theoria feu praxis adferre potuiflet, magno ardore ad eas artes animum cœpi applicare : non quòd earum antea prorſus ignarus eſſem, fed quòd penitius ea non introſpexiſſem. idque tanto ſtudioſius præſto, quanto illuſtrior mihi eſt occaſio magnorum progreſſuum per familiaritatem cum omnium qui unquam fuerunt mathematicorum principe, Domino de Cartes nobiii Gallo… » Chose curieuse, dans cinq lettres antérieures de Reneri à Boot, Descartes n’est même pas nommé. Dans la lettre suivante, du 25 oct. 1633, on lit encore : « Si habes (MS. de peſte, epilepſia & calculo), non egeo intra longum tempus, totus intentus philoſophicis & mathematicis ſludijs. »
  8. Hoolck (Gisbert van der) d’Utrecht, fut quatre fois bourgmestre de sa ville natale : 1er oct. 1634, et même date 1635, 1638, 1641. Il représenta, en outre, sa province aux États généraux. Parent de Vorstius, il avait accompagné celui-ci dans ses voyages en France et en Italie, 1620-1624.
  9. Constantin Huygens naquit à La Haye, le 4 sept. 1596, et y mourut, le 26 mars 1687. Seigneur de Zuylichem, Zeelhem et Monnikenland ; secrétaire du prince d’Orange, 18 juin 1625 ; et membre du conseil privé, 19 oct. 1630. — Ce fut chez Golius, à Leyde, que Descartes, qui habitait alors Amsterdam, rencontra Huygens pour la première fois, au commencement de 1632. Huygens dit aussitôt, dans une lettre à Golius, du 7 avril 1632, l’impression qu’il gardait de notre philosophe. (Tome I, p. 317.) Et celui-ci en fut informé, comme on le voit dans une lettre qu’il écrivit à Wilhem, le 23 mai 1632. (Ibid., p. 253.) Aussi, dans une lettre de Wilhem à Huygens, 4 juin i632, on lit : « Nunquam hactenus imperare mihi potui, ut, nullà acceptà occaſione, tibi gravioribus diſtricto negotiis meis è liminibus obſtreperem. Nunc eam nactus percommodam, malui judicium meum periclitari ſcribendo, & audaciæ notam ſubire, quàm inofficioſus in te judicari. Hæ etiam quas tibi mitto Dni de Cartes litteræ ad id faciendum reluctantem me impulerunt… Hagæ, è contubernio meo, IV Junii M. DC. XXXII. » (P. C. Hoofts Brieven. éd. Van Vloten, Deel III, Leiden, 1857, p. 478-479.) D’autre part, Huygens écrivait à Golius, le 21 oct. 1632 : « Quouſque D. Deſcartes opuſculum proceſſerit, valde ſcire aveo, & ut perpetuam inſigni viro à me ſalutem nuncies, obnixe peto. » (Amsterdam, Bibl. de l’Académie, Lettres MS. latines de C. Huygens, n° 166.) — L’année suivante, dans une lettre à Wilhem, 12 déc. 1633, Descartes fera un grand éloge de toute la famille. (Tome I, p. 274.) Enfin plus tard l’intimité en vint au point que notre philosophe lut sa Dioptrique en manuscrit à Huygens, avant de la publier. (Ibid., p. 315, l. 7-9, et p. 329, l. 17-27 : lettres du 16 avril et du 1er nov. 1635). La même année, le post-scriptum d’une lettre de Reneri à Huygens, 14 avril 1635, contient ceci : « Monſr Deſcartes n’a point eſté adverti par moy de ces lettres ; mais je vous diray bien en un mot, qu’il vous admire extrêmement & tant de belles & rares parties qu’il trouve en vous. » (Leyde, Bibl. de l’Université.)
  10. Lettre à « Monſieur de Couvrelles », 2 juillet 1641. (Œuvres de M. de Balzac, MDCLXV, t. I, p. 501.)
  11. Constantin Huygens avait épousé, le 6 avril 1627, Suzanne van Baerle, née ou plutôt baptisée le 8 mars 1599. Elle lui donna cinq
  12. Tome I, p. 228-229 (cf. 226). Une lettre est datée de Deventer, 7 févr. 1633 (p. 265).
  13. Tome IV, p. 660-661. Voir aussi t. I, p. 394, l. 5, et p. 395. Quatre lettres de cette période sont datées d’Amsterdam : 12 déc. 1633, et 15 mai, 14 et 22 août 1634. (T. I, p. 274, 299, 306 et 312.)
  14. Ce dessin fait partie de la collection de la Reine-Mère actuelle des Pays-Bas, en son château de Soestdijk, près d’Utrecht. Lettres datées d’Utrecht, 16 avril, 19 mai et 1er nov. 1635. (Tome I, p. 316, 320 et 332.)
  15. Lettre du 31 mars 1636. (Tome I, p. 342.)
  16. Lettre du 4 avril 1637. (Tome I, p. 365, et t. X, p. 554-555.)
  17. Lettre du 6 mai 1639 (t. II, p. 546), la seule lettre qui soit expressément datée de là. Elle est adressée à Pollot. Mais avant l’année 1640 environ, Descartes indiquait rarement dans ses lettres l’endroit exact où il résidait, et nous savons d’autre part, que, depuis l’été de 1637. il habitait une maison à la campagne aux environs de Harlem, « in prædio circa Harlemum ». (Tome I, p. 401.)
  18. Tome IV, p. 660.
  19. Un certain nombre de lettres sont datées de Leyde, à partir du 7 mai 1640, jusqu’au 18 mars 1641 : par ex., 11 et 24 juin, 29 juillet, 6 et 17 août, 30 sept., 5 et 28 oct., 11 nov. 1640, et 4 et 18 mars 1641. (Tome III, p. 62, 88, 93, 118, 149, 156, 193, 201, 228, 236, 332 et 340.)
  20. Lettre du 31 mars 1641. (Tome III, p. 350, l. 23-28). Sont ensuite datées expressément d’Endegeest : des lettres du 31 janv., 25 mars, et 20 oct., 7 déc. 1642 ; puis du 23 fév., 23 mars, 23 et 26 avril 1643. (Tome III, p. 524, 556, 578. 590, 602, 637, 645, 647 et 653.) La description d’Endegeest est de Sorbière, note de la page 351-352.
  21. Du 1er mai 1643 au 1er mai 1644 exactement. (Tome III, p. 616 et 676.) Au cours de cette année, cinq lettres sont datées « d’Egmond du Hoef » (t. IV, p. 6, 8, 12, 18, 19), et douze lettres « du Hoef » simplement (ibid., p. 25, 27, 30, 34, 52, 56, 75, 78, 81, 84, 99 et 107).
  22. Lettre du 17 avril 1646. (Tome IV, p. 390.) Mais celle qui précède, 30 mars 1646 (p. 388) et celle qui suit, 20 avril 1646 (p. 403), sont datées d’Egmond tout court, comme beaucoup de cette période 1645-1649 (ibid., p. 152, 179, 183, 207, 253, 259, 262, 268, 278, 287, 296, 298, 300, 317, 334, 343, 419, 438, 501, 513, 527, 556, 558. 617, 632, 639. Et t. V, p. 12, 30, 34, 39, 86, 88, 100, 117, 119, 124, 125, 132, 143, 146, 279, 293, 329, 348, 406 et 409). La lettre du 17 avril 1646, adressée à un avocat, avait peut-être besoin d’une adresse plus précise. « Egmond binnen » serait ainsi l’adresse exacte de Descartes pour toute cette période.
  23. Jonkheer Anthonie Studler van Zurck, chevalier, avait acheté, le 12 juillet et le 5 septembre 1641, aux deux propriétaires, le château et la seigneurie de Bergen. Il devint en 1661 membre du Vroedschap d’Alkmaar, et mourut le 1er janvier 1666. Sa femme s’appelait (notons ce nom français) Suzanne Thibaut. Leur fils, appelé aussi Anthonie, hérita de la seigneurie de Bergen, le 16 nov. 1666 ; fut nommé, le 9 oct. 1672, membre du Vroedschap d’Alkmaar, par le prince Guillaume III stathouder ; fut échevin de cette ville en 1673, 1674 et 1680, et mourut le 19 oct. 1691. Il eut pour héritier son frère Adriaan, décédé le 31 août 1695, ne laissant qu’une fille unique Cornelia-Suzanna, qui épousa un comte de Nassau.
  24. Tome IV, p. 234, l. 22-23 ; p. 238, l. 6-7 ; et p. 442, l. 8-11.
  25. Voir notamment à Amsterdam, au Rijks-Museum, un tableau de C. W. Berckhout : het Kasteel Egmont.
  26. Tome IV, p. 311, l. 5-8 ; et t. XI, p. 345, l. 2-5.
  27. Tome III, p. 568, l. 4-8 : invitation à Regius, à sa femme et à sa fille, juin 1642. Descartes était alors à Endegeest. Le 6 mai 1639, il avait invité Pollot à venir à Santport. (Tome II, p. 545, l. 5-14.)