Vie et opinions de Tristram Shandy/3/7

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 38-39).



CHAPITRE VII.

Ma mère est aux écoutes.


Ma mère traversoit le corridor vis-à-vis la porte de la salle, au moment où mon père prononçoit le mot femme. Il étoit assez simple qu’elle en fût frappée ; et elle ne douta point qu’elle ne fût le sujet de la conversation. Elle mit donc un doigt en travers sur sa bouche, retint sa respiration ; et par une inflexion du cou, alongeant et baissant la tête, non pas vis à-vis la porte, mais de côté, de sorte que son oreille se trouvoit sur la fente, elle se mit à écouter de tout son pouvoir.

L’esclave qui écoute, avec la déesse du silence derrière lui, n’auroit pu fournir une plus belle idée à un artiste.

Je vais la laisser dans cette attitude pendant cinq minutes, jusqu’à ce que j’aie ramené les affaires de la cuisine (ainsi que Rapin Thoiras ramène les affaires de l’église) au même point.