Vie et opinions de Tristram Shandy/4/42

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 102-103).



CHAPITRE XLII.

Diatribe contre l’Amour.


C’est ce qui montre, (que la robe et l’église en disent tout ce qu’elles voudront ; — qu’elles en disent ; ....... car, quant à penser, tout ce qui pense, pense à-peu près de même sur cet article et sur bien d’autres) — c’est ce qui montre, dis-je, que l’amour est certainement, (au moins alphabéticalement parlant) l’affaire de la vie la plus

et la plus A gitante,
et la plus B izarre,
et la plus C onfuse,
et la plus D iabolique ;

Et de toutes les passions humaines, la passion la plus

et la plus E xtravagante,
et la plus F antasque,
et la plus G rossière,
et la plus H onteuse,
et la plus I nconséquente (le K manque),
et la plus L unatique ; —

Et en même-temps la chose la plus

et la plus M isérable,

et la plus N iaise,
et la plus O iseuse,
et la plus P uérile,
et la plus Q uinteuse,
et la plus S urannée,
et la plus R idicule ;

Quoique dans la règle l’R eût dû marcher avant l’S. —

Enfin c’est une chose telle, que mon père, à la fin d’une longue dissertation sur ce sujet, disoit un jour à mon oncle Tobie : « Vous ne sauriez jamais, frère Tobie, combiner deux idées sur cette matière sans faire un hypallage. — Eh ! bon Dieu, qu’est-ce qu’un hypallage, s’écria mon oncle Tobie ? —

C’est mettre la charrue devant les bœufs, dit mon père. —

Et que peuvent-ils faire dans cette posture, s’écria mon oncle Tobie ?

Ou bien aller en avant, dit mon père, ou bien se tenir en repos.

— Or je vous ai déjà dit que la veuve Wadman ne vouloit faire ni l’un ni l’autre. —

— Elle se tint cependant harnachée et caparaçonnée de tout point, pour guetter une occasion favorable.