Vie et opinions de Tristram Shandy/4/43

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 104-105).



CHAPITRE XLIII.

Description topographique.


Les destinées, qui avoient certainement prévu tout ce qui concernoit les amours de la veuve Wadman et de mon oncle Tobie, avoient depuis la création de la matière et du mouvement, (et même avec plus de courtoisie qu’elles n’ont coutume d’en mettre en pareil cas,) avoient, dis-je, établi une chaînes de causes et d’effets liés si étroitement ensemble, qu’il étoit presque impossible que mon oncle Tobie eût habité et occupé une autre maison et un autre jardin dans tout le monde entier, que la maison qui touchoit à la maison, et le jardin qui touchoit au jardin de mistriss Wadman. — Ce voisinage, joint à la commodité d’un gros arbre creux et touffu, placé dans le jardin de la veuve, et sur la palissade de mon oncle Tobie, fournissoit à l’aimable veuve toutes les occasions que son goût pour les opérations militaires pouvoit désirer. Elle pouvoit observer tous les mouvemens de mon oncle Tobie, et assister à ses conseils de guerre. — Et mon oncle Tobie, dont le cœur étoit sans défiance, ayant permis au caporal (à la sollicitation de Brigitte) de pratiquer en osier une porte de communication pour prolonger les promenades de mistriss Wadman, — mistriss Wadman se trouvoit maîtresse de pousser ses approches jusqu’à la porte de la guérite, et quelquefois même, (par pure reconnoissance du procédé de mon oncle Tobie,) de former son attaque et d’assaillir mon oncle Tobie au fond même de sa guérite.