Vie et opinions de Tristram Shandy/4/44

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 105-106).



CHAPITRE XLIV.

Diverses façons de brûler une chandelle.


C’est une vérité triste, mais qui n’en est pas moins constante. — Il est prouvé par toutes les observations journalières qu’un homme peut, ainsi qu’une chandelle, être brûlé par l’un ou par l’autre bout ; — j’entends pourvu qu’il ait une mêche suffisante, sinon tout est dit. — J’entends encore, qu’on ne l’allumera pas en bas ; car comme en ce cas la flamme s’éteint ordinairement d’elle-même, tout est encore dit. —

Quant à moi, comme je ne saurois supporter l’idée d’être brûlé comme un sot, si on me laissoit le choix sur la manière d’être brûlé, je voudrois qu’on m’allumât par en haut, afin de pouvoir brûler décemment jusqu’à la bobèche ; — c’est-à-dire de la tête au cœur, du cœur au foie, du foie aux entrailles, et de-là, par les veines et les artères mésentériques, à travers toutes les sinuosités et les insertions latérales des intestins et de leur tunique, jusqu’au boyau que l’on appelle aveugle ou cœcum.

« Je vous prie, docteur Slop, dit mon oncle Tobie, (en l’interrompant au moment qu’il prononçoit le mot cœcum, le soir que ma mère accoucha de moi,) — je vous prie, dit mon oncle Tobie, apprenez-moi ce que c’est que le cœcum ; car tout vieux que je suis, j’avoue que je ne sais pas encore où il est situé. »

« Le cœcum, répondit le docteur Slop, est situé entre l’ilium et le colum. » —

« Dans un homme, dit mon père ? » —

« Et dans une femme aussi, dit le docteur Slop. » —

« Je ne m’en doutois pas, dit mon père. »