Vie et opinions de Tristram Shandy/4/84

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 218-220).



CHAPITRE LXXXIV.

Vous l’allez voir.


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« Je vais vous le montrer, madame, dit mon oncle Tobie. » —

Mistriss Wadman rougit, — regarda vers la porte, — pâlit, — rougit encore légèrement, — puis reprit son teint naturel, et finit par rougir plus fort que jamais. — Ce que je traduis ainsi pour l’amour du lecteur :


Bon Dieu, je n’y regarderai pas !
Que diroit le monde, si j’y regardois !
Je m’évanouirai si j’y regarde.
Je voudrois pouvoir y regarder ;
Il ne sauroit y avoir de péché à y regarder.
— J’y regarderai. —


Tandis que l’imagination de Mistriss Wadman travailloit ainsi, mon oncle Tobie s’étoit levé du sopha, et avoit été ouvrir la porte à l’autre bout de la salle, pour donner ses ordres à Trim dans le passage. —

« * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * — Je crois, dit mon oncle Tobie, qu’elle est dans le grenier, — Je l’y ai vue encore ce matin, répondit Trim. — Eh ! bien, Trim, cours-y promptement, dit mon oncle Tobie, et rapporte-la moi dans la salle. — Bon Dieu, dit le caporal ! »

Le caporal étoit loin d’approuver un tel ordre, et ne le remplit pas moins avec joie. — Il n’étoit pas maître de son approbation, il l’étoit de son obéissance. — Il mit son bonnet sur sa tête, et partit aussi vîte que son genou put le permettre ; mon oncle Tobie rentra dans la salle, et fut se rasseoir sur le sopha.

« Vous mettrez le doigt dessus, dit mon oncle Tobie. — — Sainte Vierge, je n’y toucherai pas, dit en elle-même Mistriss Wadman ! »

Ceci demande une nouvelle traduction ; et nous montre à combien d’erreurs les mots nous induisent. Il faut toujours remonter à leur source pour les entendre.

Or, pour éclaircir le brouillard qui règne sur les trois dernières pages, j’ai besoin d’être moi-même aussi clair qu’il me sera possible. —

Frottez-vous le front par trois fois, mes bons amis ; — toussez, — crachez, — mouchez-vous ; — bon ! — éternuez, mes enfans ; — à merveille, Dieu vous bénisse !

Maintenant, aidez-moi si vous le pouvez.