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Vies des hommes illustres/Cimon

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Traduction par Alexis Pierron.
Charpentier (Volume 3p. 1-32).


CIMON.


(De l’an 500 à l’an 449 avant J.-C.)

Péripoltas le devin, celui qui amena de Thessalie en Béotie le roi Opheltas avec les peuples de son obéissance, laissa une postérité qui fut florissante pendant plusieurs siècles. La plupart de ses descendants habitèrent à Chéronée, la première ville où ils s’étaient établis, après avoir chassé les Barbares. Ces hommes, d’un naturel belliqueux et brave, périrent presque tous dans les invasions des Mèdes et dans les batailles livrées aux Gaulois, en exposant sans ménagement leur vie. Il ne restait de cette race qu’un enfant, orphelin de père et de mère, nommé Damon, et surnommé Péripoltas. Il effaçait, par sa beauté et par l’élévation de son âme, tous les jeunes gens de son âge, bien qu’il fût, au demeurant, d’un caractère rude et sauvage.

Un Romain, chef d’une cohorte en quartier d’hiver à Chéronée, s’éprit de ce jeune homme, qui n’était encore qu’un adolescent ; et, n’ayant pu le séduire ni par ses sollicitations, ni par ses présents, il paraissait résolu d’employer la force ; d’autant qu’alors notre patrie était dans un état fort misérable, et méprisée pour sa faiblesse et sa pauvreté. Damon, qui craignait sa brutalité, irrité d’ailleurs de ses sollicitations, conspira contre lui avec quelques-uns de ses camarades. Il ne s’en associa pas un grand nombre, afin de mieux cacher le complot : ils n’étaient en tout que seize. Après une nuit passée à boire, ils se barbouillent le visage de suie, et, le matin au point du jour, ils tombent sur le Romain qui faisait un sacrifice dans la place publique, le tuent, lui et plusieurs de ceux qui l’entouraient, et s’enfuient hors de la ville.

De là grande rumeur : le sénat de Chéronée s’assemble, et prononce contre les meurtriers une sentence de mort : c’était le moyen de justifier la ville envers les Romains. Le soir même, comme les magistrats soupaient ensemble, selon l’usage, Damon et ses complices entrèrent dans la salle, les égorgèrent tous, et prirent la fuite comme la première fois.

Or, il advint qu’environ ces jours-là, Lucius Lucullus, allant à une expédition, passa avec une armée. Informé de ce qui s’était fait, il suspendit sa marche, et, après avoir pris des informations exactes, il se convainquit que la ville, loin de pouvoir être soupçonnée de quelque complicité, avait été, elle aussi, victime de ces violences. Il prit la garnison, et l’emmena avec lui.

Damon cependant faisait des courses dans le pays, le ravageait par ses brigandages, et rôdait sans cesse autour de la ville. Les citoyens lui envoyèrent plusieurs députations, rendirent en sa faveur des décrets honorables, et le déterminèrent à revenir parmi eux. À son retour, ils le nommèrent gymnasiarque[1] ; puis, un jour qu’il se frottait d’huile dans l’étuve, ils le massacrèrent. Pendant longtemps il parut en ce lieu, à ce qu’assurent nos pères, des spectres effrayants, et l’on y entendit des gémissements lugubres : on mura les portes de l’étuve. De nos jours encore, les voisins de ce lieu prétendent y voir des spectres, et y entendre des voix lamentables. Les descendants de Damon (car il en subsiste quelques-uns, particulièrement à Styris de Phocide) sont appelés, en dialecte éolique, Asbolomènes[2], en mémoire de la suie dont Damon, pour tuer le Romain, s’était noirci le visage.

Mais les habitants d’Orchomène, voisins et ennemis des Chéronéens, suscitèrent, à prix d’argent, un délateur romain, qui intenta une accusation à la ville, comme on fait à un particulier, et la poursuivit en justice pour complicité des meurtres commis par Damon. Ce procès fut débattu devant le préteur de Macédoine ; car les Romains n’envoyaient pas encore alors de préteurs dans la Grèce. Les orateurs qui plaidèrent pour la ville, invoquaient le témoignage de Lucullus : le préteur lui écrivit. Lucullus rétablit la vérité des faits ; et la ville gagna ce procès, où elle était au hasard de périr. Délivrés du danger, les habitants de Chéronée élevèrent dans la place publique, à Lucullus, une statue de marbre près de celle de Bacchus.

Pour nous, bien qu’éloignés de ces temps par plusieurs générations, nous nous estimons redevables à Lucullus pour le service qu’il a rendu à nos pères : aussi, persuadés qu’un portrait qui ne rend que la forme du corps et les traits du visage n’a pas la même beauté qu’une image qui représente les mœurs et le caractère, nous tracerons dans ces Vies parallèles le tableau fidèle et vrai des actions de Lucullus. Il suffit, pour acquitter notre reconnaissance, de conserver le souvenir de ce qu’il a fait ; et lui-même il ne voudrait pas qu’un récit faux et altéré de sa vie fût le salaire d’une véridique déposition. Quand un peintre fait le portrait d’une belle personne, dont la figure, remplie de grâce, a quelques taches légères, nous ne voulons ni qu’il les supprime entièrement, ni qu’il les rende avec trop de fidélité : l’un nuirait à la beauté du portrait, l’autre à la ressemblance ; de même, la difficulté, j’ose même dire l’impossibilité de présenter aux yeux une vie d’homme irrépréhensible et pure, nous fait une loi d’en exprimer complètement les beautés : cette fidélité est comme la ressemblance du portrait. Mais les fautes et les taches dont les passions ou la nécessité politique parsèment les actions des hommes, nous les devons regarder moins comme de véritables vices que comme des imperfections de quelque vertu : au lieu d’en tracer trop scrupuleusement les traits, et trop profondément, dans l’histoire, ménageons avec une sorte de respect la faiblesse de la nature humaine, laquelle ne produit point de caractère vraiment parfait, ni qu’on puisse proposer comme un modèle irréprochable de vertu.

Il m’a paru, après examen, que c’était Lucullus et Cimon que je devais comparer ensemble. Ils ont été l’un et l’autre des hommes de guerre distingués, et se sont illustrés en combattant les Barbares ; tous deux ont gouverné avec douceur, et ont rendu quelque temps de relâche à leur patrie, agitée par les dissensions civiles ; tous deux ont dressé des trophées éclatants, et remporté de glorieuses victoires. Aucun général, avant Cimon parmi les Grecs, et avant Lucullus chez les Romains, n’avait porté si loin ses conquêtes ; à moins qu’on ne fasse entrer en compte Hercule et Bacchus, ou bien encore les exploits de Persée contre les Éthiopiens, les Mèdes et les Arméniens, ou enfin l’expédition de Jason ; si tant est que la tradition ait rien pu nous transmettre d’authentique sur ces siècles reculés. Cimon et Lucullus ont encore cela de commun qu’ils n’ont pas atteint entièrement le but de leurs entreprises militaires : ils ont l’un et l’autre écrasé leur ennemi, mais n’ont pu le détruire. On voit surtout entre eux une grande conformité pour la politesse et la générosité avec lesquelles ils accueillaient les étrangers, pour la magnificence et le luxe de leur vie journalière. Nous oublions peut-être ici quelques autres traits de ressemblance, qu’il sera facile de recueillir du récit même de leurs actions.

Cimon était fils de Miltiade et d’Hégésipyle, Thracienne de nation et fille du roi Olorus : c’est ce qu’on lit dans les poëmes d’Archélaüs[3] et de Mélanthius[4] en l’honneur de Cimon. C’est là ce qui explique comment Thucydide l’historien, parent de Cimon, était fils d’un Olorus, ainsi nommé en mémoire du roi son aïeul, et possédait des mines d’or dans la Thrace. On prétend même qu’il mourut en ce pays, ayant été tué dans un canton appelé Scapté-Hylé[5]. On rapporta ses cendres dans l’Attique, et l’on montre encore son monument parmi les sépultures de la famille de Cimon, près du tombeau d’Elpinice, sœur de ce dernier. Mais Thucydide était du dème d’Alimuse, et Miltiade du dème de Lacia.

Miltiade, condamné à une amende de cinquante talents[6], fut mis en prison ; et, n’ayant pu la payer, il mourut, laissant son fils Cimon dans la première jeunesse, et sa fille toute jeune aussi, et qui n’était point encore mariée. Cimon commença par se faire une fort mauvaise réputation dans la ville : on ne le connaissait que comme un débauché et un grand buveur, dont le caractère rappelait celui de Cimon son aïeul, que sa stupidité avait fait surnommer Coalémos[7]. Stésimbrote de Thasos, qui fut à peu près contemporain de Cimon, assure qu’il n’apprit ni la musique, ni aucune des sciences qu’on enseigne aux enfants de condition libre ; qu’il n’avait rien de cette force et de cette grâce de langage ordinaires aux Athéniens ; mais qu’il était d’un naturel franc et généreux, et que son âme tenait plus du Péloponnésien que de l’homme d’Athènes :

Grossière, sans agrémente, mais vertueuse au plus haut point ;
comme Euripide décrit celle d’Hercule[8]. Tel est à peu près le portrait que Stésimbrote fait de Cimon.

Dans sa jeunesse, il fut accusé d’un commerce criminel avec sa sœur. Du reste, Elpinice n’avait pas, dit-on, une conduite fort réglée, et s’était abandonnée au peintre Polygnote. Aussi Polygnote, peignant les captives troyennes dans le portique appelé alors Pisianactée, et aujourd’hui Pœcile, aurait, dit-on, représenté Laodicé sous les traits d’Elpinice. Quoi qu’il en soit, Polygnote n’était pas un artisan mercenaire : il ne peignit pas ce portique pour de l’argent, mais gratuitement, pour se faire honneur auprès de sa patrie. C’est ce que disent tous les historiens ; et le poëte Mélanthius le confirme dans ces vers :

Il orna à ses frais les temples des dieux et la place publique
De Cécrops, en y peignant les exploits des demi-dieux.

Quelques-uns disent que la liaison d’Elpinice avec Cimon ne fut point une débauche secrète, mais qu’elle l’avait épousé publiquement[9], parce que sa pauvreté l’empêchait de faire un mariage digne de sa naissance. Dans la suite, Callias, un des hommes les plus riches d’Athènes, en devint amoureux, et offrit de payer l’amende à laquelle le père avait été condamné : Elpinice consentit à l’épouser, et Cimon la lui céda.

Il paraît pourtant certain que Cimon fut très-porté à l’amour des femmes : le poëte Mélanthius, en le plaisantant à ce sujet dans ses élégies, fait mention d’une Astéria de Salamine et d’une certaine Mnestra, que Cimon avait aimées. Il n’est pas moins constant qu’il eut pour sa femme légitime Isodicé, fille d’Euryptolème, fils de Mégaclès, une passion beaucoup trop vive[10], et qu’il fut inconsolable de sa mort, à en juger du moins par les élégies qui lui furent adressées pour calmer sa douleur, et dont le philosophe Panétius attribue la composition à Archélaüs le physicien[11] : conjecture assez vraisemblable, qu’il fonde sur le rapport des temps.

Cimon, dans tout le reste de sa conduite, n’eut rien que de grand et d’admirable. Égal à Miltiade en courage, et à Thémistocle en prudence, il les surpassa l’un et l’autre en justice, de l’aveu de tout le monde. Sans leur être inférieur par les qualités guerrières, il eut sur eux, dès sa jeunesse et lorsqu’il n’avait encore aucune expérience dans les armes, une incontestable supériorité par ses vertus civiles. Lorsqu’à l’approche des Mèdes Thémistocle proposa aux Athéniens de quitter la ville, d’abandonner le pays, de s’embarquer pour se rendre devant Salamine et y combattre sur mer ; dans la consternation générale que causa un conseil si hardi, Cimon fut le premier qu’on vit monter, d’un visage serein, le long du Céramique à la citadelle, portant dans sa main un mors de cheval pour le consacrer à Minerve. C’était proclamer que la ville, dans la conjoncture présente, n’avait pas besoin de gens de cheval, mais d’hommes de mer. Après avoir consacré le mors, il prit un des boucliers appendus aux parois du temple, fit sa prière à la déesse, et descendit ensuite vers la mer. Cet exemple ranima le cœur de la plupart des citoyens.

Cimon était assez bien de figure, suivant le poëte Ion ; il était de grande taille, et avait de beaux cheveux qui frisaient naturellement, et qu’il entretenait avec soin. Les preuves signalées qu’il donna de sa valeur dans le combat même lui eurent bientôt acquis l’estime et l’affection de ses concitoyens : ils s’attachaient à lui en foule, lui faisaient cortège partout, et l’exhortaient à se rendre digne, par ses sentiments et ses actions, de la gloire dont Marathon avait illustré le nom de son père.

Le peuple l’accueillit, à son entrée dans les affaires publiques, avec de vifs témoignages de satisfaction. Dégoûtés de Thémistocle, charmés d’ailleurs de la douceur et de la simplicité des mœurs de Cimon, ils l’élevèrent aux premiers honneurs et aux plus grandes charges de la république. Mais celui qui contribua plus que personne à son avancement, ce fut Aristide, fils de Lysimachus. Aristide, frappé de ses heureuses dispositions, voulut l’opposer comme un contre-poids aux talents et à l’audace de Thémistocle.

Après que les Mèdes eurent été chassés de la Grèce, Cimon fut chargé d’aller prendre le commandement de la flotte. Les Athéniens n’avaient pas encore la prééminence sur la Grèce, et recevaient les ordres de Pausanias et des Lacédémoniens. Son premier soin, dans ses expéditions, fut d’entretenir toujours parmi les soldats un ordre admirable, et de leur inspirer une ardeur qui les distinguait entre tous les autres alliés. Puis, quand Pausanias eut formé des intelligences avec les Barbares, afin de trahir la Grèce, et lié des correspondances avec les rois ; tandis qu’ébloui de la grande autorité qu’il exerçait, et plein d’une folle arrogance, il s’était mis à traiter les alliés avec une dureté et un orgueil insupportables, Cimon, au contraire, recevait avec douceur et encourageait par des paroles amies ceux qui avaient à se plaindre des injustices de Pausanias ; et il enleva insensiblement aux Lacédémoniens l’empire de la Grèce, non par la force des armes, mais par le seul ascendant de ses discours et de son caractère. En effet, presque tous les alliés s’attachèrent à Cimon et à Aristide, fatigués qu’ils étaient de la dureté de Pausanias et de ses dédains. Les deux généraux, en même temps qu’ils gagnaient les alliés par de bons procédés, firent avertir les éphores de rappeler Pausanias, parce qu’il déshonorait Sparte, et jetait le trouble dans toute la Grèce.

On conte que Pausanias, étant à Byzance, envoya chercher, dans des vues criminelles, une jeune fille de famille distinguée, nommée Cléonice. Les parents, cédant à la nécessité et à la crainte, laissèrent emmener leur fille. Avant d’entrer dans la chambre, elle pria qu’on éteignît la lumière, et s’approcha dans les ténèbres et en silence du lit de Pausanias, qui était déjà endormi. Elle donna par hasard contre la lampe, et la renversa. Pausanias, réveillé en sursaut par le bruit, et croyant que c’était quelque ennemi qui venait pour l’assassiner, tire le poignard qu’il avait au chevet de son lit, et en frappe Cléonice, qui tombe sur le carreau. Elle mourut de cette blessure ; et cette mort ne laissa plus goûter à Pausanias un instant de repos. Un spectre lui apparaissait toutes les nuits pendant son sommeil, et lui répétait d’un ton de colère ce vers héroïque :

Marche recevoir son châtiment : le crime finit toujours par être funeste aux hommes.

Les alliés, dans l’indignation que leur causa ce forfait, se joignirent à Cimon, et assiégèrent Pausanias dans Byzance ; mais il parvint à s’échapper. Sans cesse troublé par le fantôme, il se réfugia, dit-on, à Héraclée[12], dans le temple où l’on évoque les âmes des morts. Il appela Cléonice, et la conjura d’apaiser sa colère. Elle lui apparut, et lui dit qu’à son retour dans Sparte il verrait la fin de ses maux, désignant, ce semble, par ces mots énigmatiques, la mort qui attendait Pausanias.

Voilà ce que racontent la plupart des historiens.

Cimon, à la tête des alliés, qui s’étaient tous réunis à son armée, cingla vers la Thrace, où on lui avait mandé que des seigneurs perses, parents du roi, s’étaient emparés d’Éione, ville située sur les bords du Strymon, et que de là ils inquiétaient les Grecs des pays voisins. Il eut bientôt défait les Perses en bataille, et il les obligea de s’enfermer dans la ville. Ayant ensuite chassé les Thraces qui habitaient au-dessus du Strymon, et qui fournissaient des vivres aux ennemis, il mit des garnisons dans toute la contrée, et réduisit les assiégés à une telle disette, que Butès, général du roi, désespérant de ses affaires, mit le feu a la ville, et s’y brûla, lui, ses amis et ses trésors.

Cimon prit la ville, et n’y fit pas un grand butin, parce que les Barbares avaient presque tout brûlé ; mais il donna à habiter aux Athéniens le pays d’alentour, qui était aussi agréable que fertile. Le peuple, par reconnaissance, lui permit de dresser dans la ville trois Hermès de marbre, avec les inscriptions suivantes. On lisait sur le premier :

Eux aussi ils étaient braves, ceux qui jadis
Dans Éione, sur les rives du Strymon, ont fait sentir aux enfants des Mèdes
Et la brûlante famine, et les fureurs de Mars ;
Ceux qui les premiers ont réduit les ennemis au désespoir.


On lisait sur le second :

Voilà la récompense que les généraux ont reçue des Athéniens,
Pour prix de leurs exploits et de leurs nobles services.
Tous, à ce spectacle, jusque dans la postérité, se sentiront un plus vif désir
De combattre pour le salut de la patrie.


Il y avait sur le troisième :

C’est de cette ville que jadis Ménesthée, compagnon des Atrides,
Emmena son armée vers les champs sacrés de Troie.
Homère a dit de lui[13] qu’entre tous les Grecs couverts de la cuirasse
Il excellait à ranger ses soldats en bataille.
Comme lui les Athéniens ont mérité le renom
D’habiles dans l’art militaire et de braves dans l’action.


Ces inscriptions, bien que le nom de Cimon n’y paraisse nulle part, étaient, aux yeux des hommes de ce temps, le comble de l’honneur : ni Thémistocle ni Miltiade n’avaient jamais rien obtenu de semblable ; et même Miltiade, demandant qu’on lui décernât une couronne d’olivier, Socharès de Décélie se leva du milieu de l’assemblée, combattit cette demande, et prononça ces mots pleins d’ingratitude, mais qui furent alors très-agréables au peuple : « Miltiade, quand tu auras combattu seul contre les Barbares, et que tu les auras vaincus, c’est alors que tu pourras revendiquer des honneurs pour toi seul. » Pourquoi donc cette distinction singulière dont on récompensa les exploits de Cimon ? ne serait-ce pas que, sous les autres généraux, les Athéniens avaient combattu pour sauver la patrie, et que Cimon, ayant porté la guerre dans le pays même des ennemis, s’était emparé d’une portion de leur territoire, avait fait la conquête des villes d’Éione et d’Amphipolis[14], où Athènes fonda des colonies ? Ils en fondèrent aussi dans Scyros[15], dont Cimon se rendit maître à l’occasion que je vais rapporter. Cette île était habitée par des Dolopes, gens peu entendus dans la culture des terres, et qui infestaient de tout temps la mer par leurs pirateries. Ils allèrent même jusqu’à dépouiller ceux qui abordaient chez eux pour y trafiquer. Des marchands thessaliens, qui étaient à l’ancre dans le port de Ctésium, furent pillés par eux, et jetés en prison. Mais ils rompent leurs chaînes, s’évadent, et vont dénoncer cette violation du droit des gens aux Amphictyons. La ville fut condamnée à dédommager les marchands de la perte qu’ils avaient faite. Le peuple refusa de contribuer, et soutint que l’indemnité devait être payée par ceux qui avaient pillé les marchands. Les corsaires, qui craignaient d’être forcés à payer, écrivirent à Cimon, et le pressèrent de venir avec sa flotte prendre possession de la ville, qu’ils lui remettraient entre les mains. Cimon y alla, s’empara de l’île, en chassa les Dolopes, et rendit libre la mer Égée.

Informé que l’antique Thésée, fils d’Égée, obligé de fuir d’Athènes, s’était retiré à Scyros, et y avait été tué en trahison par le roi Lycomède, qui craignait le ressentiment des Athéniens, il fit les plus scrupuleuses recherches pour découvrir son tombeau ; car il y avait un oracle qui enjoignait aux Athéniens de transporter à Athènes les ossements de Thésée, et de l’honorer comme un héros. Mais ils ignoraient le lieu de sa sépulture ; et les habitants de Scyros ne voulaient ni convenir qu’elle fût dans leur île, ni permettre qu’on la cherchât. Mais alors Cimon, à force de zèle, parvint à découvrir le tombeau[16] ; il chargea les ossements sur sa trirème, qu’il fit magnifiquement orner, et les rapporta dans sa patrie, quatre cents ans environ depuis le départ de Thésée[17].

Le peuple lui sut particulièrement gré de cette découverte, et institua, pour en perpétuer la mémoire, des concours tragiques, dont la célébration se fit avec un grand éclat. Sophocle, encore jeune, y présentait sa première pièce ; et l’archonte Aphepsion, qui voyait dans les spectateurs beaucoup de partialité et de brigues, n’avait pas voulu tirer au sort les juges du combat. Mais, lorsque Cimon et les autres généraux furent entrés au théâtre pour y faire à Bacchus les libations d’usage, l’archonte ne leur permit pas de sortir ; il leur fit prêter serment, et les obligea de s’asseoir et de porter la sentence : ils étaient dix, un de chaque tribu. La dignité des juges anima les acteurs d’une merveilleuse émulation ; Sophocle remporta le prix ; et Eschyle en fut, dit-on, si affligé, qu’il ne fit pas depuis un long séjour à Athènes. Il se retira de dépit en Sicile[18] ; il y mourut, et fut enterré près de Géla.

Ion raconte qu’étant venu dans sa jeunesse, de Chio à Athènes, il soupa un soir avec Cimon chez Laomédon. Après les libations, Cimon prié de chanter, s’en acquitta avec tant de grâce, que les convives s’extasièrent sur l’agrément de son commerce, comparé surtout à la rusticité de Thémistocle. « Moi, disait ce dernier, je ne sais ni chanter ni jouer de la lyre, mais agrandir et enrichir une ville petite et pauvre. » Après que Cimon eut fini de chanter, la conversation tomba naturellement sur ses actions ; et, comme chacun rappelait ses plus grands exploits, Cimon raconta une ruse dont il s’était servi, et qu’il regardait comme la chose la plus sage dont il se fût jamais avisé. Les alliés avaient fait, dans Sestos et dans Byzance, un grand nombre de prisonniers sur les Barbares ; ils prièrent Cimon de faire le partage. Cimon mit d’un côté les Barbares tout nus, et de l’autre les ornements qu’ils portaient sur leurs personnes. Les alliés se plaignirent de l’inégalité des deux lots. Cimon leur offrit de choisir la part qu’ils voudraient, et dit que les Athéniens se contenteraient de celle qu’ils auraient laissée. Hérophytus le Samien leur conseilla de choisir les dépouilles des Perses plutôt que les Perses eux-mêmes : ils prirent donc les ornements des captifs, et laissèrent leurs personnes aux Athéniens. Cimon passa, dans le moment, pour un ridicule faiseur de partages ; car les alliés emportaient des chaînes, des colliers et des bracelets d’or, des robes magnifiques et des manteaux de pourpre ; au lieu que les Athéniens n’avaient que des corps nus, et mal propres au travail : mais bientôt les parents et les amis des prisonniers arrivèrent de Lydie et de Phrygie avec de grandes sommes d’argent pour les racheter. Cette rançon fournit à Cimon de quoi entretenir sa flotte pendant quatre mois ; et il resta en outre pour le trésor public une quantité d’or considérable.

Cimon était revenu fort riche de ses expéditions ; et cette opulence qu’il avait honorablement conquise sur les ennemis, il la dépensait plus honorablement encore au soulagement des citoyens. Il fit enlever les clôtures de ses domaines, afin que les étrangers et ceux des Athéniens qui en auraient besoin allassent sans crainte y cueillir des fruits. Il avait tous les jours chez lui un souper simple, mais suffisant pour un grand nombre de convives : tous les pauvres qui s’y présentaient étaient reçus, et y trouvaient une nourriture qui ne leur coûtait aucun travail, et qui leur permettait de vaquer tout entiers au soin des affaires publiques. Suivant Aristote, ce souper n’était pas pour tous les Athéniens sans distinction, mais seulement pour ses compatriotes du dème de Lacia. Il avait toujours à sa suite deux ou trois domestiques très-bien vêtus ; et, lorsqu’il rencontrait quelque vieillard en haillons, il lui faisait donner l’habit d’un de ses gens ; et il n’y avait point de pauvre citoyen qui ne tînt à honneur d’être l’objet d’une telle libéralité. Ces mêmes domestiques portaient sur eux beaucoup de menue monnaie ; et, s’ils voyaient dans la place quelque honnête indigent, ils s’approchaient, et lui mettaient discrètement dans la main quelque pièce. C’est à cette conduite généreuse que le poëte Cratinus[19] semble faire allusion dans ses Archiloques, en ces termes :

Et moi je me flattlais, moi Métrobius le greffier,
Que cet homme divin et le plus hospitalier du monde,
Le premier entre tous les Grecs en toutes vertus,
Cimon enfin, me ferait passer heureusement ma vieillesse dans une douce abondance,
À ses côtés jusqu’à la fin de mes jours. Mais Cimon
M’a laissé ; il est parti avant moi.

Gorgias de Léontium[20] disait aussi que Cimon amassait des richesses pour en user, et qu’il en usait pour se faire estimer. Critias lui-même, qui fut un des Trente, souhaite, dans ses élégies :

L’opulence des Scopades, et la grandeur d’âme de Cimon,
Et les victoires d’Agésilas le Lacédémonien.

Lichas le Spartiate s’est fait un nom célèbre parmi les Grecs[21], uniquement parce qu’il recevait chez lui les étrangers au temps des Gymnopédies[22] ; mais la libéralité de Cimon surpassait même l’hospitalité et l’humanité des anciens Athéniens. Ceux-ci ont répandu parmi les hommes, et Athènes à raison de s’en glorifier, la semence de leur nourriture[23] ; ils leur ont découvert les sources d’eau, et enseigné l’usage du feu pour subvenir à leurs besoins. Mais Cimon, qui faisait de sa maison un prytanée commun à tous les citoyens, et qui laissait aux étrangers la liberté de cueillir les prémices des fruits de ses terres et de tous les biens qu’apportent les saisons, et d’en user à leur gré, Cimon ramena, pour ainsi dire, sur la terre, cette communauté de biens qui avait existé, suivant les traditions, au siècle de Saturne.

On a calomnié cette bienfaisance ; on l’a représentée comme une flatterie de Cimon pour gagner la multitude ; mais il ne faut, pour confondre ses détracteurs, que considérer le reste de la conduite de Cimon. Il tenait pour l’aristocratie, et pour les institutions laconiennes. On le vit bien lorsqu’il se joignit à Aristide contre Thémistocle, qui élevait beaucoup trop haut la puissance populaire, et plus tard quand il se déclara ouvertement contre Éphialte, lequel, pour complaire au peuple, voulait abolir l’Aréopage. Quoiqu’il vît tous les hommes d’État de son temps, excepté Aristide et Éphialte, s’enrichir aux dépens du trésor public, il se montra, dans tous ses actes politiques, incorruptible, pur même de tout présent, et persévéra toute sa vie à faire et à dire gratuitement, honorablement, tout ce que commandaient les circonstances.

On conte qu’un Barbare, nommé Rhœsacès, ayant fait défection au roi de Perse, était venu à Athènes avec de grandes richesses ; tourmenté par les délateurs, il se réfugia chez Cimon, et mit à la porte du vestibule deux coupes pleines, l’une de dariques[24] d’argent, l’autre de dariques d’or. Cimon sourit à cette vue, et demanda à Rhœsacès lequel il préférait d’avoir Cimon pour mercenaire ou pour ami. « Pour ami, dit-il. — Hé bien donc, répondit Cimon, remporte avec toi ton or et ton argent : devenu ton ami, je m’en servirai quand j’en aurai besoin. »

Les alliés se bornaient à payer les taxes qu’on leur avait imposées, et ne fournissaient plus leur contingent d’hommes et de navires. Fatigués de tant d’expéditions, et jugeant la guerre inutile depuis que les Barbares s’étaient retirés et ne venaient plus les troubler, ils n’avaient d’autre désir que de cultiver leurs terres et de vivre en repos ; ils n’équipaient plus de vaisseaux, ils n’envoyaient plus de soldats. Les autres généraux des Athéniens les contraignaient à exécuter les traités ; ils traînaient devant les tribunaux ceux qui n’obéissaient pas à leurs injonctions, les faisaient condamner à des amendes, et rendaient insupportable et odieuse l’autorité de la république. Cimon, dans ses commandements, suivit une route tout opposée : il n’usait de violence contre aucun des Grecs ; il recevait, de ceux qui ne voulaient pas faire le service militaire, de l’argent et des vaisseaux vides ; il souffrait qu’amorcés par le charme du repos, ils s’occupassent à loisir de leurs affaires, et se changeassent, de bons soldats qu’ils étaient, en laboureurs et en commerçants timides, par l’effet du luxe et par leur imprévoyance ; au contraire, il faisait monter tour à tour et en grand nombre les Athéniens sur la flotte, et les aguerrissait par des expéditions fréquentes ; et il les rendit en peu de temps, par le moyen des contributions et de la solde que payaient les alliés, les maîtres de ceux qui les soudoyaient. Car, comme les Athéniens étaient continuellement sur mer, qu’ils avaient toujours les armes à la main, et qu’ils étaient nourris et exercés dans ces expéditions, les autres Grecs, qui s’étaient accoutumés à les craindre et à les flatter, se trouvèrent bientôt, sans s’en apercevoir, les tributaires et les esclaves de ceux dont ils avaient été d’abord les alliés.

Ajoutons que nul autant que Cimon ne rabaissa et ne réprima la fierté du grand roi : non content de l’avoir chassé de la Grèce, il s’attacha à le suivre pied à pied, pour ainsi dire, sans donner le temps aux Barbares de respirer et de s’arrêter ; il ravageait des provinces, il soumettait des villes, en détachait d’autres et les faisait passer dans le parti des Grecs ; au point que toute l’Asie, depuis l’Ionie jusqu’à la Pamphylie, fut délivrée des armes des Perses. Informé que les généraux du roi occupaient, avec des forces considérables de terre et de mer, les côtes de la Pamphylie, et voulant leur fermer par la crainte tout accès dans la mer qui est en deçà des îles Chélidoniennes[25], il partit des ports de Cnide et de Triopium[26] avec deux cents trirèmes que Thémistocle avait fait faire très-légères et parfaitement appropriées à toutes les évolutions. Cimon y fit de plus établir des planchers qui, débordant de chaque côté, formaient un pont capable de contenir un grand nombre de combattants, et les rendit par là plus redoutables aux ennemis dans l’attaque. Il fit d’abord voile vers la ville des Phasélites[27] : quoique Grecs de nation, les Phasélites ne voulurent ni recevoir sa flotte, ni se détacher du parti du roi. Cimon ravagea leur territoire, et s’approcha de la ville pour en faire le siège ; mais ceux de Chio, qui servaient sur sa flotte, et qui étaient de tout temps amis des Phasélites, tâchaient d’adoucir sa colère, et donnaient avis aux assiégés de leurs démarches, par des billets attachés à des flèches qu’ils lançaient par-dessus les murailles ; enfin ils négocièrent pour eux la paix, à condition qu’ils paieraient dix talents[28], et qu’ils accompagneraient Cimon dans son expédition contre les Barbares.

Éphore dit que Tithraustès commandait la flotte du roi, et Phérandatès son armée de terre ; suivant Callisthène, Ariomandès, fils de Gobryas, était généralissime de toutes les troupes, et tenait la flotte à l’ancre à l’embouchure de l’Eurymédon[29]), résolu de ne pas combattre contre les Grecs avant l’arrivée de quatre-vingts vaisseaux phéniciens qui venaient de Cypre. Cimon, de son côté, voulait prévenir l’arrivée de ces renforts : il s’avance contre les Barbares, déterminé, s’ils ne voulaient pas combattre de leur plein gré, à les y contraindre par la force. Les Perses, pour se soustraire à cette nécessité, entrèrent d’abord en rivière ; puis, poursuivis par les Athéniens, ils virèrent à leur rencontre avec six cents voiles, selon Phanodème, et seulement avec trois cent cinquante, suivant Éphore ; mais ils ne firent rien dans le combat qui répondît à des forces si considérables : ils tournèrent bien vite leurs proues vers le rivage ; et les premiers qui purent y aborder s’enfuirent vers l’armée de terre, qui était rangée en bataille non loin de là. Les Grecs passèrent au fil de l’épée tous ceux qui tombèrent entre leurs mains, et s’emparèrent de leurs vaisseaux. On ne peut douter que la flotte des Barbares ne fût très-nombreuse ; car, outre qu’il se sauva, comme on pense bien, une foule de navires, et qu’il y en eut beaucoup de brisés, les Athéniens ne laissèrent pas d’en prendre deux cents. Mais leur armée de terre descendit vers le rivage, et Cimon trouva trop hasardeux de tenter une descente si près de l’ennemi, et de mener ses Grecs, fatigués du premier combat, contre des troupes fraîches et supérieures en nombre. Toutefois, comme il voyait que la victoire avait relevé le courage et la confiance de ses soldats, et qu’ils brûlaient de marcher contre les Barbares, il débarqua son infanterie, encore échauffée du combat qu’elle venait de livrer sur mer. Les Grecs s’élancent en jetant de grands cris et au pas de course. Les Perses les attendirent de pied ferme, et soutinrent ce premier choc avec valeur : le combat fut très-rude ; les plus braves et les plus considérables d’entre les Athéniens y périrent ; mais enfin les Grecs, redoublant d’efforts, mirent en fuite les Barbares, les taillèrent en pièces, firent un grand nombre de prisonniers, et s’emparèrent des tentes de l’ennemi, qui regorgeaient de trésors de toute espèce.

Cimon, tel qu’un vaillant athlète, après avoir remporté en un seul jour deux victoires, et surpassé par sa bataille navale l’exploit de Salamine, et par son combat de terre celui de Platée[30], releva encore par un nouveau trophée l’éclat de ses triomphes. Averti que les quatre-vingts trirèmes phéniciennes, qui n’avaient pu se trouver à la bataille, étaient à l’ancre devant Hydrus[31], il cingla de ce côté en toute diligence. Les généraux qui les commandaient n’ayant point encore de nouvelles certaines sur le sort de la grande flotte, et ne pouvant croire au bruit de sa défaite, restaient suspendus entre la crainte et l’espérance ; aussi perdirent-ils complètement courage à la vue des vaisseaux ennemis : tous leurs navires furent pris, et la plus grande partie de leurs soldats massacrés.

Ce grand échec rabaissa si fort l’orgueil du roi, qu’il conclut ce traité de paix si célèbre, par lequel il s’engageait à tenir toujours son armée de terre éloignée des mers de Grèce de la course d’un cheval, et à ne jamais naviguer avec de grands vaisseaux ou des galères à proues d’airain entre les roches Cyanées[32] et les îles Chélidoniennes. Néanmoins Callisthène prétend que ces conditions ne furent point stipulées avec le Barbare, et qu’il les exécuta lui-même par l’effet de la terreur dont l’avaient frappé ses défaites ; que depuis il se tint si loin de la Grèce, que Périclès, avec cinquante vaisseaux, et Éphialte, seulement avec trente, poussèrent jusqu’au delà des îles Chélidoniennes, sans avoir rencontré une seule voile de la flotte des Barbares. Mais la copie du traité, qui se trouve dans le recueil de décrets publié par Cratère[33], contient ces dispositions.

On dit aussi que ce fut à cette occasion que les Athéniens élevèrent l’autel de la Paix, et décernèrent de grands honneurs à Callias, qui avait été envoyé auprès du roi pour la ratification du traité. Les dépouilles des vaincus furent vendues à l’encan ; et l’argent qu’on en tira fut employé à des dépenses publiques. C’est avec le produit de cette expédition qu’on bâtit notamment la muraille de l’Acropole qui regarde le midi. On dit encore que les longues murailles qu’on appelle les Jambes[34] ne furent élevées qu’après la mort de Cimon, mais que ce fut lui qui en jeta les premiers fondements ; et, comme le terrain sur lequel il fallait les asseoir était marécageux et rempli d’eaux stagnantes, il en fit dessécher et consolider à ses frais tout le fond, en y jetant une grande quantité de cailloux et de pierres de taille. Cimon fut aussi le premier qui embellit la ville de ces lieux publics destinés aux exercices et aux jeux honnêtes, et qui bientôt après firent les délices des citoyens. Il ombragea la place publique de platanes ; il fit de l’Académie, emplacement nu et aride, un parc arrosé de fontaines, orné de lices pour les courses et d’allées pour la promenade.

Quelques Perses qui occupaient encore la Chersonèse refusaient de vider le pays, et appelaient à leur secours les habitants de la haute Thrace : Cimon partit d’Athènes avec quatre trirèmes pour les déloger. Ce faible armement excita le mépris des Barbares ; mais Cimon ne laissa pas de fondre sur eux ; et avec ses quatre vaisseaux il leur en prit treize, chassa les Perses, subjugua les Thraces, et mit toute la Chersonèse sous la domination d’Athènes. Il attaque ensuite les Thasiens[35], qui s’étaient révoltés, gagne sur eux une bataille navale, leur prend trente-trois vaisseaux, emporte d’assaut leur ville, acquiert aux Athéniens les mines d’or du continent voisin, et s’empare de tous les pays qui étaient dans la dépendance des Thasiens.

Il lui était facile de faire de là une incursion dans la Macédoine, et d’enlever aux Macédoniens une grande étendue de leur territoire : il ne profita point de l’occasion, et encourut le soupçon de s’être laissé gagner par les présents du roi Alexandre[36].

Ses ennemis se liguèrent contre lui, et l’appelèrent en justice : dans sa défense devant les juges, il dit qu’il n’avait jamais formé de liaison avec les peuples riches, tels que les Ioniens et les Thessaliens, comme l’avaient fait les autres généraux qui cherchaient dans ces alliances honneurs et richesses ; qu’il ne s’était lié qu’avec les Lacédémoniens, parce qu’il estimait leur vie frugale et leur sagesse, qu’il préférait à toutes les richesses du monde, et qu’il prenait pour modèle ; qu’au reste il mettait toute sa gloire à enrichir Athènes des dépouilles des ennemis. Stésimbrote, à propos de ce procès, rapporte qu’Elpinice alla chez Périclès pour le solliciter en faveur de Cimon, dont il était le plus ardent accusateur, et que Périclès lui dit en souriant : « Tu es bien vieille, Elpinice, tu es bien vieille pour terminer de si grandes affaires ! » Cependant le jour du jugement il se montra fort doux pour Cimon : il ne se leva qu’une seule fois pour soutenir l’accusation, et comme par manière d’acquit. Cimon fut absous.

Tous ses actes politiques, tant qu’il fut présent dans Athènes, tendirent à réprimer, à contenir le peuple, qui mettait aux nobles le pied sur la gorge, et tâchait d’attirer à soi tout le pouvoir du gouvernement ; mais il eut à peine repris le commandement de la flotte que la multitude, délivrée de tout frein, changea l’ancien ordre de choses, et renversa les lois et les coutumes antiques. Éphialte, à la tête de ce parti, et soutenu par Périclès qui commençait à jouir d’une haute influence, et qui s’était déclaré pour la cause populaire, ôta au Sénat de l’Aréopage la plus grande partie des causes dont la connaissance lui était attribuée, se rendit maître des tribunaux, et jeta la ville dans une pure démocratie. Cimon, à son retour, s’indigna de voir ainsi avilir la dignité du Sénat ; il mit tout en œuvre pour le remettre en possession des jugements, et pour raviver le gouvernement aristocratique, tel que l’avait institué Clisthène[37]. Mais ses ennemis se liguèrent contre lui, et soulevèrent le peuple par leurs clameurs, en renouvelant les bruits qui avaient couru autrefois de son commerce avec sa sœur, et en lui reprochant son attachement pour les Lacédémoniens. C’est à quoi font allusion ces vers d’Eupolis si connus, où il dit de Cimon :

Il n’était point méchant homme, mais sujet au vin et insouciant.
Et de temps en temps il allait dormir à Lacédémone,
Laissant seule la pauvre Elpinice.


Mais si, tout insouciant et tout ivrogne qu’on le fait, il prit tant de villes et remporta tant de victoires, il est certain que s’il eût été sobre et vigilant, pas un Grec, ni avant ni après lui, n’eût surpassé ses exploits. Il est vrai qu’il montra de tout temps un penchant pour les Lacédémoniens : de ses deux fils jumeaux, il nomma l’un Lacédémonius et l’autre Éléus. Il les avait eus, suivant Stésimbrote, d’une femme de Clitore[38] : aussi Périclès leur reprocha-t-il souvent leur origine maternelle. Mais Diodore le Périégète dit que ces deux fils de Cimon, ainsi que le troisième, nommé Thessalus, eurent pour mère Isodicé, fille d’Euryptolème, fille de Mégaclès[39].

Du reste, c’est par la faveur des Lacédémoniens que son crédit s’était accru dans Athènes. Les Lacédémoniens, ennemis déclarés de Thémistocle dès cette époque, préféraient voir aux mains de Cimon, tout jeune qu’il fût encore, le pouvoir et l’autorité. Les Athéniens furent charmés d’abord de cette bienveillance que les Spartiates portaient à Cimon ; car ils en tiraient eux-mêmes de grands avantages. Dans les premiers progrès de leur puissance, quand ils commençaient à se mêler des affaires des alliés, ils n’étaient pas fâchés de la considération et du crédit dont jouissait Cimon. C’était lui qui décidait presque toutes les affaires de la Grèce, par la douceur avec laquelle il traitait les alliés, et appuyé de l’amitié des Lacédémoniens. Mais quand les Athéniens furent devenus plus puissants, cet attachement extrême de Cimon pour les Spartiates leur déplut. Il ne manquait pas une occasion de vanter Lacédémone devant les Athéniens, surtout quand il leur faisait des reproches, ou qu’il voulait les piquer. Son mot habituel était, suivant Stésimbrote : « Mais ce n’est pas ainsi que font les Lacédémoniens. » Il s’attira de la sorte l’envie et la malveillance de ses concitoyens.

Mais ce qui fortifia le plus ces dispositions du peuple, ce fut une calomnie dont on le chargea, à l’occasion que je vais dire. La quatrième année du règne d’Archidamus, fils de Zeuxidamus, Sparte éprouva le plus grand tremblement de terre dont on eût encore entendu parler. La terre s’entr’ouvrit et s’abîma en plusieurs endroits ; le mont Taygète en fut tellement agité, que plusieurs de ses sommets s’écroulèrent ; la ville fut culbutée de fond en comble ; toutes les maisons, excepté cinq, furent renversées par la secousse. Quelques instants avant que la terre tremblât, les jeunes hommes et les jeunes garçons, qui s’exerçaient nus ensemble au milieu du portique, virent, dit-on, un lièvre passer devant eux ; les jeunes garçons, tout frottés d’huile qu’ils étaient, s’élancèrent à sa poursuite, par divertissement ; ils furent à peine sortis, que le portique tomba sur les jeunes gens qui étaient restés. Tous périrent écrasés à la fois ; et leur tombeau s’appelle encore aujourd’hui Sismatia[40].

Archidamus, qui prévoyait, d’après le danger présent, celui qu’on avait à craindre, et qui voyait les citoyens uniquement occupés à sauver de leurs maisons les effets les plus précieux, fit sonner l’alarme, comme si l’ennemi eût été aux portes, afin qu’ils accourussent au plus tôt se ranger autour de lui avec leurs armes. Cette présence d’esprit sauva seule la ville dans cette conjoncture ; car les Hilotes accoururent de tous côtés de la campagne, pour massacrer les Spartiates qui auraient échappé au tremblement de terre ; mais, les ayant trouvés en armes et en rang de bataille, ils se retirèrent dans les villes, engagèrent dans leur parti la plupart des peuples voisins, et firent aux Spartiates une guerre ouverte, en même temps que les Messéniens les attaquèrent d’un autre côté.

Les Lacédémoniens envoient donc Périclidas à Athènes pour demander du secours. C’est lui qu’Aristophane représente, dans la comédie[41], assis devant les autels, tout pâle, vêtu de pourpre et sollicitant une armée. Éphialte s’y opposait, protestant qu’on ne devait pas les secourir, et relever une ville rivale d’Athènes ; qu’il fallait la laisser ensevelie sous ses ruines, et fouler aux pieds l’orgueil de Sparte. Mais Cimon, au rapport de Critias, préférant l’intérêt des Lacédémoniens à l’agrandissement de sa patrie, détermina le peuple à leur venir en aide, et sortit avec un corps nombreux de troupes. Ion rapporte le mot de Cimon qui fit particulièrement impression sur les Athéniens : « Ne laissons pas, aurait-il dit, la Grèce devenir boiteuse, et n’ôtons pas à Athènes un contre-poids nécessaire. »

Après avoir secouru les Lacédémoniens, il s’en retourna par Corinthe avec son armée. Lachartus lui fit de vifs reproches de ce qu’il y avait fait entrer ses troupes avant de s’être entendu avec les habitants : « Lorsqu’on frappe à la porte d’autrui, disait-il, on n’entre pas que le maître ne l’ait ordonné. — Mais vous, Lachartus, répondit Cimon, vous n’avez pas frappé aux portes de Cléones et de Mégare : vous les avez brisées, et vous êtes entré de force dans ces villes, les armes à la main, convaincu sans doute que tout est ouvert à qui est le plus fort. » Ce ton de fermeté imposa à propos au général corinthien, et Cimon poursuivit sa marche.

Les Lacédémoniens appelèrent une seconde fois les Athéniens contre les Messéniens et les Hilotes, qui occupaient Ithome[42]. Mais, quand les Athéniens furent arrivés, les Spartiates craignirent leur audace et leur ardeur ; et, sous prétexte qu’ils tramaient quelque nouveauté, ils les renvoyèrent seuls de tous les alliés. Les Athéniens partirent, outrés de colère, et laissèrent éclater dès ce moment leur malveillance pour ceux qui favorisaient les Lacédémoniens ; ils saisirent le plus léger prétexte, et bannirent Cimon par l’ostracisme, pour dix ans, ce qui était la durée fixée à cette sorte d’exil.

Dans cet intervalle, les Lacédémoniens, en revenant de Delphes, qu’ils avaient délivrée du joug des Phocéens, campèrent dans les plaines de Tanagre[43]. Les Athéniens sortirent au-devant d’eux pour leur livrer bataille, et Cimon se rendit en armes dans sa tribu Œnéide, brûlant de combattre, avec ses compatriotes, contre les Lacédémoniens. Mais le conseil des cinq cents, qui en fut informé, et à qui les clameurs des ennemis de Cimon firent craindre qu’il ne fût venu pour troubler l’ordonnance de la bataille, et introduire les Lacédémoniens dans Athènes, fit défendre aux capitaines de recevoir Cimon. Il se retira donc après avoir conjuré Euthippus d’Anaphlyste, ainsi que ceux de ses compagnons qu’on accusait particulièrement de favoriser les Lacédémoniens, de lutter vigoureusement contre les ennemis, et d’effacer, par leur conduite, les soupçons de leurs concitoyens. Ceux-ci, qui étaient au nombre de cent, placèrent au milieu de leur bataillon l’armure complète de Cimon ; et, se tenant serrés les uns contre les autres, ils se firent tuer sur la place jusqu’au dernier, avec un dévouement admirable, et laissèrent aux Athéniens autant de regret que de repentir de l’accusation injuste dont on les avait noircis. Aussi le ressentiment des Athéniens contre Cimon ne dura-t-il pas longtemps : il céda bientôt, soit, comme on peut croire, au souvenir de ses services, soit aux conjonctures fâcheuses où ils se trouvaient.

Complètement battus dans ce combat de Tanagre, et s’attendant, pour le printemps prochain, à une incursion des Péloponnésiens sur leurs terres, ils rappelèrent Cimon de son bannissement ; et Cimon revint dans sa patrie sur un décret proposé par Périclès. Tant les querelles particulières étaient alors subordonnées aux raisons d’État ! tant les inimitiés étaient modérées et tombaient facilement devant l’intérêt public ! tant enfin l’ambition, cette passion dominatrice entre toutes, cédait sans peine aux besoins de la patrie !

Cimon, à peine de retour dans Athènes, mit fin à la guerre, et réconcilia les deux villes. Quand la paix fut conclue, voyant que les Athéniens étaient incapables de rester en repos, et voulaient s’agiter encore et agrandir leur puissance par de nouvelles entreprises, et craignant d’ailleurs qu’ils ne se missent à troubler les peuples de la Grèce, ou qu’en parcourant avec une flotte nombreuse les îles et le Péloponnèse, ils ne fissent accuser Athènes de susciter des guerres civiles, ou ne donnassent aux alliés des sujets de plainte, il équipa deux cents trirèmes, qu’il destinait à une seconde expédition en Égypte et en Cypre[44]. Son dessein était tout à la fois d’exercer les Athéniens en les mettant aux prises avec les Barbares, et de les enrichir par des moyens légitimes, en leur faisant rapporter dans la Grèce les riches dépouilles de leurs ennemis naturels. Tout était prêt déjà pour le départ, et l’armée sur le point de s’embarquer, quand Cimon eut un songe. Il crut voir une lice irritée, qui aboyait contre lui, et qui prononçait, mêlés à ses aboiements, ces mots d’une voix humaine :

Viens, tu me feras plaisir et à mes petits.


Tout difficile à expliquer que fût ce songe, Astyphilus le Posidoniate[45], devin, et ami particulier de Cimon, déclara que cette vision lui annonçait une mort prochaine ; et voici comment il l’expliquait : Le chien est ennemi de l’homme contre lequel il aboie ; et le plus grand plaisir qu’on puisse faire à son ennemi, c’est de mourir. Le mélange de la voix humaine avec les aboiements désigne un ennemi mède ; car l’armée des Mèdes est mêlée de Grecs et de Barbares.

Quelque temps après cette vision, Cimon faisait un sacrifice à Bacchus : le prêtre ouvrit la victime, et un essaim de fourmis se mirent à enlever le sang déjà figé, qu’elles portèrent peu à peu auprès de Cimon : elles lui en enduisirent le gros doigt du pied, et il fut longtemps sans s’en apercevoir ; et, au moment où il y fit attention, le sacrificateur lui montra que le foie de la victime n’avait point de tête.

Mais, comme il n’y avait plus moyen de se dédire de l’entreprise, il mit à la voile : il envoya soixante de ses vaisseaux en Égypte, et retourna avec le reste de sa flotte dans les parages de la Pamphylie. Il battit la flotte du roi, composée de vaisseaux phéniciens et ciliciens, et s’empara des villes de Cypre. Enfin il épiait l’occasion de surprendre l’Égypte ; car le dessein qu’il méditait ne se bornait pas à quelques vétilles : ce n’était rien moins que la destruction de l’empire du roi de Perse. Ce qui l’animait surtout à cette haute entreprise, c’est qu’il avait été informé que Thémistocle jouissait chez les Barbares d’une gloire et d’une puissance extraordinaires, depuis qu’il avait promis au roi de conduire lui-même son armée quand il voudrait marcher sur la Grèce. Mais Thémistocle, désespérant, dit-on, de vaincre les Grecs, et de surmonter la fortune et la valeur de Cimon, se donna volontairement la mort.

Cependant Cimon, tout rempli de ses grands projets de guerre, tenait toujours sa flotte autour de l’île de Cypre. Il envoya au temple d’Ammon des députés chargés de consulter le dieu sur des choses secrètes ; car personne ne sait quel était l’objet de leur mission. Le dieu ne leur rendit point d’oracle ; mais, dès qu’ils entrèrent dans le temple, il leur ordonna de s’en retourner : « Cimon, dit-il, est déjà auprès de moi. » Les députés, obéissant à cet ordre, reprirent le chemin de la mer ; et, en arrivant au camp des Grecs, qui était alors sur les côtes de l’Égypte, ils apprirent que Cimon était mort. Ils comparèrent le jour de sa mort avec celui où le dieu leur avait parlé, et reconnurent que l’oracle, en leur disant que Cimon était déjà avec les dieux, avait annoncé énigmatiquement sa fin.

Il mourut au siège de Citium[46], de maladie, suivant la plupart des historiens ; et, selon d’autres, d’une blessure qu’il reçut en combattant contre les Barbares. En mourant, il ordonna à ses capitaines de ramener sur-le-champ la flotte à Athènes, et de cacher sa mort à tout le monde. Et avant que ni les ennemis ni les alliés eussent vent de rien, la flotte avait pu rentrer en sûreté dans les ports de l’Attique, au rapport de Phanodème, après une navigation de trente jours, et commandée par Cimon, tout mort qu’il était.

Depuis cet événement, aucun des généraux grecs ne se signala désormais contre les Barbares par quelque éclatant exploit. Les Grecs s’acharnèrent les uns sur les autres, excités par des démagogues et des artisans de querelles, sans que personne se mît entre-deux pour les séparer. Ces guerres intestines laissèrent respirer le royaume de Perse, et frappèrent la puissance des Grecs de coups irréparables. Il est vrai qu’Agésilas, longtemps après, porta ses armes en Asie, et engagea une courte guerre avec les généraux du roi qui commandaient dans les provinces maritimes. Mais, avant d’avoir rien fait de grand et de mémorable, il fut rappelé par les nouveaux sujets de sédition et de trouble qui s’étaient élevés dans la Grèce, laissant les exacteurs du roi de Perse lever des impôts au sein des villes alliées et amies des Grecs : tandis que pas un greffier perse n’était jamais descendu, ni un seul homme de guerre ne s’était montré, près de la mer, lorsque Cimon commandait, à plus de quatre cents stades[47].

Ce qui prouve que les restes de Cimon furent transportés dans l’Attique, c’est le tombeau qui s’appelle de nos jours encore Cimonia. Toutefois les habitants de Citium, suivant l’orateur Nausicratès[48], honorent un tombeau de Cimon, parce que, dans un temps de famine et de stérilité, le dieu leur ordonna de ne pas négliger la mémoire de Cimon, et de l’honorer et de le vénérer comme un être d’une nature supérieure.

Voilà quel fut le capitaine grec.



  1. C’est-à-dire maître des exercices.
  2. Ἀσβολωμένους, dorien, au lieu de l’attique ἠσβολωμένους. Ce mot lignifie fuligineux, noirci par la suie.
  3. Poëte et philosophe, qui fut un des disciples d’Anaxagore et un des maîtres de Socrate ; suivant les uns il était né à Milet, suivant les autres à Athènes.
  4. Poëte tragique et élégiaque, probablement Athénien, postérieur de quelques années à Archélaüs.
  5. C’est-à dire forêt excavée, nom qui convient bien à un pays dont les mines étaient la principale richesse.
  6. Environ 300 000 fr. de notre monnaie.
  7. C’est-à-dire hébété.
  8. Dans une des pièces que nous ne possédons plus.
  9. Cornélius Népos dit formellement qu’il l’avait épousée, la loi d’Athènes permettant le mariage entre frères et sœurs de père.
  10. On pourrait expliquer cette singulière remarque par ce vers d’un ancien comique :

    Adulter est, uxoris amator acrior.

  11. Celui dont il a été question plus haut.
  12. C’était une ville d’Élide, à deux lieues environ d’Olympie.
  13. Dans le deuxième livre de l’Iliade, vers 553.
  14. Amphipolis était une ville de Thrace ainsi qu’Éione.
  15. Île de la mer Égée entre l’Eubée et Lesbos.
  16. Voyez cette histoire racontée avec plus de détail à la fin de la Vie de Thésée dans le premier volume.
  17. S’il n’y a pas là de faute de copiste, l’anachronisme est manifeste : il y a plus de huit cents ans d’intervalle entre Thésée et Cimon.
  18. J’ai discuté cette opinion ainsi que les autres traditions relatives au voyage d’Eschyle, dans ma notice sur ce poëte en tête de ma traduction.
  19. Poëte de l’ancienne comédie, contemporain de Cimon.
  20. C’est le célèbre rhéteur dont Platon a donné le nom à un de ses plus beaux dialogues : il était contemporain de Cimon.
  21. Lichas vivait au temps de la guerre de Péloponnèse.
  22. C’étaient des jeux qu’on célébrait à Sparte, et où des chœurs de jeunes gens chantaient des hymnes en l’honneur des Spartiates qui avaient été tués au combat de Thyrée.
  23. Les Athéniens prétendaient avoir les premiers quitté le gland pour le blé, et enseigné aux hommes l’art de cultiver et d’ensemencer la terre, transmis par Cérès à leur roi Triptolème.
  24. Pièces de monnaies dont il a été déjà fait mention ailleurs.
  25. Ces îles, au nombre de trois, étaient situées à peu de distance de la côte de Pamphylie. La mer dont il s’agit est la Méditerranée.
  26. Cnide était une île de la mer de Carie, et Triopium une ville de la Carie même.
  27. Phasélis, située sur les confins de la Pamphylie et de la Lycie, ville considérable par son commerce, et qui devint plus tard comme le quartier général des pirates de Cilicie.
  28. Environ 60,000 fr. de notre monnaie.
  29. Rivière de Pamphylie, vis-à-vis de l’île de Cypre.
  30. Je suis la correction de Dacier. Le grec dit combat de terre là où j’ai mis bataille navale, et bataille navale là où j’ai mis combat de terre ; mais de cette façon la comparaison n’a plus le sens commun. Il est évident qu’il faut transporter l’un à la place de l’autre les deux mots πεζομαχίᾳ et ναυμαχίᾳ.
  31. Hydrus est inconnu. On conjecture qu’il faut lire Sydra, ville maritime de Cilicie, ou Hydrussa, une des Cyclades.
  32. Îles ou rochers dans le Pont-Euxin, à l’entrée du Bosphore de Thrace.
  33. Celui qui avait servi sous Alexandre.
  34. C’étaient les murailles qui réunissaient le Pirée à la ville d’Athènes.
  35. Thasos est une île de la mer Égée, peu éloignée des côtes de la Thrace et de la Macédoine.
  36. C’est Alexandre Ier, qui commença à régner l’an 479 avant J.-C.
  37. Un de ceux qui avaient le plus puissamment contribué à l’expulsion des Pisistratides, et à rétablir le bon ordre dans Athènes.
  38. Clitore était une ville d’Arcadie. D’après la loi d’Athènes, les fils de Cimon, nés d’une femme étrangère, devaient être considérés comme des bâtards de la cité.
  39. D’après cette version, les fils de Cimon étaient légitimes citoyens car Mégaclès était d’Athènes.
  40. Ce mot vient de σεισμός, qui signifie tremblement de terre.
  41. Voyez Lysistrata, vers 1140.
  42. Ithome était une ville de la Thessalie, dans l’Estiotide.
  43. Tanagre était dans la Béotie.
  44. Plutarque n’a point parlé de la première expédition ; mais Thucydide l’a racontée en détail.
  45. Posidonie est le nom grec de la ville de Pestum en Lucanie.
  46. Citium était une ville de Cypre ; c’est là que naquit, dans le siècle suivant, Zénon le stoïcien.
  47. Environ vingt lieues.
  48. Nausicratès est inconnu. Peut-être faut-il lire Naucratès, qui avait été disciple d’Isocrate, et que Cicéron mentionne au nombre des historiens.