Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité/Livre III

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Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité
Livre III
Traduction française de Charles Zévort
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LIVRE III.




PLATON.

Platon, d’Athènes, était fils d’Ariston. Sa mère Périctione ou Potone descendait de Solon par Dropide, frère du législateur et père de Critias, qui lui-même eut pour fils Calleschrus. De ce dernier naquirent Critias, l’un des trente, et Glaucon ; de Glaucon Charmide et Perictione, mère de Platon. Platon était ainsi descendant au sixième degré de Solon, qui lui-même tirait son origine de Nélée et de Neptune. On prétend aussi que son père comptait, parmi ses ancêtres, Codrus, fils de Mélanthus, l’un des descendants de Neptune, d’après Thrasyle. Suivant un bruit accrédité à Athènes et reproduit par Speusippe, dans le Banquet funèbre de Platon ; par Cléarque, dans l’Éloge de Platon, et par Anaxilide, au second livre des Philosophes, Ariston désirant consommer son union avec Périctione, qui était fort belle, n’en put venir à bout ; il renonça alors à ses tentatives et vit Apollon lui-même dans les bras de sa femme, ce qui le détermina à ne point l’approcher jusqu’après ses couches. Platon naquit, suivant les Chroniques d’Apollodore, la première année de la quatre-vingt-huitième olympiade, le sept de thargélion, jour où les habitants de Délos croient que naquit Apollon. Il mourut, au dire d’Hermippe, à un repas de noces, la première année de la cent huitième olympiade, à l’âge de quatre-vingt-un ans. Néanthe prétend d’un autre côté qu’il mourut dans sa quatre-vingt-quatrième année. Il était donc de six ans plus jeune qu’Isocrate, puisque celui-ci naquit sous l’archontat de Lysimachus et Platon sous celui d’Aminias, l’année même où mourut Périclès. Antiléon dit, dans le dernier livre des Temps, qu’il était du dème de Colyttus ; mais d’autres le font naître à Égine, dans la maison de Phidiadas fils de Thalès ; Phavorinus en particulier soutient cette opinion dans les Histoires diverses ; il dit que son père faisait partie de la colonie envoyée dans cette île, et qu’il revint à Athènes à l’époque où les Éginètes, aidés par les Lacédémoniens, chassèrent les anciens colons. Athénodore rapporte, au huitième livre des Promenades, que Platon donna à Athènes des jeux publics dont Dion fit les frais.

Il avait deux frères, Adimanthus et Glaucon, et une sœur nommée Potone, de laquelle naquit Speusippe. Il étudia les lettres sous Denys, qu’il cite dans les Rivaux, et la palestre sous Ariston d’Argos. Alexandre dit, dans les Successions, que ce fut Ariston qui lui donna le nom de Platon, à cause de sa robuste constitution, et qu’auparavant il s’appelait Aristoclès, du nom de son aïeul. D’autres prétendent qu’on l’avait surnommé ainsi à cause de l’ampleur de son style ; Néanthe voit là une allusion à la largeur de son front. Quelques auteurs, entre autres Dicéarque dans les Vies, ont également prétendu qu’il avait disputé le prix de la palestre aux jeux isthmiques. Il avait aussi, dit-on, cultivé la peinture et composé des ouvrages poétiques, d’abord des dithyrambes, puis des chants lyriques et des tragédies.

Timothée d’Athènes dit, dans les Vies, qu’il avait la voix grêle. On raconte encore à son sujet le fait suivant : Socrate vit en songe un jeune cygne couché sur ses genoux, à qui les ailes poussèrent tout à coup et qui s’envola en faisant entendre des chants harmonieux ; le lendemain Platon se présenta à lui et il dit que c’était là le cygne qu’il avait vu.

Platon enseigna d’abord à l’Académie, et ensuite dans un jardin près de Colone, au rapport d’Héraclite, cité par Alexandre dans les Successions. Il n’avait pas encore renoncé à la poésie et se disposait même à disputer le prix de la tragédie dans les fêtes de Bacchus, lorsqu’il entendit Socrate pour la première fois ; il brûla aussitôt ses vers en s’écriant :

Vulcain, viens ici ; Platon implore ton secours[1].

À partir de ce moment, il s’attacha à Socrate ; il avait alors vingt-sept ans. Après la mort de Socrate il suivit les leçons de Cratyle, disciple d’Héraclide, et celles d’Hermogène, philosophe de l’école de Parménide. À l’âge de vingt-huit ans[2], suivant Hermodore, il se retira à Mégare, auprès d’Euclide, avec quelques autres disciples de Socrate, puis il alla à Cyrène entendre Théodore le mathématicien, et de là en Italie, auprès des pythagoriciens Philolaüs[3] et Eurytus. Il passa ensuite en Égypte, pour y converser avec les prêtres. Euripide l’accompagnait, dit-on, dans ce voyage ; il y fit une maladie dont les prêtres le guérirent avec de l’eau de mer. C’est là ce qui lui a suggéré ce vers :

La mer lave tous les maux des hommes[4].

C’est aussi ce qui lui a fait dire avec Homère que tous les Égyptiens étaient médecins.

Platon avait encore dessein d’aller trouver les mages ; mais la guerre qui désolait l’Asie l’en empêcha. De retour à Athènes, il se mit à enseigner à l’Académie ; c’était un gymnase planté d’arbres et ainsi appelé du nom du héros Académus, comme l’atteste Eupolis, dans les Soldats libérés :

Sous les promenades ombragées du dieu Académus.

Timon dit également, à propos de Platon :

À leur tête marchait le plus large[5] d’eux tous, un agréable parleur, rival des cigales qui font retentir de leurs chants harmonieux les ombrages d’Écadémus.

Remarquons ici que le mot Académie s’écrivait primitivement par un E : Écadémie.

Platon était ami d’Isocrate. Praxiphane nous a conservé un entretien sur les poëtes, qu’ils eurent ensemble dans une maison de campagne où Platon avait reçu Isocrate. Aristoxène dit qu’il prit part à trois expéditions : celle de Tanagre, celle de Corinthe et celle de Delium, où il remporta le prix de la valeur.

Platon a fait un mélange des doctrines d’Héraclide, de Pythagore et de Socrate : il a emprunté à Héraclide ce qui concerne les sens ; à Pythagore ce qui regarde l’entendement ; à Socrate les théories politiques. Quelques auteurs, entre autres Satyrus, prétendent qu’il écrivit à Dion, en Sicile, de lui acheter auprès de Philolaüs trois ouvrages pythagoriciens moyennant cent mines. Il était alors dans l’opulence ; car Onétor assure, dans l’ouvrage intitulé si le Sage peut s’enrichir, qu’il avait reçu de Denys plus de quatre-vingts talents. Il a beaucoup emprunté aussi au comique Épicharme, dont il a transporté presque toutes les pensées dans ses ouvrages ; telle est du moins la thèse soutenue par Alcimus, dans les quatre livres à Amyntas ; il dit dans le premier : « Platon ne fait bien souvent que reproduire Épicharme ; examinons en effet : Platon appelle sensible ce qui ne conserve jamais ni la même qualité, ni la même quantité, ce qui est dans un flux, dans un changement perpétuel ; supposé, par exemple, qu’on enlève à un objet toute valeur numérique déterminée, on ne peut plus dire qu’il est égal à un autre, qu’il a telle nature, telle quantité, telle qualité. Tel est le caractère des choses qui, sans cesse produites, changeant sans cesse, n’ont jamais une substance déterminée et invariable. L’intelligible, au contraire, c’est ce qui n’est sujet ni à diminution, ni à accroissement ; tels sont les êtres éternels, toujours semblables, toujours identiques à eux-mêmes. Voici maintenant comment s’exprime Épicharme à propos du sensible et de l’intelligible :

« Les dieux étaient de toute éternité ; ils ne cessèrent jamais d’être. Ils sont toujours semblables à eux-mêmes, formés des mêmes principes. Le chaos, dit-on, fut produit avant tous les autres dieux ; mais cela est impossible ; car rien de ce qui est premier ne peut être produit et venir d’autre chose. Il n’y a donc ni premier ni second parmi les choses dont nous parlons, mais voici ce qui est : Si à un nombre, pair ou impair, vous ajoutez une unité, ou si vous en retranchez une, aurez-vous toujours le même nombre ? Non, assurément ! De même, si à une mesure d’une coudée vous ajoutez une autre longueur, ou si vous en retranchez une partie, aurez-vous toujours la même longueur ? Pas davantage ! Portez maintenant vos regards sur les hommes : les uns croissent, les autres périssent ; tous sont dans un changement perpétuel. Or, ce dont la nature change, ce qui ne reste pas deux instants successifs dans le même état, diffère à chaque moment de ce qu’il était auparavant ; vous et moi, nous ne sommes point aujourd’hui ce que nous étions hier ; nous ne serons pas demain ce que nous sommes aujourd’hui ; chaque instant nous trouve différents, en vertu du même principe. »

Alcimus ajoute : « Les philosophes prétendent que l’âme perçoit certaines choses au moyen du corps, et d’autres par elles-mêmes, sans que le corps intervienne ; de là pour eux la distinction des choses en sensibles et intelligibles. Conformément à cette doctrine, Platon disait que pour arriver à la connaissance des principes de l’univers, il faut d’abord étudier les idées en elles-mêmes, par exemple les idées de similitude, d’unité, de quantité, de grandeur, de repos, de mouvement ; en second lieu, qu’il faut connaître le bien en soi, l’honnête et le juste ; troisièmement, qu’il faut avoir égard aux idées qui renferment quelque relation, comme celles de science, de grandeur, de puissance. On doit admettre, selon lui, que les choses qui tombent sous nos sens participent des idées et en tirent leur nom ; par exemple, qu’on appelle juste ce qui participe de la justice ; honnête ce qui participe de l’honnêteté ; qu’enfin chacune de ces idées premières est éternelle, purement intelligible et immuable. C’est pour cela qu’il dit que les idées sont dans la nature comme les exemplaires des choses ; que celles-ci sont à l’image et comme les copies des idées. Voici d’un autre côté ce que dit Épicharme du bien et des idées :

« La musique est-elle quelque chose ? — Oui, sans doute. — L’homme est-il la musique ? — Nullement. — Qu’est-ce donc que le musicien ; n’est-ce pas un homme ? — Assurément. — Ne vous semble-t-il pas qu’il en est de même par rapport au bien ? Le bien est quelque chose en soi, et l’homme bon et vertueux est celui qui le pratique. Il en est de cela comme des arts ; on est joueur de flûte, maître de danse, tisserand, quand on a appris chacun de ces arts ; et ainsi pour tout le reste ; l’homme n’est pas l’art, mais il est l’artisan.

« Platon dit, dans la théorie des idées, que du moment où la mémoire existe, il s’ensuit que les idées existent également, car la mémoire ne peut avoir pour objet que des choses durables et persistantes, et les idées seules ont ce caractère. Comment, dit-il, les animaux pourraient-ils se conserver s’ils n’avaient pour guides les idées, et si la nature ne leur eût donné une intelligence capable de les percevoir ? En réalité, ils savent reconnaître les objets semblables, distinguer la nourriture qui leur est propre, preuve évidente que la notion de similitude est innée dans tous les animaux. C’est en vertu de cette même notion qu’ils reconnaissent les animaux de même espèce qu’eux.

« Écoutons maintenant Épicharme :

« La sagesse, cher Eumée, n’est pas propre à un seul être ; tout ce qui vit est doué d’intelligence. Examine avec soin : la poule ne produit pas de poulets vivants ; elle couve ses œufs, et leur donne ainsi la vie. La nature seule sait que cela doit être ainsi, et c’est elle qui l’enseigne à l’animal.

« Et ailleurs :

« Ne vous étonnez pas si je dis que les animaux s’admirent entre eux et se trouvent beaux ; le chien est le plus beau des animaux pour le chien, le bœuf pour le bœuf, l’âne pour l’âne, le pourceau pour le pourceau. »

Alcimus cite encore, dans ses quatre livres, beaucoup de passages du même genre pour montrer combien Platon doit à Épicharme. Du reste, les vers suivants, dans lesquels Épicharme prédit qu’on marchera un jour sur ses traces, prouvent qu’il comprenait lui-même toute la portée de ses enseignements :

Je prévois, oui ! je vois clairement que l’on conservera le souvenir de mes leçons : quelqu’un viendra qui, prenant mes discours, les dépouillera de la mesure qui les enveloppe aujourd’hui pour les revêtir de pourpre et de brillantes paroles ; il se rendra par là invincible et triomphera sans peine de tous les autres.

On dit aussi que Platon a le premier apporté à Athènes les ouvrages de Sophron le mimographe, négligés avant lui, et qu’il en a profité pour ses doctrines morales ; on assure même qu’à sa mort on les trouva sous son chevet. Il fit trois fois le voyage de Sicile : la première fois, il n’avait d’autre but que de visiter l’île et les cratères de l’Etna ; mais Denys le Tyran, fils d’Hermocrate, ayant exigé qu’il vînt s’entretenir avec lui, Platon lui parla de la tyrannie et lui dit entre autres choses que le meilleur gouvernement n’était pas celui qui ne profitait qu’à un seul homme, à moins que cet homme ne fût doué de qualités supérieures. Denys, irrité, lui dit avec colère : « Tes discours sentent le vieillard. — Et les tiens, reprit Platon, sentent le tyran. » Poussé à bout par cette réponse, Denys voulut d’abord le faire mourir ; mais, fléchi par les prières de Dion et d’Aristomène, il se contenta de le donner à Pollis, qui se trouvait alors auprès de lui en qualité d’envoyé des Lacédémoniens, afin qu’il le vendît comme esclave. Pollis le conduisit à Égine où il le vendit en effet. Mais à peine Platon fut-il à Égine, que Charmandre, fils de Charmandride, lui intenta une accusation capitale, en vertu d’une loi du pays qui ordonnait de mettre à mort le premier Athénien qui aborderait dans l’île. Cette loi avait été rendue sur la proposition de Charmandre lui-même, au dire de Phavorinus, dans les Histoires diverses. Une plaisanterie sauva Platon ; car quelqu’un ayant dit par dérision que ce n’était qu’un philosophe, on le renvoya absous. Suivant quelques auteurs, il avait été amené sur la place publique et tous les regards étaient fixés sur lui ; mais lui ne prononça pas même une parole, résigné d’avance à tout ce qui pourrait lui arriver. Les Eginètes lui firent grâce de la vie et le condamnèrent seulement à être vendu comme captif. Annicéris de Cyrène, qui se trouvait là par hasard, l’acheta moyennant vingt mines, d’autres disent trente, et le renvoya à Athènes vers ses amis. Ceux-ci lui ayant fait passer le prix de la rançon, il le refusa et répondit qu’ils n’étaient pas les seuls dignes de s’intéresser à Platon. D’autres prétendent que Dion envoya aussi à Annicéris la somme qu’il avait dépensée, et qu’au lieu de la refuser il la consacra à acheter à Platon un petit jardin près de l’Académie. Quant à Pollis, Phavorinus rapporte, au premier livre des Commentaires, qu’il fut vaincu par Chabrias, et plus tard englouti dans les flots, non loin des rivages d’Hélix[6], victime du courroux des dieux irrités contre lui pour sa conduite envers le philosophe. Denys, inquiet, de son côté, écrivit à Platon aussitôt qu’il eut appris sa délivrance, et le pria de ne point le maltraiter dans ses discours ; à quoi Platon répondit qu’il n’avait pas assez de loisir pour se souvenir de Denys.

Il alla une seconde fois en Sicile afin de demander à Denys le Jeune des terres et des hommes pour réaliser le plan de sa république. Denys promit beaucoup et ne tint point parole. On prétend même que Platon courut alors quelque danger, sous prétexte qu’il excitait Dion et Théotas à affranchir la Sicile. Le pythagoricien Archytas écrivit à cette occasion à Denys une lettre justificative, grâce à laquelle Platon put retourner sain et sauf à Athènes. Voici cette lettre :

ARCHYTAS À DENYS, SALUT.

Nous tous, amis de Platon, nous t’envoyons Lamiscus et Photidas pour réclamer de toi ce philosophe, conformément à la parole que tu nous as donnée. Il est juste que tu te souviennes de l’empressement que tu avais à le voir, lorsque tu nous demandais instamment à tous de l’engager à se rendre auprès de toi. Tu nous promis alors qu’il ne manquerait de rien, et qu’il trouverait auprès de toi toute sécurité, soit qu’il voulût rester, soit qu’il eût dessein de partir. Souviens-toi aussi de la joie que te causa son arrivée, de l’affection toute particulière que tu lui as vouée depuis lors. S’il est survenu entre vous quelque nuage, tu n’en es pas moins tenu de te montrer généreux et de nous le renvoyer sain et sauf. En agissant ainsi, tu feras justice et tu acquerras des droits à notre reconnaissance.

Le but de son troisième voyage était de réconcilier Dion avec Denys ; mais il revint à Athènes sans avoir réussi. Il resta toujours étranger aux affaires publiques, quoique ses ouvrages attestent une haute capacité politique. Il donnait pour raison de son éloignement des affaires l’impossibilité de réformer des règles de gouvernement dès longtemps adoptées, et que lui ne pouvait approuver. Pamphila rapporte, au vingt-cinquième livre des Mémoires, que les Arcadiens et les Thébains lui demandèrent des lois pour une grande ville qu’ils avaient bâtie, mais qu’il refusa lorsqu’il eut appris qu’ils ne voulaient pas y établir l’égalité. On dit qu’il osa seul se charger de la défense de Chabrias, accusé d’un crime capital, défense qu’aucun autre Athénien n’avait voulu accepter. Comme il montait avec lui à l’Acropole, il rencontra le délateur Crobylus qui lui dit : « Tu viens en défendre un autre, sans songer que la ciguë de Socrate t’attend à ton tour. » Il lui répondit : « Quand je portais les armes, je m’exposais aux dangers pour ma patrie ; maintenant je combats au nom du devoir, et je brave le péril pour un ami. »

Phavorinus dit, au huitième livre des Histoires diverses, qu’il a le premier employé le dialogue. Le premier aussi il a indiqué à Léodamas de Thasos la méthode de résolution par l’analyse[7]. Il s’est le premier servi en philosophie des mots antipodes, éléments, dialectique, acte[8], nombre oblong, surface plane, providence divine. Le premier parmi les philosophes il a réfuté le discours de Lysias, fils de Céphalus ; il rapporte ce discours littéralement dans le Phèdre. Le premier il a soumis à un examen scientifique les théories grammaticales. Enfin il a le premier discuté les doctrines de presque tous les philosophes antérieurs, hormis cependant Démocrite. On se demande la raison de cette exception. Néanthe de Cyzique dit que lorsqu’il se présenta aux jeux olympiques, il attira les regards de tous les Grecs, et que ce fut là qu’il eut un entretien avec Dion, au moment où celui-ci se préparait à attaquer Denys. On lit aussi dans le premier livre des Commentaires de Phavorinus, que Mithridate de Perse éleva à Platon une statue dans l’Académie, avec cette inscription : « Mithridate de Perse, fils de Rhodobatus, a consacré aux Muses cette statue de Platon, ouvrage de Sisanion. »

Héraclide dit que Platon était si réservé et si posé dans sa jeunesse, qu’on ne le vit jamais rire outre mesure. Cependant sa modestie ne le garantit pas des traits des comiques ; Théopompe le raille en ces termes dans l’Héducharis :

Un ne fait pas un, et à peine, selon Platon, deux font-ils un.

Anaxandride dit dans le Thesee :

Quand il dévorait des olives, comme Platon.

Timon dit de son côté, en jouant sur son nom[9] :

Semblable à Platon, qui savait si bien forger des conceptions imaginaires.

Alexis, dans Méropide :

Tu viens à propos ; car semblable à Platon, je me promène en long et en large, embarrassé, incertain, et ne trouvant rien de bon ; je ne fais que me fatiguer les jambes.

Et dans l’Ancylion :

À force de parler de choses que tu ne connais pas et de courir comme Platon[10], tu trouveras le salpêtre et l’oignon[11].

Amphis, dans l’Amphicrate :

Le bien auquel tu espères arriver par elle, ô mon maître, est encore plus problématique pour moi que le bien de Platon. — Écoute-moi donc…

Et dans Dexidémide :

Ô Platon, tu ne sais qu’une seule chose : avoir l’humeur sombre, et rider ton front sévère comme une coquille d’huître.

Cratinus, dans la Fausse supposition : Évidemment, tu es un homme et tu as une âme ; ce n’est pas Platon qui me l’a appris, mais pourtant je le crois.

Alexis, dans Olympiodore :

Mon corps mortel a été anéanti ; mais la partie immortelle s’est envolée dans les airs. N’est-ce pas là du Platon tout pur ?

Et dans le Parasite :

Ou bien comme Platon, parler tout seul.

Anaxilas le raille également dans Botrylion, Circé et les Femmes riches. Aristippe dit au quatrième livre de la Sensualité antique, que Platon était épris d’un jeune homme nommé Aster, qui étudiait avec lui l’astronomie, ainsi que de Dion dont nous avons déjà parlé. — Quelques-uns prétendent qu’il aimait aussi Phèdre. — On croit trouver la preuve de cette passion dans les épigrammes suivantes, qu’il leur aurait adressées.

À Aster :

Quand tu considères les astres, cher Aster, je voudrais être le ciel, pour te voir avec autant d’yeux qu’il y a d’étoiles.

Aster, autrefois étoile du matin, tu brillais parmi les vivants ; maintenant, étoile du soir, tu brilles chez les morts.

À Dion :

Les Parques ont tissu de larmes la vie d’Hécube et des antiques Troyennes ; mais toi, Dion, les dieux, t’ont accordé les plus glorieux triomphes et les plus vastes espérances. Idole d’une vaste cité, tu es comblé d’honneurs par tes concitoyens. Cher Dion, de quel amour tu embrases mon cœur.

Ces vers furent gravés, dit-on, sur le tombeau de Dion à Syracuse. Platon avait aussi aimé Alexis et Phèdre dont nous avons parlé plus haut ; il a fait sur eux les vers suivants :

Maintenant qu’Alexis n’est plus, prononcez seulement son nom, parlez de sa beauté et chacun se retourne. Mais pourquoi, mon âme, exciter en toi de vains regrets[12] qu’il faudra calmer ensuite ? Phèdre n’était pas moins beau et nous l’avons perdu.

On dit aussi qu’il avait obtenu les faveurs d’Archéanassa, à laquelle il a consacré ces vers :

La belle Archéanassa de Colophon est à moi. L’amour brûlant vient encore se reposer sur ses rides. Oh ! de quelle ardeur elle a dû vous embraser, vous qui avez goûté les prémices de sa jeunesse !

On lui attribue encore les vers suivants sur Agathon :

Quand je couvrais Agathon de baisers, mon âme était tout entière sur mes lèvres, prête à s’envoler.

Autres :

Je te donne cette pomme ; si tu es sensible à mon amour, reçois-la et donne-moi en retour ta virginité ; si tu me repousses, prends-la encore et vois combien la beauté est éphémère.

Autres :

Vois-moi, vois cette pomme que te jette un amant ; cède à ses vœux, ô Xantippe ; car tous deux nous nous flétrirons également.

On lui attribue encore cette épitaphe des Érétriens surpris dans une embuscade :

Nous sommes Érétriens, enfants de l’Eubée, et nous reposons près de Suse, bien loin, hélas ! du sol de la patrie.

Les vers suivants sont aussi de lui :

Cypris dit aux Muses : Jeunes filles, rendez hommage à Vénus, ou j’envoie contre vous l’amour avec ses traits. — Cesse ce badinage, dirent les Muses ; cet enfant ne vole pas de notre côté.

Ceux-ci enfin :

Un homme allait se pendre ; il trouve un trésor et laisse sa corde à la place. Le maître du trésor ne le trouvant plus prend la corde et se pend.

Molon haïssait Platon et dit un jour qu’il était bien moins étonnant de voir Denys à Corinthe que Platon en Sicile. Xénophon paraît aussi avoir été assez mal disposé pour lui. Ils semblent même avoir mis une sorte de rivalité à traiter tous les deux les mêmes sujets : le Banquet, l’Apologie de Socrate, les Commentaires moraux. En outre, Platon a traité de la République, et Xénophon de l’Éducation de Cyrus. — Platon, dans les Lois, dit que ce dernier ouvrage est une pure utopie, et que Cyrus ne ressemblait en rien au portrait qu’en fait Xénophon. — Tous deux ils citent fréquemment Socrate, mais ils ne se citent jamais l’un l’autre ; une seule fois cependant Xénophon nomme Platon dans le troisième livre des Mémoires.

On raconte qu’Antisthène vint un jour prier Platon d’assister à la lecture d’un de ses ouvrages ; Platon lui en demanda le sujet. « Sur l’impossibilité de contredire, répondit Antisthène. — Alors, reprit Platon, pourquoi écris-tu sur cette question ? » et il lui montra qu’il faisait un cercle vicieux. Antisthène blessé écrivit contre Platon un dialogue intitulé Sathon, et à partir de ce moment ils furent ennemis. On dit aussi que Socrate ayant entendu Platon lire le Lysis, s’écria : « Dieux ! que de choses ce jeune homme me prête ! » Et en effet, il a mis sous le nom de Socrate beaucoup de choses que celui-ci n’a jamais dites.

Platon était assez mal avec Aristippe : ainsi il l’accuse, dans le traité de l’Âme, de ne s’être pas trouvé à la mort de Socrate, quoiqu’il fût alors à Égine, à peu de distance d’Athènes. Il n’aimait pas non plus Eschine, car il était jaloux de l’estime que Denys avait pour lui. On raconte à ce sujet que le besoin ayant conduit Eschine en Sicile, Platon lui refusa son appui, et que ce fut Aristippe qui le recommanda au tyran. Idoménée assure de son côté que ce ne fut pas Criton, comme le suppose Platon, mais bien Eschine qui proposa à Socrate de favoriser son évasion ; Platon n’aurait attribué cette offre au premier que par suite de la haine qu’il portait à Eschine. Du reste, Platon ne cite jamais Eschine dans ses dialogues, excepté pourtant dans le traité de l’Âme et dans l’Apologie.

Aristote remarque que sa manière tient le milieu entre la poésie et la prose. Phavorinus dit quelque part que lorsqu’il lut son traité de l’Âme, Aristote resta seul à l’écouter, et que tous les autres partirent. Philippe d’Oponte passe pour avoir transcrit les Lois que Platon avait laissées seulement sur ses tablettes ; on lui attribue aussi l’Épinomis. Euphorion et Panétius disent que l’on trouva un grand nombre de variantes pour l’exorde de la république. Aristoxène prétend de son côté que cet ouvrage se trouvait déjà presque tout entier dans les Contradictions de Protagoras. Le Phèdre passe pour sa première composition ; et à vrai dire, ce dialogue sent un peu le jeune homme ; Dicéarque va même jusqu’à blâmer tout l’ensemble de cet ouvrage, et n’y trouve ni art ni agrément.

Platon ayant vu un homme jouer aux dés, lui adressa des reproches : « Tu me chicanes pour peu de chose, lui dit celui-ci. — Crois-tu donc, reprit Platon, que l’habitude soit peu de chose ? »

On lui demandait s’il laisserait quelque monument durable, comme les philosophes qui l’avaient précédé. « Il faut d’abord, dit-il, se faire un nom ; après cela le reste viendra. »

Xénocrate étant entré chez lui, il le pria de fouetter à sa place un de ses esclaves, parce qu’il ne voulait pas le châtier lui-même dans un moment de colère. Une autre fois, il dit à un esclave : « Je te fouetterais si je n’étais irrité. » Il monta un jour à cheval, et mit aussitôt pied à terre, sous prétexte que le cheval pourrait lui communiquer sa fierté. Il conseillait aux ivrognes de se regarder dans un miroir, afin que la vue de leur dégradation les en préservât à l’avenir. Il disait que jamais il ne convient de boire jusqu’à l’ivresse, excepté cependant dans les fêtes du dieu auquel on doit le vin. Il blâmait aussi l’excès du sommeil ; ainsi il dit dans les Lois : « Un homme qui dort n’est bon à rien. » Il prétendait que ce qu’il y a de plus agréable c’est d’entendre la vérité, — ou selon d’autres, de la dire. Voici, du reste, comment il parle de la vérité dans les Lois : « La vérité, cher hôte, est chose belle et durable ; mais il n’est pas facile de le persuader aux hommes. » Il désirait que son nom se perpétuât, ou dans le souvenir de ses amis, ou par ses ouvrages. On assure aussi qu’il faisait de fréquents voyages.

Nous avons dit comment il mourut. Phavorinus, dans le troisième livre des Commentaires, rapporte cet événement à la treizième année du règne de Philippe. Théopompe parle de reproches que ce prince lui aurait adressés. D’un autre côté, Myronianus, dans les Faits semblables, rapporte un proverbe, cité par Philon, duquel il résulterait que Platon a succombé à une maladie pédiculaire. Ses disciples lui firent de magnifiques funérailles, et l’ensevelirent à l’Académie où il avait enseigné pendant la plus grande partie de sa vie, et d’où l’école platonicienne a tiré son nom. Son testament était conçu en ces termes :

Platon dispose de ses biens ainsi qu’il suit : la terre d’Éphestia, bornée au nord par le chemin qui vient du temple de Céphisias, au sud par le temple d’Hercule, situé sur le territoire d’Éphestia, au levant par la propriété d’Archestratus de Phréarrhos, et au couchant par celle de Philippe de Chollis[13], ne pourra être ni vendue, ni aliénée ; elle appartiendra, si faire se peut[14], à mon fils Adimantus. Je lui donne également la terre des Érésides, que j’ai achetée de Callimachus, et qui est bornée au nord par Eurymédon de Myrrhina, et au couchant par le Céphise. De plus, je lui donne : trois mines d’argent, un vase d’argent du poids de cent soixante-cinq drachmes, une coupe d’argent qui en pèse soixante-cinq, un anneau et un pendant d’oreille d’or, pesant ensemble quatre drachmes, trois oboles. Euclide, le tailleur de pierres, me doit trois mines. J’affranchis Artémis ; quant à Tychon, Dicta, Apolloniadès et Denys, je les laisse à mon fils, à qui je lègue également tous les meubles et effets spécifiés dans l’inventaire qui est entre les mains de Démétrius. Je ne dois rien à personne. Les exécuteurs testamentaires seront Sosthène, Speusippe, Démétrius, Hégias, Eurymédon, Callimaque, Thrasippus.

Tel est son testament. On a gravé sur son tombeau plusieurs épitaphes ; la première est ainsi conçue :

Ici repose le divin Aristoclès, le premier des hommes pour la justice et la vertu. Si jamais mortel s’est illustré par sa sagesse, c’est lui ; l’envie même ne s’est point attachée à sa gloire.

En voici une autre :

Le corps de Platon, fils d’Ariston, repose ici dans le sein de la terre ; mais son âme bienheureuse habite le séjour des immortels. Initié aujourd’hui à la vie céleste, il reçoit au loin les hommages des hommes vertueux.

Celle qui suit est plus récente :

Aigle, pourquoi voles-tu au-dessus de ce tombeau ? Dis-moi vers quel point du séjour céleste se dirige ton regard. — Je suis l’ombre de Platon, dont l’âme s’est envolée vers l’Olympe ; l’Attique, sa patrie, conserve ses dépouilles mortelles.

J’ai moi-même composé pour lui l’épitaphe suivante :

Comment Phœbus eût-il pu, s’il n’eût donné Platon à la Grèce, régénérer par les lettres les âmes des mortels ? Esculape, fils d’Apollon, est le médecin du corps, Platon celui de l’âme immortelle.

En voici une autre sur sa mort :

Phœbus a donné aux mortels Esculape et Platon, celui-ci, médecin de l’âme, celui-là du corps. Platon assistait à un repas de noces lorsqu’il partit pour la ville qu’il s’était bâtie lui-même et à laquelle il avait donné pour base les parvis de Jupiter[15].

Il eut pour disciples : Speusippe d’Athènes ; Xénocrate de Chalcédoine ; Aristote de Stagire ; Philippe d’Oponte ; Hestiée de Périnthe ; Dion de Syracuse ; Amyclus d’Héraclée ; Érastus et Coriscus, tous deux de Scepsis ; Timolaus de Cyzique ; Évémon de Lampsaque ; Pithon et Héraclide, l’un et l’autre d’Énia ; Hippothalès et Callippus, d’Athènes ; Démétrius d’Amphipolis ; Héraclide de Pont ; et beaucoup d’autres parmi lesquels on remarque deux femmes, Lasthénie de Mantinée, et Axiothée de Phlionte. Dicéarque dit que cette dernière portait des habits d’homme. Quelques-uns mettent aussi Théophraste au nombre de ses disciples ; Chaméléon ajoute encore l’orateur Hypéride et Lycurgue ; Démosthène est également cité par Polémon ; enfin Sabinus prétend, au quatrième livre des Méditations, que Mnésistratus de Thasos avait reçu les leçons de Platon, et il appuie son opinion de preuves assez vraisemblables.

Connaissant ta prédilection bien légitime pour Platon[16], et le charme tout particulier que tu trouves dans ses doctrines, j’ai cru nécessaire d’exposer ici la nature de ses écrits, l’ordre de ses dialogues et la méthode qu’il a suivie ; en un mot, de joindre à sa vie une esquisse sommaire de son système ; car ce serait, comme on dit, envoyer des hiboux à Athènes que de descendre pour toi aux détails particuliers.

Zénon d’Élée passe pour avoir le premier composé des dialogues ; cependant Aristote, au premier livre des Poëtes, et Phavorinus dans les Commentaires, prétendent que cet honneur revient à Alexaminus de Styra ou de Téos. Quoi qu’il en soit, Platon, grâce aux perfectionnements qu’il a introduits dans ce genre, peut revendiquer, ce semble, non-seulement la première place, mais même la gloire de l’invention.

Le dialogue est un discours par demandes et par réponses, sur quelque sujet de philosophie ou de politique, discours composé avec art et élégance, et conservant aux personnages leur caractère propre. La dialectique est l’art de la discussion ; elle enseigne à réfuter ou à établir une opinion au moyen du dialogue.

Les dialogues de Platon se partagent en deux classes, d’après leurs caractères essentiels, selon qu’ils ont pour objet l’enseignement ou la recherche de la vérité ; les dialogues d’enseignement se divisent eux-mêmes en théoriques et pratiques ; les dialogues théoriques se subdivisent en physiques et logiques ; les dialogues pratiques en moraux et politiques. Ceux qui ont pour but la recherche du vrai, ou dialogues zététiques, se divisent en gymnastiques et agonistiques, suivant qu’ils ont pour objet l’étude proprement dite, ou l’attaque des autres systèmes ; le genre gymnastique comprend deux subdivisions : dialogues méeutiques (ou d’accouchement), et dialogues pirastiques (ou d’expérimentation) ; le genre agonistique se subdivise également en deux classes : dialogues démonstratifs et dialogues destructifs. Je n’ignore pas que l’on a quelquefois classé autrement les dialogues de Platon ; ainsi on les a distingués en dramatiques, narratifs et mixtes ; mais c’est là une classification plutôt théâtrale que philosophique.

Voici quelques exemples à l’appui de notre division. Genre physique : le Timée ; genre logique : le Politique, le Cratyle, le Parménide et le Sophiste ; moral : l’Apologie, le Criton, le Phédon, le Banquet, le Ménéxène, le Clitophon, les Lettres, le Philèbe, l’Hipparque, les Rivaux ; politique : la République, les Lois, le Minos, l’Épinomis et l’Atlantique ; méeutique : Alcibiade, Théagès, Lysis, Lachès ; expérimental : Eutyphron, Ménon, Ion, Charmide, Théétète ; démonstratif : Protagoras ; destructif : l’Euthydème, les deux Hippias et le Gorgias.

En voici assez sur le dialogue, sur sa nature et ses différents caractères ; passons maintenant à une autre question fort controversée, celle de savoir si Platon est, ou non, dogmatique. On appelle dogmatique celui qui propose des dogmes, de même qu’on nomme législateur celui qui établit des lois ; mais le mot dogme se prend dans deux sens : il exprime, soit le principe dogmatique lui-même, soit l’adhésion de l’esprit ; en d’autres termes, on entend par là, d’une part, la simple proposition, de l’autre, la conception accompagnée d’assentiment. Or, Platon affirme certaines choses comme vraies, il en critique d’autres comme fausses, il s’abstient de prononcer sur ce qui lui semble douteux. Quatre personnages, dans ses dialogues, représentent ses propres idées ; Socrate, Timée, l’hôte athénien, et l’hôte d’Élée. Ces hôtes ne sont pas, comme on l’a supposé quelquefois, Platon et Parménide, mais bien des personnages imaginaires. Platon énonce donc véritablement des dogmes par la bouche de Socrate et de Timée ; il combat également l’erreur représentée par d’autres personnages, par exemple, Thrasymaque, Calliclès, Polus, Gorgias, Protagoras, Hippias, Euthydème et beaucoup d’autres.

Dans ses démonstrations, il a le plus souvent recours à l’induction, qui affecte chez lui une double forme. En effet, l’induction, espèce de raisonnement dans lequel d’une vérité on infère une vérité semblable, présente deux faces différentes que l’on désigne sous les noms d’induction par contrariété, et induction par conséquence. L’induction par contrariété est celle dans laquelle de la réponse, quelle qu’elle soit, on conclut le contraire du principe énoncé dans la demande ; exemple : Votre père est le même que le mien, ou il en diffère ; s’il n’a rien de commun avec le mien, il n’est pas père, puisqu’il n’y a rien de commun entre lui et un père ; s’il est le même que le mien, il s’ensuit qu’il est mon père. Autre exemple :

Si l’homme n’est pas un animal, il est ou une pierre, ou un morceau de bois, mais il n’est ni une pierre, ni un morceau de bois, puisqu’il est animé et se meut lui-même ; il est donc un animal ; le chien et le bœuf sont aussi des animaux ; l’homme étant un animal, sera donc en même temps un chien et un bœuf. Platon employait cette forme d’induction, non pas pour exposer ses propres opinions, mais pour la lutte et le combat, pour la réfutation des doctrines opposées.

Quant à l’induction par conséquence, elle est de deux espèces : ou bien elle prouve une opinion particulière par une vérité également particulière, ou bien elle va du particulier au général. La première est l’induction oratoire, la seconde est l’induction dialectique. Ainsi, dans la première, on se demande si tel homme a commis un meurtre, et on le prouve en disant qu’au moment du meurtre il a été trouvé couvert de sang. C’est là une des applications de l’induction oratoire ; car la rhétorique a pour objet le particulier et non le général ; elle n’étudie pas la justice en elle-même, mais ses diverses applications. Quant à l’induction dialectique, elle prouve le général par le particulier. Ainsi, pour résoudre cette question : l’âme est-elle immortelle, et les morts peuvent-ils revenir à la vie ? Platon, dans le traité de l’Âme, commence par invoquer un principe général, à savoir que les contraires viennent des contraires ; et il prouve ce principe général lui-même par des exemples particuliers : Ainsi il dit que le sommeil naît de la veille, et réciproquement ; que du plus vient le moins, et du moins le plus, etc. C’est à cette espèce d’induction qu’il recourait pour établir ses propres doctrines.

Remarquons en passant que la philosophie a suivi la même marche que le drame : primitivement dans la tragédie, toute l’action roulait sur le chœur ; Thespis introduisit un acteur pour donner au chœur le temps de se reposer ; Eschyle en ajouta un second, Sophocle un troisième, et la tragédie se trouva ainsi complète. De même, la philosophie ne s’était produite d’abord que sous une de ses faces, le côté physique ; à cette partie Socrate en ajouta une autre, la morale ; Platon une troisième, la dialectique, et il compléta ainsi la philosophie.

Thrasylus prétend, qu’à l’exemple des tragiques, il avait groupé ses dialogues par tétralogies. — On sait que dans les concours poétiques, aux Panathénées, aux Dionysiades et aux autres fêtes de Bacchus, on devait présenter trois tragédies et un drame satyrique, et que ces quatre pièces réunies formaient ce qu’on appelait une tétralogie. — Les dialogues authentiques de Platon, dit Thrasylus, sont au nombre de cinquante-six. La République (qui, selon Phavorinus, au deuxième livre des Histoires diverses, se trouve déjà presque tout entière dans les Contradictions de Protagoras) étant divisée en dix livres, et les Lois en formant douze, il n’y a en tout que neuf tétralogies ; car la République et les Lois ne comptent chacune que pour un ouvrage. Les dialogues qui composent la première tétralogie ont, suivant Thrasylus, un sujet commun, l’auteur s’efforçant d’y établir quelle doit être la vie du philosophe. Chacun de ces ouvrages porte deux titres, tirés, l’un du nom du principal personnage, et l’autre du sujet du dialogue. À la tête de cette première tétralogie il place un dialogue expérimental, Eutyphron, ou de la Sainteté ; puis trois dialogues moraux : l’Apologie de Socrate ; Criton, ou du Devoir ; Phédon, ou de l’Âme.

Seconde tétralogie : Cratyle, ou de la Justesse des noms (dialogue logique) ; Théétète, ou de la Science (expérimental) ; le Sophiste, ou de l’Être (logique) ; le Politique, ou de la Royauté (logique).

Troisième tétralogie : Parménide, ou des idées (logique) ; Philèbe, ou de la Volupté (moral) ; le Banquet, ou du Bien (moral) ; Phèdre, ou de l’Amour (moral).

Quatrième tétralogie : Alcibiade, ou de la nature de l’homme (méeutique) ; le second Alcibiade, ou de la Prière (même genre) ; Hipparque, ou de l’Amour du gain (moral) ; les Rivaux, ou de la Philosophie (moral).

Cinquième : Théagès, ou de la Philosophie (méeutique) ; Charmide, ou de la Tempérance (expérimental) ; Lachès, ou du Courage (méeutique) ; Lysis, ou de l’Amitié (méeutique).

Sixième : Euthydème, ou de la Dispute (destructif) ; Protagoras, ou les Sophistes (démonstratif) ; Gorgias, ou de la Rhétorique (destructif) ; Ménon, ou de la Vertu (expérimental).

Septième : Les deux Hippias, le premier sur l’Honnête et le second sur le Mensonge (tous deux du genre destructif) ; Ion, ou de l’Iliade (expérimental) ; Ménéxène, ou l’Éloge funèbre (moral).

Huitième : Clitophon, ou Exhortations (moral) ; la République, ou du Juste (politique), Timée, ou de la Nature (physique)  ; Critias, ou l’Atlantique (moral).

Neuvième : Minos, ou de la Loi (politique), les Lois, ou de la Législation (politique) ; l’Épinomis, intitulé encore Entretiens nocturnes, ou le Philosophe (politique) ; enfin treize lettres morales. Ces lettres portent pour suscription : honnêteté, tandis que dans celles d’Épicure on trouve le mot bonheur, et dans celles de Cléon, salut. Une de ces lettres est adressée à Aristodème, deux à Archytas, quatre à Denys, une à Hermias, Érastus et Coriscus, une à Laodamas, une à Dion, une à Perdiccas, deux aux amis de Dion.

Telle est la classification de Thrasylus, adoptée par plusieurs auteurs. D’autres, et parmi eux Aristophane le grammairien, divisent les dialogues de Platon en trilogies ; dans la première sont compris la République, le Timée, le Critias ; dans la seconde, le Sophiste, le Politique et le Cratyle ; dans la troisième, les Lois, Minos et l’Épinomis ; dans la quatrième, Théétète, Eutyphron et l’Apologie ; dans la cinquième, Criton, Phédon et les Lettres. Quant aux autres dialogues, ils les laissent isolés et n’établissent entre eux aucun ordre. Nous avons déjà dit que quelques auteurs mettent la République en tête des ouvrages de Platon ; d’autres commencent par le premier Alcibiade ; quelques-uns par le Théagès, par l’Eutyphron, ou bien encore par le Clitophon, le Timée, le Phèdre, le Théétète ; enfin beaucoup mettent en première ligne l’Apologie.

Parmi les dialogues attribués à Platon, on s’accorde à regarder comme non authentiques les suivants : Midon, ou Hippotrophus ; Éryxias, ou Érasistrate ; Alcyon ; les Acéphales, ou les Sisyphes ; Axiochus, les Phéaciens ; Démodocus ; Chélidon ; la Semaine ; Épiménide. Phavorinus, au cinquième livre des Commentaires, attribue l’Alcyon à un certain Léon.

Platon a employé une grande variété de termes, pour rendre ses ouvrages inaccessibles au vulgaire. Chez lui, le mot sagesse, dans sa plus haute acception, exprime la science des êtres intelligibles, des êtres proprement dits, science qui, selon lui, a pour objet Dieu et l’âme, abstraction faite du corps. Le mot sagesse désigne encore proprement la philosophie, en tant qu’elle est une aspiration à la sagesse divine. Mais, dans une acception plus générale, Platon l’emploie pour exprimer toute espèce de connaissances : c’est dans ce sens qu’il appelle sage l’artisan. Il se sert souvent des mêmes mots pour désigner des choses différentes ; ainsi il prend le mot φαῦλος[17] dans le sens de simple. Euripide lui donne aussi la même acception dans la pièce intitulée Lycimnius, où il dit en parlant d’Hercule :

Il était simple, sans apprêt, éminemment bon et honnête ; il mettait toute sa sagesse dans l’action, et ne parait point ses discours.

Ce même mot, chez Platon, signifie aussi honnête ; quelquefois même il a le sens de petit. Souvent aussi il emploie des mots différents pour exprimer la même chose ; ainsi il appelle l’idée genre, espèce, exemplaire, principe, cause. Quelquefois un même objet est désigné par des termes contraires ; par exemple, il appelle l’objet sensible, être et non-être ; être en tant qu’il est produit, non-être en tant qu’il change sans cesse. Il dit encore que l’idée n’est ni en repos ni en mouvement, qu’elle est identique à elle-même, une et multiple ; sans compter beaucoup d’autres locutions analogues qui se rencontrent à chaque pas dans ses ouvrages.

Il y a trois choses à considérer dans Platon : d’abord ce qu’il dit, les diverses opinions qu’il énonce ; en second lieu, dans quel sens il le dit, s’il parle au propre ou au figuré, s’il exprime une opinion personnelle, ou s’il ne fait que réfuter une allégation ; troisièmement, si ce qu’il dit est vrai. Mais avant tout il ne sera pas hors de propos de donner l’explication de quelques signes marginaux qui se rencontrent dans ses ouvrages : le X indique les locutions inusitées ou figurées, et en général les tours particuliers à Platon ; le double trait[18] désigne les opinions et les doctrines qui lui sont propres ; le X entre deux points est la marque des locutions élégantes[19] ; le double trait entre deux points indique les passages que quelques auteurs ont corrigés[20] ; les passages que l’on supprime à tort sont marqués d’un trait entre deux points[21] ; le sigma renversé entre deux points[22] désigne les passages à double sens et les transpositions de mots ; par la foudre[23] on indique la liaison des idées philosophiques ; par l’astérisque[24] l’accord des doctrines, et par le trait les passages à rejeter[25]. Tels sont les ouvrages de Platon et les signes qu’on y rencontre. Antigone de Caryste prétend, dans le traité sur Zénon, que dans les premiers temps de leur publication, ceux qui les possédaient ne les communiquaient que moyennant salaire.

Voici maintenant ses doctrines : il dit que l’âme est immortelle et passe successivement dans différents corps ; qu’elle a un principe arithmétique[26], et que le corps a un principe géométrique[27]. Il définit l’âme : l’idée du souffle répandu de toutes parts[28]. L’âme a en elle-même le principe du mouvement ; elle est composée de trois parties : la raison, qui réside dans la tête ; le désir, dont le siége est le cœur ; et la passion, qui a pour siége le ventre et le foie. Placée au milieu du monde corporel, elle l’embrasse en même temps dans toutes ses parties et forme autour de lui une enveloppe circulaire. Les éléments entrent dans sa composition. Elle se partage suivant des intervalles harmoniques en deux cercles unis entre eux ; le cercle intérieur se subdivise lui-même en six autres, ce qui forme en tout sept cercles[29]. Le cercle divisé, placé intérieurement à gauche du premier, forme la diagonale d’un parallélogramme dont l’autre, situé à droite, est le côté. Ce dernier, par cela même qu’il est seul et n’est pas divisé comme le cercle intérieur, a une puissance supérieure et directrice. Celui-ci est le cercle du même, celui-là le cercle de l’autre[30]. En un mot, Platon représente par le cercle extérieur le mouvement de l’âme, et par le cercle intérieur celui de l’univers et des planètes. D’un autre côté, la division des cercles, du milieu aux extrémités, étant harmoniquement appropriée à l’essence de l’âme, celle-ci connaît les êtres et établit entre eux l’harmonie, parce qu’elle est elle-même composée d’éléments harmoniques ; le cercle de l’autre, dans son mouvement régulier, engendre pour elle l’opinion, et le cercle du même, la science[31].

Il y a, selon lui, deux principes de toutes choses : Dieu et la matière ; Dieu, qu’il appelle aussi l’intelligence, la cause ; la matière, substance infinie[32] et sans forme déterminée, dont viennent tous les composés. À l’origine, un mouvement désordonné emportait la matière ; mais Dieu jugeant que l’ordre valait mieux que le désordre réunit dans un même lieu tous les éléments matériels. De la matière se forment quatre éléments ; le feu, l’eau, l’air et la terre, qui eux-mêmes produisent le monde et tout ce qu’il contient. La terre seule ne peut pas se transformer dans les autres éléments, parce que les principes qui la composent n’ont pas la même forme que ceux du feu, de l’eau et de l’air. Pour ces trois éléments, au contraire, les formes sont les mêmes ; car ils sont tous composés également de triangles scalènes, tandis que les principes de la terre ont une forme spéciale. Ainsi l’élément du feu est la pyramide, celui de l’air l’octaèdre, celui de l’eau l’icosaèdre[33], celui de la terre le cube[34] ; il n’y a donc pas de transformation possible ni de la terre dans les trois autres éléments, ni de ceux-ci dans la terre. Ces divers éléments ne sont pas séparés de manière à occuper chacun un lieu distinct et toujours le même ; car le mouvement circulaire presse les petits corps vers le centre, les rapproche et les agglomère, et ceux-ci de leur côté divisent les grands ; de sorte que, changeant de forme, ils changent aussi de lieu.

Le monde est un et il a été produit ; car Dieu en a fait un objet sensible[35]. Il est animé ; car ce qui est animé est supérieur à ce qui ne l’est pas, et le monde est l’œuvre de la cause la plus excellente. Il est un, parce que le modèle sur lequel Dieu l’a ordonné est également un. Il est sphérique, parce que telle est aussi la forme de celui qui l’a produit ; car le monde embrasse tous les animaux, de même que Dieu embrasse toutes les formes. Sa surface est polie et il ne possède aucun organe extérieur dans toute sa circonférence, parce qu’il n’a pas besoin d’organes. Ne pouvant point se résoudre en Dieu, il est impérissable[36]. Dieu est la Cause de tout ce qui a été produit : en effet il est dans la nature du bien de produire le bien ; le ciel a donc pour auteur l’être le plus excellent ; car la plus belle des productions ne peut avoir pour cause que le meilleur des êtres intelligibles ; Dieu ayant ce caractère, le ciel qui ressemble à ce qu’il y a de plus excellent, puisqu’il est lui-même ce qu’il y a de plus beau, ne peut ressembler à aucun des êtres produits ; il ne peut donc avoir d’autre modèle que Dieu.

Le monde est composé de feu, d’eau, d’air et de terre : de feu, pour qu’il soit visible ; de terre pour qu’il soit solide ; quant à l’air et à l’eau, ils établissent le rapport entre les deux autres éléments ; car il faut nécessairement deux moyens termes pour mettre en rapport les solides et réaliser l’unité du tout ; enfin le monde est formé de tous ces éléments ensemble pour qu’il soit parfait et impérissable.

Le temps a été produit à l’image de l’éternité[37] ; celle-ci n’a ni commencement ni fin, tandis que l’existence du temps est inhérente au mouvement du ciel. En effet, la nuit, le jour, le mois, sont des parties du temps ; sans l’existence du monde il n’y aurait donc pas de temps ; car c’est avec le monde qu’il a pris naissance. C’est en vue du temps que Dieu a créé le soleil, la lune et les planètes ; c’est afin de rendre sensible la succession des heures et de mettre les animaux en possession du nombre qu’il a allumé le flambeau du soleil.

Immédiatement au-dessus du cercle de la terre est celui de la lune ; vient ensuite celui du soleil, et au-dessus ceux des planètes. Le monde tout entier est animé ; car le mouvement qui l’emporte suppose l’âme et la vie. Pour que l’univers fût parfait et ressemblât de tout point à l’animal idéal[38], Dieu créa les diverses espèces d’êtres animés ; car, puisqu’ils étaient dans l’animal idéal, il fallait qu’ils fussent aussi dans le ciel[39].

Il y plaça donc l’espèce divine, presque tout entière composée de feu, ainsi que les autres espèces, volatile, aquatique et terrestre.

La terre est le plus ancien et le plus vénérable des dieux du ciel ; elle a été formée pour être la dispensatrice de la nuit et du jour ; placée au centre même du monde, elle se meut autour de ce centre.

Puisqu’il y a deux causes, dit-il encore, certaines choses doivent être rapportées à l’intelligence, d’autres à une cause nécessaire, par exemple à l’air, au feu, à la terre et à l’eau. Toutefois l’air, le feu, la terre et l’eau ne sont pas de véritables principes, mais bien des espèces de réceptacles : ils sont eux-mêmes formés de triangles combinés entre eux, dans lesquels ils se résolvent ; leurs éléments sont le triangle scalène et le triangle équilatéral. Il y a donc, comme nous l’avons dit, deux principes, deux causes, l’une intelligente, l’autre nécessaire, dont les exemplaires sont Dieu et la matière.

Cette dernière cause est nécessairement indéterminée, comme devant servir de réceptacle et de fonds commun aux autres êtres. C’est donc fatalement qu’elle est cause à leur égard ; elle reçoit l’idée et fournit la substance ; elle est mise en mouvement par une puissance qui lui est supérieure, et ce mouvement d’emprunt elle le communique à ses propres productions.

À l’origine le mouvement était confus et désordonné ; mais lorsque les éléments commencèrent à se réunir, Dieu les employa d’après un plan régulier et harmonique, et forma ainsi le monde. Les deux causes[40] qui ont concouru, conjointement avec la production, à former le ciel, préexistaient donc à l’organisation, mais confuses, mal dessinées et sans ordre. Elles reçurent plus tard une organisation régulière lors de l’arrangement du monde. Quant au ciel, tous les corps existants sont entrés dans sa formation.

Dieu est incorporel, ainsi que l’âme, ce qui le met complétement à l’abri de toute destruction et de toute passivité. Les idées sont, comme nous l’avons dit plus haut, les principes, les causes qui donnent aux productions particulières de la nature le caractère qui les distingue.

Quant aux biens et aux maux, voici sa doctrine : la fin de l’homme est de se rendre semblable à Dieu. La vertu, prise en elle-même, suffit au bonheur ; mais il lui faut comme moyens les biens du corps, la force, la santé, le bon état des organes et les autres avantages analogues ; il lui faut également les biens extérieurs, la richesse, la noblesse et la gloire. Néanmoins le sage peut être heureux même en l’absence de ces biens. Le sage peut se mêler aux affaires publiques et se marier ; il doit respecter les lois établies ; il doit même, si cela est en son pouvoir, donner des lois à sa patrie, pourvu qu’il croie pouvoir rétablir les affaires et que les dissensions populaires ne soient pas sans remède.

Platon pense que les dieux surveillent les affaires humaines et qu’il existe des démons. Il a le premier proclamé que l’honnêteté ne saurait être séparée de ce qui est louable, raisonnable, utile, bien et convenable, autant de notions qui supposent elles-mêmes l’accord avec la nature et l’harmonie de la conduite. Il a aussi traité de la propriété des noms, et on peut le considérer comme ayant le premier constitué convenablement la science du dialogue, dont il a fait un fréquent usage.

Dans ses dialogues il dérive la justice de Dieu même, afin d’engager plus fortement les hommes à bien faire par la crainte des châtiments réservés aux méchants après la mort. Quelques auteurs lui ont reproché à ce sujet de faire abus des mythes ; car voulant détourner de l’injustice par l’incertitude du sort qui nous est réservé après la mort, il mêle souvent des fables à ses doctrines.

Aristote lui prête les classifications suivantes :

Les biens se divisent en biens de l’âme, biens du corps et biens extérieurs : la justice, la prudence, le courage, la tempérance et les autres vertus du même genre sont des biens de l’âme ; la beauté, une bonne constitution, la santé, la force sont des biens corporels ; parmi les biens extérieurs il range les amis, la prospérité de la patrie, la richesse. — Il y a donc trois espèces de biens ; ceux de l’âme, ceux du corps et les biens extérieurs.

Il y a également trois espèces d’amitié : amitié naturelle, sociale et de simple hospitalité. La première est celle des parents pour leurs enfants, des proches entre eux ; elle est commune à tous les animaux. L’amitié sociale résulte de liaisons personnelles et ne doit rien à la naissance ; telle est celle de Pylade pour Oreste. L’amitié de simple hospitalité a pour base des rapports avec les étrangers, ou un commerce épistolaire. — On divise donc l’amitié en trois genres, suivant qu’elle repose sur la nature, sur des relations intimes, ou sur des rapports d’hospitalité.

Il y a cinq espèces de gouvernement : démocratique, aristocratique, oligarchique, monarchique et tyrannique. Le gouvernement démocratique est celui dans lequel le peuple administre lui-même, nomme aux charges et fait les lois. Dans les États aristocratiques le pouvoir n’appartient ni aux riches ni aux pauvres, ni aux nobles ; il est le partage des meilleurs citoyens. Dans l’oligarchie, c’est la fortune et le cens qui conduisent aux dignités ; ce gouvernement est ainsi nommé parce que les riches sont toujours en minorité. La royauté est ou élective ou héréditaire : à Carthage elle est élective ; car le roi est choisi parmi les citoyens ; à Lacédémone et en Macédoine elle est héréditaire, le roi étant toujours pris dans la même famille. Enfin le gouvernement tyrannique est celui dans lequel le chef s’est emparé de l’autorité par la ruse et la violence. — Ainsi cinq espèces de gouvernement : démocratie, aristocratie, oligarchie, monarchie, tyrannie.

Il y a trois sortes de justice : envers les dieux, envers les hommes, envers les morts. Faire des sacrifices conformément aux lois, honorer ce que la religion consacre, c’est évidemment être juste et pieux envers les dieux ; restituer un prêt ou un dépôt, est un acte de justice envers les hommes ; prendre soin des cérémonies et des monuments funèbres, c’est être juste envers les morts. — La justice se divise donc en trois branches, suivant qu’elle a pour objet les dieux, les hommes ou les morts.

Il y a également trois espèces de science : pratique, efficiente et spéculative. Ainsi il faut mettre au nombre des sciences efficientes l’art de construire une maison ou un navire, parce que ces sciences ont des effets, des résultats visibles. La science du gouvernement, l’habileté à jouer de la flûte ou du luth, et tous les arts analogues, forment autant de sciences pratiques ; elles ne laissent, il est vrai, aucun monument visible, mais cependant elles ont l’action pour but ; car jouer de la flûte, pincer du luth, gouverner ce sont là des actes. La géométrie, la musique, l’astronomie sont des sciences spéculatives ; car elles ne visent pas à l’action et ne laissent aucun monument sensible : le géomètre étudie le rapport des lignes, entre elles, le musicien le rapport des sons ; l’astronome observe les astres et le monde. — Les sciences sont donc ou spéculatives, ou pratiques, ou efficientes.

Cinq espèces de médecine : pharmaceutique, chirurgicale, diététique, nosognomonique et boéthétique. La médecine pharmaceutique guérit les maladies par l’emploi de médicaments ; la chirurgie au moyen d’amputations, de cautérisations ; la diététique en soumettant à un régime ; la nosognomonique étudie et reconnaît le siége du mal pour y apporter remède ; la boéthétique calme les douleurs par l’emploi de spécifiques prompts et énergiques. — Il y a donc cinq espèces de médecine : pharmaceutique, chirurgicale, diététique, nosognomonique et boéthétique.

Les lois se divisent en lois écrites et non écrites. Celles qui président au gouvernement des États sont les lois écrites. Par lois non écrites on entend les coutumes établies : ainsi aucune loi positive ne défend d’aller nu dans les rues, ni de se promener avec des vêtements de femme  ; cependant personne ne s’en avise, parce qu’une loi non écrite l’interdit. — Les lois sont donc ou écrites ou non écrites.

Il y a cinq espèces de discours : discours politiques, les harangues des hommes politiques dans les assemblées ; discours oratoires, ceux à l’usage des orateurs pour la démonstration, l’éloge, le blâme et l’accusation ; discours privés, les entretiens particuliers ; discours dialectiques, entretiens par courtes demandes et réponses ; enfin discours techniques, c’est-à-dire roulant sur quelques questions d’art entre gens du métier. — Ainsi, cinq espèces de discours : politiques, oratoires, privés, dialectiques et techniques.

Trois sortes de musique : musique vocale, le chant ; musique vocale et instrumentale, par exemple le chant avec accompagnement de luth ; musique instrumentale, par exemple jouer du luth. — Il y a donc trois espèces de musique : vocale, instrumentale, vocale et instrumentale.

Il y a quatre espèces de noblesse : on appelle nobles ceux dont les ancêtres ont été vertueux et justes ; ceux qui descendent d’hommes puissants ou revêtus de quelque commandement ; ceux dont les aïeux se sont fait un nom à la tête des armées ou par quelque couronne remportée dans les jeux ; ceux enfin qui se distinguent par leur grandeur d’âme et leurs qualités personnelles. Le mérite personnel est la noblesse par excellence. — La noblesse tient donc aux vertus des ancêtres, à leur puissance, à leur illustration, à des qualités personnelles.

Il y a trois espèces de beauté : une chose est belle en tant qu’elle nous agrée ; telle est la beauté du corps perçue par la vue. On appelle encore belles celles qui sont d’un bon service ; ce genre de beauté se rencontre, par exemple, dans un instrument, dans une maison et dans les choses analogues. Enfin, les lois, les institutions, etc., sont belles en tant qu’avantageuses. — La beauté consiste donc dans l’agrément, dans l’appropriation des choses à leur fin et dans l’utilité.

L’âme comprend trois parties : la raison, le désir, la passion. La raison est le principe de la volonté, du raisonnement, de la pensée et des phénomènes du même genre ; le désir comprend la faim, l’appétit du sexe, etc. ; à la passion se rapportent le courage, le plaisir, la tristesse, la colère. — Ainsi trois parties de l’âme : raison, désir, passion.

Il y a quatre espèces de vertu parfaite : la prudence, la justice, le courage, la tempérance. Agir sagement en toutes choses est le résultat de la prudence ; la justice porte à respecter l’équité dans les rapports sociaux et les contrats ; le courage fait qu’on persévère, au lieu de se rebuter dans les difficultés et les dangers ; la tempérance fait triompher des passions, vaincre la volupté et vivre honnêtement. — Il y a donc quatre espèces de vertu : prudence, justice, courage, tempérance.

Cinq espèces d’autorité reposant sur la loi, sur la nature, la coutume, la naissance et la force. Autorité légale, celle des magistrats élus par leurs concitoyens ; — naturelle, celle du mâle sur la femelle, non-seulement parmi les hommes, mais aussi chez tous les animaux ; car en général le mâle a partout autorité sur la femelle ; — autorité fondée sur la coutume, celle des pédagogues sur les enfants, des maîtres sur les élèves ; — sur la naissance, celle des rois de Lacédémone ; car la royauté y est héréditaire dans une famille. C’est ce qui a lieu aussi en Macédoine, où la royauté est également héréditaire. — Autorité de la force, celle des tyrans qui par violence ou par ruse ont asservi leurs concitoyens. — Ainsi l’autorité s’exerce en vertu de la loi, de la nature, de la coutume, de la naissance et de la force.

L’éloquence comprend six genres : 1o l’exhortation, lorsque l’on engage, par exemple, à faire la guerre ou à contracter une alliance ; 2o la dissuasion, lorsque l’on détourne d’une guerre ou d’une alliance et que l’on exhorte à rester en repos ; 3o l’accusation, lorsqu’on impute à quelqu’un une injustice, un tort dont on se prétend victime ; 4o la défense, qui consiste à repousser les imputations d’injustice et de violence ; 5o l’éloge, quand on approuve et qu’on démontre qu’une chose est bonne et honnête ; 6o le blâme, lorsqu’on improuve une chose comme condamnable. — Ainsi, six genres d’éloquence : exhortation, dissuasion, accusation, défense, éloge et blâme.

Bien dire suppose quatre conditions : dire ce qu’il faut ; le dire dans une juste mesure ; tenir compte des personnes ; parler en temps opportun. Dire ce qu’il faut : en d’autres termes, ce qui est utile et à l’orateur et à l’auditeur ; — dans une juste mesure : c’est-à-dire ne pas aller au delà, ne point rester en deçà de ce qui convient ; — tenir compte des personnes : par exemple, si l’on s’adresse à des vieillards, accommoder son discours à leur caractère ; — parler en temps opportun, c’est-à-dire ne parler ni avant, ni après le moment favorable. Enfreindre ces règles, c’est manquer le but et mal dire.

Il y a quatre espèces de bons offices : on peut servir quelqu’un de sa fortune, de sa personne, de sa science, de sa parole : de sa fortune, lorsqu’on donne quelque secours pécuniaire à ceux qui sont dans l’indigence ; — de sa personne, lorsqu’on arrache quelqu’un aux coups et aux blessures ; — de sa science, quand on instruit, qu’on donne de bons préceptes ou qu’on assiste les malades de son expérience ; — enfin de sa parole, quand on va dans un tribunal défendre un accusé et plaider convenablement sa cause. — On peut donc servir quelqu’un ou de sa fortune, ou de sa personne, ou de sa science, ou de sa parole.

Le mot fin se prend également dans quatre sens : fin légale, lorsqu’un vote a reçu force de loi ; — fin naturelle, le terme du jour, de l’année, des heures ; — fin dans les productions de l’art ; en architecture une maison ; dans les constructions navales un vaisseau ; — fin fortuite, un événement qui trompe toutes les prévisions. — Il faut donc distinguer quatre espèces de fins : fin légale, fin naturelle, fin dans les productions de l’art et dans les événements fortuits.

Platon admet aussi quatre espèces de puissance : l’une relative à l’âme, le pouvoir de raisonner, de concevoir ; l’autre propre au corps, le pouvoir de marcher, de donner, de prendre, etc. ; une troisième fondée sur le nombre des soldats, sur la richesse : c’est dans ce sens qu’on dit qu’un roi a une grande puissance ; enfin la puissance considérée comme faculté d’être agent ou patient, en bien ou en mal : ainsi nous sommes en puissance malades, savants, bien portants, et ainsi du reste.

Il y a trois espèces de bienveillance : la première est toute de civilité ; elle consiste à saluer tous ceux qu’on rencontre, à leur tendre la main avec politesse et urbanité ; la seconde consiste à secourir généreusement tous les malheureux ; la troisième à recevoir et traiter ses amis. Ainsi, bienveillance officieuse, bienveillance active et pratique envers les malheureux, bienveillance hospitalière, à l’égard de ses amis.

Le bonheur se compose de cinq éléments : la sagesse dans les desseins ; le bon état des sens et la santé du corps ; la réussite dans les entreprises ; une bonne réputation ; enfin la jouissance de tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie. La sagesse est le fruit de l’éducation et d’une longue expérience. Le bon état des sens dépend de l’organisation du corps ; c’est par exemple une vue perçante, une ouïe fine, un odorat subtil, un goût fin et délicat. La réussite consiste à conduire ses entreprises à bonne fin, en homme prudent et habile. La bonne réputation est l’opinion favorable qu’on a de nous. On est dans l’abondance, lorsque l’on est assez largement partagé, des biens extérieurs pour en consacrer une partie à ses amis, et se montrer grand et généreux dans les charges publiques. Posséder tous ces avantages, c’est être parfaitement heureux. Cinq choses concourent donc au bonheur : la sagesse, le bon état des sens et la santé du corps, la réussite, la bonne réputation, l’abondance.

Les arts se divisent en trois classes : la première comprend la préparation des matières premières, fonte des métaux, taille des pierres. La seconde a rapport à la mise en œuvre ; elle comprend par exemple l’art du forgeron, du facteur d’instruments ; car le forgeron met en œuvre l’airain et en fait des armes ; avec le bois, le facteur fait des flûtes ou des lyres. La troisième classe a trait à l’emploi des instruments ; elle embrasse l’équitation qui se sert des freins, l’art de la guerre qui fait usage des armes, la musique qui emploie la flûte ou la lyre, etc. Ainsi trois classes d’arts  : première, seconde et troisième.

Bien ou bon se prennent dans quatre sens : on appelle bon celui qui possède la vertu ; on donne aussi cette qualification à la vertu et à la justice elle-même ; dans un autre sens on l’applique aux mets, aux exercices salutaires, aux remèdes ; enfin on appelle bonnes les représentations scéniques, la musique et les choses analogues. Ainsi, bon se dit de celui qui possède la vertu, de la vertu elle-même, des mets et des exercices salutaires, de la musique et des spectacles.

Certaines choses sont bonnes, d’autres mauvaises, d’autres indifférentes : mauvaises, celles qui sont toujours nuisibles, comme l’incontinence, l’intempérance, l’injustice et les vices analogues ; bonnes, celles qui sont opposées aux précédentes ; indifférentes, celles qui sont tantôt utiles, tantôt nuisibles, comme se promener, être assis, manger, ou bien qui ne sont ni utiles, ni nuisibles ; en un mot, celles qui en elles-mêmes ne sont ni bonnes ni mauvaises.

Trois choses constituent un État bien réglé : de bonnes lois, l’obéissance aux lois établies, de bonnes mœurs et la fidélité aux coutumes qui tiennent lieu de lois. Trois choses constituent également un État mal réglé : de mauvaises lois relativement aux étrangers et aux citoyens, la désobéissance aux lois, l’absence complète de toute loi.

Il y a trois espèces de contrariété : premièrement le bien est opposé au mal, à titre de contraire ; par exemple, la justice à l’injustice, la prudence à l’imprudence, et ainsi de suite. En second lieu, le mal est opposé au mal, ainsi la prodigalité à l’avarice, un châtiment injuste à un châtiment mérité ; ce sont là autant de maux contraires l’un à l’autre. Enfin il y a contrariété entre choses indifférentes : le léger est le contraire du lourd, la rapidité de la lenteur, le noir du blanc. Ainsi trois espèces de contrariété : entre le bien et le mal ; entre le mal et le mal ; entre choses indifférentes.

Il y a trois espèces de biens : ceux qu’on possède, ceux auxquels on participe, ceux qu’on réalise en soi. Ainsi on possède la justice et la santé. Il est des biens au contraire que l’on ne possède pas, mais avec lesquels on est en participation : tel est le bien en soi ; nous ne le possédons pas, mais nous y participons. Pour d’autres biens il n’y a ni possession ni participation possible ; on les réalise en soi : ainsi être probe et honnête, ce sont là des biens, mais des biens à l’égard desquels il n’y a ni possession ni participation ; on en est le sujet, on les réalise en soi. Il y a donc trois espèces de biens : ceux qu’on possède ; ceux auxquels on participe ; ceux dont on est soi-même le sujet.

Les conseils se rapportent aussi à trois catégories : ils ont pour objet le passé, l’avenir, le présent. Dans le premier cas on invoque des précédents ; ainsi on cite les Lacédémoniens malheureux par suite de leur confiance aveugle. Dans le second, on s’appuie sur des faits actuels ; ainsi on représente la faiblesse des murailles, la lâcheté des défenseurs, la disette de vivres. Dans le troisième cas, lorsqu’il s’agit de l’avenir, on recommande par exemple de ne point porter atteinte par des soupçons injurieux au caractère sacré des ambassadeurs, afin que la Grèce ne perde pas dans l’avenir sa glorieuse réputation. Les conseils portent donc, ou sur le passé, ou sur le présent, ou sur l’avenir.

Platon distingue deux espèces de voix : voix animée, celle des animaux ; voix inanimée, le bruit et les sons. La voix animée est ou articulée (celle de l’homme par exemple), ou inarticulée comme celle des animaux. La voix est donc ou animée ou inanimée.

Les êtres sont ou divisibles ou non divisibles ; les êtres divisibles sont homogènes ou non homogènes. Sont indivisibles ceux qui ne peuvent être partagés et ne sont point composés d’éléments, par exemple la monade, le point, le son ; sont divisibles au contraire ceux qui sont complexes, comme les syllabes, les accords musicaux, les animaux, l’eau et l’or. On appelle homogènes ceux qui sont composés de parties semblables, et dans lesquels le tout est identique à la partie, à la quantité près, par exemple l’eau, l’or, les substances humides et les autres objets analogues ; non homogènes ceux qui ne sont pas composés de parties semblables, comme une maison, etc. Ainsi les êtres sont ou divisibles ou indivisibles, et parmi les premiers, les uns sont homogènes, les autres non homogènes.

Les êtres ont ou une existence propre et absolue, ou une existence purement relative. Ont une existence propre ceux qui peuvent être énoncés en eux-mêmes et indépendamment de toute autre chose : ainsi l’homme, le cheval et les autres animaux ; car ils existent indépendamment de toute énonciation. Sont relatifs au contraire ceux qui ne peuvent être énoncés que par rapport à autre chose : telles sont les notions de plus grand, de plus rapide, de plus beau, et toutes les idées analogues ; car une chose n’est plus grande ou plus rapide que relativement à une autre. Les êtres sont donc ou absolus ou relatifs. Platon adopte la même division pour les principes, au dire d’Aristote.

Séleucus le grammairien, dans le premier livre de la Philosophie, mentionne un autre Platon, de Rhodes, également philosophe et disciple de Panétius. Il y a eu aussi un péripatéticien de ce nom, disciple d’Aristote. On cite encore un autre Platon, fils de Praxiphane et un poëte de l’ancienne comédie.


Notes[modifier]

  1. Parodie d’un vers de l’Iliade, XVIII, 392.
  2. Il devait avoir alors vingt-neuf ou trente ans.
  3. Philolaüs était mort quand Platon visita l’Italie.
  4. Iphigénie en Tauride, II, 93.
  5. Allusion à son nom.
  6. Ville du Péloponèse.
  7. Celle qui consiste à ramener le problème à un ou plusieurs principes incontestables.
  8. Ποιήματα ; c’est l’acte considéré dans le sujet passif et non dans l’agent.
  9. Πλάτων ἀνέπλαττε πεπλασμένα.
  10. C’est-à-dire de bavarder sans mesure.
  11. Tu pleureras, tu rencontreras l’amertume.
  12. Le texte dit : « Pourquoi montres-tu un os à des chiens, et tu les renverras ensuite. »
  13. Ephestia, Cephisias, Phréarrhos, Chollis, dèmes de l’Attique.
  14. Nous dirions : s’il plaît à Dieu ; c’est-à-dire s’il ne lui arrive pas quelque malheur, s’il ne vient pas à mourir.
  15. Ce galimatias veut dire : « Lorsqu’il mourut et partit pour le ciel, sa patrie, le seul lieu où puisse se réaliser sa république. »
  16. Diogène avait dédié son ouvrage à une femme, probablement Arria.
  17. Ordinairement il signifie : pervers.
  18. *
  19. L’unité, ou l’idée.
  20. La longueur, élément du solide.
  21. C’est-à-dire : l’exemplaire de l’intelligence répandue dans tout l’univers. — Diogène confond dans tout ce passage l’âme de l’homme et l’âme du monde.
  22. Par ces sept cercles il faut entendre les orbites du soleil et des planètes et la sphère des étoiles fixes. L’inclinaison des six cercles intérieurs sur le cercle extérieur, celui qui représente le mouvement de la sphère étoilée, correspond à l’inclinaison de l’écliptique (voy. le Timée). C’est là ce qu’exprime Platon en disant que l’un des cercles est suivant le diamètre et l’autre suivant le côté ; si en effet on représente par une ligne A le cercle suivant lequel se meuvent les étoiles, par B l’écliptique, par C leur point d’intersection, et qu’on suppose une ligne D menée parallèlement à A, le cercle B sera représenté par la diagonale d’un parallélogramme dont A sera le côté.
  23. Le même, c’est-à-dire ce qui est toujours identique, le monde intelligible ; l’autre, ce qui est multiple, complexe, ce qui diffère dans ses parties, le monde sensible.
  24. Voy. pour le développement de toutes ces idées, le Timée (f. 34-38, éd. Becker ).
  25. Infini est pris ici pour indéfini.
  26. Solide régulier, dont la surface est composée de vingt triangles équilatéraux.
  27. Platon, dans le Timée, réduit la pyramide, l’octaèdre et l’icosaèdre au triangle scalène et le cube au triangle équilatéral ; et comme il est impossible que des triangles équilatéraux, combinés de quelque manière que ce soit, puissent jamais former un triangle scalène, la terre ne peut se ramener ni au feu, etc.
  28. Le complément de la pensée serait : « et tout ce qui est sensible a été produit. »
  29. Ce n’est point là la raison que donne Platon ; le Dieu suprême dit dans le Timée, en s’adressant aux dieux inférieurs : « Vous êtes éternels, parce que telle est ma volonté. »
  30. L’expression de Platon est bien plus belle : « Une image mobile de l’éternité. »
  31. Cet animal idéal est l’idée, l’exemplaire de tout l’univers.
  32. C’est-à-dire dans l’univers.
  33. L’intelligence et la matière indéterminée.