Vieux manoirs, vieilles maisons/056

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Ls.-A. Proulx (p. 163-166).

Le manoir Dionne à Saint-Antoine-de Tilly

Ce manoir fut construit il y a trois quarts de siècle par Charles-François Dionne, seigneur de Tilly, grand’père du seigneur actuel, M. Philémon Dionne.

L’ANCIEN MANOIR DE TILLY À SAINT-ANTOINE-DE-TILLY



O N sait que bon nombre des scènes du roman de William Kirby, le Chien d’or, se déroulent à Saint-Antoine-de-Tilly. Kirby fait une charmante description des environs du manoir de Tilly. Pamphile Lemay traduit ainsi la description de Kirby :

« Il était entouré de pins éternellement verts, de ces grands chênes et de ces ormes élevés qui se drapent dans un feuillage nouveau chaque printemps, et, chaque automne, se dépouillent de leur éclatant manteau.

« Un ruisseau murmurait tout auprès, en précipitant ses ondes d’argent. Tantôt il étincelait au soleil, et tantôt il se cachait sous les épais rameaux comme une jeune vierge honteuse d’être admirée. Un pont rustique en reliait les bords fleuris. Il sortait ce petit ruisseau capricieux, d’un lac charmant et tout étroit, étendu comme une nappe de cristal au milieu de la forêt à quelques lieues du fleuve.

« Derrière la maison, au-dessus de l’étable et du poulailler, caché aux regards par un épais rideau de feuillage, s’élevait le pigeonnier avec ses doux et amoureux habitants. Ils étaient peu nombreux, mais d’un riche plumage et d’une beauté remarquable. Il ne fallait pas laisser la roucoulante famille s’agrandir trop, à cause des champs de blé qu’elle aurait mis à sac.

« Devant le manoir, au milieu des arbres chargés de verdure et palpitants de vie, s’élevait un pin d’une grande longueur, nu et droit comme une flèche d’église. Il n’avait plus d’écorce, plus de rameaux excepté au faîte, un bouquet. Un pavillon et des bouts de rubans flottaient au-dessous de cet énorme bouquet vert qui le couronnait, et la poudre du canon en avait marqué de taches noires l’aubier encore tout éclatant de blancheur. »

Puis, M. Kirby dit de l’intérieur du manoir :

« L’intérieur du manoir ressemblait aux intérieurs des anciens châteaux de France. Au centre, il y avait une grande salle qui servait de cour de justice quand le seigneur de Tilly avait à juger quelque délit, ce qui n’arrivait pas souvent, grâce à la moralité des gens. Dans cette salle se tenait encore la cour plénière, quand il fallait régler les corvées, ouvrir des chemins, construire des ponts. Dans cette salle aussi avaient lieu les grandes réunions des censitaires à la fête de saint Michel de Thury, le patron.

le manoir de tilly à saint-antoine-de-tilly
(vue d’en arrière)
D’après la peinture de Charles Maillard

L’ancien manoir de Tilly à Saint-Antoine-de-Tilly

« De là, on passait dans une suite de chambres de diverses grandeurs, toutes meublées et ornées selon le goût de l’époque et la richesse des seigneurs de Tilly.

« Un grand escalier de chêne, assez large pour laisser passer de front une section de grenadiers, conduisait aux pièces supérieures ; chambres à coucher et boudoirs avec leurs vieilles fenêtres à barreaux d’où le regard s’échappait pour embrasser un délicieux fouillis de nappes d’eau, de tapis de gazon, d’arbustes, de végétaux, d’arbres et de fleurs »[1].

Cette description du manoir de Tilly était-elle fidèle ? Kirby a parlé de la vie canadienne d’autrefois avec tant de sympathie qu’il y aurait mauvaise grâce, vraiment, à le chicaner sur des détails peut-être erronés mais qui, en somme, sont loin de déparer les charmants tableaux qu’il a tracés du régime français.

  1. Le Chien d’or, traduction de Lemay, tome ii, p. 15.