Vingt-deux jours de captivité/10

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L’ATTENTE.


En vain, le jour succède au jour.

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Ah ! si du moins, dans nos années,
Les jours perdus ne comptaient pas.
Lamartine.


Réintégré au fort de la Vitriollerie, je dus réfléchir sur cette nouvelle accusation à laquelle il me fallait répondre, que pouvait-elle être ? je cherchais vainement et plus je cherchais moins je trouvais. On peut envisager de sang-froid un péril connu mais on n’est pas aussi rassuré devant un danger imaginaire. Justement parce qu’on ne pouvait m’accuser de rien, je craignais tout, car la nouvelle accusation ne pouvait être qu’une calomnie et dès lors, mes ennemis avaient pu ourdir leur trame avec habileté ; dans tous les cas ma libération était subordonnée à l’inconnu.


Mais ! dans ce noir chaos, dans ce vide sans terme,
Mon âme sent en elle un point d’appui plus ferme,
La conscience ! ..........[1]


Un ami, M. Delorme, s’empressa de m’apprendre, le lundi 2 juillet, que le conseil avait délibéré sur mon interrogatoire et ordonné ma mise en liberté. Je dus croire qu’on avait écarté cette seconde accusation, mais la journée se passa et le jeudi suivant, j’appris que M. Delorme avait été induit en erreur, qu’il me fallait absolument répondre de nouveau ; ce ne fut que le dimanche 8 juillet, que j’appris ce dont il s’agissait.

La nouvelle accusation à laquelle j’avais à répondre était précisément l’évasion des militaires, et l’instruction de cette affaire se trouvait confiée à M. Schmidt, capitaine d’état major ; or, j’avais répondu sur ce chef, et la maxime non bis idem se trouvait complétement violée. Je m’empressai d’écrire soit à M. Massot, procureur de la République, soit à M. Schmidt et, tout en faisant des réserves sur l’illégalité de la procédure, je réclamais un nouvel interrogatoire. Il me fut promis pour le lundi ou le mardi suivant.

Mais alors j’étais rassuré, car mes réponses que rien ne pouvait démentir, devaient amener le même résultat, c’est-à-dire mon acquittement.

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  1. Alph. Lamartine, Harmonies.