Vingt-quatre Sonnets/Le Piège

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Traduction par Francis de Miomandre.
Vingt-quatre SonnetsFrançois Bernouard (p. 22-23).
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Le Piège



Cette bouche tentante qui distille entre ses perles un suc si doux qu’il en ferait oublier le nectar que Ganymède verse à Jupiter,

Amants, n’y touchez point, si vous aimez la vie ; car, entre ses lèvres rouges, caché comme un serpent sous des fleurs et armé de son dard venimeux, veille l’Amour.

Ne vous laissez point tromper par ces roses, si vives que, couvertes de rosée et parfumées, vous diriez à l’Aurore qu’elles sont tombées de son sein de pourpre.

Ce sont des pommes de Tantale et non des roses, car elles fuient celui qu’elles ont attiré, et de l’Amour alors il ne reste que le poison.