Visions gaspésiennes/16

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Imprimerie du Devoir (p. 79-80).


GLANURES


À Mme  Alexandra B. Houde.


Septembre ! On a fauché les tiges déjà mûres,
Les tiges qui mettaient du jour dans le buisson ;
Et voici que les champs s’emplissent de murmures.
Car le temps est venu de rentrer la moisson…


Des orges et des blés quand la charrette est pleine,
Le moissonneur dit : « Marche ! » et les chevaux s’en vont
Porter tout ce parfum et cet or de la plaine,
Dans l’antique fenil et le grenier profond.



Et puis les garçonnets, les mères et les filles
Vont glaner les épis qu’on n’a pas ramassés,
Disant : « Ne laissons rien derrière les faucilles ;
Nos bêtes n’en auront peut-être pas assez ! »


En songeant qu’il faudra refermer sa fenêtre
Aux rudes mois d’hiver qui souffleront demain,
Ils cueillent ces trésors que le bon Dieu fit naître,
Et ne laissent rien perdre aux traces du chemin.

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Moi, glaneuse d’un champ où l’idéal m’attire,
Je ramasse avec soin, sous vos pas, tous les jours,
Vos regards, vos chansons, vos mots, votre sourire,
Pour les mettre au grenier secret de mes amours…


Et quand, de votre bras si bon qui me protège,
Le temps, qui brise tout, sera le noir vainqueur,
Moi je ne craindrai pas les frimas ni la neige
Car j’aurai tout rentré vos étés dans mon cœur !