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Vitraux/Vitrail

La bibliothèque libre.
Léon Vanier, éditeur (p. 26-29).

Vitrail

Un crépuscule d’or baigne le sanctuaire.

Dans la nef où s’inscrit l’orgueil obituaire
Des châsses, les prélats d’ivoire et de granit
Joignent leurs mains que fit un dévot statuaire.

Tenant la crosse avec le sigillum bénit,
Les Anges éplorés se voilent de leurs ailes
Près des enfeus royaux dont l’albâtre jaunit.


Sur des coussins de marbre noir, les damoiselles
S’agenouillent, un long rosaire entre leurs doigts,
Blondes, parmi les lis, Amour, que tu cisèles :

Ce pendant que, le front cerné d’amicts étroits
Et susurrant une oraison mélancolique,
Des moines sont pâmés à l’ombre de la Croix.

Un soir de flamme et d’or hante la basilique,
Ravivant les émaux ternis et les couleurs
Ancestrales de l’édifice catholique.

Et soudain — cuivre, azur, pourpre chère aux douleurs,
— Le vitrail que nul art terrestre ne profane
Jette sur le parvis d’incandescentes fleurs.

Car l’ensoleillement du coucher diaphane
Dans l’ogive où s’exalte un merveilleux concept
Intègre des lueurs d’ambre et de cymophane.

                                           
Les douze Apôtres, les cinq Prophètes, les sept
Sages appuyés sur les Vertus cardinales
Se profilent en la rosace du transsept.

Améthystes ! Béryls ! Sardoines ! Virginales
Émeraudes au front chenu des Confesseurs
Montrant le Livre où sont inscrites leurs annales.

Les Martyrs en surplis d’écarlate, les sœurs
Marthe et Marie aux pieds du Maître qui s’incline
Et le vol blanc des Séraphins intercesseurs.

Bernard dans les vallons, Benoît sur la colline ;
Les Sibylles qu’Arnaud de Moles attesta
Près du Roi Christ féru du coup de javeline.

Et plus haut — en plein ciel — un chœur d’enfants porte à
Notre-Dame, sur le vélin des banderoles,
Ces mots d’amour : « Ave, felix cœli Porta ! »

                                      
Telle, incarnant aux yeux les divines paroles,
Chaque verrière dans l’or mystique reluit,
Comme un jardin semé d’aveuglantes corolles.

Mais l’ombre gagne et le vain prestige s’enfuit
Et les arceaux quittés n’ont plus de fleurs écloses
Pour les répandre sur la robe de la Nuit :

La sacrilège Nuit par qui meurent les Roses.