Voyage à mon bureau, aller et retour/Chapitre XVIII

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LES MOUCHES A MIEL

Nous avons tous été gourmands étant jeunes, et j'ai vu des enfants saisir adroitement au vol de grosses mouches qu'ils appelaient mouches à miel. Un jour, l'un d'eux ayant porté l'arrière-train de la mouche sur sa langue, pour sucer le soi-disant miel qu'il espérait rencontrer au ventre de l'insecte, ressentit la douleur aiguë d'une aiguille qui le piqua au vif.

Que conclure de ce préambule ? Qu'il y a de fausses mouches à miel, et que si le frelon doit être évité avec soin, il convient en outre de ne pas se fier à toutes les mouches à miel, encore bien moins de leur prêter sa langue.

Le doux laisser-aller de certains individus, et leur apparence d'abeille dans les bureaux, cachent souvent un dard aussi dangereux que celui des frelons. D'ailleurs les frelons ne piquent pas toujours, et ils aiment quelquefois à passer pour des mouches à miel.

Voyez-les entrer dans le cabinet du chef, de ce tigre qu'ils pourraient rendre aveugle en lui crevant les yeux. Eh bien ! ils bourdonnent agréablement autour de ses oreilles. Ils usent du langage familier pour lui demander comment il se porte; - s'il a passé une bonne nuit; - si le temps pluvieux n'est pas la cause de son malaise ou de ses étourdissements. Et ce sont eux, messieurs les frelons, déguisés en mouches à miel, qui l'étourdissent de leurs faux bruits et de leurs discours apprêtés. Ils flattent l'amour-propre ou la bonhomie de celui qu'ils trompent en le déchirant en arrière, et ils cherchent à se l'attirer par leurs paroles mielleuses. Leur but n'est-il pas d'éviter les reproches qu'ils ont mérités ou qui devront les atteindre pour avoir manqué à l'accomplissement de leurs devoirs ou pour avoir négligé de signer la feuille de présence ?


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