Aller au contenu

Voyage dans le Canada/Préface

La bibliothèque libre.
Traduction par madame T. G. M..
chez Léopold Colin (tome premierp. 1-4).

PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

Il pourra paraître singulier qu’un traducteur, au lieu de choisir dans les nouveautés littéraires, se décide pour un ouvrage dont la date remonte à une époque reculée, surtout lorsque cet ouvrage est un roman. On sait que plus les objets sont futiles, plus leurs modifications se succèdent avec rapidité ; et, quoi qu’en disent les auteurs de romans (et peut-être par leur faute), leur genre étant à peine compté dans la littérature est soumis à tous les caprices de la mode ; le grand nombre de personnes qui ont des prétentions à la solidité, affectent du dédain pour ces productions éphémères, dont le désœuvrement et la frivolité s’amusent, et qui retombent après quelques mois dans un éternel oubli.

Je ne prétends pas m’engager dans une discussion sur ce sujet, en essayant de démontrer l’’utilité dont ce genre d’ouvrage pourrait être ; je n’appellerai pas du jugement sévère que prononcent contre lui beaucoup de gens qui, ne réfléchissant jamais, n’y aperçoivent que le récit d’événements sans réalité, et n’y voyent pas la peinture instructive des caractères et des passions dont ces événements ne sont que le cadre.

Mon seul but est de justifier mon choix ; l’auteur du Voyage au Canada, ou de l’Histoire de miss Montaigu, a joui, en Angleterre, de toute la célébrité que peut donner le titre de romancier, dans un pays où l’on aime les romans ; l’ouvrage dont je présente au public la traduction, joint à son mérite, sous ce rapport, celui de peindre les mœurs, les usages, et la situation des habitants du Canada, au temps où il a été écrit ; c’est parce que beaucoup de choses ont changé que je crois les détails qu’il contient, faits pour intéresser ; ce n’est pas comme ouvrage d’imagination qu’il doit être considéré, mais comme description exacte ; il me semble qu’en pareil cas, la date ancienne est un mérite au lieu d’être un tort ; on sait ou l’on est à même d’apprendre chaque jour les événements dont on est contemporain. Soustraire à l’oubli ceux qui sont passés n’est peut-être pas sans utilité.