Voyage de Marco Polo/Livre 2/Chapitre 24

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XXIV
De la prévoyance de l’empereur pour les cas de cherté des vivres.


Le Grand Khan a coutume d’envoyer tous les ans des messagers en diverses provinces de son empire, pour s’informer si les sauterelles et les insectes n’ont point causé de dommage aux blés, ou enfin s’il n’est point arrivé quelque obstacle à la fertilité de la terre. Et lorsqu’il apprend que quelque province a souffert un dommage considérable, il lui remet le tribut qu’elle devait lui payer cette année-là, et envoie du blé de ses greniers pour la nourriture de ce peuple et pour ensemencer les terres. Car dans le temps de l’abondance le roi achète une grande quantité de froment, afin de subvenir aux provinces qui n’auront pas fait la récolte ordinaire ; le roi vend son blé à un prix quatre fois moindre que les marchands. De même, quand la peste a détruit les bestiaux, il remet le tribut de cette année-là, et leur en donne d’autres à bon marché. Outre cela, pour que les voyageurs ou les courriers ne s’égarent point des chemins, il a fait planter des arbres d’espace en espace ; en sorte qu’en suivant la route marquée par ces arbres on ne saurait se tromper. Il est incroyable combien le roi nourrit de pauvres en toute l’année, et combien de pain il fait distribuer du blé de ses greniers pour leur subsistance. Ce que je peux dire, c’est que le nombre des pauvres se monte environ à trente mille, à qui il fournit du pain tous les ans, et qu’il n’en laisse manquer à personne. C’est pourquoi aussi les pauvres le regardent comme un dieu.