Shōyō Tsubouchi, Ourashima 1904
Traduction Takamatsu Yoshie 1922
OURASHIMA
légende dramatique en trois actes
ACTE PREMIER
Au lever du rideau, des chanteurs et des musiciens sont assis en ligne devant un lourd rideau d’étoffe. Le chant attaque l’air d’Utahi.
Ô la divine mélodie que chantent les vagues qui s’avancent et se retirent, sans changement, depuis l’ère des divinités !
À l’est, à des milliers de lieues, dans la mer de Chine, il y a la Grande Vallée sans fond que l’on appelle la Vallée du Vide ! Bien que l’eau de toutes les montagnes et de toutes les plaines, bien que l’eau du fleuve du ciel [1] s’écoule en elle, elle n’est jamais emplie ; mais elle ne diminue pas non plus, et le sage chinois dit : « Cet Océan est sans limites. »
Au nord, à l’infini, les vagues s’élèvent, mêlant le ciel et l’eau et, dans la plaine verte qui fume, des voiles s’estompent et disparaissent.
Des voiles ou non, on ne sait ; les mouettes s’élancent dans l’air.
Elles volent avec la fumée de l’eau. Les vagues s’avancent et se retirent, sans changement, depuis l’ère des divinités. Par-delà cette onde aux nombreux replis se trouvent trois îles, et là, dit-on, habitent les divinités toujours jeunes.
Aux soirs d’automne, sur la côte d’ouest, à la plage du Soleil couchant, les vagues qui s’avancent roulent avec un bruit sonore. L’eau se brise et se déchire contre les rochers, s’en va au loin, et loin elle lave les côtes de la Corée où le soleil qui se couche entre dans le palais de la nuit.
Dans le ciel où le rideau de brocart va se fondre, une lumière blanche s’allume, celle d’un bateau de pêche peut-être. Le rideau violet se fane et le dessin du ciel change lentement. Oh ! sans qu’on l’ait d’abord aperçue, la première étoile vient de sortir des manches décousues du nuage.
Et le ciel s’est ouvert… changeant comme un ciel d’automne. Le vent et le nuage volent ! Au bruit de la godille, les bateaux de pêche se hâtent vers la plage.
Chanson :
Pluie, tombe, tombe.
Mais vent ne souffle pas ;
Car mon mari est marin.
Si le vent pouvait parler,
Je le chargerais d’un message :
Puisqu’il voyage de tous côtés.
Les cris des oies sauvages, qui cousent au fil de leurs voix, les chants des matelots se dispersent dans le vent du soir, et les vagues tumultueuses se brisent contre les rochers.
Tout est grave et tourmenté !