Wikisource:Extraits/2021/27

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Marie-Catherine de Villedieu, Le Singe Cupidon dans Fables, ou Histoires allégoriques, dédiées au Roy

1670

Le Singe Cupidon.

Un vieux Singe des plus adroits,
Ayant vu l’Amour plusieurs fois,
Décocher ses flèches mortelles,
Sur les cœurs de maintes Cruelles ;
Comme lui, voulut être Archer,
Et flèches d’Amour décocher.
Il eût donné leçon d’adresse,
À tout maître en tours de souplesse.
Il prend si bien son temps, choisit si bien son lieu,
Qu’il détrousse le petit Dieu.
Enrichi d’un butin si rare,
À se cupidonner le Magot se prépare ;
Endosse le carquois, s’affuble du bandeau,
En conquérant des cœurs, se rengorge, et se carre,
Et se mirant dans un ruisseau,
Se prend pour Cupidon, tant il se trouve beau.
Ces Animaux pour l’ordinaire,
Naissent savants, en l’art de contrefaire,
Et dans le langage commun,
Singe, et Copiste ce n’est qu’un.
Celui-ci donc campé dans un bocage,
Attend une Nymphe au passage,
Et comme souvent le hasard,
Aux blessures du cœur a la meilleure part,
Notre Archer d’espèce nouvelle ;
Atteint droit au cœur de la Belle.
Jamais la Nymphe avant ce jour,
N’avait senti les flèches de l’amour.
Si cette blessure cruelle,
Fut un cas surprenant pour elle ;
J’en fais Juge le jeune cœur,
Atteint de pareille douleur.
Jour, et nuit, la nouvelle Amante
Soupire, se plaint, se tourmente,
Sans savoir ce qu’elle sentait,
Ni pourquoi tant se lamentait,
Maître Magot darde-sagette,
Qui mieux instruit du mal de la Pauvrette,
S’applaudissait de sa dexterité,
Se voyant la Divinité,
Pour qui se préparait l’amoureux Sacrifice,
Se tenait fier comme un Narcisse.
Quand la Belle par ses soupirs,
Exprimait ses tendres désirs ;
Que de ses yeux, la langueur indiscrète,
À son cœur servait d’interprète,
Peu s’en fallait, qu’en ce moment,
L’indigne Auteur de son tourment,
Ne se crût ce qu’il feignait d’être.
Il eût avec l’amour disputé d’agrément,
Tant l’orgueil nous fait méconnoistre.
Mais on voit ordinairement,