Wikisource:Extraits/2023/11

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Michel de L’Hospital, Discours sur la pacification des troubles de l’an 1567 1568


Ainſi ſera la paix heureuſement entretenuë : la procuration & conſeruation de laquelle, eſt le propre office & deuoir du Roy. À ce but tend l’eſtabliſſement des eſtats, & des ſeigneuries : c’eſt à ſçauoir à la tuition de la paix, dont la douceur & le deſir a donné commencemẽt aux Roys, & aux loix, & a fait recongnoiſtre le plusfort du plusfoible, & aſſugetir volontairement les hommes les vns aux autres. Et partant le vray & naturel office du Roy eſt (comme gardeur & tuteur de paix) la maintenir inuiolable, quand Dieu la luy aura donnee, & punir aſprement les contempteurs de ſes loix. Le Roy Numa Pompilius, maugré tant de ſiecles eſt encor au-iourd’hui en honneur, pour auoir auſsi ſoingneuſemẽt entretenu la paix, que ſon Eſtat & ſa vie. Telle charge eſt digne du nom & du ſceptre François. Le Prince qui abhorrit la paix, & qui tend à effuſion de ſang, & meſmes de celuy de ſes ſugets & membres, quite le nom & l’effect de Prince, pour vn autre, tant abominable que ie ne le puis exprimer moins aigrement, & de nom plus leger, que d’ennemy du genre humain & de la nature. L’affection du Prince a eſté de tout temps comparee à la paternelle. Le pere cruel enuers ſes enfans eſt vn monſtre de nature, execrable, s’efforçant de dépiter le vray & commun Pere des hommes & de la nature. Arrière donc ces peſtes, qui d’vn cœur hoſtile & ſanguinaire taſchent à corrompre (ce que Dieu détourne) la naïue & naturelle bonté, clemence & benignité de noſtre Prince, de la Royne ſa mère, & de Meſsieurs ſes freres : & qui les veulent faire degenerer de l’ancienne, celeſte, & plus diuine, qu’humaine, debonnereté de leurs maieurs Roys de France, enuers leurs ſugets, qui a eſté le nerf, & le lien, qui ſi longuement a maintenu cette couronne, & par qui elle a eſté touſiours reueree & ſeruie d’vn cœur franc, & d’vne loyauté Françoiſe, & non par tyrannie, par effuſion, & par cruauté. Telles gens ſont de mauuais augure à cette couronne, & ſemblent vouloir auancer le deſtin d’icelle, c’eſt à dire le iugement de Dieu, qui humilie ſouuent les choſes éleuees, & aneantit ſouuent les plus grandes & plus fermes, liant les eſprits & abrutiſſant les entendemens & les diſcours des plus ſages. Que le Roy vſe de clemence, & il éprouuera celle de Dieu. Que le Roy ne tienne point ſon cœur, & Dieu lui ouurira le ſien. Que le Roy donne à la Republique ſon offenſe & ſon déplaiſir, & tantoſt elle recongnoiſtra auec vſure ce bien-faict, & luy fera hommage de ſon repos & felicité. Que le Roy oublie & quite tout mal-talent enuers ſes ſugets, & ils ſe quiteront & oublieront eux-meſmes pour