vers 880 - 881 Verso du feuillet 141 du manuscrit 150 de la bibliothèque municipale de Valenciennes Fac-similé, Article sur Wikipédia
Notes :
les parties entre crochets droits sont, dans le texte original, indiquées par un tilde ou une autre marque d’abréviation. Ainsi, le mot dom est noté dõ ; Mireille Huchon, dans son Histoire de la langue française, transcrit dõ par deo. C’est aussi une possibilité ; quelques mots contractés ont été séparés pour faciliter la lecture ; le texte original est tracé en minuscule caroline assez lisible. Le début de chaque vers est marqué par une lettre capitale en rustica ;
on note l’utilisation du digramme ancien cz pour /ts/ dans czo /tso/, forme pronominale, « cela », issue du latin ecc(e) hoc. Plus tard, le z du digramme donnera naissance à la cédille : on aurait donc alors ço (comparer avec le français moderne ça) ;
les vers sont écrits deux à deux par ligne ; pour des raisons de lisibilité, chacun est suivi d’un retour à la ligne ;
la traduction se veut littérale, afin de mieux montrer les liens historiques entre les mots romans et français ; il est donc normal qu’elle semble parfois difficile d'accès ; il suffit de prendre pour chaque mot son acception étymologique (coulpe : « péché », chef : « tête », siècle : « vie dans le monde », figure : « forme », ministère : « service », merci : « pitié », etc.), de se souvenir que le sujet peut ne pas être exprimé et que l’ordre des mots est plus souple (Veut le siècle laisser : « Elle veut laisser le siècle », etc.).
Buona pulcella fut Eulalia.
Bel avret corps bellezour anima.
Voldrent la veintre li d[õ] inimi.
Voldrent la faire diavle servir. 5Elle nont eskoltet les mals conselliers.
Quelle d[õ] raneiet chi maent sus en ciel.
Ne por or ned argent ne paramenz.
Por manatce regiel ne preiement.
Niule cose non la pouret omq[ue] pleier. 10La polle sempre n[on] amast lo d[õ] menestier.
E por[ ]o fut p[re]sentede maximiien.
Chi rex eret a cels dis soure pagiens.
Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt.
Qued elle fuiet lo nom xp[ist]iien. 15Ellent adunet lo suon element
Melz sostendreiet les empedementz.
Quelle p[er]desse sa virginitet.
Por[ ]os suret morte a grand honestet.
Enz enl fou lo getterent com arde tost. 20Elle colpes n[on] avret por[ ]o nos coist.
A[ ]czo nos voldret concreidre li rex pagiens.
Ad une spede li roveret tolir lo chief.
La domnizelle celle kose n[on] contredist.
Volt lo seule lazsier si ruovet krist. 25In figure de colomb volat a ciel.
Tuit oram que por[ ]nos degnet preier.
Qued avuisset de nos xr[istu]s mercit
Post la mort & a[ ]lui nos laist venir. 29Par souue clementia.
Bonne pucelle fut Eulalie.
Beau avait le corps, l'âme plus belle encore.
Voulurent la vaincre les ennemis de Dieu,
Voulurent la faire diable servir. 5Elle, n’écoute pas les mauvais conseillers :
« Qu’elle renie Dieu qui demeure au ciel ! »
Ni pour or, ni argent ni parure,
Pour menace royale ni prière :
Nulle chose ne la put jamais plier 10À ce la fille toujours n’aimât le ministère de Dieu.
Et pour cela fut présentée à Maximien,
Qui était en ces jours roi sur les païens.
Il l’exhorte, ce dont ne lui chaut,
À ce qu’elle fuie le nom de chrétien. 15Qu’elle réunit son élément [sa force],
Mieux soutiendrait les chaînes
Qu’elle perdît sa virginité.
Pour cela fut morte en grande honnêteté.
En le feu la jetèrent, pour que brûle tôt : 20Elle, coulpe n’avait : pour cela ne cuit pas.
Mais cela ne voulut pas croire le roi païen.
Avec une épée il ordonna lui ôter le chef :
La demoiselle cette chose ne contredit pas,
Veut le siècle laisser, si l’ordonne Christ. 25En figure de colombe, vole au ciel.
Tous implorons que pour nous daigne prier,
Qu’ait de nous Christ merci
Après la mort, et qu’à lui nous laisse venir, 29Par sa clémence.