Étude sur le mouvement communaliste à Paris, en 1871/06

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CHAPITRE III.

Le 31 octobre.


L’Internationale et les chambres syndicales ouvrières sont étrangères à ce mouvement. — Manifestations à l’Hôtel-de-Ville. — Etienne Arago et J. Simon devant la population. — L’Hôtel-de-Ville envahi. — Les membres de la Défense gardés à vue. — Attitude de Dorian. — Trochu cède. — Flourens intervient. — Il propose un Comité de Salut public. — Conséquences funestes de cette intervention. — Insuccès définitif de la journée. — Transaction entre le Comité de Salut public et la Défense. — Les bataillons bourgeois rentrent à l’Hôtel-de-Ville. — Retraite du Comité de Salut public. — La guerre civile évitée.

Depuis deux mois, la République, acclamée par la population parisienne tout entière, avait succédé à l’empire et on croyait en avoir fini avec le principe monarchique. Depuis deux mois, Paris et ses cinq cent mille combattants étaient résignés à supporter toutes les privations et à mourir même pour l’indépendance et l’honneur du pays. Et voilà qu’enfin, le rideau se déchirant, on s’aperçut qu’on avait été la dupe d’une infâme comédie, concertée au début même de la révolution du 4 septembre !

Convaincus, à tort ou à raison, de l’impossibilité du triomphe, les membres de la Défense, au lieu d’en faire l’aveu et de céder la place à ceux que Paris, loyalement averti, eût désignés pour leur succéder, s’étaient employés, plutôt que de descendre les degrés de l’Hôtel-de-Ville, à paralyser les républicains et à entraver par tous les moyens la résistance qu’ils avaient mission d’organiser. Pour couronner leur trahison, ils avaient de plus employé M. Thiers — le conseiller dévoué des d’Orléans — à courir de capitales en capitales pour implorer la protection des puissances monarchiques, auprès du roi de Prusse, en faveur de la République française ! Et cela aboutissait à d’ironiques propositions d’armistice, basées sur l’élection à bref délai d’une assemblée nationale, alors qu’un quart du pays était en puissance de l’ennemi, Paris en état de siége et le reste de la France aux mains des monarchistes coalisés et presque tous restés dans l’administration, dans la magistrature et jusque dans l’armée qui se reconstituait !

C’était, ou de la démence, ou de la trahison. Peut-être bien les deux à la fois.

Les républicains-socialistes le sentirent plus que tous autres.

Ennemis déclarés de la guerre à son origine, nous l’avons démontré, ils ne pouvaient admettre que Paris se rendît sans combat, alors qu’il renfermait une garnison considérable, décidée à vaincre ou à mourir.

Paris, devant la douloureuse et noble défense de Strasbourg et de Toul, eût été déshonoré s’il eût, par une telle défaillance, prouvé qu’il méritait l’injure que lui avait jetée à la face certaine grande dame, de n’être qu’une « agréable auberge. » L’armistice, il n’en fallait d’ailleurs pas douter, devait aboutir à quelque restauration monarchique à laquelle un semblant de légalité serait donné par l’assemblée nationale, élue dans de semblables conditions.

Les élections qui eurent lieu après la honteuse capitulation du 28 janvier ont bien prouvé la justesse de ces prévisions.

On vit alors cette chose étrange : ceux-là qui s’étaient le plus opposés à la guerre et que les feuilles soumises de l’empire traitaient alors d’alliés des Prussiens, furent dénoncés de nouveau comme vendus à l’ennemi et toujours par les mêmes feuilles immondes, parce que, soucieux de l’honneur de Paris et de la République, ils prétendaient qu’on ne pouvait sans honte traiter de la paix, avant qu’une victoire remportée par la France ne permît de le faire en traitant d’égal à égal.

Mais avant d’entrer dans le récit des faits qui se produisirent le 31 octobre, et afin de préciser les causes qui firent avorter cette journée, nous devons rectifier tout ce qui, à ce propos, a été mis à la charge de l’Internationale.

Bien que le Comité central des vingt arrondissements, qui joua un rôle dans cette journée, renfermât un grand nombre de socialistes et de membres de l’Internationale, il n’en est pas moins certain que cette société, de même que les chambres syndicales ouvrières, demeurèrent totalement étrangères, en tant qu’organisations particulières, aux divers événements qui s’accomplirent du 4 septembre au 31 octobre.

Dès la formation des Comités de vigilance et du Comité central, l’Internationale et la Fédération ouvrière, tout en mettant leur local à la disposition des Comités, déclarèrent vouloir rester en dehors de toute action émanant de ces Comités.

Plus tard, après le 8 octobre, les sections ayant été invitées à se réorganiser, une Commission ad hoc se réunit afin d’aviser.

Nous assistions à cette séance, en qualité de délégué du Comité central, dont l’échec du 8 octobre avait atteint l’influence, et nous invitâmes, au nom des membres les plus connus de ce Comité, la Commission de l’Internationale et de la Fédération réunies, à prendre désormais en leurs mains la direction du mouvement politique dont le prochain accomplissement se laissait pressentir.

Nous insistâmes vivement sur l’urgence qu’il y avait qu’une société dont le programme était connu et dont les principes républicains ne faisaient plus doute pour personne, s’emparât de la direction des affaires, afin de substituer l’initiative des groupes et des idées à celle d’individualités plus ou moins avides de pouvoir, mais généralement dépourvues de toute conception politique et économique nouvelle.

Il était temps, ajoutions-nous alors, que la révolution fût faite par le peuple et sous forme d’anonymat, afin de couper court aux ambitions individuelles et malsaines. Seules, selon nous, l’Internationale et la Fédération ouvrière étaient capables de réaliser la Révolution sociale dont l’avènement de la Commune, de jour en jour plus probable, allait donner le signal.

Tout en reconnaissant la justesse de cette façon de voir — commune d’ailleurs à tous les républicains-socialistes et que nous n’avions fait que traduire devant elle, — la Commission, à la presque unanimité, déclara qu’il n’y avait pas lieu pour l’Internationale et les Chambres syndicales ouvrières de se mêler directement à des événements encore trop incertains et dans lesquels ces sociétés pouvaient compromettre leur existence. Qu’elles avaient en vue de s’occuper uniquement des réformes sociales économiques et que, en tant que groupes, l’Internationale et la Fédération devaient s’abstenir soigneusement de toute ingérence dans l’action purement politique. Chacun des membres conservant du reste le droit d’y participer individuellement dans la mesure qu’il jugerait convenable.

En vain nous objectâmes que c’était tomber dans les errements des anciennes écoles socialistes, s’imaginant qu’on pouvait scinder la vie des sociétés et obtenir l’émancipation des travailleurs même sous une monarchie ; en vain nous nous efforçâmes de démontrer que, sous peine de ne pas être, le socialisme devait être une politique ayant pour base essentielle la négation même de l’idée monarchique, nous nous heurtâmes à une résolution bien arrêtée et que fortifièrent les observations de certains des membres les plus influents de l’Internationale présents à cette séance, et nous dûmes nous retirer sans avoir pu obtenir la moindre promesse au sujet de notre mission.

La lettre ultérieurement écrite au citoyen Serrailler, par Karl Marx, l’inspirateur principal de la section allemande de l’Internationale, au sujet des élections du 8 février, et dans laquelle il critique avec une certaine amertume l’intervention de la section française dans ces élections, témoigne suffisamment qu’à tort ou à raison, l’Internationale était alors peu disposée à se mêler de politique active.

Cette digression, nous le répétons, était nécessaire avant de commencer le récit des événements du 31 octobre, pour démontrer que l’Internationale n’y eut point la part que les journaux prétendirent depuis mettre à sa charge.

Dès le matin donc du 31 octobre, après la lecture des affiches annonçant la reddition de Metz et l’annonce d’un armistice qui avait tout l’air d’un préliminaire de paix inavouable, de nombreux groupes se formaient et la conduite du gouvernement Trochu-J. Favre y était sévèrement qualifiée.

L’émotion gagna de proche en proche et les chefs des bataillons de la garde nationale des quartiers populaires se réunirent pour aviser.

D’un autre côté, les journaux étaient presque unanimes à critiquer vivement — à propos de la reprise du Bourget par l’ennemi — les combats partiels toujours inutilement livrés et suivis de « retraites en bon ordre » dont les résultats les plus nets étaient, outre les pertes douloureuses essuyées par les combattants et l’affaiblissement des corps auxquels ils appartenaient, une lassitude et un découragement menaçant de gagner toute l’armée et la mobile qui en supportaient le poids.

Enfin, les Comités de vigilance étaient convoqués dans leurs arrondissements respectifs et nommaient des délégués spécialement chargés de demander des explications au gouvernement et de lui signifier qu’à aucun prix Paris ne consentirait à un armistice dans de semblables circonstances.

Dès onze heures du matin, et malgré une pluie glaciale et pénétrante, de nombreuses délégations de la garde nationale et des réunions populaires stationnaient sur la place de l’Hôtel-de-Ville, demandant à grands cris l’armement général et sans exceptions de tous les citoyens valides, la levée en masse et les élections communales, déjà trois fois décrétées par le gouvernement et trois fois ajournées, sous prétexte que les préoccupations du siège rendaient les élections impossibles.

Parmi certains bataillons qui des premiers s’étaient rendus à l’Hôtel-de-Ville, on remarquait surtout le 116e ayant à sa tête le commandant J. A. Langlois[1], qui depuis… mais alors !

Ces députations, reçues d’abord par le maire de Paris, Et. Arago, maire imposé le 4 septembre, obtinrent de ce dernier la promesse formelle que ni lui, ni les maires d’arrondissement qu’il avait nommés ne consentiraient à un armistice, et que, quant à lui, maire de Paris, il se ferait plutôt tuer sur les marches de l’Hôtel-de-Ville que de jamais manquer à cette promesse ; enfin, tout ce que peut dire un magistrat dans ces circonstances.

Les députations devenues de plus en plus nombreuses et exigeantes, il fallut enfin qu’un membre du gouvernement se décidât à se montrer, et ce fut le citoyen J. Simon qu’on chargea de la pénible et misérable mission de venir mentir au peuple.

Monté sur une chaise, il jura solennellement que jamais la Défense n’avait songé à rendre Paris, que Paris devait se défendre jusqu’au bout et que l’armistice proposé, mais non demandé (mensonge indigne, il le savait bien), serait repoussé par le gouvernement tout entier et que, lui personnellement, n’y consentirait jamais, — toujours, on le voit, comme le citoyen Et. Arago.

Pendant que se jouait cette inqualifiable farce, les délégués des vingt arrondissements, réunis aux Comités de vigilance, place de la Corderie du Temple, arrêtaient qu’ils allaient immédiatement se rendre à l’Hôtel-de-Ville et qu’un certain nombre de leurs membres seraient envoyés au Provisoire pour sommer celui-ci — sous peine de déchéance — de convoquer immédiatement les électeurs, afin de procéder à la nomination d’une assemblée communale, désormais chargée de surveiller les opérations de la défense de Paris et de diriger son administration intérieure, sous le contrôle direct des citoyens.

À deux heures de l’après-midi, les Comités réunis, délégués en tête, arrivaient sur la place de l’Hôtel-de-Ville par la rue du Temple. Les cris de « Vive la Commune ! » et « À bas Trochu ! » les accueillaient sur leur passage.

Malheureusement, un grand nombre de gardes nationaux, se méprenant sur quelques paroles vaines du général Trochu, annonçant de prochaines élections municipales, ainsi que sur une déclaration des maires et adjoints, alors réunis à l’Hôtel-de-Ville, et qui avaient conclu à la nécessité de pourvoir d’urgence à ces élections, un grand nombre de gardes nationaux, disons-nous, confiants dans ces vagues promesses, remontaient dans leurs quartiers, annonçant que la Commune était acceptée par la Défense, et que tout était fini. Ce quiproquo joua un rôle considérable dans l’insuccès final de cette journée.

Lorsque les Comités de vigilance et leurs délégués arrivèrent sur la place, les escaliers du palais municipal étaient littéralement bourrés de mobiles et surtout de Bretons, dont le dévouement à la personne de Trochu et à la réaction était déjà bien connu.

Les délégués du Comité central furent ainsi obligés de se séparer, forcés qu’ils étaient de se faire jour un par un et non sans de grandes difficultés, à travers cette haie de baïonnettes.

Les premiers arrivés dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville, trouvèrent MM. Trochu, J. Favre et J. Ferry entourés des maires et adjoints de Paris, et de quelques journalistes.

Le général Trochu faisait à ces derniers un cours de stratégie à l’aide duquel il essayait de leur démontrer que rien n’était plus avantageux à la défense, que d’abandonner le lendemain une position prise la veille à l’aide des plus grands efforts et des pertes les plus cruelles.

Indigné de l’impudence de ce stratégiste et de la docilité avec laquelle l’auditoire écoutait cette sinistre bouffonnerie, un des délégués du Comité central — l’auteur de ces lignes — interrompit le discoureur, ajoutant qu’on n’était point là pour entendre de semblables choses, mais pour sommer le gouvernement de faire procéder d’urgence à l’élection d’une Commune, seule chargée désormais des intérêts militaires et administratifs de Paris.

Après quelques interpellations fort vives, échangées entre les auditeurs bénévoles, l’interrupteur et les trois membres présents du gouvernement, ceux-ci se retirèrent, déclarant qu’ils allaient délibérer.

En ce moment même, le peuple faisait irruption dans la salle, et quelques instants après, la déchéance du gouvernement était unanimement réclamée.

En vain Rochefort, dont l’attitude laissa grandement à désirer en cet instant, et dont les réticences au sujet de l’affaire Pyat, relative à la reddition de Metz, avaient bien ruiné l’influence, tenta d’élever la voix en faveur d’un gouvernement dont il faisait partie, le peuple ne voulut rien entendre, et un citoyen, monté sur la table d’où Rochefort avait été contraint de descendre, proclama la déchéance du gouvernement Trochu, J. Favre et consorts.

Une liste fut alors proposée pour composer une commission exclusivement chargée de faire procéder dans les 48 heures à l’élection de la Commune de Paris.

Cette liste contenait les noms des citoyens Dorian, Louis Blanc, Blanqui, Félix Pyat, Gambon, Delescluze, Ledru-Rollin et Minière.

Cette liste, connue quelques heures après dans Paris, obtint l’approbation générale de tous ceux qui voulaient la continuation de la lutte et l’affermissement de la République.

Cette approbation fut d’autant mieux acquise aux noms proposés qu’ils n’étaient point considérés comme devant constituer un pouvoir dictatorial nouveau, mais seulement comme chargés d’organiser l’élection immédiate d’une assemblée communale qui représentât sérieusement cette fois les aspirations de Paris.

Mais faute d’entente préalable, et ce qui prouve du reste que les événements seuls avaient déterminé l’explosion, plusieurs listes, lues sur divers points de l’Hôtel-de-Ville, furent colportées au dehors, ce qui commença à jeter un véritable trouble dans les esprits habitués à plus d’unité dans des circonstances analogues.

Enfin, pour comble de désarroi, un certain groupe, tout en admettant l’idée de la Commune de Paris, entendait que ceux qui seraient chargés d’organiser son élection, garderaient le pouvoir politique en lieu et place de ceux qu’on en venait chasser.

Déjà depuis plusieurs heures, le gouvernement de la Défense, presque tout entier réuni dans la salle des délibérations[2], était entouré d’un grand nombre de citoyens qui, pour éviter tout conflit ultérieur, demandaient à ses membres leurs démissions écrites.

Visiblement fatigué de la lutte qu’il soutenait, et peut-être inquiet des éventualités que la prolongation de cette lutte pouvait faire surgir, le général Trochu consentait enfin à céder la présidence gouvernementale à M. Dorian et à se démettre de ses fonctions de gouverneur de Paris, fonctions dont l’empire l’avait investi et qu’il avait eu l’impudeur de conserver, malgré le 4 septembre. — Le général demandait seulement à conserver un commandement militaire devant l’ennemi, et ses collègues, fort impressionnés par cet abandon, allaient peut-être se décider à se retirer, eux aussi, lorsqu’il se produisit un incident qui pour eux tous fut le salut.

Un homme, dévoué jusqu’à la mort à ses convictions, mais d’une désespérante personnalité, était venu, sans s’en douter, dénouer cette situation périlleuse pour la Défense.

Faisant irruption dans la salle, Gustave Flourens, alors chef du bataillon des Tirailleurs de Belleville, vint annoncer aux assistants qu’un Comité de Salut public venait d’être définitivement acclamé, et que ce Comité se composait des citoyens Flourens, Blanqui, Millière, Félix Pyat, Victor Hugo, Delescluze, Mottu, Ranvier et Avrial. Sur l’observation d’un citoyen, le nom de Dorian, d’ailleurs porté sur toutes les listes qui circulaient déjà, fut ajouté en tête de celle-ci.

Cette proclamation d’un Comité de Salut public, quelle que fût d’ailleurs sa composition, donnait un tout autre caractère au mouvement et en compromettait complètement le succès.

C’était en définitive la substitution d’une dictature à une autre, et seulement des noms opposés à d’autres noms : la machine gouvernementale restait la même et plus impuissante encore au salut public, malgré le titre pompeux qu’on lui prétendait maintenant faire porter.

C’était la création d’un nouveau pouvoir autoritaire, composé de noms sans doute plus honorables et plus sympathiques, mais qui, pas plus que leurs prédécesseurs, n’avaient droit de prétendre à la direction de la défense dont, à leur tour ils allaient devenir seuls responsables.

La nomination de la Commune, c’était l’appel fait au concours de tous ; l’établissement d’un Comité de Salut public, c’était une nouvelle sanction donnée au principe fatal du gouvernement personnel et irresponsable en réalité.

Aussi vîmes-nous sans étonnement, au moment même de la déclaration de G. Flourens, sourire ironiquement l’homme le plus rusé de la Défense, le citoyen J. Simon, sûr cette fois que la partie était perdue encore pour les partisans de la Commune.

Divers courants opposés s’établirent en effet dans la salle. Les uns s’amusèrent à discuter les noms, d’autres à discuter les attributions de ce Comité.

Pendant ce temps, la nuit était arrivée, et le mauvais temps aidant, une masse considérable de gardes nationaux qui étaient venus appuyer le mouvement, le croyant accompli, s’étaient retirés.

Quelques heures après, ceux des membres du Comité de Salut public qui avaient accepté d’en faire partie se voyaient seuls, ou à peu près, devant ce qui restait de l’ancien gouvernement, le général Trochu et M. Jules Ferry ayant pu fuir de l’Hôtel-de-Ville, malgré l’engagement formel de Flourens qui, « sur sa tête, » avait promis de garder à vue tous les membres alors présents, jusqu’à ce que le Comité eût définitivement pris possession.

Dans cette situation, MM. Blanqui, Minière, Flourens et Delescluze se décidèrent à quitter la place aux conditions suivantes, acceptées par leurs adversaires triomphants :

1o Les membres actuels du gouvernement de la Défense resteraient à leurs postes jusqu’aux élections communales, qu’ils s’engageaient à faire faire à bref délai ;

2o Les membres du Comité de Salut public se retireraient librement et nulles poursuites ne seraient exercées par le gouvernement de la Défense, contre qui que ce fût, à raison des faits qui venaient de se passer.

Cette résolution était commandée par ce fait que MM. Trochu et J. Ferry, à la tête des bataillons de la garde nationale des quartiers aristocratiques, et trouvant la place presque, déserte et l’Hôtel-de-Ville mal gardé, avaient introduit leurs hommes, ainsi que des bataillons de mobiles bretons, les uns par les escaliers de l’Hôtel, aux cris de « Vive la République ! » et les Bretons par les souterrains communiquant à la caserne voisine dans laquelle ils étaient massés.

L’ancien gouvernement était ainsi redevenu assez maître du terrain pour qu’une lutte fût indispensable pour l’en chasser de nouveau.

Sans doute la lutte était possible. Que quelques coups de feu eussent été tirés de part et d’autre, les bataillons des quartiers populaires, restés sous les armes dans leurs arrondissements respectifs, descendaient sur l’Hôtel-de-Ville, et la guerre civile allait s’allumer dans Paris entouré par l’ennemi, prêt à en profiter.

Dans ces graves circonstances, les chefs par hasard de ce mouvement — qui eut précisément pour caractère d’être tout spontané — dont l’installation ne pouvait plus être que le prix de la guerre civile, refusèrent un pouvoir aussi chèrement acheté, et ils eurent raison.

À quatre heures du matin, tout était terminé. Le mouvement communaliste était vaincu et les hommes du 4 Septembre purent garder leur position.

On va voir comment ils usèrent de la victoire et le parti qu’ils en surent tirer.


  1. L’un des signataires de l’invitation des socialistes aux députés de la Seine en 1869 — maintenant adorateur fervent de la politique de M. Thiers !
  2. Un seul en avait prudemment disparu et mit quelque temps à venir au secours de ses collègues ; c’était Ernest Picard, qui dès 3 heures du soir, avait quitté l’Hôtel-de-Ville pour n’y revenir que vers 9 heures : il était allé sauvegarder le ministère des finances !