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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3712

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 545-546).

3712. — À M. THIERIOT.
À Ferney, 6 décembre.

Ce Ferney dont je vous écris, mon ancien ami, est une terre au bord de ce lac que je ne puis abandonner ; c’est le supplément des Délices. Ex nitido fit rusticus[1] ; mais, au milieu de vingt maçons qui me rebâtissent un château, et parmi les laboureurs à qui je donne de nouvelles charrues à semoir, je n’oublie point mon atlas[2]. Je veux avoir la terre entière présente à mes yeux dans ma petite retraite ; et, tandis que je me promène des Délices à Ferney et à Lausanne, je veux que mes yeux se promènent sur la Lusace et sur la Bohême, sur Louisbourg et sur Pondichéry. Di grazia, amusez-vous à me faire un bel atlas, bien complet, bien relié ; ayez la bonté de me l’envoyer, par le carrosse de Lyon, à mon ami Tronchin, non pas Tronchin l’inoculateur, mais Tronchin le banquier, qui m’est aussi utile que l’autre, Mme de Fontaine vous payera les déboursés que vous aurez eu la bonté de faire. Vous aimez les livres et vos amis ; ainsi je compte vous servir à votre goût, en vous faisant exercer votre double métier d’obliger et de bouquiner. Je suis un peu mécontent des bouquins nouveaux ; mais je me console cum veterum libris. Dites de moi : Félix nimium ! sua nam bona novit[3]. Quelle nouvelle sottise avez-vous dans votre pays ? Intérim, vale.

  1. Horace, lib. I, ep. vii, v. 83.
  2. Dans sa lettre 3681, Voltaire demandait un atlas.
  3. Allusion au vers 458 du livre II des Géorgiques.