De la vie à la mort/Texte entier

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TOME XXXIII



PARIS
J. MAISONNEUVE, LIBRAIRE-ÉDITEUR
6, RUE DE MÉZIÈRES ET RUE MADAME, 26

1897




AVANT-PROPOS


André Theuriet m’écrivait le 3 décembre 1879 : « Moi aussi je me suis occupé de la poésie populaire dans un article qui termine mon volume de Sous Bois. Je me propose de revenir un jour sur ce sujet qui est inépuisable, comme la nature elle-même. »

En effet, les chansons, les légendes et les contes sont aussi nombreux dans les chaumières que les feuilles dans les bois.

Après Souvestre qui, le premier en Bretagne, s’est occupé de recueillir les traditions populaires, après MM. de la Villemarqué, Luzel et Sébillot, je viens, moi aussi, offrir mon humble cueillette. Vaudra-t-elle la peine que je me suis donnée ? Je n’en sais rien ; mais qu’importe si je suis arrivé à sauver de l’oubli une élégie du temps passé, un conte de revenants, à rappeler les coutumes, les usages, les goûts de nos pères si différents des nôtres ? J’aurai au moins apporté mon grain de sable aux savants qui s’occupent de l’œuvre du Folk-lore, et cela me suffira. Enfin, j’aurai peut-être donné à d’autres l’idée de continuer ces recherches qui m’ont charmé et qui certainement les charmeront à leur tour.

Lorsqu’il y a vingt ans je parcourus les communes de l’Ille-et-Vilaine pour décrire la Géographie pittoresque de ce département, j’entendis derrière les haies d’aubépine des mélodies suaves, au coin du foyer des récits étranges. J’assistai à des cérémonies gaies et tristes qui m’intéressèrent et m’impressionnèrent. Je me promis alors de me livrer plus tard à de nouvelles études sur mon cher pays.

Des loisirs m’ont permis de mettre mon projet à exécution, et c’est ce que j’ai vu et entendu dans le fond de nos campagnes que je publie aujourd’hui.

A. O._____




Tome 1[modifier]


DE LA VIE À LA MORT
FOLK-LORE DE L’ILLE-ET-VILAINE




CHAPITRE PREMIER


La Naissance, le Baptême, les Relevailles, les Nourrices

Lorsqu’une femme ressent les douleurs de l’enfantement, on va aussitôt chercher, avant de prévenir le médecin, une vieille matrone qui a l’habitude de soigner les femmes en couches. Il y en a généralement une dans chaque village. C’est à elle que le médecin remet l’enfant. Elle lui fait sa première toilette et l’enveloppe dans ses langes.

C’est aussi cette femme qui est chargée de soigner la malade et de porter l’enfant à l’église pour le baptême. Elle est alors suivie du compère et de la commère qui se donnent le bras comme pour une noce.

Le père et quelques proches parents suivent par derrière.

La cérémonie religieuse achevée, tout le monde se rend dans les divers cabarets du bourg, et dans ceux situés le long de la route. Ils y restent fort longtemps et ne rentrent souvent que très tard au milieu de la nuit, même par les plus grands froids de l’hiver.

Hommes et femmes sont presque toujours en état d’ivresse et alors les accidents ne sont pas rares.

Un jour, la porteuse d’un enfant nouveau-né posa ce dernier sur la table d’un cabaret pour boire plus à son aise. Près de l’enfant était un pain de six livres enveloppé dans une serviette.

Après de nombreuses tournées de café et de petits verres, lorsque la matrone se leva pour partir, elle crut prendre l’enfant et s’empara du pain.

De retour au village, la mère inquiète leur cria, lorsqu’ils entrèrent dans la maison :

— Donnez-moi donc bien vite ma petite fille que je la réchauffe, elle doit être morte de froid.

— Non, non, dit la vieille, elle est bien tranquille et dort profondément. Et elle passa le pain de six livres à la malade.

— Que me donnez-vous-là ? dit la mère en pleurant ; mais ce n’est pas ma fille.

L’ivrognesse s’aperçut seulement de sa distraction et l’on courut chercher la petite que l’on trouva sur la table où elle avait été laissée.

L’enfant est quelquefois porté à l’église sur un oreiller recouvert d’un châle appelé tartan qui ne sert qu’à cet usage. Quand la matrone est ivre le poupon glisse par terre.

On raconte, dans le canton de Bain, qu’un soir d’hiver, une femme qui portait un bébé sur un oreiller, le perdit en passant un échalier. Elle ne s’en aperçut qu’une fois rendue au village. Lorsqu’elle revint le chercher, le pauvre petit avait été congestionné par le froid et il fut impossible de le rappeler à la vie.

Une autre fois, une matrone ivre rapportait un nouveau-né, après le baptême, du bourg de Pléchâtel au village du Val-du-Himboul. Elle avait à traverser un ruisseau sur une planche assez étroite. Elle fit un faux pas et l’enfant glissa de son oreiller dans l’eau. On put le retirer du ruisseau, mais il mourut dans la nuit.

Un nommé Jean Rihet, de la commune de Pléchâtel, encore vivant aujourd’hui, glissa de dessus l’oreiller, le jour de son baptême et ne fut retrouvé, près du village de Saint-Saunis, que quelques heures après.

À Vitré, aussitôt qu’un enfant est né, on prévient le bedeau de cette naissance et on lui donne la pièce. Immédiatement, — et cela bien avant le carillon du baptême, — il sonne la cloche de l’église, 9 coups pour les garçons, 11 coups pour les filles. Pourquoi ce privilège dont jouissent les filles ? Mystère !

Dans une petite ville comme Vitré, tout le monde se connaît ; on sait quelles sont les femmes enceintes et celles qui doivent bientôt accoucher. Ce sont les grands événements ! Et sans sortir de chez soi, la cloche vous apprend que Madame une telle vient d’être mère et de plus vous savez si c’est d’un garçon ou d’une fille.

Dans les communes du canton sud-ouest de Rennes on ne sonne jamais les cloches pour le baptême d’un enfant naturel.

Les frais du baptême sont à peu près nuls pour les parents : Le parrain, la marraine et les invités achètent et offrent à la mère du pain blanc, de la farine, du vin, du café, du sucre, du chocolat, de l’eau-de-vie et des épingles.

À l’église, le prêtre et les choristes sont également payés par moitié entre le parrain et la marraine.

Ils paient de la même façon le sonneur de cloches ; et plus ils sont généreux, plus le carillon se prolonge.

Dans le bourg, quand on entend sonner longtemps un baptême, on ne manque pas de dire : « Il y a gras aujourd’hui pour le sonnou ! »

À la porte de l’église, des enfants attendent avec impatience la sortie du baptême, parce qu’on leur jette des dragées. S’il s’agit du baptême d’un enfant riche, des sous accompagnent les bonbons.

Le parrain et la marraine ont un grand cornet rempli de dragées, un peu plus fines que celles jetées aux enfants, et ils en offrent, dans le bourg et le long de leur chemin, aux amis et connaissances.

On donne à manger aux enfants dès le lendemain de leur naissance. C’est généralement une bouillie épaisse qui les rend fort malades. Il n’y a à résister à ce régime que ceux qui sont vraiment vigoureux.

Les mères mangent et boivent avec les parents et amis, aussitôt après leur accouchement.

Je me souviens qu’un été, ma mère avait parmi ses journalières, pour faner son foin, une femme enceinte. La malheureuse se sentit souffrante et le dit à son mari qui travaillait avec elle. « Couche-toi sur un mulon[1] de foin, lui répondit-il, ça va te reposer. »

Elle s’y coucha en effet, mais un quart d’heure après elle mettait un enfant au monde.

— Je ne pas capable de continuer mon travail, dit-elle et je vas rentrer à la maison.

Elle s’en alla à une assez grande distance, emportant son enfant dans son tablier. Deux jours après, elle recommençait à faner le foin.

C’est la marraine qui offre à son filleul sa première robe ; mais il ne doit l’étrenner qu’un samedi, sans doute parce que le samedi est consacré à la Vierge et que c’est ce jour-là seulement que l’enfant doit revêtir sa robe blanche.

Lorsque l’accouchée se rend à l’église pour les relevailles, si la première personne qu’elle rencontre est un homme, le prochain enfant qu’elle aura sera un garçon ; si au contraire c’est une femme, c’est qu’elle aura une fille.

Elle emmène ordinairement avec elle la matrone. Elle conduit celle-ci, en sortant de l’église, dans un cabaret, où elle lui offre toutes sortes de consommations (vin chaud, café, liqueurs), afin que cette femme ne dise pas, dans les autres maisons où elle ira exercer son métier, qu’elle a été mal soignée.

Le mari est, lui, resté à la maison pour préparer un festin destiné aux deux femmes absentes et à quelques invités. Ce repas dure tout le restant du jour.

Les infortunées nourrices qui n’ont pas suffisamment de lait vont en pèlerinage à certaines saintes qui ont le pouvoir de leur en donner.

La plus en renom, dans le département d’Ille-et-Vilaine, est sainte Agathe que l’on invoque dans deux chapelles, à Langon et à Sixt.


1o Sainte Agathe de Langon.

Au dire des archéologues, la petite chapelle de Langon est une curiosité de notre Bretagne.

On suppose que cet édicule fut d’abord un temple mythologique dédié à Vénus, et ce qui le fait supposer c’est que la fresque qui décore la voûte absidiale représente une femme nue sortant de l’onde, entourée de poissons et d’un dauphin. Cette femme est coiffée à la romaine et tient dans les mains une banderole flottante.

Plus tard, lorsque les chrétiens affectèrent la chapelle de Langon à leur culte, ils la dédièrent à sainte Agathe, martyre, dont les mamelles coupées furent miraculeusement guéries.

C’est en souvenir de ce miracle que les nourrices qui ont les seins malades, ou qui n’ont pas de lait, vont demander à sainte Agathe, soit leur guérison, soit du lait pour sustenter leurs nourrissons.

Elles font pour cela, en priant la sainte, sept fois le tour de la chapelle.

Un gars de Langon voulut, par dérision, faire, lui aussi, sept fois le tour de la chapelle. Son voyage était à peine achevé que ses seins se gonflèrent, se remplirent de lait et le firent atrocement souffrir. Ce ne fut qu’en faisant amende honorable à sainte Agathe qu’il parvint à se débarrasser de son lait.


2o Sainte Agathe de Sixt.

On voit dans l’église de Sixt une statue représentant sainte Agathe qui tient l’une de ses mamelles dans ses mains.

Comme à Langon, beaucoup de pauvres femmes, qui voient leurs petits enfants souffrir parce qu’elles n’ont pas de lait en assez grande abondance, vont invoquer sainte Agathe, et presque toujours elles s’en retournent les seins gonflés.


3o Sainte Émerance, à Bain.

Lorsque l’on quitte la petite ville de Bain, par la route de Châteaubriant, on rencontre d’abord un bel étang, puis le village de la Chapelle. Ce hameau dont le nom rappelle l’existence d’une chapelle détruite, a seulement conservé comme dernier vestige de l’ancien édifice religieux une grossière statue de bois vermoulu qui représente, dit-on, sainte Émerance.

Cette statue se trouve sur le bord de la route, dans une cavité de mur, et le voyageur qui passe en ces lieux est très intrigué de voir sur la tête de la sainte une quantité de petits bonnets.

Sainte Émerance a le pouvoir, elle aussi, de donner du lait aux nourrices qui n’en ont pas, et il en vient de tous côtés et de très loin, qui offrent à la sainte un bonnet qu’elles lui posent sur la tête.


4o Le père Laitu de Saint-Gondran.

Il y avait autrefois dans la paroisse de Saint-Gondran une fontaine miraculeuse à laquelle les nourrices allaient boire pour avoir du lait.

On raconte qu’un jour deux faucheurs étaient à travailler dans un pré voisin de la source. En juin, la chaleur est grande, et quand ils eurent vidé leur pot de cidre, ils eurent encore soif et se rendirent à la fontaine.

L’un dit à son camarade :

Cré-tu, ta, que cette iau donne du lait ?

— Je n’savons point, mais on le dit.

Ma, j’n’y cré guère, et je défie ben, à cette iau de faire de ma ta femme et de me donner du lait.

Puis il se baissa et prit de l’eau avec la main pour calmer sa soif.

De retour dans la prairie, il sentit, en fauchant, de grandes douleurs à la poitrine et ne tarda pas à être inquiet en voyant ses seins s’arrondir et répandre du lait.

Les douleurs devinrent tellement insupportables qu’il dut cesser son travail et s’en aller chez lui, où il ne put obtenir de soulagement qu’en allaitant des enfants.

C’est à partir de ce jour qu’on l’appela le père Laitu.

Lorsque l’enfant est sevré, la nourrice pour faire disparaître le lait qui la gêne, se met des brins de persil entre les deux seins. D’autres fois elle fait pâmer (ce qui veut dire flétrir) sur la tournette à galettes, chauffée au feu, des feuilles de petites pervenches (Vinca minor) qu’elle s’applique également sur la poitrine.



CHAPITRE II


L’Enfance


Les maladies, les prières, les berceuses, les formulettes, les jeux, les rondes, les chansons, causeries et amusettes, la communion.


1o Les maladies

Près de la petite ville de Bain, il y a dans un bois une chapelle sous l’invocation de Notre-Dame du Coudray.

Les mères y portent les petits enfants qui ne marchent pas seuls. Elles leur mettent le pied dans un trou pratiqué dans une pierre reposant sur le sol, et elles prient la Vierge du Coudray de permettre à leurs enfants de faire leurs premiers pas.



À Bruz, le jour de la Fête-Dieu, les mères pour faire marcher les petits enfants, les déposent, aussitôt que la procession a quitté le reposoir, à la place qu’a occupée le Saint-Sacrement pendant la Bénédiction.

Dans la chapelle de Saint-Léonard, commune du Pertre, est une chaîne qui d’après la tradition a servi à étrangler le saint.

On y conduit les enfants les lundis de Pâques et de la Pentecôte, pour les enchaîner un instant, afin de les faire marcher avant l’expiration de leur première année.

À Saint-Malo, on croit fermement qu’en laissant deux petits innocents s’embrasser, c’est-à-dire deux tout petits bébés ne sachant pas encore parler, l’un des deux sera muet.

Les mères recommandent aux nourrices de veiller à ce que les enfants ne s’embrassent pas.

On rencontre dans la commune de Saint-Thual, canton de Tinténiac, sur la propriété de M. Vauclin, une chapelle presque en ruines qui est sous le patronage de saint Aragon.

On y porte les enfants qui ont sur la figure ce qu’on appelle du feu sauvage ou bien encore la râche, et ce qu’on nomme à Saint-Thual le mal Saint-Aragon.

Lorsque les prières sont terminées, les parents déposent aux pieds du saint le bonnet de l’enfant. Il y a des quantités de bonnets dans la chapelle de Saint-Thual.

À Saint-Ouen-des-Alleux, voici comment se fait pour la guérison de la râche chez les enfants, ce qu’on appelle un viage (pèlerinage).

Lorsqu’un pauvre petit être, du sexe masculin, est atteint de la maladie dont il s’agit, son père et sa marraine se rendent à jeun et à pied, à l’église de Saint-Ouen-des-Alleux, porteurs du bonnet et de la chemise que l’on a retirés le matin même à l’enfant. Après une prière, ils déposent ces objets sur l’autel et versent dans un tronc spécial l’argent d’une messe.

Si c’est une fille, le pèlerinage est fait par la mère et le parrain, mais dans les mêmes conditions.

Si les gens sont du pays, le petit malade les accompagne, si, au contraire, ils sont de loin, on laisse l’enfant à la maison.

Ailleurs, c’est aux pieds de la statue de sainte Radegonde, qui, elle aussi, a le privilège de guérir la râche, que l’on aperçoit les béguins ou petits bonnets des enfants atteints de cette maladie.

Au haut d’une falaise, près du manoir de Beauregard, dans la commune de Saint-Méloir-des-Ondes, coule la fontaine de Sainte Radegonde, but de pèlerinage pour les enfants malades, surtout ceux dont la dentition ne se fait qu’avec peine.

Au village de la Haute-Ville, commune de Noë-Blanche, près des ruines d’une antique chapelle, est une fontaine vénérée où l’on mène boire les enfants pour les mettre sous la protection de saint Cyr, que l’on appelle Saint Cri, dans le pays.

Dans la commune de Saint-Symphorien est une croix devant laquelle on porte les enfants malades de la fièvre. On dépose cinq sous dans un tronc accroché à cette croix, on dit une prière, et si tout a été fait avec une conviction et une foi profondes, le malade doit être guéri.

La fontaine de Saint-Fiacre est située près des Iffs, sur la route de Saint-Brieuc-des-Iffs. Son eau a le privilège de guérir les coliques des petits enfants.

Pour passer la diarrhée des nouveau-nés il faut battre des blancs d’œufs, les sucrer, y ajouter une cuillerée d’huile d’olive et leur faire prendre ce remède.

Quand les enfants se grattent sous le nez c’est que les vers leur pissent au cœur, et qu’il est temps de les faire évacuer.

Pour cela, on met autour du cou de l’enfant, s’il est très jeune, un chapelet de gousses d’ail.

S’il est déjà grand, on lui fait boire du lait doux dans lequel on fait bouillir tantôt des racines de poireaux, tantôt des feuilles d’absinthe que les bonnes femmes appellent de l’herbe sainte.

On met aussi des feuilles d’absinthe sur la poitrine des enfants qui ont des vers.

Une chapelle appelée Saint-Jouan, est située à quatre kilomètres du bourg de Saint-Malon. On s’y rend en pèlerinage le premier dimanche du mois de mai de chaque année, pour la guérison des enfants qui ont des faiblesses dans les reins et dans les jambes.

Dans une prairie, près de l’église de Longaulnay, est une fontaine dédiée à saint Aubin. Au printemps, les mères y conduisent leurs enfants pour les préserver des maladies du jeune âge.

Le 9 mai, on va en pèlerinage dans l’église de Poligné pour le mal Saint-Nicolas, qui consiste dans des convulsions, des coliques et crises nerveuses.

Lorsqu’un enfant est atteint du mal Saint-Nicolas, les parents attendent que la crise soit passée pour promettre un voyage au saint. Si cette promesse était faite pendant l’accès, l’enfant risquerait de mourir. Une fois le vœu formé, le malade, bien que guéri, doit faire le pèlerinage tous les ans, le 9 mai, à jeun.

On voit dans l’hospice de Saint-Nicolas, à Vitré, une très vieille statue peinte et vermoulue représentant saint Nicolas en abbé, avec chape violette, mitre dorée, crosse en main. À ses pieds, est un baquet dans lequel sont trois petits enfants nus dont on aperçoit la poitrine.

On descend à certain jour la statue sur l’autel et un prêtre évangélise les enfants pour les guérir du mal Saint-Nicolas.

À Bruz, on porte les enfants à l’église devant la statue de saint Nicolas pour être évangélisés. On fait dire une messe et on dépose une offrande dans un tronc placé à cet effet.

Pareille chose a lieu à Saint-Jacques-de-la-Lande, près Rennes.

On guérit aussi le mal Saint-Nicolas en brûlant du buis dans le feu sur lequel on met à fumer les couches qui enveloppent les petits malades.

Une antique chapelle, du nom de Saint-Germain-des-Prés, est située à une petite distance du bourg de Lohéac. De nombreux pèlerins s’y rendent le 22 septembre, pour demander à saint André, un saint de cette chapelle, la guérison du Dré[2], c’est-à-dire de l’oppression ou de l’asthme qui frappe les enfants aussi bien que les grandes personnes.

À cette occasion une foire a lieu autour de la chapelle.

Un prêtre, ce même jour, évangélise les enfants pour les guérir de la peur. On les amène de très loin et en très grand nombre.

La mère Gervais, du village de la Calvenais dans la commune de Bain, avait une petite fille qui était extrêmement peureuse. Le soir, dans la maison, aussitôt qu’il faisait nuit, elle tremblait de tous ses membres, n’osant pas bouger de place, et restait pelotonnée sur elle-même au coin du foyer.

Elle ne serait pas allée de la table à son lit sans une lumière.

On la fit évangéliser sans obtenir de résultat.

Une vieille femme consultée sur cette infirmité déclara qu’on ne la guérirait qu’en la faisant passer, un jour de procession, entre la croix et la bannière.

Or, un jour que la procession devait sortir de l’église de Bain, la mère emmena son enfant avec elle, et toutes les deux se placèrent près de la porte à l’intérieur de l’église.

Aussitôt que la croix arriva près d’elle, et s’inclina pour sortir, la mère poussa sa fille de l’autre côté et la rappela aussitôt à elle. De cette façon l’enfant passa deux fois entre la croix et la bannière.

Depuis ce jour, la petite Gervais n’a jamais eu peur.

Les enfants qui naissent le jour de la conversion de saint Paul, c’est-à-dire le 25 janvier, ont toute leur vie le don de passer le vlin (lisez venin).

Il leur suffit, pour le faire disparaître, de passer la main sur les maux venimeux occasionnés par les reptiles, les crapauds notamment, les araignées et les sourds-gares[3].

Ils ont aussi le pouvoir de tuer les crapauds rien qu’en les regardant.

Pour se guérir du vlin, il faut aller trois matins de suite à jeun chez le guérissou, et il est nécessaire que ce dernier soit lui-même à jeun.

Lorsqu’un enfant est venu au monde, les pieds les premiers il a le don de guérir les entorses. (Bruz.)

Si une femme est enceinte à la mort de son mari, l’enfant qu’elle mettra au monde pourra faire disparaître les enflures de la gorge, c’est-à-dire les goitres. (Fougeray.)

Quand les enfants ont les oreillons, qu’on appelle les joteriaux, sorte d’inflammation des glandes voisines de l’oreille, on leur frotte le cou à l’auge des cochons, parce que, croit-on, les porcs qui sont très sujets à cette maladie, se guérissent de cette façon. (Arrondissement de Redon.)

Les mères de famille ne détruisent jamais complètement les poux dans la tête de leurs enfants. Elles prétendent qu’il doit toujours en rester quelques-uns pour éviter des maladies. (Tout le département.)


2o Les prières

Je fil’ de la soie,
Sur mon petit doigt ;
Pour faire un jupon
À Jésus mignon.
— Où est Jésus ?
— Dans mon cœur.
— Qui l’a mis là ?
— C’est la grâce.
— Qui l’a ôté ?
— Le péché.
Oh ! le vilain péché,
Qui a ôté Jésus de mon cœur.

Allez, allez, vilain péché,
Madeleine[4] ne péchera plus.

Mon Dieu, je vous donne mon cœur,
Fermez-le au péché ;
Ouvrez-le à la grâce.
Faites que je vous aime éternellement.
— Où est Jésus ?
— Dans mon cœur.
— Que fait-il ?
— Il repose.
Il fait sortir le péché.
Oh ! le vilain péché !
— Revenez, mon petit Jésus,
Je ne pécherai plus.

En prenant le pain bénit, à l’église, les enfants avant de le manger font le signe de croix et disent :

Au nom du père,
Au nom de la mère,
Au nom de l’enfant,
Tout ce qui en dépend,
Dans mon goulet (dans ma bouche).

En changeant de chemise :

Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit,
Ainsi soit-il !
Mon Dieu, blanchissez mon âme,
Comme je blanchis mon corps
Pour entrer dans votre Paradis.
Ainsi soit-il !

En se couchant :

Bonsoir, mon bon ange gardien,
C’est à vous que je me recommande.
Vous m’avez gardé pendant ce jour,
Gardez-moi, s’il vous plaît, pendant cette nuit
Dans votre saint amour sans vous offenser.

En se réveillant :

Mon petit Jésus, bonjour,
Mes délices, mes délices.
Mon petit Jésus, bonjour,
Mes délices et mes amours.
J’ai rêvé cette nuit
Que j’étais en Paradis.
Mais ce n’était qu’un songe,
La nuit m’a trompé ;
D’un si grand mensonge,
Mon cœur est attristé.

Le petit Jésus allait à l’école,
En portant sa croix dessus son épaule ;
Quand il savait sa leçon,
On lui donnait du bonbon :
Une pomme douce,
Pour mettre à sa bouche,
Un bouquet de fleurs,
Pour mettre sur son cœur.
C’est pour vous, c’est pour moi,
Que Jésus est mort en croix.

Petit Jésus, petit agneau,
Prenez mon cœur pour votre berceau.

La Tricoterie

Pour apprendre à tricoter aux petites filles, les mères placent les fillettes en rond autour d’elles et afin de les habituer à aller vite, elles leur font dire à la fin de chaque aiguillée :

1re aiguillée. Un, le Père.
2me aiguillée Deux, le Fils.
3me aiguillée Trois, le Saint-Esprit.
4me aiguillée Quatre évangélistes.
5me aiguillée Cinq plaies de Notre-Seigneur.
6me aiguillée Six commandements de l’Église.
7me aiguillée Sept sacrements.
8me aiguillée Huit béatitudes.
9me aiguillée Neuf chœurs des anges.
10me aiguillé Dix commandements de Dieu.
11me aiguillé Onze mille vierges.
12me aiguillé Douze apôtres.
13me aiguillé Treize, Judas.
14me aiguillé Quatorze allégresses.
15me aiguillé Quinze mystères du rosaire.

16me aiguillé Seize, Jésus est dans la crèche.
17me aiguillée Dix-sept, Jésus reçoit un soufflet.
18me aiguillée Dix-huit, Jésus est parmi les Juifs.
19me aiguillée Dix-neuf, Jésus est dans un tombeau neuf.
20me aiguillée Vingt, Jésus est parmi les saints.

Il existe une autre tricoterie, qui va seulement jusqu’au chiffre sept, et qui n’est plus une prière.

1re aiguillée. Un, le pain.
2me aiguillée Deux, les œufs.
3me aiguillée Trois, les pois.
4me aiguillée Quatre, la nappe.
5me aiguillée Cinq, le vin.
6me aiguillée Six, la cerise.
7me aiguillée Sept, la muette.

La fillette qui arrive à faire la septième aiguillée dans le tricot est obligée de garder le silence pendant un tour.

3o Les berceuses

Dodo, poulette,
Dodo, fillette,
Traîne ta petite charrette
Tout le long du Paradis,
Pour avoir du pain bénit,
De la main de Jésus-Christ.

Dodo, poulette,
Dodo, fillette.
Si l’enfant s’éveille
On lui coupera l’oreille ;
Mais s’il ne s’éveille pas
On n’la lui coup’ra pas.
Dodo,
L’enfant do,
L’enfant dormira
Tantôt.

Dodo, le petit,
Puisque papa, maman le veulent ;
Dodo, le petit,
Puisque papa, maman l’ont dit.

Papa dit
Qu’il fallait dormir.
Maman dit
Qu’il faut l’endormir.
Dodo,
L’enfant do,
L’enfant dormira
Tantôt.

Bin bette, bin binou,
Poli, polin, polinette,
Bin bette, bin binou,
Poliniou,
Va s’endormiou.
Quand le somm’ somm’ va venir,
Poli, polin, polinette,
Quand le somm’ somm’ va venir,
Poliniou,
Va s’endormiou.
Bin bette, bin binou
Poli, polin, polinette
Bin bette, bin binou,
Poliniou,
Va s’endormiou.

Dodo bébé,

Dodo l’enfant.


bis


Le sommeil est doux à ton âge,

Que le bon Dieu te rende sage
Et te fasse aimer ta maison.

Dodo bébé,

Dodo l’enfant,


bis


Surtout envers sa bonne,

Il faut être obéissant.
Dodo bébé,
Dodo l’enfant.

Bercez,
Poulette est sur la branche
Qui jour et nuit se balance,
Dodo, poulette, dodo.

Il était une bonne femme,
Ma petit’ mominette ;
Un’ bonn’ femme d’Alençon,
Ma petit’ mominon :


Qui faisait de la bouillie,
Ma petit’ mominette,
Dans un vieux chaudron,
Ma petit’ mominon !

Elle avait une chatte,
Ma petit’ mominette,
Ayant l’minois tout rond,
Ma petit’ mominon.

La chatt’ pleine d’envie,
Ma petit’ mominette,
S’approcha du poêlon,
Ma petit’ mominon !

Ell’ n’y mit pas la patte,
Ma petit’ mominette,
Mais un bout du menton,
Ma petit’ mominon.

La bonn’ femme en colère,
Ma petit’ mominette,
Tua ses p’tits chatons,
Ma petit’ mominon !

De la peau des chatons,
Ma petit’ mominette,
Elle fit un manchon,
Ma petit’ mominon.


Puis des gants tout blancs,
Ma petit’ mominette,
Et aussi un plastron,
Ma petit’ mominon !

4o Les formulettes

Un’, deux, trois,
La culotte en bas ;
Quat’, cinq, six,
Levez la chemise ;
Sept, huit, neuf,
Tapez su l’gros bœuf ;
Dix, onz’, douze,
La fesse en est rouge ;
Treiz’, quatorz’, quinze,
Mettez-y un linge ;
Seiz’, dix-sept, dix-huit,
Mettez-le tout d’suite ;
Dix-neuf, vingt, vingt et un,
Il n’y paraît plus rien.

Un, deux, trois,
J’irai dans les bois ;
Quat’, cinq, six,
Cueillir la cerise ;
Sept, huit, neuf,
Dans mon panier neuf ;
Dix, onz’, douze,
Elles sont tout’s rouges.

Colimaçon borgne,
Montre-moi tes cornes ;
Mon grand-père est à l’école,
Il m’a dit que si tu n’me montrais pas tes cornes,
Il te couperait la gorge
Avec le couteau de saint Georges.

J’ai vu, dans la lune,
Trois petits lapins,
Qui mangeaient des prunes,
Comm’ trois p’tits coquins,
La pipe à la bouche,
Le verre à la main,

En disant : Madame,
Versez-moi du vin.

— Jean, ton enfant crie,
Jean, fais-lui d’la bouillie ;
Jean, tu ne la fais pas bien,
Jean, tu n’es propre à rien !

— Jean, ta femme est malade,
Jean, fais-lui d’la salade ;
Jean, tu n’la fais pas bien,
Jean, tu n’es propre à rien.

— Jean, Jean, ta femme est-elle belle ?
— Oui, oui, elle est demoiselle.
— Veux-tu m’la prêter ?
Je te la rendrai.
— Prête-la-moi, je t’en prie.
Je te la rendrai dimanche ;
Prête-la-moi, je t’en prie,
Je te la rendrai lundi.

Fanchette, panquette,
Grand’ jambe de bois,
Ta mère t’appelle,
Tu ne réponds pas ;
Ell’ trempe la soupe,
Tu manges les choux,
Ell’ tire les vaches,
Tu bois le lait doux.

— Turlututu, chapeau pointu,
N’as-tu pas vu carême ?
— Il est là-bas, dans un pertu (trou)
À fair’ chauffer d’la crème.

Prêchi, prêcha,
Ma chemise entre mes bras ;
Mon chapeau sur ma tête,
Je suis entré dans un p’tit cabinet,
J’ai vu la mort qui rôtissait un p’tit poulet,
Je lui en ai demandé un petit morceau,
Elle m’a donné cent coups de bâton.
— Est-ce bien fait ? mon maître,
— Oui, grosse bête !

Un p’tit chien pendu au bout d’un crochet.
Tirez-lui la queue, il vous mordra.
Son grand-père est à la chasse
Avec son bonnet de nuit,
Bon soir, bonne nuit.
S’il vient un prêtre,
Offrez-lui une chaise ;
S’il vient un enfant de chœur,
Donnez-lui du pain, du beurre ;
S’il vient un porteur d’eau,
Mettez-lui la tête dans un seau d’eau.

Je suis fruitière,
Bon éventaire,
Ma mère, en mourant,
M’a laissé cent francs.
C’est à la halle,
Que je m’installe,
C’est à Paris,
Que j’vends mes fruits.
Pommes de rainette,
Et pommes d’apis.
D’apis, d’apis rouges,
Pommes de rainette

Et pommes d’apis,
D’apis, d’apis gris !

— Il est midi.
— Qui l’a dit ?
— La petit’ souris ;
— Où est-elle ?
— Dans sa chapelle ;
— Que fait-elle ?
— Ell’ dit la messe ;
— Qui la répond ?
— Trois petits chatons ;
— Qu’allument les cierges ?
— Trois p’tit’s bonn’s vierges ;
— Qui les éteint ?
— Trois p’tits lutins ;
— Qui sonn’nt les cloches ?
— Trois p’tit’s mailloches.

Margot la pie
A fait son nid
Dans la cour à David.
Si David l’attrape,

Il lui cassera la patte,
Nett’, nett’, comm’ torchette.

— Qu’est-ce que l’ordre ?
C’est un petit bonhomme
Qui danse sur la corde.
— Qu’est-ce que le mariage ?
C’est un’ petit’ bonn’ femme
Qui fait son ménage.

Formulettes d’élimination

C’est Madame de Paris.
Prêtez-moi vos souliers gris,
Pour aller au Paradis.
Le Paradis est si joli,
Qu’on y voit des pigeons d’or.
Pigeon d’or est à la messe,
Habillé comme une princesse,
Paimpon d’or,
La plus belle, la plus belle,
Paimpon d’or,
La plus belle dehors !

Une sardine,
Sur un gril,
Tournez-la,
Virez-la.
P’tit bonhomme,
Sauv’toi d’là !

Ter :
Un I, un L,
Cadi, cadel,
Super, jumeaux.
Coco,
Anglais, tu n’y es pas.

Ter :
Une pomme,
Deux pommes,
Trois pommes,
Bouf !

C’est la petit’ Mathurine,
Qui moulait d’la farine,
Tout autour de son moulin.
— Tir’ ton doigt, mon petit cousin.

Un’ poule deum,
Cahin, cahot,
Mes pieds bourbons,
Joseph Simon,
Cascarinette,
Griffon.

— J’mangerais bien
La queu’ d’un’ poire
Qui fleurirait ;
J’mangerais bien
La poire entière.
— Prends ton seau,
Gentill’ bergère,
Va tirer de l’eau !

Petit ciseau
D’or et d’argent,
Ta mèr’ t’attend
Au bas du champ,
Pour te donner
Du lait caillé
Que les souris

Ont baratté
Pendant
Une heur’de temps,
Va-t’en !

Celui (ou celle) sur lequel s’arrête le doigt aux mots de « Va-t’-en » se retire. On recommence jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un qui, lui, est le chat.

Les autres vont se cacher et crient : « Prêts ! » Alors le chat, c’est-à-dire l’isolé, cherche à les découvrir et à en attraper un qui prend sa place.

Il en est de même pour toutes les formulettes qui se terminent par ces mots : « Dehors ; Va-t’en ; T’en va ; Plongeons, etc. »

Un demi deux,
Demi trois,
Demi clou,
Sine tenta,
Monta Gibou,
Germanie,
Quatre citrons,
Plongeons !

Formulettes à dire très vite

À Paris, il y a un ourleur, un brodeur, un fanfarlaricoteur
Qui ourle, qui brode, qui fanfarlaricote.
Si j’avais ses ourlements, ses brodements, ses fanfarlaricotements,
J’ourlerais, je broderais, je fanfarlaricoterais
Aussi bien que ce maître ourleur, brodeur, fanfarlaricoteur,
Qui ourle, qui brode, qui fanfarlaricote.

Le riz tenta le rat,
Le rat tenté
Tâta le riz.

Gori
Porc tui
Sel n’y mit.
Porc gâti,
Ver s’y mit.

Variante :

Félix
Porc tua.
Sel n’y mit,
Ver s’y mit.
Lard gâta.

Si j’étais p’tit pot à beurre,
Je me de p’tit pot à beurrerais bien.

Un p’tit baril, venu de Paris,
Bien lié, bien bondé, bien magnificoté.
Si j’avais la liure, la bondure, la magnificoture,
Je le lierais et le bonderais
Aussi bien que celui qui l’a lié, bondé et magnificoté.

Il y avait trois petits pots au feu
Qui pouvaient s’entre-toucher ;
Le petit pot dit au grand pot :
Tire le pot d’auprès du pot,

Car si le pot touchait au pot,
Le pot casserait le pot.

Homme debout file,
Femme debout, taille,
Fille assise, coud,
Enfant assis, joue.

Un cordier cordant, fait de la corde à corder.
Pour accorder sa corde, trois cordons il accorde,
Mais si l’un des cordons vient à se décorder,
Le cordon décordant fait décorder la corde.

— Grand original, quand te désoriginaliseras-tu ?
— Je me désoriginaliserai, au grand jour de la désoriginalisation,
Quand tous les grands originaux se désoriginaliseront.

5o Les jeux

On ferme la main que l’on pose ensuite sur son genou ou sur une table.

Bébé, qui sait ce que cela veut dire, vient mettre son petit doigt entre chacun de ceux de la main fermée, en commençant par le bas, et dit :

— La petite souris est-elle passée par là ?

On lui répond :

— Montez ch’lette, montez-la (montez l’échelette, montez-la.)

— La petite souris est-elle passée par là ?

— Montez ch’lette, montez-la.

Et ainsi de suite jusqu’au sommet du poing, où le dialogue suivant s’engage :

— La petite souris est-elle passée par là ?

— Oui.

— Où est-elle ?

— Dans le pailler.

— Où est le pailler ?

— Le feu l’a brûlé.

— Où est le feu ?

— L’eau l’a éteint.

— Où est l’eau ?

— Les vaches à Maurice l’ont bue.

— Où est Maurice ?

— Il est à couper des bâtons pour battre sa femme.

— Défendons-la, défendons-la !

En prononçant ces derniers mots, l’enfant frappe de toute sa force sur la main de la personne qui joue avec lui.

On prend la main de bébé dans laquelle on frappe en disant :

Cent écus !
Ma vache est vendue !
Si tu ne la prends pas
Tu iras en prison.

Et avec l’ongle du petit doigt on gratte l’intérieur de la main de l’enfant en ajoutant :

Mignon, mignon, mignon !

Danse de bébé sur les genoux

À cheval sur mon bidet,
Quand il trotte il fait un pet,

Prout, prout, prout.
Partons pour Paris,
Sur un petit cheval gris.
Allons à Rouen,
Sur un petit cheval blanc.
Au pas… au pas… au pas…
Au trot… au trot… au trot.
Au galop… au galop… au galop !
Quand il a trop galopé
Bébé tombe sur le côté.

On fait sauter l’enfant sur les genoux en accentuant le mouvement à partir de : Au pas, au pas. Puis en chantant les deux derniers vers on penche bébé en avant comme s’il allait tomber.

— Tu aimes ton père ?
— Oui.
— Tu aimes ta mère ?
— Oui.
— Tu aimes la Vierge Marie ?
— Oui.
— Tu aimes le petit Jésus ?
— Oui.

— Tu veux souffrir pour lui ?
— Oui.

On serre le bout du doigt de l’enfant qui a dit Oui.

Il y avait une fois un p’tit bonhomme et une petite bonne femme qui roulaient un petit billot, caca pour celui qui dira le premier mot.

Aussitôt que l’un des enfants prononce une parole tous les enfants crient : « caca pour toi, caca pour toi ! »

On touche les cinq doigts de bébé en disant :

Peucero (le pouce).
Lèche-pot (l’index).
Longi (le plus long).
Mal appris (le quatrième).
Le petit doigt du Paradis.

Par la barbe, je te tiens,
Tu me tiens,

Le premier de nous deux qui rira,
Sur la margoulette, il aura.

Les deux joueurs se tiennent par le menton, et le premier qui rit, reçoit sur la joue un petit soufflet.

Quand le roi va à la chasse,
Il apporte des petits lapins,
Il en tue, il en fricasse,
Il en donne à ses petits chiens.
Berlin, berlin, peste,
Combien l’aiguillette ?
Cinq sous la demie,
P’tit bonhomme, t’es pris !
Variante :
Quand le roi va à la chasse,
Il apporte des bécasses,
Il en tue, il en fricasse,
Il en fait part à ses voisins.
Berlin, berlin, peste,
Combien l’aiguillette ?
Cinq sous la demie,
P’tit bonhomme, t’es pris !

Le Jeu du Furet

Des enfants se mettent en rond les poings fermés et, en le cachant, font circuler de main en main un petit caillou. Ils disent :

— Cache bien, p’tit blanc, parce que tu l’as,
Cache bien, p’tit blanc, parce que tu l’as.
— P’tit bonhomme, que cherches-tu ?
— Un p’tit blanc que j’ai perdu.
— Sur qui prends-tu ?

Celui qui a été désigné par le sort pour être le furet doit indiquer dans quelle main se trouve le caillou ; autrement il donne un objet quelconque en gage. Cet objet ne lui est rendu que contre une pénitence.

Le Jeu du Chat

D’un côté le chat.

D’un autre côté tous les autres enfants qui chantent en mettant le pied sur le terrain qui est la propriété du chat :

— Je suis sur tes terres,
Mon petit chat,

Sans ta permission,
Mon mignon !

Celui que le chat touche sur son terrain devient chat à son tour.

— J’ai perdu ma brebis,
Bir li bi.
— De quelle couleur est-elle ?
Bir li bi.
— De la couleur de Saint-Denis,
Bir li bi.

— Sur qui ?

— Sur cognovi
— Sur qui ?


trois fois

On nomme un des joueurs et on court après lui en le frappant à coups de garruches (mouchoirs roulés et cordés).

On dit à une fillette :

— La compagnie vous plaît-elle ?

Si elle répond oui, l’enfant qui a fait la question l’embrasse et une autre recommence.

Si, au contraire, elle répond non, elle doit choisir une autre jeune fille qui la remplace.

Alors à ce moment tous les mouchoirs cordés se lèvent et frappent sur le nouveau chat jusqu’à ce qu’il soit rendu à sa place.

Qui ne connaît ?

Petit peta
Qu’embrassera-là ?

Un enfant a la figure cachée sur les genoux de quelqu’un et l’on désigne un objet ou une personne présente en disant :

— Petit peta
Qu’embrassera-là ?

S’il ne devine pas immédiatement, il reste à genoux et la tête cachée jusqu’à ce que le hasard ou l’indiscrétion d’un joueur lui fasse découvrir l’objet ou la personne qu’il doit embrasser.

Colin-Maillard

Quand les garçons jouent à colin-maillard, et que celui d’entre eux, qui a un bandeau sur les yeux, saisit quelqu’un, il dit :

— J’tiens la pie !

L’un des joueurs répond :

— Sur qui ?

Le garçon à la vue bandée doit nommer celui qu’il tient ou lui rendre la liberté.

On ne lui enlève le bandeau que lorsqu’il l’a reconnu et alors ce dernier prend sa place. Les joueurs se sauvent et chantent :

Les gamins du diable,
Dans le pot à beurre,
Les gamins du diable,
Ils ont mis mon chat.

Ou bien encore :

Par chez nous on pêche à la ligne,
Faut toujours tirer le filet.

Sainte Catherine

Plusieurs garçons marchent en clochant et disent à celui qui remplit le rôle du chat :

— Sainte Catherine, sainte Catherine, dormez-vous ? (bis).

— Oui, jusqu’à ce que mes enfants soient réveillés.

— Voulez-vous m’en donner un ?

— Je vous en ai donné un l’autre jour, qu’en avez-vous fait ?

— Je l’ai mis sur le bord du puits, le loup l’a mangé.

— Fallait courir après.

— J’ai tant couru, tant couru que je me suis cassé une jambe (bis).

— Faut aller au Reboutou.

Le Reboutou ne sait que me faire.

— Faut aller à la Reboutouse.

— La Reboutouse ne sait que me faire.

— Prenez le plus vilain, laissez-moi le plus beau.

Le chat saisit un enfant qui prend sa place, et on recommence toujours en clochant.

La Dragonne. — (Jeu de l’Épingle)

Ah ! Madame, venez compter,
Et comptez combien nous sommes,

Car nous sommes habitués
De compter à la dragonne :
Tra lala déridera.
Tra lala déridera.
Tra lala déridera.
Trente deux sont-ils par là ?

Cela se dit en chantant. En prononçant chaque mot, on enfonce une épingle dans un carré de papier et il doit y avoir trente deux trous puisqu’on a prononcé trente-deux mots.

S’il y en a plus ou moins, on recommence.

Le Jeu de la Crosse

En hiver, les pâtous qui gardent leurs troupeaux sur les landes, jouent à la crosse pour se réchauffer. Voici en quoi consiste ce jeu :

Cinq ou six garçons se réunissent et creusent en terre, avec leur eustache, un trou large comme les deux mains, où sont déposés des épingles ou des pois, des centimes ou bien encore des canettes, des châtaignes, des pommes, etc., c’est-à-dire la mise des joueurs. Puis ils s’éloignent à vingt cinq ou trente pas, et chacun creuse alors, pour soi, un trou plus petit dans lequel il place un caillou rond. Ensuite tous armés d’un bâton terminé par une crosse, cherchent à envoyer d’un seul coup, leur pierre dans le trou du milieu où est placé l’enjeu. Celui qui réussit empoche tout ce qui s’y trouve.

J’ai vu, par un grand froid, dans un pâtis du village de la Boufetière, commune de Pancé, des jeunes gars et des jeunes filles qui, pour se réchauffer, se plaçaient en face les uns des autres et levaient vivement, en les frappant l’un contre l’autre, la main droite et le pied gauche, puis la main gauche et le pied droit, en chantant :

Siperli, siperla,
Siperli lanli lanlère,
Siperli, siperla,
Siperli lanli, lanla !

Enfilons l’aiguille, l’aiguille,
Enfilons l’aiguille et le peloton !

On s’aligne par rang de taille en se donnant la main. Les deux plus grands lèvent les bras et ceux de l’autre extrémité de la chaîne se précipitent sous cet arc, en chantant :

Enfilons l’aiguille, l’aiguille,
Enfilons l’aiguille et le peloton !

Puis ils reviennent sur leurs pas et recommencent, en faisant en sorte de ne pas briser la chaîne. Ceux qui viennent à se séparer donnent un gage.

Sur les landes de Lohéac, je rencontrai un jour un groupe de petits pâtres qui, pour designer celui qui poursuivrait les autres, disaient un oranbas, ce que les petites filles appellent dans les écoles, un ter.

Du bibi,
Du bobo,
Carafi,
Carafo,
Du triage,
Du coco.

Celui sur lequel le mot « coco » venait à tomber était pris. Alors il criait :

— L’alouette pihuit à mon collet,
Les derniers pris la diront-i ?

Les autres répondaient en se sauvant :

— Oui.

Le chat courait après eux, et le dialogue suivant s’engageait entre lui et le premier qu’il arrêtait :

— D’où es-tu ?

— De Nantes.

— Où sont-i tes frères ?

— En champ.

Ide (aide) ma à les prendre.

Et tous les deux couraient après les autres, et ainsi de suite jusqu’au dernier qui, à son tour, recommençait l’oranbas :

Du bibi,
Du bobo, etc.

6o Rondes et chansons

Dans les faubourgs de Rennes, les petites filles de trois à quatre ans, dansent la ronde suivante :

Dansons la capucine,
N’y a pas de pain chez nous ;
Y-en a chez la voisine,
Mais ce n’est pas pour nous,
Chou !

Au mot de chou, les fillettes s’accroupissent et se relèvent aussitôt toutes ensemble, et recommencent le même couplet.

Deux enfants se tiennent les mains en les croisant et chantent :

En allant au bois,
J’ai perdu mon soulier,
Mon sabot,
Tourne larigot !

Et ils pivotent de façon que celui de droite passe à gauche.

J’ai des poules à vendre,
Des noires et des blanches,
Quatre, quatre pour un sou.
Mademoiselle, détournez-vous.

On se tient par la main et au dernier vers on se détourne.

On chante le même couplet une seconde fois et on termine en disant : « Retournez-vous ! »

J’ai perdu hier au soir,
Le bouquet de ma mie,
Je suis v’nu le chercher,
Au péril de ma vie.
En passant par-devant moi,
Belle bergère, embrasse-moi,
Embrass’, embrass’, embrasse.
Beau cavalier, ne t’fâche pas
Si j’embrasse ta mie,
C’est qu’en passant par-devant moi,
Ell’m’a paru jolie.
Pour te dédommager d’retour,
Embrass’la à ton tour.
Embrass’, embrass’, embrasse.

Le long de ce p’tit bois charmant,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;

Le long de ce p’tit bois charmant,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !
Un’ demoiselle va s’y promenant,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;
Un’ demoiselle va s’y prom’nant,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !
Un beau Monsieur va la suivant,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;
Un beau Monsieur va la suivant,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !
Ils s’asseyent tous deux sur un banc,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;
Ils s’asseyent tous deux sur un banc,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !
Ils se donn’nt un baiser charmant,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;
Ils se donn’nt un baiser charmant,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !
Ils s’en revienn’nt tous deux des champs,
Quand on voit c’la qu’l’on est bien aise ;
Ils s’en revienn’nt tous deux des champs,
Quand on voit c’la qu’l’on est content !

— Qui marierons-nous
Par ce jeu d’amourette ?
Qui marierons-nous
Par ce jeu d’amour ?
— Mamz’elle, ce sera vous
Par ce jeu d’amourette ;
Mamz’elle, ce sera vous
Par ce jeu d’amour.

On fait entrer la jeune fille au milieu de la ronde.

— Qui choisirez-vous
Par ce jeu d’amourette ?
Qui choisirez-vous
Par ce jeu d’amour ?
— Monsieur, ce sera vous,
Par ce jeu d’amourette ;
Monsieur ce sera vous,
Par ce jeu d’amour.
— Entrez dans ce rond,
Par ce jeu d’amourette ;
Entrez dans ce rond,
Par ce jeu d’amour.

Le garçon va rejoindre la jeune fille au milieu de la ronde.

— Mettez-vous à genoux,
Par ce jeu d’amourette ;
Mettez-vous à genoux,
Par ce jeu d’amour.
— Faites-vous les yeux doux,
Par ce jeu d’amourette ;
Faites-vous les yeux doux,
Par ce jeu d’amour.
— Et confessez-vous,
Par ce jeu d’amourette ;
Et confessez-vous,
Par ce jeu d’amour.
— Et relevez-vous,
Par ce jeu d’amourette ;
Et relevez-vous,
Par ce jeu d’amour.
— Puis embrassez-vous,
Par ce jeu d’amourette ;
Puis embrassez-vous,
Par ce jeu d’amour.

Ne somm’s-nous pas cousins cousines,
Ne somms’-nous pas cousins tretous ?

— Mad’moiselle, cela s’adresse à vous,
Ne somm’s-nous pas cousins cousines,
Ne somm’s-nous pas cousins tretous ?
— Entrez dans la danse :
Ne somm’s-nous pas cousins cousines,
Ne somm’s-nous pas cousins tretous ?
— Fait’s la révérence :
Ne somm’s-nous pas cousins cousines
Ne somm’s-nous pas cousins tretous ?
— Choisissez qui vous voudrez :
Ne somm’s-nous pas cousins cousines,
Ne somm’s-nous pas cousins tretous ?
— Et embrassez-vous !
Ne somm’s-nous pas cousins cousines,
Ne somm’s-nous pas cousins tretous ?

— Où allez-vous, la mèr’ boiteuse ?
Mir lon fli, mir lon fla.
— Je vais au bois céleste,
Mir lon fli, mir lon fla.
— Quoi faire au bois céleste ?
Mir lon fli, mir lon fla.
— Cueillir la violette,

Mir lon fli, mir lon fla.
— Si vous rencontrez le diable ?
Mir lon fli, mir lon fla.
— Je lui ferai des cornes,
Mir lon fli, mir lon fla.
— Si vous voyez la Vierge ?
Mir lon fli, mir lon fla.
— Je lui ferai trois révérences,
Mir lon fli, mir lon fla.

En r’venant de cueillir la violette,
J’ai perdu ma petite fleurette,
En mettant mon pain au four,
Vive l’amour !

La petite bonne Femme

Il était une fois
Un’ petit’ bonn’ femme
Qui courait par tout’ la ville
À dada sur un bâton ;

Quand ell’ fut entr’ deux portes
On entendit un coup de canon.
Prout !!!
La petit’ bonn’ femme
Eut si grand peur
Qu’ell’ fit caca
Dans ses jupons ;
Vous aurez du rôti
Et d’la soupe à l’oignon.

C’est un’ petit’ chanson
De morue et de poisson.
Mite, mite,
La v’là dite,
Moute, moute.
La v’là toute.

Quand Margoton va seulette,
Ell’ne m’aime plus r’lu tu tu ;
La petite follette,
Rit de ma chansonnette,

Tous mes soins sont superflus,
R’lu tu tu, r’lu tu tu.

La personne qui chante ce couplet est au milieu des joueurs et en chantant, elle imite, par gestes, un instrumentiste quelconque.

Or, comme au commencement du jeu tout le monde a dû choisir un instrument, celui ou celle qui ne se le rappelle pas ou bien qui, par distraction, ne regarde pas la personne qui chante et ne fait pas comme elle, donne un gage.

7o Causeries et amusettes

Un jour, je vis plusieurs petits paysans qui regardaient une alouette, à peine visible dans la nue, et dont on entendait cependant encore le chant.

L’un d’eux demanda aux autres :

S’avous ce qu’elle dit là-haut à c’tt’heure qu’elle a pou de chaie[5] ?

— Nennin.

— Eh ben ! elle dit comme ça : « Mon Dieu, Je n’jurerai pu, mon Dieu, je n’jurerai pu.

« Et une fa r’descendue sur la lande, elle va cor crier : « Cinq cent mille diables, que j’étais haut ! »

Un tout petit garçon répliqua : — Mon père ne raconte pas ça de même, li.

Eh ben ! que dit-y ? dirent les autres.

— Quand l’alouette est ben haut, elle chante :

« Mon bon Dieu, laissez-ma passer,
Je n’bairai pu
Car je n’veux pu baire,
Mon bon Dieu, laissez-ma passer,
Je n’bairai pu pour me saouler. »

Et quand elle est descendue :

Le bon Dieu m’a laissé passer,
Je bairai cor,
Je bairai cor.
Le bon Dieu m’a laissé passer,
Je bairai cor
Pour me saouler !

Un troisième ajouta : — S’avous c’que les coqs disent quand y chantent ?

— Je n’savons point.

— Le premier dit :

« J’ai du grain dans mon grenier ! »

Le second :

 « J’en ai quand j’veux ! »

Un troisième, pauvre tire-misère enfermé dans une mue :

 « V’z êtes ben heureux ! »

La Semaine du Paresseux

Lundi, mardi, fête,
Mercredi, peut-être,
Jeudi la Saint-Nicolas,
Vendredi on ne travaille pas.
Samedi on se repose,
Et le dimanche on ne fait rien.

Les enfants vont, au printemps, arracher dans les prairies des racines de janottes. C’est une petite ombellifère que les savants appellent Carum denudatum.

Le tubercule de cette plante a la forme d’une petite truffe blanche. Il n’est pas désagréable au goût et les enfants le mangent cru, malgré la défense des mères qui prétendent que l’absorption de cette racine amène des poux dans les cheveux.

(Saint-Laurent, près Rennes.)

Quand les petits garçons affirment ou promettent quelque chose entre eux, ils s’entrelacent le petit doigt en disant :

Crochi, crocha,
Le premier des deux qui mentira
En enfer il ira.

Les enfants ont souvent dans leurs poches des cornes de cerf-volant (nom vulgaire du lucane). Ces cornes doivent leur porter chance et les faire gagner aux jeux.

Les mères envoient leurs petits garçons aux processions des Rogations qui ont lieu au mois de mai, dès cinq heures du matin. « Si vous n’y alliez pas, leur disent-elles, vous n’apprendriez pas de nids. »

Autrefois, dans les villages, lorsque les petits enfants étaient encore en robe, on reconnaissait les garçons à une mèche de leurs cheveux sortant par le haut de leurs bonnets, — dits à trois quartiers, — qui enserrent la tête et s’attachent sous le menton avec des filets.

On fait croire aux enfants qu’ils doivent porter dans leurs jardins une petite botte de foin pour la Mi-Carême, qui leur donnera en échange des bonbons et des jouets que l’on a soin de cacher dans les grands buis ou les lauriers.

On les engage à chercher, et lorsqu’ils les découvrent, c’est un étonnement et une joie excessive.

À la fin du Carême, le jeudi saint au matin, les cloches partent pour Rome et ne reviennent que le samedi suivant.

Pendant leur absence, ce sont les enfants qui, soir et matin, parcourent les rues du bourg avec des clochettes de toutes grosseurs qu’ils appellent des taupanes. Ils les agitent avec force afin d’inviter les chrétiens à se rendre à l’église pour entendre la prière.

On dit aux enfants que les cloches qui reviennent de Rome le samedi saint sèment des œufs rouges sur leur passage.

À cet effet, on cache çà et là, dans les jardins, des œufs durs qu’on a fait cuire avec des pelures d’oignons, ce qui leur donne une teinte rouge. Les enfants les cherchent quand les cloches sont revenues.

La Coccinelle (Bête à bon Dieu),

Quand on s’empare d’une coccinelle, il faut la mettre à s’envoler ou la déposer sur l’écorce d’un arbre. Alors elle monte au ciel, devient un ange et garde votre place dans le Paradis.

Lorsqu’un enfant aperçoit un arc-en-ciel, il s’arrache un cheveu, l’allonge dans sa main gauche toute grande ouverte, crache au milieu et dit :

Arc-en-ciel brillant,
Par la grâce de Dieu,
J’te coupe par le mitan (milieu).

Joignant le geste à la parole, il frappe du revers de la main droite au milieu de la salive qui vole en tous sens.

Après cela l’arc-en-ciel doit être coupé en deux.

(Bain-de-Bretagne.)

À Pleurtuit, sur la limite de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord, la formule de l’arc-en-ciel a une variante :

Lorsqu’un enfant aperçoit un arc-en-ciel, il en informe aussitôt un camarade qui, lui, ne doit pas lever les yeux au ciel. Au contraire, il s’arrange de façon à tourner le dos à l’arc-en-ciel, et alors crache sur le dessus de sa main gauche, et avec la droite, tout en récitant les paroles ci-après, frappe alternativement à droite, à gauche, puis au milieu de la salive :

Arc-en-cié, arc-en-cié,
Si tes ouées[6] pass’nt dans mon blé,
J’te coup’rai par la maitié[7],
Ô mon faufillon[8] d’acié.

Quand un enfant perd une dent, on lui dit de la mettre derrière la porte pour faire péter les bonnes femmes qui entreront dans la maison.

Une personne du village de la Calvenais, dans la commune de Bain, arrachait les dents, et on l’accusait de les semer devant les bonnes femmes pour les faire péter.

À l’École

B — a — ba — mon maître me bat,
B — e — be — je me défendrai,
B — i — bi — à coup de fusil,
B — o — bo — à coup de sabot,
B — u — bu — à grands coups de pieds dans le cul.

À l’époque de la Toussaint, quand des bandes de corbeaux vont se coucher, les enfants, en les voyant passer sur leur tête, crient :

Grolles, grolles, grolles, [9]
La dernière rendue
Aura la crotte au cul.

La veille au soir de la fête de Noël, les petits garçons vont par les rues des villages et des bourgs, portant chacun une chandelle allumée, entourée de papier huilé pour empêcher le vent de l’éteindre. Ils s’arrêtent devant les portes en nasillant :

« Chantons Noël,
Ma bonne femme,
Pour une pomme,
Pour une poire,
Pour un p’tit coup de cidre à boire ! »

Et on leur donne des fruits ou des sous.

À Vitré, pendant la semaine de Noël, les choristes de chaque paroisse vont, en soutane rouge, de porte en porte, chez tous les habitants chanter des Noëls. Ils sont généralement bien accueillis dans chaque maison où on leur donne de l’argent qu’ils partagent entre eux.

Alléluia ! alléluia ! alléluia !
Alléluia du fond du cœur,
Ayez pitié d’vos enfants d’chœur,

Et le bon Dieu vous récompensera,
Alléluia ! alléluia ! alléluia !

Ou bien encore :

Alléluia ! du fond du cœur,
Nous sommes les enfants de chœur.
Un jour viendra, Dieu vous l’rendra,
Alléluia ! alléluia ! alléluia !

Chansons de petits Polissons

Un petit bonhomme
Pas plus gros qu’un rat,
Qui battait sa femme,
Par-dessous son bras :
— Attends, ma coquine,
Cela t’apprendra
À boir’ la chopine
Quand je n’suis pas là.
— Oh ! le vilain homme,
L’affreux scélérat,
Voici l’commissaire
Qui te coffrera.

Quand j’étais petit,
Je n’étais pas grand,
Je montrais mon cul
À tous les passants.
— Cache ton cul,
Petit’ peste,
Tout l’monde le verra ;
Mets-le dans ta chemise,
Car voici mon chat.

8o La communion

La communion est l’acte le plus important de la période de l’enfance.

Pendant les trois jours de retraite qui précèdent la communion, chaque soir, à l’issue du dernier office à l’église, on renvoie d’abord les filles, puis vingt minutes après les garçons.

Chaque groupe s’en va en récitant le chapelet. L’un des enfants dit la prière et tous les autres répondent en chœur.

Lorsqu’un garçon ou une fille arrive à sa demeure, ou au chemin qui y conduit, il quitte la bande sans rien dire et sans que les autres interrompent leurs prières.

Le matin, après la messe de sept heures, le midi, et à la collation de quatre heures, les garçons s’en vont manger chez l’instituteur et les filles chez les religieuses.

Ceux qui appartiennent à des familles à l’aise apportent des vivres dans un panier. Les pauvres, eux, sont nourris au moyen des dons en nature et en argent, — le plus souvent en nature, — faits par les habitants de la commune.

L’instituteur laïque ou religieux conduit les garçons à l’église pendant tout le temps de la retraite, les surveille et les promène dans la campagne aux heures de récréation.

Les religieuses de leur côté en font autant.

Un peu avant la communion a lieu le classement des enfants à l’église par le vicaire qui a fait le catéchisme.

Les premières places sont, pour les mères, un sujet d’orgueil et un sujet de chagrin pour celles dont les enfants sont ignorants.

Le vicaire à la campagne, n’est récompensé de ses peines pour avoir fait le catéchisme toute l’année, que par les cierges que portent les enfants le jour de la communion et qui lui appartiennent de droit.

On a vu autrefois des mères mécontentes de voir leurs enfants mal placés, les faire rapporter leurs cierges chez eux. C’est alors que la mesure fut prise que les cierges une fois entrés dans l’église n’en sortiraient plus.

Je me souviens que dans mon village, des enfants n’ayant pas le moyen d’avoir un cierge, en fabriquaient avec une chandelle emmanchée au bout d’un bâton. Le tout était recouvert de papier blanc avec des frisures.

Les pauvres diables qui portaient ces chandelles étaient tout aussi fiers que les autres.

Les premiers du catéchisme ont généralement de très gros cierges, ce qui fait dire qu’on donne toujours les meilleures places aux enfants riches.

Les parrains et marraines des communiants font cadeau à leurs filleuls, les uns du cierge, les autres d’un livre, d’un chapelet ou d’un souvenir quelconque.

La veille de la communion, les enfants, lorsqu’ils viennent de recevoir l’absolution, vont se mettre à genoux devant leurs parents et leur demandent leur bénédiction.

Il y a deux croix, une blanche pour les filles et une rouge pour les garçons. Elles ont toutes les deux quatre longs rubans de la couleur de la croix.

Ces croix sont généralement en tarlatane garnie de fleurs artificielles rouges ou blanches.

Si les deux premiers du catéchisme (garçon et fille) sont riches, ce sont eux qui habillent la croix, qui la sortent de l’église et la portent assez longtemps avant de la passer aux autres dans l’ordre du classement. Les huit premiers ont ordinairement cet honneur. Les autres enfants tiennent les rubans.

Ces croix sont de nouveau portées aux processions des Fêtes-Dieu et de l’Assomption. À la communion suivante, elles sont remplacées par de nouvelles, et les fleurs sont distribuées comme souvenirs par les donateurs à leurs amis et aux autres enfants de la communion.

À Bourg-Barré, le premier garçon et la première fille du catéchisme habillent leurs croix ; mais le deuxième achète le ruban de droite et le troisième le ruban de gauche.

Lorsque la croix est détruite, les fleurs sont conservées, à titre de souvenir, sous des verrines comme les bouquets des mariées.

Ce sont les premiers du catéchisme qui, seuls, ont le droit de porter la croix, mais par complaisance ils la cèdent à leurs camarades.

Le jour de la communion, dans quelques communes, les communiants, le clergé, le bas-chœur, se rendent, avant la messe, au presbytère, croix et bannière en tête, chercher le prédicateur de la retraite, qui doit dire la messe et faire les sermons d’usage.



CHAPITRE III


La Jeunesse, les Amours, les Conscrits


1o La jeunesse


Le premier avril, on joue des tours aux jeunes apprentis dans les ateliers. On les envoie chez un voisin demander à emprunter la corde à tourner le vent. On dit aux fillettes d’aller chez l’apothicaire demander de l’huile de pieds de tortue.

Les enfants cherchent à attraper les passants : Ils déposent sur la rue un cornet de papier rempli de cendre, et si quelqu’un se baisse pour le ramasser, ils sortent sur les portes en criant : « Poisson d’avril ! Poisson d’avril ! »

Les ouvriers forgerons, dans les campagnes, percent une pièce de deux sous et la clouent au milieu de la rue avec une pointe d’une telle longueur qu’il est impossible avec les doigts de la détacher du sol. Lorsque des personnes cherchent à s’en emparer les ouvriers les plaisantent et leur rappellent qu’elles ont oublié la date du premier avril.

Une assemblée pour les domestiques de la campagne qui désirent se gager, a lieu à Rennes, sur le Champ-de-Mars, le jour Saint-Pierre (29 juin de chaque année).

Cette foire aux gens est bien étrange en cette fin de siècle, et fait l’étonnement des étrangers qui se trouvent de passage à Rennes ce jour-là. Et cependant c’est une fête pour ces jeunes paysans qui en parlent toute l’année et s’y donnent rendez-vous.

Garçons et filles sont là, debout, par groupes attendant qu’on vienne les demander. Quelquefois c’est leur maître de l’année agricole écoulée, qui contracte avec eux un nouveau marché.

Les domestiques des deux sexes qui veulent se gager pour l’année entière portent : les gars une rose au chapeau et les filles un bouquet au côté. Presque tous ont une petite gaule à la main.

Les charretiers ont leur fouet autour du cou.

Les hommes, et parmi eux souvent des vieillards, qui ne veulent prendre d’engagement que pour le temps de la moisson (qu’on appelle la métive), ont un épi de blé vert au chapeau.

Lorsque le marché est conclu, maîtres et valets vont boire ensemble sous les tentes dressées à cet effet.

Quand les maîtres sont partis les gars offrent aux filles des tournées de café et de petits verres d’eau-de-vie ou de liqueurs qu’ils absorbent en poussant des cris sauvages.

Il y a des fermes où les domestiques sont considérés comme étant de la famille, où ils sont bien payés, bien nourris, leur linge raccommodé, leurs vêtements entretenus. C’est à qui naturellement cherchera à entrer dans ces maisons. Aussi les maîtres choisissent-ils leurs serviteurs parmi les jeunes gens du pays, travailleurs, honnêtes et de bonne conduite.

Ces agriculteurs ne vont point aux assemblées, et il faut entendre les fermières, dire avec dédain :

Fille d’assemblée,
Fille éventée.

Des assemblées créées dans le même but ont lieu à Ercé-en-Lamée et à Bourg-des-Comptes, le dimanche qui suit la Saint-Jean. À Pléchâtel, c’est le dimanche qui suit la Saint-Pierre.

Là, les filles ont une gaule à la main et les garçons une rose au chapeau.

À Vitré, le lundi qui suit la Saint-Georges (23 avril), les cultivateurs louent leurs domestiques qui n’entreront chez eux que le premier novembre.

Ce marché a lieu à Vitré, place Saint-Yves.

Les filles ont un fuseau à la main et les garçons le fouet autour du cou.

Le marché n’est conclu que lorsque maîtres et serviteurs ont bu une chopine ensemble, et que le denier à Dieu a été compté.

La foire des Terreneuvas

Le lundi 7 décembre de chaque année, a lieu à Miniac-Morvan, la Foire des Terreneuvas.

C’est dans cette assemblée, célèbre chez les gens de mer, que se fait l’embauchage annuel des marins pour la campagne de pêche de Terre-Neuve. Plus de deux mille pêcheurs accompagnés de leurs familles s’y rendent de tous les points du littoral.

Les engagements se font à salaire fixe ou à la part. Toujours, la nourriture et le transport sur les lieux de pêche sont compris dans la paie. Dans les deux cas, les armateurs font des avances discutées comme les autres parties de l’engagement ; ces avances varient de 200 à 400 fr., suivant l’homme, ses capacités et sa fonction à bord.

L’embauchage se pratique dans les cabarets, sans écriture ; la tape donnée dans la main et la bolée de cidre bue au tonneau de la foire servent de signature.

Dans les environs de Vitré, pendant les veillées d’hiver, les domestiques de ferme fabriquent des vans, des manches de fouet et des fourches de bois pour faner le foin. Ces objets leur appartiennent. Ils vont les vendre à Vitré dans la matinée du jeudi saint.

2o Les amours

Dans la nuit qui précède le premier mai, les jeunes gars des bourgs et des villages de l’Ille-et-Vilaine vont attacher un bouquet, qui s’appelle un Mai, à la porte de leurs fiancées ou de leurs bonnes amies, et ceux dont les avances n’ont pas été agréées, accrochent, pour se venger, un grand chou fleuri à la porte des insensibles.

Dès trois heures du matin, les curieux se lèvent pour aller voir les Mais attachés aux portes.

Dans quelques communes des environs de Redon, une autre coutume est encore en usage : Une bande de garçons s’en va, dans la soirée du 30 avril, quêter des œufs en chantant les couplets suivants :

 « Voici le mois de mai tout rempli de violettes ;
Les fill’s et les amants changeront d’amourettes ;
Ils partiront, sans fair’ tort à la loi,
À la sorti’ du mois d’avril,
À l’arriver du mois de mai.
Entre vous, bonnes gens, qu’avez de la volaille,
Mettez la main au nid, n’apportez pas la paille ;
Apportez-nous la douzaine et demie
Et n’apportez pas les pourris.
Si vous n’voulez ren nous donner,
Donnez-nous la servante ;
La fille du logis est bien notre demande,
Je la mèn’rons cette nuit o nous

Et la ramènerons au point du jour.
En vous remerciant, le maître et la maîtresse
De nous avoir donné des œufs par la fenêtre,
Nous prierons Dieu et l’bon saint Nicolas
De garder vos poules du rumas[10].
Nous prierons Dieu et l’bon saint Nicolas
De marier vos filles avec nos gas. »

Lorsqu’on ne leur donne pas d’œufs, les chanteurs s’en vont en criant :

En vous remerciant, bonn’femme, cul creux,
Qui n’avez pas v’lu nous donner d’z’œufs,
Le cul à vos poul’s périra.
Alléluia ! alléluia !

Aux environs de Rennes, à Betton notamment, on chante la chanson de Mazi-Mazette à la porte des fermes dans la nuit du 30 avril au premier mai. C’est une variante de la précédente.

Mazi Mazette
I
Mazi-Mazette,

Voulez-vous l’écouter ?

À votre porte
On va vous la chanter :

II
Le joli mois d’avril

Où l’on marie les filles,
Je le vois bien par ma,
Car mon père m’y marie.
S’il me marie, ce n’est pas malgré ma
À l’arrivée du joli mois de ma (mai).

III
Le joli mois de ma,

Le mois le plus plaisant,
Où les filles, les garçons,
Auront de la souvenance ;
Vous les verrez deux à deux par sous l’bras,
À l’arrivée du joli mois de ma.

IV
Le joli mois d’avril,

Qui met sa femme en couche,
Il n’a rien à lui donner,
Qu’une pochée de croûtes.
Donnez-lui va du vin, elle en boira
À l’arrivée du joli mois de ma.

V
Le maître de la maison,

Qui descend dans la cave
Le piché dans la main,
Le ver’ dessus la table.
Versez-en va au moins cinq à six fas (fois),
À l’arrivée du joli mois de ma.

VI
Le maître de la maison

Qui couche o la maîtresse,
Si vous n’la caressez pas,
Elle n’en s’ra pas ben aise.
Caressez-la au moins cinq à six fas,
À l’arrivée du joli mois de ma.

VII
Bonnes gens, vous qui dormez,

Nous qui somm’s dans la peine,
À chasser les renards
Qui sont dans vos avaines (avoines).
Ils mangeront vos poul’s et vos dindons,
Tout alentour de vos jolies maisons.

VIII
Donnez-nous va des œufs,

Des œufs de vos poulettes,
Une douzaine ou deux
Pour mettre o d’la vinette[11].
Donnez-nous va des œufs ou de l’argent,
On s’en ira ben pu joyeusement.

IX
Si v’n’avez ren à nous donner,

Donnez-nous la servante,
Ou la fill’ de la maison,
C’est cor’ la plus plaisante ;
Nous la promèn’rons tout’ la nuit o nous,
Nous la ramèn’rons d’main au point du jour.

Le premier vendredi de chaque mois, la jeune fille des environs de Rennes qui veut connaître le jeune homme qu’elle épousera, fait ses prières du soir, monte dans son lit le pied gauche le premier, en disant :

Que Dieu me fasse voir en dormant,
Celui que j’épouserai de mon vivant.

Lorsqu’une jeune fille désire voir en rêve le jeune homme qu’elle doit épouser, elle met, le cinq janvier, la veille des Rois mages, trois feuilles de laurier sous son oreiller et dit en se couchant :

Gaspard,
Balthazar,
Melchior,
Dites-moi en dormant,
Qui j’aurai de mon vivant ?

(Bain.)

À Montfort, la jeune fille qui désire connaître son futur époux doit, dans la nuit de la Chandeleur (du premier au deux février) descendre de son lit, au coup de minuit, le pied droit le premier, et aller regarder dans un miroir devant lequel sont placées deux chandelles qu’elle aura eu soin d’allumer avant de se coucher. Elle y verra l’image de celui qui sera un jour son mari.

À Saint-Armel, les filles vont piquer des épingles dans le tombeau de saint Armel encastré dans un mur. Elles espèrent, par ce moyen, faire venir les amoureux.

Les jeunes filles du canton de Bain qui sont pressées de se marier, se rendent à la chapelle du Coudray et récitent la prière suivante :

Ma bonn’ sainte Vierge,
Donnez-moi un homme,
J’vous donnerai un cierge ;
Donnez-le-moi bientôt,
J’vous l’ donnerai bien gros.

Dans le canton de Louvigné-du-Désert, les menhirs et les dolmens sont nombreux, et chacun d’eux a sa légende.

Quelques-unes de ces pierres sont appelées Roches Écriantes (roches glissantes). Elles sont visitées par les jeunes filles à la recherche de maris. Elles y vont en cachette le matin ou le soir, s’asseyent sur le haut de la pierre et se laissent glisser jusqu’en bas. Elles déposent ensuite des bouts de rubans pour permettre aux fées d’attacher la filasse de leurs quenouilles, et l’année ne s’écoule pas avant qu’elles soient mariées. Elles s’y rendent seules et sans être vues, personne autre que les fées ne devant posséder le secret de leur cœur.

Dans la commune de Miniac-sous-Bécherel, est une épine à trois branches, connue dans tous les environs sous le nom d’Épine du Breil.

Les filles qui ont envie d’un époux doivent aller, certain jour, en faire le tour trois fois de suite, sans parler ni rire. Elles sont certaines d’être mariées dans l’année.

On cite dans le pays de nombreux mariages accomplis par des jeunesses qui avaient rempli, en tous points, les conditions prescrites.

Une autre épine blanche qui se trouve près de la chapelle de l’Épine, dans la commune de Saint-Briac, a le même pouvoir.

Une foire importante a lieu, chaque année, le mercredi de Pâques, dans la commune de Saint-Pern, au milieu de la vaste prairie qui a remplacé l’ancien étang de Légouyer, aujourd’hui desséché. Les jeunes filles venaient jadis à cette foire (qui se tenait alors sur les bords de l’étang) chercher des maris qu’un arbre antique avait la vertu de leur procurer au seul contact de son écorce. On ajoute même que quelques-unes d’entre elles tenaient à traverser l’étang sur le dos de leurs fiancés pour éprouver leur sincérité.

À Concreuil, dans le canton de Guemené-Penfao (Loire-Inférieure), mais tout près de l’Ille-et-Vilaine, les jeunes filles ont toutes des clous sous leurs sabots, et chacune d’elles a des clous différents. Tantôt c’est une étoile, un triangle ou bien les initiales du nom de la propriétaire des sabots. De sorte que les garçons peuvent facilement, en remarquant l’empreinte des clous sur le sol, suivre leurs bonnes amies et aller les rejoindre, soit aux champs, soit à l’église.

Les filles de la campagne sont devenues coquettes : Elles vont dans les petites boutiques des bourgs demander pour deux sous de suivette. C’est une mauvaise eau de Cologne dont elles se parfument et qui, disent-elles, fait que les gars les suivent à la sente. De là vient le nom de suivette donné à ce parfum.

Au milieu de la forêt de Rennes, on voit encore les ruines d’une vieille chapelle qui était jadis sous l’invocation de saint Denis.

Une assemblée a lieu le dimanche qui suit le neuf octobre, jour de la fête de ce saint. Elle se tient au rond-point de la mi-forêt.

Toute la jeunesse de Rennes s’y rend et l’on dit à cette occasion :

À l’assemblée de Saint-Denis des bois,
On y va deux,
On en revient trois !

Sur le territoire de la commune de Combourtillé, est un rocher compris dans le fief Robert, autour duquel les jeunes gens fiancés vont, la nuit, à cloche-pied, afin de ne pas être Robert, une fois mariés, c’est-à-dire trompés par leurs femmes.

On dit, dans le canton de Bain, d’une femme qui a la coiffe inclinée de côté sur la tête qu’elle guigne[12] un veuf.

À Bruz, quand une fille a son châle de travers, on dit également qu’elle guigne un veuf.

Dans la commune du Pertre est une chapelle dédiée à saint Léonard, le protecteur des amoureux qui viennent le prier d’exaucer leur vœu le plus cher.

Voici le récit de deux mariages, — non pas dans le peuple, mais dans le grand monde, — que l’on attribue à l’intervention de saint Léonard :

Il y a trente ans environ, une demoiselle *** avait connu à l’île Maurice un jeune officier de marine, M. de B*** qui, sans s’en douter, avait ravi son cœur. De retour en France, la pauvre jeune fille pensait toujours au bel officier, désespérant de ne plus le revoir, ignorant même le pays où il se trouvait.

Un jour qu’elle faisait ses confidences à l’une de ses amies, chez laquelle elle était venue passer quelques jours en Bretagne, celle-ci lui parla de saint Léonard et de la puissance qui lui était attribuée, lui conseillant d’aller à la chapelle du Pertre en pèlerinage, et lui proposant même de l’accompagner. Toutes les deux s’y rendirent et prièrent ardemment saint Léonard d’exaucer leur vœu.

Il y avait à peine huit jours que Mlle *** était de retour à Paris, lorsqu’elle rencontra M. de B***. On renouvela connaissance, des visites furent échangées entre les deux familles, une demande en mariage fut faite et la noce eut lieu. Depuis cette époque, Mme de B***, dont le mari est actuellement capitaine de vaisseau, envoie chaque année un cadeau à la chapelle de Saint-Léonard.

Voici le second récit :

M. P***, aujourd’hui procureur général en retraite, dont la famille habita longtemps les environs de Rennes, avait, étant substitut dans une petite ville, demandé la main d’une demoiselle H***, qui devait être une riche héritière.

Malheureusement pour lui, le jeune magistrat n’avait pas de fortune et, pour ce motif, se vit refuser la main de celle qu’il aimait, et dont il était aimé.

Les parents emmenèrent leur fille en voyage pour la distraire.

Deux années s’écoulèrent et M. P*** revint en Bretagne, dans l’arrondissement de Vitré, où il entendit vanter les miracles de saint Léonard.

Il n’avait pas oublié Mlle H*** et, entraîné, lui aussi, par des dames amies de sa famille, alla en pèlerinage à la chapelle du Pertre.

Presque aussitôt il reçut une lettre, datée de Nice, dans laquelle M. H*** lui annonçait qu’en présence de l’état de santé de sa fille qui pensait toujours à lui, il le priait, s’il était encore dans l’intention de l’épouser, d’aller les rejoindre immédiatement.

M. P*** partit aussitôt ; mais quel ne fut pas son désespoir en retrouvant celle qu’il avait connue si belle, si fraîche, aujourd’hui pâle, amaigrie et pouvant à peine se soutenir ! Il n’y avait pas d’illusion à se faire, la mort était proche. Mlle H***, de son côté, ne se dissimulait pas qu’elle n’avait plus que peu de jours à vivre. Mais avant de quitter ce monde, elle appela celui qu’elle aimait toujours et lui fit promettre, — ce qui d’ailleurs s’est réalisé, — qu’il épouserait sa sœur un peu plus jeune qu’elle.

La pauvre mourante voulut ainsi que les deux êtres qui lui étaient chers fussent unis par ses soins, et peut-être espéra-t-elle ainsi n’être pas oubliée.

Les Chansons des Amours

Ah ! revenez, revenez, revenez.

Il est venu hier au soir,
Trois galants me demander (bis).
Ma mère était en colère,
Les a tous trois renvoyés.
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

Ma mère était en colère,
Les a tous trois renvoyés (bis).
Moi, j’étais encor’ jeunette,
Je me suis mise à pleurer.
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

Moi, j’étais encor’jeunette,
Je me suis mise à pleurer (bis).
— Qu’as-tu donc, petite sotte ?
Qu’as-tu donc à tant pleurer ?

— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

— Qu’as-tu donc, petite sotte ?
Qu’as-tu donc à tant pleurer (bis) ?
— Ce sont mes galants, ma mère,
Que vous avez renvoyés.
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

— Ce sont mes galants, ma mère,
Que vous avez renvoyés (bis).
— Va-t’en donc, petite sotte,
Va-t’en donc les rappeler.
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

— Va-t’en donc, petite sotte,
Va-t’en donc les rappeler (bis).
J’ai monté sur une butte
Et me suis mise à crier :
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

J’ai monté sur une butte
Et me suis mise à crier (bis).

Le plus beau, le plus aimable,
Est revenu le premier.
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

Le plus beau, le plus aimable,
Est revenu le premier (bis).
Il a embrassé ma mère,
Et moi par-dessus l’marché !
— Ah ! revenez, revenez, revenez,
Ma mère a dit que vous m’auriez.

(Bain de Bretagne.)
L’Alouette

Tout bon valet qui sert son maître,
Ne fait pas l’amour quand il veut ;
Quand il veut aller voir sa belle,
Faut demander congé à deux :
— Mon maître et aussi ma maîtresse,
Vous plairait-il que j’irais voir
Ma mienne amie en cette nuit ?


Le maître et aussi la maîtresse,
Son congé ils li ont donné.
Tout dret à la porte à sa belle,
Trois petits coups s’en va frapper.
— Ah ! dormez-vous, réveillez-vous,
P’tit cœur joyeux,
Voici venu à votre porte
Votre amoureux.

N’ont point été deux heur’s ensemble,
L’alouette a chanté le jour.
— N’entends-tu pas sa voix qui tremble,
Annoncer la fin des amours ?
— Belle alouett’, belle alouette,
Je te maudis ;
Ce n’est pas là le point du jour,
C’est le minuit !

(Redon.)
Le Tur lu tu tu

En m’en allant sous la coudrette,
Le long de ces tur lu tu tu,
Le long de ces lanla de lirette,
Le long de ces verts prés.


Dans mon chemin, j’ai fait rencontre,
D’une jeune tur lu tu tu,
D’une jeune lanla de lirette,
D’une jeune beauté.

Et je me suis approché d’elle,
C’était pour l’em tur lu tu tu,
C’était pour l’em lanla de lirette,
C’était pour l’embrasser !

Elle attira sa quenouillette,
C’était pour m’en tur lu tu tu,
C’était pour m’en lanla de lirette,
C’était pour m’en frapper.

— Tout doux, tout doux, ma jeune fille,
Je suis votre tur lu tu tu,
Je suis votre lan la de lirette,
Je suis votre berger.

— Les bergers de notre village
Ne sont point si tur lu tu tu,
Ne sont point si lanla de lirette,
Ne sont point si osés !


Ils ont des flût’s dans leur pochette,
C’est pour nous fair’tur lu tu tu,
C’est pour nous fair’lanla de lirette,
C’est pour nous faire danser !

Dansez, dansez, les jeunes filles,
Quand vous êt’s en tur lu tu tu,
Quand vous êt’s en lanla de lirette,
Quand vous êt’s fill’s à marier !

Car, quand vous serez en ménage
Vous aurez des tur lu tu tu,
Vous aurez des lanla de lirette,
Vous aurez des enfants gâtés !

L’un vous dira : — Je veux à boire,
L’autre voudra tur lu tu tu,
L’autre voudra lanla de lirette,
L’autre voudra… manger !

(Le Grand-Fougeray.)
La Veuve qui veut se remarier

En revenant de Nantes,
Mignon de la goguett’ tout doux,

Cheminant vers Paris,
Landeri, landera, landeri,
Cheminant vers Paris (bis).

J’ai rencontré trois dames,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Qui chantaient à loisir,
Landeri, landera, landeri,
Qui chantaient à loisir (bis).

Ell’s m’ont demandé : — Belle,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Que n’chantez-vous aussi ?
Landeri, landera, landeri,
Que n’chantez-vous aussi (bis) ?

— Comment donc chanterais-je ?
Mignon de la goguett’ tout doux,
J’ai perdu mon mari,
Landeri, landera, landeri,
J’ai perdu mon mari (bis).

Il eut les grand’s coliques,
Mignon de la goguett’ tout doux,

Et la migraine aussi.
Landeri, landera, landeri,
Et la migraine aussi (bis).

Il fut trois mois malade,
Mignon de la goguett’ tout doux.
Il en est mort… tant pis !
Landeri, landera, landeri,
Il en est mort… tant pis (bis) !

Et v’là qu’j’en cherche un autre,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Pour calmer mes soucis,
Landeri, landera, landeri,
Pour calmer mes soucis (bis).

— Les bons maris sont rares,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Par tous ces pays-ci,
Landeri, landera, landeri,
Par tous ces pays-ci (bis).

— J’en voudrais un commode,
Mignon de la goguett’ tout doux,

Pas mal riche et jouli,
Landeri, landera, landeri,
Pas mal riche et jouli (bis).

Qui m’fît porter la bourse,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Et la culotte aussi !
Landeri, landera, landeri,
Et la culotte aussi (bis) !

Qui n’but point trop d’chopines,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Ren qu’en nout’ compagnie,
Landeri, landera, landeri,
Ren qu’en nout’ compagnie (bis).

Qui n’battît point sa femme,
Mignon de la goguett’ tout doux,
Comm’ nout’ défunt mari,
Landeri, landera, landeri,
Comm’ nout’ défunt mari (bis).

Dites-ma donc, les filles,
Mignon de la goguett’ tout doux,

Y’en a-t-il par ici ?
Landeri, landera, landeri,
Y’en a-t-il par ici (bis) ?

J’entends votre réponse :
Mignon de la goguett’tout doux,
Ma foi non, que nenni,
Landeri, landera, landeri,
Ma foi non, que nenni (bis) !

(Janzé.)
Perrine la Brailleuse

Ma Perrine se lève,
La tra la la li dera lon la,
Ma Perrine se lève
Trois heures avant le jour (ter).

Ell’ prend sa quenouillette,
La tra la la li dera lon la,
Ell’ prend sa quenouillette
Et s’y met à filer (ter).


Au troisièm’ tour qu’elle file,
La tra la la li dera lon la,
Au troisièm’tour qu’elle file,
Elle s’y mit à brailler (ter).

— Ne braille pas, ma fille,
La tra la la li dera lon la,
Ne braille pas, ma fille,
Car je t’y marierai (ter).

Avec le fils d’un prince,
La tra la la li dera lon la,
Avec le fils d’un prince
Ou le siun[13] d’un baron (ter).

— J’veux pas du fils d’un prince,
La tra la la li dera lon la,
J’veux pas du fils d’un prince
Ni du siun d’un baron (ter).

J’aime mieux le gars Pierre,
La tra la la li dera lon la,
J’aime mieux le gars Pierre,
C’ti-là qu’est en prison (ter).


— Non, tu n’auras pas Pierre,
La tra la la li dera lon la,
Non, tu n’auras pas Pierre,
Car je le brandouillerons[14] (ter).

Si v’brandouillez l’gars Pierre,
La tra la la li dera lon la,
Si v’brandouillez l’gars Pierre,
Brandouillez-ma é tout (ter).

(Montauban de Bretagne.)
La Fille qui veut se marier

— Bonne maman, je viens vous demander,
(C’est à savoir si vous me l’accord’rez),
J’ai calculé mon âge.
J’ai bientôt dix-huit ans ;
De me mettre en ménage,
Je crois qu’il en est temps,
Pan, pan, pan,
Je crois qu’il en est temps.


— Ah ! tais-toi donc, ma petit’Louison,
À dix-huit ans penser aux garçons,
Tu as le cœur trop tendre,
Tu n’as pas de raison,
Et si tu t’y entêtes,
Nous jouerons du bâton.
Pan, pan, pan,
Nous jouerons du bâton.

— Bonne maman, c’est un charmant garçon,
Rempli de charmes et de bonn’s raisons ;
Il a un avantage
D’accomplir mes amours ;
Et de cet avantage
Il en est le vainqueur,
Pan, pan, pan,
Il en est le vainqueur.

Bonne maman, regardez bien mes yeux,
Prenez bien gard’de frapper sur les deux.
Vous feriez mieux, ma mère,
D’accomplir mes amours ;
Car vous seriez grand’mère
Et moi mère à mon tour,

Pan, pan, pan,
Et moi mère à mon tour.

(Betton.)
La jeune Amoureuse

Une jeun’ fille âgée de quinze ans,
Va dire à sa mer’ : — M’y faut un amant.
— Un amant, ma fill’, tu n’y penses pas,
Car d’avoir un homm’, c’est un embarras.

Faut t’y mettre en têt’ d’aller au couvent

Pour apprendre à lire, à passer ton temps.


bis.




— Au couvent, ma mèr’, non, je n’irai pas.
Le chasseur que j’aim’ je n’ le quitt’rai pas.

Le chasseur que j’aim’ n’est pas loin d’ici,

Ma très chère mèr’, je le vois veni.


bis.



L’amant à la porte à l’instant frappa.
Ne voyant qu’la fille, il la salua.

Lui disant : — Petit’, t’en ressouviens-tu ?

Tes jolies promesses les tiendras-tu ?


bis.



— Ah ! oui, mes promesses, je les tiendrai.
En dépit d’ma mèr’, je t’épouserai.

Ma mère est cruelle, elle ne veut pas,

Ce sera quand mêm’, ne t’embarrass’ pas.


bis.




Mon père a l’cœur tendre, il se calmera ;
Me voyant éprise, il me mariera ;

Puisque c’est la mod’ d’y faire l’amour,

Puisqu’on se marie chacun à son tour.


bis.




M’y voilà mariée, et dans ma maison,
Mais au lieu d’un homm’, j’n’ai qu’un vagabond.

Au long de la semaine il est toujours soûl

Sans s’y mettre en pein’ d’y gagner cinq sous.


bis.




D’y boir’ la chopine on n’t’en empêch’ pas,
D’caresser les fill’s ça n’t’appartient pas.
Laisse la pratique à ces jeun’s garçons,
Car c’est la ruine de notre maison.

Monte dans ma chambr’, voilà l’escalier,

Nous parl’rons ensemble en sécurité.


bis.


(Betton.)
La Fille qui se noie en voyant son amant partir soldat

C’était une jeun’ fille,
Buvons et nous n’allons (bis),
Qui voulait s’y marier,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Qui voulait s’y marier,
Buvons et s’en aller.

Son amant vint la voir,
Buvons et nous n’allons (bis),
Un soir après souper,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Un soir après souper,
Buvons et s’en aller.

Il la trouva seulette,
Buvons et nous n’allons (bis),
Sur son lit qui pleurait,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Sur son lit qui pleurait,
Buvons et s’en aller.

Il lui demanda : — Belle,
Buvons et nous n’allons (bis),

Qu’avez-vous à pleurer ?
Buvons, puisqu’il faut boire,
Qu’avez-vous à pleurer ?
Buvons et s’en aller.

— J’ai beau pleurer, dit-elle,
Buvons et nous n’allons (bis),
Vous allez m’y quitter,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Vous allez m’y quitter.
Buvons et s’en aller.

Pliez-moi mes chemises,
Buvons et nous n’allons (bis),
Et mes mouchoirs dressés,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Et mes mouchoirs dressés.
Buvons et s’en aller.

Conduisez-moi, dit-elle,
Buvons et nous n’allons (bis),
Jusqu’au bord du rocher,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Jusqu’au bord du rocher.
Buvons et s’en aller.


Tant qu’elle a pu les voir,
Buvons et nous n’allons (bis),
Ell’ les a regardés,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Ell’ les a regardés.
Buvons et s’en aller.

Quand ell’ ne put les voir,
Buvons et nous n’allons (bis),
Dans la mer a sauté,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Dans la mer a sauté.
Buvons et s’en aller.

— Oh ! mang’, beau poisson rouge,
Buvons et nous n’allons (bis),
Tu as du bon manger,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Tu as du bon manger.
Buvons et s’en aller.

Tu as la mer pour boire,
Buvons et nous n’allons (bis),
Et ma mie pour manger,
Buvons, puisqu’il faut boire,

Et ma mie pour manger.
Buvons et s’en aller.

Tu as la plus bell’ fille,
Buvons et nous n’allons (bis),
Qu’il ya dans l’évêché.
Buvons puisqu’il faut boire,
Qu’il ya dans l’évêché,
Buvons et s’en aller.

Elle a les cheveux d’or,
Buvons et nous n’allons (bis),
Et les sourcils dorés,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Et les sourcils dorés.
Buvons et s’en aller.

Et la bouche vermeille,
Buvons et nous n’allons (bis),
Tout’ prête à m’y parler,
Buvons, puisqu’il faut boire,
Tout’ prête à m’y parler.
Buvons et s’en aller.

(Bécherel.)
La jeune Fille qui se tue pour sauver son honneur

Ce sont trois jeunes filles,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Allant s’y promener,
Mettez là le pied !

Dans le chemin rencontre,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Un Monsieur à leur gré,
Mettez là le pied !

La plus jeun’, la plus belle,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Dans sa chambre a mené,
Mettez là le pied !

Quand ell’ fut dans la chambre,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Ell’ se mit à pleurer,
Mettez là le pied !


— Qu’avez-vous donc, la belle ?
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Qu’avez-vous à pleurer ?
Mettez là le pied !

— C’est ma mèr’ qui m’attend,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
C’est pour aller souper,
Mettez là le pied !

— Ne pleurez point, la belle,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Avec moi vous soup’rez,
Mettez là le pied !

Quand la belle eut soupé,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Ell’ se mit à pleurer,
Mettez là le pied !

— Qu’avez-vous donc, la belle ?
Demeurez là,
Mettez le pied là,

Qu’avez-vous à pleurer ?
Mettez là le pied !

— C’est ma mèr’ qui m’appelle,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Pour aller me coucher,
Mettez là le pied !

— Ne pleurez point, la belle,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Avec moi vous coucherez,
Mettez là le pied !

— Prêtez-moi votre lance,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Pour couper mon lacet,
Mettez là le pied !

— Elle est de sur la table,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Prenez et vous servez,
Mettez là le pied !


La belle a pris la lance,
Demeurez là,
Mettez-le pied là,
Dans l’cœur s’est enfoncée,
Mettez là le pied !

— Ô lance, ô maudit’lance,
Demeurez là,
Mettez le pied là,
Ma mie elle a tuée,
Mettez là le pied.

(Communiquée par Léonie Robert,
de la Boufetière, commune de Pancé.)
Le Retour de l’Amant

Chez mon pèr’ nous étions trois filles
Jolies,
Toutes trois couchées dans un lit
Joli.
Moi qui étais la plus jeune,
Jolie,

Je ne pouvais pas dormi,
Jolie,
J’ n’entendis ni caill’s, ni perderix,
Jolies,
Que le rossignol sauvaige,
Joli.
Qui disait dans son langaige,
Joli,
Votre amant n’est pas t’ici,
Joli.
Il est à la Normandie,
Jolie,
Qui détourne à s’en reveni,
Joli.
J’ai trois pomm’s dans ma pochette,
Jolies,
Toutes les trois seront pour lui,
Joli.
Y en a une de rainette,
Jolie ;
Les deux autres sont d’oranger,
Joli.

(Saint-Seglin.)
La Fille qui prend la place de son amant dans la prison

Dessur les ponts de Nantes,
J’allis m’y promener,
J’y rencontris ma blonde,
Voulus la caresser ;
Mais les juges de Nantes,
M’ont rendu prisonnier.

Elle s’habillit en page,
En papillon joli,
Dans les prisons de Nantes,
La belle s’y rendit.
— Prenez mon habit d’ femme,
Enfourchez mon cheva.

Au bout de quinze jours,
Elle fut condamnée.
On la jugit à pendre,
Sur la place de Nantes,
À pendre ou à brûler
Par un jour de marché.


Du haut de l’échafaud,
La belle s’écria :
— Messieurs de la justice,
Vous n’avez pas raison
De fair’ mourir un’ fille,
Sous l’habit d’un garçon.

— Si vous êt’s une fille,
Dites-moi votre nom.
— Je m’appell’ Marguerite,
Marguerit’ c’est mon nom ;
La fill’ d’un capitaine,
D’une riche maison.

— Allez-vous-en, la belle,
Marchez tout doucement,
Allez hors de la ville,
Rejoindre votre amant.
Il est là-bas qui pleure,
À la port’ d’un couvent.

Quand ell’ fut sur les landes,
Ell’ s’y mit à chanter :
— Je m’y fous de ces juges,
De ces bonnets carrés,

Aussi des robes rouges,
Mon amant je l’aurai !

(Chanté par Léonie Robert, du village
de la Boufetière, commune de Pancé.)
Les Trois Tambours
Trois jeunes tambours

S’en revenant de guerre,


bis.
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,

S’en revenant de guerre.

Le plus jeune des trois,
Dans sa main tient une rose,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Dans sa main tient un’ rose.

La fille du roi,
Était à sa fenêtre,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Était à sa fenêtre.

— Ô jeune tambour,
Veux-tu m’donner ta rose ?

Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla.
Veux-tu m’ donner ta rose ?

— Ô fille du roi,
Veux-tu être ma mie ?
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Veux-tu être ma mie ?

— Ô jeune tambour,
Va d’mander à mon père ;
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Va d’mander à mon père.

— Sire le Roi,
Veux-tu m’donner ta fille ?
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Veux-tu m’donner ta fille ?

— Ô jeune tambour,
Tu n’es point assez riche ;
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Tu n’es point assez riche.

— Sire le Roi,
J’ai trois vaisseaux sur mer,

Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
J’ai trois vaisseaux sur mer.

L’un chargé d’or,
L’autre d’argenterie,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
L’autre d’argenterie.

Et le troisième,
Est pour porter ma mie,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Est pour porter ma mie.

— Ô jeune tambour,
Tu auras donc ma fille,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Tu auras donc ma fille.

— Sire le roi,
Je me fous de ta fille,
Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Je me fous de ta fille.

Dans mon pays
Y en a de plus gentilles,

Oh, ri, oh, ra, ra pa ta pla,
Y en a de plus gentilles.

(Janzé.)
Vive le Roi, la Reine !

Comme j’étais petite, — vive le roi,
Petite à la maison, — vive le roi, la reine,
Petite à la maison, — vive le roi bourbon !

On m’envoyait à l’herbe, — vive le roi,
Pour y cueillir du jonc, — vive le roi, la reine,
Pour y cueillir du jonc, — vive le roi bourbon !

J’en cueillis trois javelles, — vive le roi,
M’y couchai tout du long, — vive le roi, la reine,
M’y couchai tout du long, — vive le roi bourbon !

Par le grand chemin passent, — vive le roi,
Trois cavaliers barons, — vive le roi, la reine,
Trois cavaliers barons, — vive le roi bourbon !


Qui me demandèrent : Belle ; — vive le roi,
— Pêchez-vous du poisson ? — vive le roi, la reine,
Pêchez-vous du poisson ? — vive le roi bourbon !

— Comment en pêcherais-je ? — vive le roi,
Je suis coulée au fond, — vive le roi, la reine,
Je suis coulée au fond, — vive le roi bourbon !

— Que donnerez-vous, belle ? — vive le roi,
Nous vous retirerons, — vive le roi, la reine,
Nous vous retirerons, — vive le roi bourbon !

— Retirez-moi, dit-elle, — vive le roi,
Après ça, nous verrons, — vive le roi, la reine,
Après ça nous verrons, — vive le roi bourbon !

— Quand ell’ fut retirée, — vive le roi,
Ell’ dit une chanson, — vive le roi, la reine,
Ell’ dit une chanson, — vive le roi bourbon !

— Ce n’est point ça, la belle, — vive le roi,
Que nous vous demandons, — vive le roi, la reine,
Que nous vous demandons, — vive le roi bourbon !


— C’est votre cœur pour gage, — vive le roi,
Savoir si nous l’aurons, — vive le roi, la reine,
Savoir si nous l’aurons, — vive le roi bourbon !

— Mon petit cœur, dit-elle, — vive le roi,
N’est point pour des barons, — vive le roi, la reine,
N’est point pour des barons, — vive le roi bourbon !

Mais bien pour des gens d’guerre, — vive le roi,
Qu’ont d’la barbe au menton, — vive le roi, la reine,
Qu’ont d’la barbe au menton, — vive le roi bourbon !

(Combourg.)
Vive l’Amour !
I
De bon matin je m’suis levée,

Plus matin que ma tante (bis) ;
J’ai descendu dans mon jardin,
Cueillir la rose blanche.

Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.

II
J’ai descendu dans mon jardin,

Cueillir la rose blanche (bis) ;
Je n’en ai pas cueilli trois brins
Que mon amant y entre.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.

III
Je n’en ai pas cueilli trois brins

Que mon amant y entre (bis),
Et il me dit dans son latin :
— Marions-nous ensemble.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.


IV
Et il me dit dans son latin :

— Marions-nous ensemble (bis) ;
Tous mes parents le veulent bien,
Il n’y a que ma tante.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.

V
Tous mes parents le veulent bien,

Il n’y a que ma tante (bis) ;
Si ma tante ne le veut pas,
Nonne j’irai me rendre.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.

VI
Si ma tante ne le veut pas,

Nonne, j’irai me rendre (bis) ;
Je porterai le voile blanc,
Et la robe traînante.

Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours.

VII
Je porterai le voile blanc

Et la robe traînante (bis) ;
Le chapelet à mon côté,
Le bréviair’ dans ma mante.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela n’dur’ pas toujours !

VIII
Le chapelet à mon côté,

Le bréviair’ dans ma mante (bis) ;
Je prierai Dieu pour mes parents,
Et le diabl ’pour ma tante.
Ah ! ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’ dur’ dure,
Ah ! ah ! ah ! vive l’amour,
Cela ne dur’pas toujours !

(Retiers.)
J’entends la Caille

— Mon père veut me marier,
J’entends la perdrix dans les blés,
Un laid vieillard veut m’y donner,
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Un laid vieillard veut m’y donner,
J’entends la perdrix dans les blés,
Qui n’a ni maille, ni denier.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Qui n’a ni maille, ni denier,
J’entends la perdrix dans les blés,
Qu’un gros bâton de vert pommier
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.


Qu’un gros bâton de vert pommier,
J’entends la perdrix dans les blés,
Pour servir à me régenter.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Pour servir à me régenter,
J’entends la perdrix dans les blés ;
Vieillard, si tu m’y bats mésé[15],
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés,

Vieillard, si tu m’y bats mésé,
J’entends la perdrix dans les blés,
J’te plant’rai là, je m’en irai.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.


J’te plant’rai là, je m’en irai,
J’entends la perdrix dans les blés,
Je m’en irai au bois jouer.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Je m’en irai au bois jouer,
J’entends la perdrix dans les blés.
Apprendre aux garçons à danser,
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Apprendre aux garçons à danser,
J’entends la perdrix dans les blés ;
Chanter, danser, c’est mon métier.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille.
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Variante aux deux derniers couplets :

Avec de bons gars sabotiers,
J’entends la perdrix dans les blés,
Ils m’apprendront, j’leur apprendrai,
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

Ils m’apprendront, j’leur apprendrai,
J’entends la perdrix dans les blés,
Le jeu de cart’s, celui de dés.
— Entends-tu, Michaud ? Ho !
— J’entends la caille,
Parmi la paille,
J’entends la perdrix dans les blés.

(Pléchâtel.)
La Bergère et le Chasseur

L’autre jour dans la plaine,
En gardant mes moutons,
Je rêvais en moi-même,
Chantant une chanson (bis).


J’entends un bruit de chasse,
Tout près dedans ces bois ;
Je vois un équipage
S’avançant devers moi (bis).

— Eh ! bonjour ma bergère,
Me dit un jeun’ chasseur,
N’appréhend’ pas, ma chère,
Je ferai ton bonheur (bis).

N’as-tu pas vu la chasse,
Qui est là dans ces bois ?
Dis-moi par où l’on passe
Pour voir le rendez-vous (bis) ?

— Oh ! lui dit la bergère,
Votr’ chemin n’est pas loin,
Mon seigneur, à votr’ droite,
C’est le plus court sentier (bis).

— Que ta beauté m’enchante,
Me dit-il en riant ;
Tu es belle et charmante.
D’quoi vis-tu, belle enfant (bis) ?


Vivrais-tu comme un’ reine,
Pain blanc, bécass’s, perdrix ?
— Mon seigneur, rien n’vous gêne,
Que d’mandez-vous ainsi (bis) ?

Du pain bis et des pommes,
La soup’ au lard seul’ment,
Les fill’s, les femm’s, les hommes,
Ne vivent pas autrement (bis).

— Pour boisson, ma bergère,
Bois-tu de l’hypocras,
Du vin blanc de Tonnerre,
Le matin l’chocolat (bis) ?

— De l’eau de cett’ fontaine,
Mon seigneur, que voilà,
Nous est cent fois plus saine,
Que tout’s ces drogues-là (bis).

Fallut que je m’approche,
Il voulut m’embrasser,
Mit la main dans sa poche,
Pour me récompenser (bis).


Cent louis d’or me donne,
En me disant bonsoir ;
Prends soin de ta personne,
Je viendrai te revoir (bis).

(Bain-de-Bretagne.)
Mariez-moi, ma petite maman

— Mariez-moi, ma p’tit’ maman,
J’aurai bientôt seize ans.
Il me faudrait un mari,
Qui soit bien joli, qui soit bien gentil,
Qui serait toujours complaisant
Pour moi, ma chèr’ maman.

— Ô ma fille, ne m’en parle pas,
Tu me casses les bras ;
Tu as l’air trop éveillée,
Pour t’y marier, pour t’y marier !
Ah ! change vit’ de sentiment,
Car tu n’es qu’une enfant.

— Un beau garçon vient tous les jours,
Me raconter ses amours,

Moi j’lui cont’ les mienn’s aussi,
C’est mon favori, c’est mon favori !
Oui je l’aurai pour mon époux,
En dépit des jaloux.

— Ô ma fille, n’m’en parle pas,
Tes parents n’voudront pas.
Quand ton papa saura cela,
Il t’y frappera, il t’y frappera !
Et pour en finir au plus court,
Faut le quitter ce jour.

— Ma foi, non, je ne quitt’rai pas
Un amant plein d’appas.
Il a pour moi d’l’amitié,
Ma foi je l’aurai, ma foi je l’aurai !
Il est jeune et rempli d’honneur,
Il posséd’ra mon cœur.

(Langon.)
Oh ! non, n’m’en parlez pas

— Ma fille, il faut vous marier,
Vous avez bientôt vingt ans d’âge.

— Ma mère, est-c’que vous y pensez
De me mettre dans le ménage ?
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, du mariage,
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, car j’n’en veux pas !

Ma mère, souvenez-vous-en,
Que mon père était en colère,
Et qu’il vous menaçait souvent
De vous jeter par la fenêtre.
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, du mariage,
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, car j’n’en veux pas !

Ma mèr’, rappelez-vous le fait,
Que mon père était en colère,
Vous ramassiez votre bonnet,
Vous essuyant les yeux, ma mère.
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, du mariage,
Oh ! non, n’m’en parlez pas,
Du mariag’, car j’n’en veux pas.

(Bain-de-Bretagne.)
3o Les conscrits

Les parents des conscrits mettent dans la poche de ces derniers une araignée vivante pour qu’ils obtiennent un bon numéro au tirage au sort. Il y a quelques années dans l’un des cantons de la ville de Rennes, le nombre des jeunes gens qui prenaient part au tirage s’élevait à 143. Les mères de deux conscrits leur ayant mis des araignées dans la poche, ceux-ci obtinrent les numéros 141 et 143.

Si, malgré le talisman un mauvais numéro sort de l’urne, c’est que l’araignée a été blessée ou bien s’est enfuie, a été écrasée ou, enfin, n’appartient pas à l’espèce qui procure la chance.

À Bruz, les parents des conscrits mettent dans un pli de la blouse du jeune homme qui doit tirer au sort, sans que celui-ci s’en doute, l’anneau de mariage de sa mère ou un trèfle à cinq feuilles. Ces objets doivent lui faire obtenir un bon numéro.

Autrefois, les jours du tirage au sort et du conseil de révision, les conscrits de communes différentes se battaient pour les motifs les plus futiles, souvent pour un sobriquet attribué aux habitants de chaque localité.

Ces rixes étaient terribles entre jeunes gens, surexcités par la boisson, et les accidents graves quand la mort ne s’ensuivait pas.

On parle encore, dans l’arrondissement de Fougères, de la rixe épouvantable qui eut lieu entre conscrits, à l’assemblée de Vendel, dans le canton de Saint-Aubin-du-Cormier.

Quatre vigoureux gaillards se précipitèrent sur un nommé Montjarret qu’ils jetèrent brutalement par terre. Ce dernier se releva vivement, et voyant que la partie n’était pas égale, dit : « Le premier qui m’approche, je l’éventre ! »

Montjarret effectivement avait ouvert son couteau, mais pour éviter un malheur, il prit la fuite, suivi de ses adversaires qui l’acculèrent à la rivière.

Forcé de se défendre ou de se jeter à l’eau, il se détourne et envoie un coup de couteau dans le ventre d’un sieur Chauvin, le plus acharné de ses assaillants. Celui-ci tombe par terre, un autre, appelé Graisley, arrive à son tour et est frappé à la cuisse. Enfin le dernier, du nom de Chantrel, en est quitte pour deux ou trois blessures légères.

Cette défense énergique sauva Montjarret ; mais le lendemain, quand la gendarmerie vint sur les lieux, accompagnée d’un médecin, elle trouva le malheureux Chauvin sur le terrain de la rixe, dans un état désespéré. Malgré les soins qui lui furent prodigués, il ne tarda pas à mourir.

Graisley et Chantrel furent transportés à l’hôpital de Fougères.

Montjarret, en apprenant la mort de Chauvin, se constitua prisonnier.

Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi fort heureusement. S’il y a encore quelques rivalités entre jeunes gens de diverses communes, cela se borne à des disputes dans les cabarets, mais il est rare que des coups soient échangés.

Les conscrits dans l’Ille-et-Vilaine composent leurs chansons eux-mêmes. La plupart du temps, ce n’est qu’un couplet qu’ils recommencent sans cesse :

Habitants de Rennes,
Sortez d’vos maisons,
Car les rues sont pleines,
De joyeux garçons.
S’ils font du tapage,
C’est par leurs chansons.
N’est-ce pas le tirage
Des enfants Bretons ?

Nous n’verrons plus Marion,
Ma lon lan la ;
Nous n’verrons plus Marion,
Car ell’ s’en va !

Je n’ai plus qu’un an, Nanon,
La belle, attendez-ma donc ;
Attendez-ma donc, la belle,
La belle, attendez-ma donc.

J’avons bu et je bairons,
J’casserons les verres, j’les paierons !

À une heure sur la branche,
Le rossignol chantait.
— Que chantais-tu ? que disais-tu ?
— Que l’jeun’conscrit est revenu.

À deux heures sur la branche, etc.

Cette chanson de marche dure pendant toute la route du village au bourg.

Ma poule n’a plus qu’un poulet (bis),
Qu’un poulet sur onze,
Marchons à la ronde,
Marchons à la ronde,
Petite,
À la marche ronde.

Dixième artillerie du train,
Nous partons demain ;
Nous partons demain,
Le sabre à la main,
Jusqu’en Tunisie,
Rejoindr’ nos amis,
Pour les soulager
Ces braves, ces braves,
Pour les soulager,
Ces braves guerriers.

Le tambour bat,
Ce jeune et ce jeune.
Le tambour bat,
Ce jeune soldat.

Ya-t-un navire à Bordeaux.
Nous boirons d’ce vin nouveau,
Gai, gai, nous v’là-t-en ville,
Bon, bon, nous arrivons.


Bonnes gens des villes,
Sortez d’vos maisons,
Car les rues sont pleines
De joyeux garçons.
Gai, gai, nous v’là-t-en ville,
Bon, bon, nous arrivons.

Ma moman veut bien
Que je m’y marie ;
Jul’s Grévy n’veut pas,
Qu’on fasse d’embarras.
Gai, gai, nous v’là-t-en ville.
Bon, bon, nous arrivons.

J’avions-t-un capitaine,
Qu’était brav’ comm’ z’un lion,
Il est mort d’une engelure
Qu’il avait au talon.
Gai, gai, nous v’là-t-en ville,
Bon, bon, nous arrivons.

Voici d’autres chansons plus sérieuses :

La Fille qui suit son Amant au Régiment
— Éveillez-vous, la belle,

Je viens vous avertir


bis.


Qu’la patrie nous appelle,

Adieu, il faut partir (bis).

— Ne verse pas de larmes

Galant, ne pleure pas,


bis.


Oui, si tu prends les armes,

Je ne resterai pas (bis).

— Ah ! reste là, ma belle,

Attendre mon retour,


bis.


Et sois toujours fidèle

Et aime-moi toujours (bis).

Ne viens point z’à la guerre

Car il faut trop souffrir,


bis.


On couche sur la terre,

Ça te ferait mourir (bis).

— De coucher sur la terre

Auprès de son amant,


bis.

De coucher sur la terre,
Ce n’est pas un tourment (bis).

Sur le champ de bataille

Au milieu du danger,


bis.
L’éclat et la mitraille

Pourront bien te tuer (bis).

Sur le champ de bataille

Au milieu du danger,


bis.
J’affront’rai la mitraille

Comme un vrai grenadier (bis).

Si cela te contente

Si ça te fait plaisir,


bis.
Que rien ne te tourmente,

Je te laiss’rai partir (bis).

Les Reproches d’Eugénie

— Eugénie, les larmes aux yeux,
Je viens te faire mes adieux ;
Nous partons pour l’Amérique,
Nous allons au régiment.

Adieu donc, belle Eugénie,
Nous mettons la voile au vent.

— La voile au vent, mon bel amant,
Pour moi, quel désagrément.
Tu m’avais promis pour gage,
Ton honneur, aussi ta foi,
Aujourd’hui tu m’abandonnes,
Tu t’en vas bien loin de moi.

Marinier, beau matelot,
Tu t’en vas bien loin sur l’eau,
Et s’il arrive un orage,
La tempête, aussi le vent,
Briseront ton équipage,
Moi je n’aurai plus d’amant.

— Eugénie, pas de danger,
Tant que nous serons sur l’eau ;
Je connais le pilotage,
Je suis fier de mon état,
Il n’arriv’ra aucun naufrage
Tant que je serai soldat.

Eugénie, à mon retour,
(Sois sincère dans nos amours),

Je te promets, ma mignonne,
De m’en rev’nir au pays,
Nous nous marierons ensemble,
Pour le sûr, mon Eugénie.

La Godinette
(Chanson de marche des conscrits allant rejoindre leur régiment.)

Sur la lisièr’ du petit bois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Jeannette passait une fois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

Ell’ rencontra le p’tit François,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan ;
Toc toc la Godinette,
Qui s’en allait gauler des noix.
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

L’apercevant, le fin matois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,

Lui dit : — Veux-tu faire avec moi,
Pan jubilant, pan pan la Godinois ?

Veux-tu faire un tour dans le bois ?
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
J’te montrerai, gentil minois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

— P’tit François, j’irais ben o toi,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Seul’ment j’ai peur de perdre… — Quoi ?
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

J’te montrerai certain endroit,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc, la Godinette,
Où l’on est mieux à deux qu’à trois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

— D’ma mèr’ j’ai peur de perdr’ la croix,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Car je n’la r’trouv’rais pas, je crois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.


Attach’-la ben, li dit François,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Puis, ils entrèrent dans le bois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

De suit’ ils fir’nt pendant trois fois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Le tour des p’tits sentiers étroits,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

N’ont-ils fait qu’ça ? j’l’ignor’, ma foi,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
Y n’s’en sont pas t’nus là, je crois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

Car entrés deux dedans le bois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
L’histoir’ dit qu’ils revinrent trois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

C’est ennuyeux pour une fois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,

Toc toc la Godinette,
Quand on s’en va gauler des noix,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

Pour un’ malheureus’ petit’ fois,
Jubilant, jubilo, zizi pan pan,
Toc toc la Godinette,
D’attraper un’fluxion d’neuf mois,
Pan jubilant, pan pan la Godinois.

Dans les communes du canton Sud-Ouest de Rennes, les jeunes gens qui doivent tirer au sort en février portent, depuis le jour où ils sont appelés à la mairie pour se faire inscrire sur les tableaux de recensement, le nom de jeunes gens de la classe,

À partir de ce moment ils se réunissent fréquemment le dimanche, dînent ensemble, se promènent de commune en commune.

Ils ont un drapeau, acheté au moyen de cotisations, et ils le portent avec eux chaque fois qu’ils sortent.

Celui des conscrits qui a le plus bas numéro en devient le propriétaire.

À Bourgbarré, le drapeau, après le conseil de révision, est coupé par morceaux et distribué à chaque conscrit.

Voici deux de leurs chansons :

Voilà vingt ans,
J’étais petit enfant,
J’étais petit enfant,
Sur le bras de ma mère,
Aujourd’hui je suis grand,
Je pars au régiment.

Refrain :
Le tambour bat,

C’te jeun’, c’te jeune,
Le tambour bat,
C’te jeun’, soldat.

Vous ne nous verrez pas longtemps,
Bons pères de famille,
Vous ne nous verrez pas longtemps
Faire l’amour à vos filles.

Le tambour bat, etc.


Tu ne me verras pas souvent,
Ma petite Jeannette,
Tu ne me verras pas souvent
Pendant trois ans.

Le tambour bat, etc.

Oh ! qu’importe le numéro
Que notre main amène,
Mettons-le donc à nos chapeaux,
Amis, buvons sans gêne.

Le tambour bat, etc.

Amusons-nous, joyeux conscrits.
Nous voilà tous réunis ;
Buvons le vin de nos aïeux.
Et soyons tous heureux.

Le tambour bat,
C’te jeun’, c’te jeune,
Le tambour bat,
Cte jeun’soldat.

À deux heures sur la place,

Nous avons tiré ?


bis.

Nous avons tiré
Notre sort, la belle,
Nous avons tiré
Notre liberté.

À la première auberge,

Nous avons bu ;


bis.
Buvons, chantons,

Faisons l’amour aux filles.
Soyons contents
D’aller au régiment.

Dans les jours qui suivent le tirage, les conscrits se cotisent entre eux pour acheter des bouquets de fausses fleurs qu’ils vont offrir aux filles nées la même année qu’eux et qui sont, disent-ils, de leur année de tirage. Celles-ci, en recevant les fleurs, embrassent les jeunes gens et leur offrent du vin.



CHAPITRE IV


Les Fiançailles, le Mariage, les Coutumes et Usages, les Croyances et Superstitions, les Sorts, les Prières et les Cantiques, l’Assistance publique, les Propos villageois, les Grivoiseries du foyer, Pronostics, Dictons, Proverbes, Devinettes.

1o Les fiançailles


Dans le canton de Pipriac, quand on sait qu’un jeune homme doit se présenter dans une famille pour demander une fille en mariage, et qu’il ne convient pas, on met à brûler dans la cheminée des branches de buis. Le galant qui connaît cette coutume regarde le foyer et, l’oreille basse et le cœur attristé, en raison de l’amour qu’il ressent, décampe au plus vite.

Dans le canton de Bain, comme le buis est rare, on se contente de chômer (mettre debout) les tisons dans les cendres.

Mais si, au contraire, on consent à accepter le prétendant, la fille, d’un air timide, prend le bas de son tablier, le roule entre ses doigts, puis tout à coup, le laisse tomber en disant : « Ce sera comme moman voudra ! » Oh ! alors on peut être certain que les fiançailles et la noce se suivront de près.

Dans quelques communes de l’arrondissement de Redon, lorsqu’un jeune gars va demander en mariage une fille de son village, qu’il connaît intimement, avec laquelle il a été élevé, il porte une pomme avec lui et, lorsqu’il est en présence de celle qu’il désire épouser, il mord dans la pomme en disant :

« M’aimes-tu ? M’aimes-tu pas ?
Si tu m’aimes, mords dans mon mias ! »

Si la fille mord dans la pomme, le mariage est décidé. Si, au contraire, elle refuse, tout est rompu.

Dans le canton Sud-Ouest de Rennes, lorsqu’un jeune homme va demander une fille en mariage, il porte avec lui une bouteille de vin, afin de trinquer, si sa demande est agréée, avec sa future et les parents de celle-ci. Cette cérémonie s’appelle les accordailles.

Plus tard, le jour des fiançailles, les jeunes gens accompagnés de leurs familles et du garçon et de la fille d’honneur, s’en vont à Rennes faire leurs emplettes qui consistent en alliances, bague pour la mariée, appelée chevalière, fleurs d’oranger et vêtements de noce.

De retour au village, un repas a lieu le soir chez la mariée.

Autrefois, à Janzé, à Bécherel, à Tinténiac et dans beaucoup d’autres endroits, lorsqu’un jeune homme et une fille avaient l’intention de s’épouser, ils se rendaient au presbytère de leur paroisse où le curé leur faisait subir un examen de catéchisme, et les interrogeait principalement sur le sacrement du mariage.

S’ils répondaient mal, le curé les ajournait ; si, au contraire, il était satisfait de leur instruction, il leur offrait un verre de vin, trinquait avec eux, et les futurs époux étaient considérés comme engagés l’un envers l’autre et fiancés devant l’Église.

Si, pour un motif quelconque, le mariage venait à manquer, les jeunes gens devaient aller en informer le curé qui annulait les fiançailles. S’ils ne le faisaient pas, et si l’un ou l’autre voulait plus tard se marier, son ban ne pouvait être publié à l’église qu’après l’expiration d’une année.

Jadis, dans la commune du Pertre, quand une servante de ferme avait eu des relations intimes avec son maître, et que celui-ci venait à l’épouser, les cultivateurs de la commune, la veille de la noce, s’appelaient de village en village, au moyen d’une corne, et allaient donner un charivari aux futurs mariés.

Pareille farce avait lieu la veille de la noce d’une veuve. Si celle-ci se fâchait, le tapage continuait ; si, au contraire, elle riait et invitait ses voisins à entrer boire un coup, la plaisanterie cessait et chacun s’en retournait tranquillement chez soi.

À Bruz, lorsqu’une fille qui a eu des enfants se marie, les jeunes gens de la commune, vont encore, la veille de son mariage, avec des casseroles et des chaudrons, faire un charivari à sa porte.

Quand les fiancés vont inviter les familles qu’ils désirent avoir à leur noce, ils embrassent le père, la mère et les enfants. En leur donnant l’accolade ils répètent à chacun d’eux la formule suivante :

« Je vous prie de bon cœur et de bonne amitié d’assister à mes noces qui auront lieu de mardi en huit. »

Les invitations se font dix jours à l’avance et le mardi est le jour choisi pour les noces dans les campagnes de l’Ille-et-Vilaine.

La fille d’honneur qui accompagne les fiancés embrasse également chaque personne présente et dit à chacune d’elles : « Vous n’y manquerez pas. »

Dans les communes de Bruz et de Saint-Jacques-de-la-Lande, la veille de la noce, le marié accompagné d’ouvriers s’en va faire dresser le mobilier dans la demeure destinée aux jeunes époux et dans laquelle, lit, armoire, buffet, chaises, etc., ont été amenés par les voisins et gratuitement charroyés par eux.

La jeune femme ne prend pas part à l’arrangement de son ménage et ne le voit qu’après la noce.

En rangeant les meubles les ouvriers chantent la chanson suivante :

Oh ! sous les ridiaux,
Jamais j’n’ai ren vu d’si biau,
Disait la mariée ;
Jamais j’nai ren vu d’si biau
Sous les ridiaux.

Oh ! sous la couverture,
Jamais j’n’ai vu tant d’aventures,
Disait la mariée ;

Jamais j’n’ai vu tant d’aventures
Sous la couverture.

Oh ! dessur l’oreiller,
Jamais je n’ai tant vu de jeu,
Disait la mariée ;
Jamais je n’ai tant vu de jeu,
Dessur l’oreiller.

Oh ! dedans les draps de lit,
Qu’il fait donc bon faire son nid,
Disait la mariée ;
Qu’il fait donc bon faire son nid,
Dedans les draps de lit.

Oh ! disait la paillasse,
Allous bentôt finir vos farces,
Madam’ la mariée,
Allous bentôt finir vos farces
Dessur la paillasse.

Endurons tout cett’ nuit,
Geignait le pauvre bois de lit,
Pas vrai, la mariée ?
Endurons tout cett’ nuit,
Geignait le pauvre bois de lit.


Oh ! disait la gaul’[16] du lit,
Jouons n’en donc toute la nuit,
Pas vrai, la mariée ?
Jouons n’en donc toute la nuit,
Disait la gaul’ du lit.

Oh ! disait l’pauvr’ édredon,
Vous me mettez dans un bouchon,
Madam’ la mariée,
Vous me mettez dans un bouchon,
Disait l’pauvr’ édredon.

Les vêtements du marié sont portés à l’avance chez la future, et le matin de la noce il s’y rend en costume de travail pour faire sa toilette pendant que les couturières et la fille d’honneur habillent la mariée.

Si le repas de noce doit avoir lieu chez celle-ci, le marié en surveille les apprêts.

Tous les invités arrivent prendre les nouveaux époux pour les conduire à l’église.

2o Le mariage

Il n’y a pas beaucoup plus de trente ans, les voies de communication laissaient considérablement à désirer, il était difficile de voyager en charrettes, les paysans n’en avaient guère, et on allait aux noces à cheval.

Les mariés du canton de Pipriac arrivaient de leur village au bourg, le jour de la noce, juchés en croupe derrière d’habiles cavaliers parés de bouquets et de rubans. Les invités suivaient à pied au son des violons. La mariée était mollement assise sur un oreiller attaché sur le penet[17].

La messe terminée, le départ, après maintes libations, avait lieu de la manière suivante :

Les conducteurs montaient seuls à cheval pour faire caracoler leurs bêtes, puis s’arrêtaient devant la noce. Le parrain de la jeune épouse, ou à son défaut, un personnage choisi parmi les invités, prenait la mariée dans ses bras et l’asseyait délicatement derrière son cavalier. Le nouvel époux, montait, lui aussi, derrière son conducteur, et on leur apportait du vin. Les proches parents trinquaient avec eux jusqu’au moment où les chevaux partaient à fond de train pour revenir plusieurs fois vers les invités qui s’alignaient deux par deux, bras dessus, bras dessous, et enfin se décidaient à suivre les mariés en dansant et en chantant au son des violons.

Aujourd’hui que le réseau vicinal étend ses bras nombreux dans toutes les directions du département, tout le monde a des véhicules, et les noces, dans ce même canton de Pipriac, ont changé d’aspect et subi des modifications qu’il importe d’indiquer.

C’est ordinairement le propriétaire de la ferme qui conduit la fille de son métayer à l’église le jour du mariage. Quand il entre dans la maison, la mère de la future se met à pleurer (c’est de rigueur) et dit : « Ce ne sera toujours pas ma qui la mettrai à la porte. » Voyant cela, notre maître, comme on l’appelle encore, prend la fillette par les épaules et la fait sortir.

En signe de deuil la mère reste à la maison, conservant ses vêtements de tous les jours et prépare, en compagnie de vieilles femmes du village, le repas destiné aux gens de la noce.

Le maître fait monter la mariée dans sa voiture, part avec elle, et s’apercevant bientôt que personne ne les suit, revient sur ses pas (c’est l’usage), chercher les invités qui attendent patiemment qu’on vienne les prier de suivre la mariée.

Lorsque l’église est au milieu d’une place, les voitures en font plusieurs fois le tour au galop avant de s’arrêter devant le parvis.

À l’automne de 1896, avait lieu une grande noce à la ferme de Bocadève, dans la commune de Saint-Just.

La table du festin était en plein air, au coin d’un champ, à cause du nombre considérable d’invités.

Jusqu’à ce que tout le monde fût assis, les violonneux jouèrent en faisant le tour de la table.

Au milieu du repas, on vit arriver une bande de garçons ayant tous, sous le bras ou à la main, une bouteille de vin, ornée de rubans tricolores. C’étaient les jeunes gens de la même classe que le marié, encore célibataires, qui venaient offrir un verre de vin aux nouveaux époux et à leurs parents. Ils restèrent à la noce pour prendre part aux danses.

Des mendiants venus de très loin étaient assis sur les talus du champ où on leur portait à boire et à manger.

Dans le canton de Bain, voisin de celui de Pipriac, voici la description d’une noce à l’heure actuelle.

On appelle agouvreux, l’installation du ménage et le ménage lui-même. On dit monter l’agouvreux, pour monter les meubles.

Ce sont les tailleuses, qui ont fait le trousseau, qui président à cet arrangement.

Avant d’entrer dans la maison destinée aux jeunes époux, elles s’arrêtent à la porte et chantent :

— Monsieur le marié,
Si nous avons tardé,
N’en soyez pas fâché.
Nous amenons du bien,
Mais il vous appartient.
Nous am’nons lit garni,
Armoire et table aussi,
Tous les coffres remplis.

Monsieur le marié,
Vous n’voyez pas encore
Le plus beau des trésors.
Vous la verrez venir
Mardi l’après-midi,
Avèque son mari.

Les tailleuses entrent dans la maison et continuent :

— Monsieur le marié,
Vot’ fiancée vous demande
De placer son ménage
À son arrangement.

Le futur marié répond :

— Puisque ma mie l’a dit,
J’irai à sa demande :
Je lui serai fidèle,
Fidèle je lui serai,
Et je lui donnerai
Les marqu’s de ma fidélité.

En quittant le village pour se rendre à l’église, les amies de la mariée chantent :

— Or, adieu le château,
La maison d’chez mon père ;
C’était un si beau lieu
Qui n’était fait qu’pour plaire
Aux yeux des amoureux.

Les jeunes gens, amis du marié, répondent par ironie :

— Madam’ la mariée,
Vous croyez au plaisir ?
Des peines et des soucis,

L’embarras du ménage,
Voilà le plaisir, belle,
Que vous aurez chez lui.

Après le mariage à l’église, la noce se rend dans une auberge du bourg pour manger une beurrée et boire un coup.

Ensuite les mariés font quelques visites pendant que les gens de la noce vont acheter les cadeaux qu’ils comptent offrir au jeune ménage.

Plus il y a de monde à une noce, plus il y a de profit pour les mariés : Il est d’usage que les invités achètent la batterie de cuisine, la vaisselle et d’autres menus objets. On a soin de ne pas oublier le vase de nuit qui doit jouer, le lendemain matin, un certain rôle dans la cérémonie.

Lorsque les mariés reviennent au village, après la messe, les personnes restées à la maison pour préparer le repas vont au-devant d’eux et leur offrent une beurrée en chantant :

— Mon père il m’a mis à servi,
Nouvelle mariée voici,
De par sous la levrande[18].
Où sont les gens du marié ?
On les demande,
Ah ! les voici, ah ! les voilà,
Qu’ils s’y présentent.

Les parents et amis du marié répondent :

Avous[19] cent écus à leur donner ?
Ils sont prêts à les prendre.

Les amis du marié ont confectionné à l’avance une quenouillée monstrueuse garnie de fleurs et de rubans qu’ils portent au-devant de la mariée, quand elle revient de l’église, et qu’ils attachent ensuite au pied du lit pour lui faire comprendre qu’une fois en ménage, elle devra filer le lin et le chanvre pour les besoins de la maisonnée.

Avant de se mettre à table, on conduit la mariée voir son ménage et on chante :

— Entrez, Madam’ la mariée,
Vous n’avez rien vu de si beau ;
Vous porterez la bague d’or
Avec la coiffure à dentelle
Et vous jouirez de ces trésors.

Sur le milieu de la table du repas de noce est une grosse moche[20] de beurre offerte ordinairement par la marraine de la mariée, et sur laquelle sont représentés quatre personnages, les mariés, le garçon et la fille d’honneur.

Tous les invités, sans exception, vont enfoncer une pièce d’argent dans cette moche. Les parents aisés et les amis intimes mettent jusqu’à cinq francs, les autres, deux francs et même cinquante centimes.

Tout cet argent est pour les époux.

Deux chaises garnies de fleurs, et sur lesquelles sont posés des oreillers indiquent la place à table du marié et de la mariée. Mais celle-ci doit bien se donner garde de s’asseoir sur l’oreiller, elle doit le faire enlever, ou sinon elle serait qualifiée de paresseuse ou de mauvaise femme de ménage.

Pendant le repas, une personne chante :

Nous somm’s venus ce jour,
Du fond de nos villages,
C’est pour vous annoncer
La joie du mariage,
À monsieur votre époux,
Aussi bien comme à vous ;
Embrassez-vous tous deux
Et soyez bien heureux.

N’avez-vous pas été
Ce matin à la messe ?
Avez-vous entendu
Ce qu’il a dit, le prêtre ?
Fidèle à votre époux,
De l’aimer comme vous,
Fidèle à votre époux,
Le restant de vos jours.


L’amant qui vous a pris,
C’est un garçon bien sage,
Il a bien le talent
D’y conduire un ménage.
Ah ! le joli talent,
Que le prix en est long ;
Ah ! le joli talent,
Que le prix en est grand !

Quand on dit son époux,
On dit souvent son maître ;
Ils ne sont point si doux
Comme ils ont promis d’être.
Ont promis d’être doux,
Le reste de leurs jours ;
Ont promis d’être doux,
Ne le sont point du tout.

Aujourd’hui grand festin,
Tout le mond’ vous honore ;
Et peut-être demain,
Ça dur’ra-t-il encore ?
Mais au bout de trois jours,
Vous rest’rez seuls chez vous ;
Mais au bout de ce temps,
Vous s’rez seuls à présent.


Il vous en souviendra,
Madam’ la mariée,
D’avoir été liée
Avec un lien d’or
Qui dur’ jusqu’à la mort ;
D’avoir été liée
Avec un lien d’argent
Qui dure aussi longtemps.

Tenez, v’là un bouquet,
Que ma main vous présente ;
Prenez-en une fleur,
Pour vous faire comprendre
Que tous plaisirs, honneurs,
S’en vont comme les fleurs.

Tenez, v’là un gâteau,
Que ma main vous présente ;
Prenez-en un morceau
Pour vous faire comprendre
Qu’il faut pour vous nourrir,
Travailler et souffrir.

Vous n’irez plus au bal,
Madam’ la mariée ;

Rest’rez à la maison,
Tandis qu’les autr’s iront,
Vous berc’rez les poupons,
Tandis qu’les autr’s iront.

Si vous avez chez vous
Des bœufs, aussi des vaches,
Des brebis, des moutons,
L’embarras du ménage,
Faudra soir et matin
Veiller à tout ce soin.

Si vous avez chez vous,
Enfants et domestiques,
Faudra faire écouter
La parole de Dieu,
Car vous seriez tous deux,
Coupables devant Dieu.

Au milieu du dîner, c’est-à-dire lorsque la soupe et les nombreux plats de ragoûts ont été mangés, tout le monde de la noce se lève de table et va, avec les violons, chercher les rôtis qui sont à cuire au four.

On range les plats de rôtis par terre et le marié et la mariée dansent autour en disant :

— Vous faudrait-il du rôti
Pour vous exciter l’appétit ?

Et l’on retourne se mettre à table pendant que les servants déposent de nouveaux plats devant les invités.

Au Pertre, lorsque la mariée entre pour la première fois chez elle, on la fait passer par une porte de derrière. Son mari, pour aller la rejoindre, est obligé de pénétrer par la porte de devant laquelle est bouchée par un petit arbre orné de rubans et de fausses fleurs qu’on appelle un Mai et qui a été planté là par les servants.

Le marié, pour l’arracher, est souvent obligé de tirer dur et longtemps, car les racines de cet arbre ont été enterrées exprès très profondément.

Les Noces à Bourgbarré, près Rennes

La veille de la noce, la mariée va se mettre à genoux devant ses parents et leur demande leur bénédiction.

La fille d’honneur qui l’accompagne, chante, pour la mère, la chanson suivante :

Ô ma fille chérie (bis),
Pour nous quitter, tu t’es mise à genoux ;
Tu veux donc laisser ta famille,
Le foyer paternel pour suivre ton époux ?
Pour la premier’ fois, ta chambre restera vide,
J’irai prêter l’oreill’ sans entendre tes pas ;
Dans les sentiers déserts, dans les jardins arides,
Pour la première fois, je ne t’y verrai pas.
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Va, mon enfant, je te bénis !

Dieu commande à la femme
De tout quitter pour suivre son époux ;
Sois donc sans regret dans ton âme,
Compagne de celui qui t’éloigne de nous.

Donne-lui tout ton cœur et ta pensée entière.
À lui seul maintenant, à lui seul ton amour ;
Garde bien, cependant, un souv’nir pour ta mère,
Qui séparée de toi, pleurera plus d’un jour.
Oh ! pourtant sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Va, mon enfant, je te bénis !

Vous, à qui je confie
Ce bien si cher, ce bien si précieux,
Je vous donne plus que ma vie,
Vingt ans je l’ai nommée le trésor de mes yeux.
Vous me remplacerez près d’elle sur la terre,
Vous me l’avez juré, vous me l’jurez encor,
Si vous aimez ma fill’ comme l’aimait sa mère,
Vous aurez mérité le prix de vos bienfaits.
Va, ma fill’, sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Va, ma fill’, sois heureuse.
Allez, enfants, je vous bénis !

Le Découronnement de la mariée

À la fin de la noce, on assied la mariée dans une chaise, près de son lit.

Une tailleuse détache la couronne et ne laisse qu’une épingle que le mari doit enlever à tâtons.

Pendant cette cérémonie, une jeune fille, ou bien la tailleuse, chante au nom de la mariée :

Oh ! moment heureux de l’amour,
Me voici enfin mariée ;
Mon cher époux, dans ce beau jour,
Je te confie ma destinée.
Je t’offre ma main et mon cœur,
N’pouvant t’en offrir davantage ;
Mais je veux faire ton bonheur
Et le charme de ton ménage.

Et vous, parents de mon époux,
Me voici enfin votre fille ;
Daignez m’accepter parmi vous,
Bonne et honorable famille.
Comme lui, je dois vous aimer,
Être votre sincère amie ;

Et si ce jour peut vous flatter,
Ce sera le plus beau d’ma vie.

À tous mes parents et amis,
J’offre un hommage bien sincère ;
Mais avant, qu’il me soit permis
De l’offrir à ma tendre mère :
C’est ell’ qui m’a donné le jour,
C’est ell’ qu’a soigné mon enfance,
Elle a des droits à mon amour,
Autant qu’à ma reconnaissance.

Oh ! je sais bien, mon cher époux,
Que tu ne seras pas volage ;
Il est impossibl’ de changer,
Tu m’as tenu trop doux langage ;
Mais si tu venais à changer,
Que tu n’aim’rais plus ton amie,
Tu verrais bientôt commencer
Les malheureux jours de ma vie.

Écoute bien, mon cher époux,
Ce que ma franchise t’adresse :
Je veux des plaisirs les plus doux
Couronner ta vive tendresse ;

Mais si quelquefois, parmi nous,
Il s’élève un sombre nuage,
Je te dirai : « Embrassons-nous,
Et faisons la paix du ménage ! » (bis).

(Communiqué par Marie Turpin,
tailleuse à Bourgbarré.)
Les Noces à la Boussac
(dans l’arrondissement de Saint-Malo)

Il n’y a pas plus de trente ans, dans la commune de la Boussac, lorsque la mariée sortait de l’église, elle offrait à tous ceux qui venaient la complimenter, des épingles extrêmement petites, appelées épingles de la mariée.

Cette coutume n’existe plus. Le marié offre seulement une prise de tabac à toutes ses connaissances.

Les noces, dans cette commune, comme dans beaucoup d’autres endroits, ont lieu le mardi ; mais à l’époque des épingles de la mariée, l’époux ne couchait avec sa femme que le dimanche suivant. La femme restait dans sa famille.

Ce jour-là, on les obligeait à se mettre au lit dans l’après-midi et on leur portait la rôtie.

Comme les lits sont très élevés, il y a un banc placé devant pour permettre d’y monter.

Pendant que les amis se livraient à des plaisanteries plus ou moins risquées, en regardant les époux mordre dans les morceaux de pain enfilés par une corde et trempés dans le vin, des femmes apportaient sur le banc, un berceau rempli de jouets d’enfants, de petits sabots, de couteaux, de cuillères, de fourchettes, d’assiettes, d’écuelles, etc., et elles berçaient tous ces objets qui en s’entrechoquant produisaient un bruit étourdissant.

(Communiqué par l’Instituteur de la Boussac).
Une Noce à Bréal-sous-Montfort

Lorsque la messe est terminée au maître-autel, la fille d’honneur prend la mariée par le bras et, toutes les deux vont prier à l’autel de la Vierge pendant que les gens de la noce se rendent à la sacristie. Le mari, la cérémonie complètement achevée, va chercher sa femme pour l’emmener.

Là, comme ailleurs, avant de quitter le bourg, la noce se rend dans un cabaret pour manger la beurrée qui se compose de pain, de beurre et de cidre.

Le départ a ensuite lieu, deux par deux, violon et mariés en tête ; mais au lieu de remonter dans les voitures qui les ont amenés le matin, tous s’en vont à pied.

Pour égayer la route, ils chantent, accompagnés du crin-crin, ce qu’ils appellent des chansons de marche. Il y en a de deux sortes les unes qui sont des rengaines et les autres de véritables chansons.

Exemples :

1o Rengaine :

Voici le premier jour du mois d’avril,
J’entends la caill’, la perderix ;
J’entends la caill’, les p’tits oiseaux,
La joli’ tourterell’ dans les ormeaux.

Voici le second jour du mois d’avril,
etc.

On peut ainsi chanter autant de couplets que l’on veut.

2o Chansons de marche :

Chaque vers est chanté deux fois par une personne appelée le meneur, puis le couplet entier, c’est-à-dire les deux vers, sont répétés également deux fois par tout le monde.

Sur le Vert joli

Sur le vert joli, entre vous autr’s, les filles (bis),
Sur le vert joli, qui prenez des maris (bis),
Sur le vert joli, n’en prenez pas des jeunes (bis),
Sur le vert joli, ni de trop vieux aussi (bis),
Sur le vert joli, moi j’en ai pris un jeune (bis),
Sur le vert joli, je crois qu’y m’f’ra mourri (bis).
Sur le vert joli, il va-t-à la taverne (bis),
Sur le vert joli, et revient za minuit (bis).
Sur le vert joli, frapp’ le pied dans la porte (bis).
Sur le vert joli, la porte il faut ouvrir (bis).
Sur le vert joli, prend la barr’ de la porte (bis).

Sur le vert joli, m’y reconduit au lit (bis),
Sur le vert joli, il cassera ma table (bis),
Sur le vert joli, les quenouill’s de mon lit (bis).
Sur le vert joli, il frappe sur la berne[21] (bis),
Sur le vert joli, au proch’ de moi aussi (bis).
Sur le vert joli, voilà comm’ sont les hommes,
Sur le vert joli, voilà comme est……

On désigne, pour faire rire, celui des invités qui n’a pas la réputation d’être tendre avec sa femme, ou bien encore un jaloux ou un ivrogne.

Les servants et servantes pris parmi les parents et amis des mariés vont, lorsqu’ils aperçoivent la noce qui revient de la messe, au-devant d’elle à deux ou trois champs avec un pot de cidre et des verres pour offrir à boire aux mariés et aux invités. On boit dans le même verre sans répugnance.

Une fois arrivés au village, les noçous, avant le repas, dansent une ou deux contredanses.

C’est seulement vers trois heures de l’après-midi, qu’on se met à table. Ce festin dure plusieurs heures. Souvent le marié se lève pour aller aider les servants.

Au dessert, la mariée fait le tour de la table en offrant une prise de tabac à chacun.

C’est alors que commencent les chansons, dites chansons de mariage et chansons de table :

Amusons-nous, fillett’s, profitons des beaux jours,
Le temps de nos amours ne dur’ra pas toujours.

Moi qui suis la cadett’, je veux m’y marier,
Il n’y a que ma mèr’ qui veut m’y empêcher.

— Vous voulez l’empêcher, mèr’, de s’y marier,
Vous voulez l’empêcher, ell’ vous en saura gré.

— Mari’-toi donc, ma fill’, moi je ne t’empêch’ pas,
Si tu es mal à l’aise, à moi ne t’y plains pas.

— Me voici mariée, grand Dieu, quel changement.
Avec mes camarad’s, j’n’irai plus à présent.


J’ai mon ouvrage à fair’, mes enfants à soigner.
Mon époux est à boire, à fair’ le débauché.

Le soir quand il rentèr’ bien tard à la maison,
Tout comme à l’ordinair’, faut lui donner raison.

Le soir quand il se couche, il s’y couche en jurant,
Le matin quand y s’lève, il se lève en grognant.

L’enfant qu’est au berceau, se réveille en pleurant.
Bercez, bercez, Madam’, voilà votr’ amus’ment.

La mèr’ tout en colèr’, s’en va prendr’ son enfant,
L’arrose de ses larm’s, regrettant son jeun’ temps.

— Comm’ j’étais chez mon pèr’, fillette à marier,
Je dormais bien tranquill’, personn’ n’m’en empêchait.

Comm’ j’étais chez mon pèr’, fillette à marier,
Comme j’étais chez ma mèr’, j’allais m’y promener.


Avec mes camarad’s j’allais m’y promener,
Personn’ ne m’empêchait, personn’ ne m’empêchait.

— Tu n’es plus chez ton pèr’, tu n’es plus chez ta mère,
Entendre les discours et les plaisirs d’amour.

Comm’ t’étais chez ton pèr’, comm’ t’étais chez ta mère,
Fillette à marier, fallait donc y rester.

Autres Chansons de Mariage
Refrain :

Parlons du jeu, parlons du mariage,
Parlons d’amour, mais point d’s’y marier.

Et point d’s’y marier, ni s’y mettre en ménage,
Car arriv’ trop souvent du mécontentement.

Parlons du jeu, etc.

Si par malheur, je prends une femm’ qui soit belle,
Je vois bien du danger pour m’y rendre jaloux.

Parlons du jeu, etc.


Elle aura des amants qui s’en viendront la voir,
Du matin jusqu’au soir, du matin jusqu’au soir.

Parlons du jeu, etc.

Si par malheur je prends, une femm’ qui soit laide,
Toujours devant les yeux j’aurai cette laideur.

Parlons du jeu, etc.

Si par malheur je prends une femm’ qui soit riche,
Bien du danger pour moi si j’y vas-t-à l’auberge.

Parlons du jeu, etc.

Ell’ m’appell’ra : « Ivrogn’, tu manges tout mon bien,
Mes enfants n’auront rien, mes enfants n’auront rien. »

Parlons du jeu, etc.

Si par malheur je prends une femm’ qui soit pauvre,
Il me faudra alors tout’ ma vie travailler.

Parlons du jeu, etc.


Elle aura des enfants qui me diront : « Papa,
Donne-nous donc du pain que l’on n’meur’ pas de faim. »

Parlons du jeu, parlons du mariage,
Parlons d’amour, mais point d’s’y marier.

(Guichen.)
Le Marié mécontent

Comm’ j’étais chez mon père,
Demeurez là, mettez le pied là,
Garçon à marier,
Bell’, mettez là le pied !

Je n’avais rien à faire,
Demeurez là, mettez le pied là,
Qu’une femme à chercher,
Bell’, mettez là le pied !

Et maint’nant que j’en ai une,
Demeurez là, mettez le pied là,
Ell’ m’y fait enrager,
Bell’, mettez là le pied !


Ell’ m’envoi’-t-à la chasse,
Demeurez là, mettez le pied là,
Sans boire et sans manger,
Bell’, mettez là le pied !

Et quand j’arriv’, le soir,
Demeurez là, mettez le pied là,
Elle a toujours soupé,
Bell’, mettez là le pied !

Je lui demand’ : « Ma femme,
Demeurez là, mettez le pied là,
De quoi as-tu soupé ?
Bell’, mettez là le pied !

— D’une bonne poulette,
Demeurez là, mettez le pied là,
Et d’un pigeon ramier,
Bell’, mettez là le pied !

Les os sont sous la table,
Demeurez là, mettez le pied là,
Jean, veux-tu les roucher ?
Bell’, mettez là le pied !


Le pauvre Jean s’y couche,
Demeurez là, mettez le pied là,
Et se mit à pleurer,
Bell’, mettez là le pied !

— Tandis qu’je serai jeune,
Demeurez là, mettez le pied là,
Je m’y divertirai,
Bell’, mettez là le pied !

Et quand je serai vieille,
Demeurez là, mettez le pied là,
Je me retirerai,
Bell’, mettez là le pied !

Dans un vieux presbytère,
Demeurez là, mettez le pied là,
Avec un bon curé,
Bell’, mettez là le pied !

Qu’a du vin dans sa cave,
Demeurez là, mettez le pied là,
Du lard, dans son charnier.
Bell’, mettez là le pied !

Comme on le voit, toutes les chansons de noces, sont contraires au mariage et peu faites pour encourager les jeunes gens à entrer dans les saints liens.

Voici maintenant quelques chansons de table que l’on entend aux noces et dans les réunions de famille.

J’aime le mot à rire

Je voudrais bien passer le bois (bis),
Mais je suis trop petit’, voyez-vous,
Mais je suis trop petite.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

Nous l’passerions bien tous les deux (bis),
Nous l’passerions sans rir’, voyez-vous,
Nous l’passerions sans rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

Quand nous fûm’s au milieu du bois (bis),
Il me prit une envie, voyez-vous,
Il me prit une envie.

J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

C’était de prendre un doux baiser (bis),
À la mode jolie, voyez-vous,
À la mode jolie.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

— Prenez-en un, prenez-en deux (bis),
Mais n’allez pas le dir’, voyez-vous,
Mais n’allez pas le dire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

Car si mon père le savait (bis),
Il me battrait sans rir’, voyez-vous,
Il me battrait sans rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

Mais si ma mère l’apprenait (bis),
Ell’ ne ferait qu’en rir’, voyez-vous.
Ell’ ne ferait qu’en rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.


Ça lui rappell’rait l’temps passé (bis),
Du temps qu’elle était fill’, voyez-vous,
Du temps qu’elle était fille.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

Quand les amants venaient lui dire (bis)
Qu’elle était bien gentill’, voyez-vous,
Qu’elle était bien gentille.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.

(Redon.)
Le Nigaud de Mari

Mon pèr’ m’a donné un mari,
Jamais vous n’avez tant ri !
La premier’ nuit j’couchis d’oli,
Ma qui voulais rire !

La premièr’ nuit j’couchis d’oli,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand nigaud y s’endormit.
Ma qui voulais rire !


Le grand nigaud y s’endormit,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’pris une épingle et je l’piquis,
Ma qui voulais rire !

J’pris une épingle et je l’piquis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand béta y s’en sauvit,
Ma qui voulais rire !

Le grand béta y s’en sauvit,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’pris mes jupons et je l’coursis
Ma qui voulais rire.

J’pris mes jupons et je l’coursis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Et devinez où j’le trouvis ?
Ma qui voulais rire !

Et devinez où j’le trouvis ?
Jamais vous n’avez tant ri !
Derrièr’ la grang’, dans les orties,
Ma qui voulais rire !


Derrièr’ la grang’, dans les orties,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’l’y pris la main et je l’ramenis,
Ma qui voulais rire !

J’l’y pris la main et je l’ramenis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand nigaud y se r’couchit,
Ma qui voulais rire !

Le grand nigaud y se r’couchit,
Jamais vous n’avez tant ri !
Aussitôt j’me mis près de li
Ma qui voulais rire !

Aussitôt j’me mis près de li,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’vous dirai point ce qu’il me fit,
Mais qu’il me fit rire !

J’vous dirai point ce qu’il me fit,
Mais qu’il me fit rire !
Non, jamais vous n’avez tant ri !
Comme il me fit rire !

(Hédé.)
Le Petit Mari

Mon pèr’ me donnit un mari ;
Petit amant, je le nommis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !

Dedans mon lit je l’déposis,
Et dans la paille il se perdit.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !

Je pris ma fourch’, je l’fourgotis,
Fourgotis tant que je l’trouis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !

Sus mon foyer, je l’déposis,
Et dans la cendre il se perdit.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !


Je l’cherchis tant que je l’trouvis ;
Mon pauvr’ mari était rôti.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !

Je pris un drap pour l’ensev’li ;
L’drap était neuf, je l’décousis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !

Dans le courtil je l’enterris ;
De gros vers blancs l’ont fricotti.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo.

(Saint-Malo.)
L’Ente est dans la haie
Refrain :

L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.


I

— Et dans cette ent’, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ branche,
Comm’ jamais vous n’avez vu branche.
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

II

— Et sur cett’ branch’ vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a un beau nid,
Comm’ jamais vous n’avez vu nid.
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

III

— Et dans ce nid vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bel œuf,
Comm’ jamais vous n’avez vu œuf.
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,

La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

IV

— Et sur cet œuf, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bel oiseau,
Comm’ jamais vous n’avez vu oiseau.
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

V

— Et sur cet oiseau, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ plume,
Comm’ jamais vous n’avez vu plume.
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,

L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

VI

— Et sur cett’ plum’ vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ nonne,
Comm’ jamais vous n’avez vu nonne.
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

VII

— Et sur cett’ nonne vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus beau clocher,
Comm’ jamais vous n’avez vu clocher.
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,

L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

VIII

— Et sur ce clocher vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus beau coq,
Comm’ jamais vous n’avez vu coq.
Le coq est sur le clocher,
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

IX

— Et sur ce coq vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
Il y a plus beaux rubans,

Comm’ jamais vous n’avez vu rubans.
Les rubans sont sur le coq,
Le coq est sur le clocher,
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.

À défaut d’instrument, on chante ce qui suit pour danser le quadrille. On appelle cela un quatre :

Lon lan la, feuille de vigne,
Lon lan la, tu m’as trompé,
Tu m’as trompé, tu n’me tromperas plus,
Car de ton vin, je n’veux plus boire.
Lon lan la, feuille de vigne,
Lon lan la, tu m’as trompé.

Tu m’as trompé, tu n’me tromperas plus,
Car de ton vin, je n’boirai plus.

Et on recommence : Lon lan la, etc.

Autres chansons à danser :

— Bonjour, tantine Perrine,
Comment vous portez-vous ?
Vous m’avez l’air chagrine,
Dit’s-moi donc, qu’avez-vous ?

— Mon bon ami est parti ce matin.
C’est celui-là qui me fait de la peine.
Mon bon ami est parti ce matin,
C’est celui-là qui me fait du chagrin.

Variante :

— Bonjour, tantine Perrine,
Comment s’porte votr’pourciau ?
— Il n’est ni gras ni maigre,
Les os li percent la piau.

— Perrine, ah ! venez çà,
J’ai d’la galett’ dans mon bissa.

Quand Perrine elle fut venue,
De la galett’ je n’avais plus.

Perrine ell’ monte à haut,
Comm’ j’amusais le bégaud,
Perrine ell’ prend du blé,
Comm’ j’amusais le meunier.

— Perrine, ah ! venez çà, etc.

Le soir, après les danses, les tailleuses procèdent au déshabillé de la mariée. L’une d’elles chante :

— Monsieur le marié,
On voudrait vous parler ;
C’est votre mariée,
Qui est bien désolée.
Venez la consoler ;
Apportez-lui à boire,
Du vin de la bouteille,
Et venez l’embrasser.


— Madam’ la mariée,
Faut vous déshabiller ;
Faut détacher vos hardes,
Vos anneaux et vos bagues,
Pour aller vous coucher.

— Je n’détach’ point mes hardes,
Mes anneaux et mes bagues,
Je veux encor danser.

— Madam’ la mariée,
Faut vous déshabiller,
Détachez vos épilles[22],
Pour donner à ces filles,
Qui vous ont assistée.

La mariée se déshabille en pleurant, et donne une épingle, une seule, à chacune des filles présentes. Celles-ci les conservent précieusement et lorsqu’elles en ont neuf, elles sont certaines de trouver un mari à leur tour.

La tailleuse qui a la spécialité des chants continue :

— Madam’ la mariée,
Voulez-vous vous en v’nir
Au logis d’chez votr’ père,
D’où vous avez quitté ?
Vous serez ramenée
De grande compagnie,
Comme à venir ici.

— Oh ! non, oh ! non, les filles,
Je ne m’en irai point ;
Ménage il me faut prendre,
Aujourd’hui, sans attendre,
On me l’a commandé.

Oh ! non, oh ! non, les filles,
Je ne m’en irai point.
S’il faisait clair de lune,
J’écrirais o ma plume,
En vous disant adieu.

Le lendemain matin, on porte, dans le pot de chambre neuf qui a été acheté par l’un des invités, et conservé par lui jusqu’à ce moment, la rôtie de la mariée.

Ce sont des morceaux de pain grillé, enfilés les uns aux autres et trempant dans du vin chaud.

Après qu’on a longtemps frappé à la porte des nouveaux époux, le marié se décide à aller ouvrir et la noce fait irruption dans la chambre.

On porte dans le lit des mariés la rôtie qu’ils sont obligés de manger et de boire devant tout le monde, et sans couper le fil qui retient les morceaux de pain.

Cette coutume fort gênante pour la mariée à laquelle on fait toutes sortes de plaisanteries grossières sur sa nuit de noce, disparaît presque partout.

Les invités, parents et amis de la mariée chantent en s’en allant :

— Quand il faut quitter tout ce qu’on aime,
Le cœur ne peut jamais y consentir.

Ah ! Ah ! Ah ? c’est aujourd’hui même.
Qu’il nous faut partir.

Le marié en riant :

— Partez quand vous voudrez ;
Mais pour moi je demeure,
Ah ! si jamais j’en pleure,
Sera quand vous reviendrez.

La mariée, paraissant en colère au milieu des siens :

— Sans dout’ je partirai,
Sans verser une larme ;
Croyez-vous que vos charmes
M’engag’raient à rester ?

Le marié :

— Partez quand vous voudrez.

Mais il court après elle et la ramène à la maison.

À Bruz, autrefois, lorsqu’une noce durait plusieurs jours, la mariée était emmenée chaque soir coucher chez des parents ou des voisins, et elle n’appartenait réellement à son mari que lorsque la fête était complètement terminée.

Jadis, dans la commune de la Bouëxière, quand une fille-mère venait à se marier, elle ne devait entrer dans l’église que par une petite porte. En outre, le mariage avait lieu à six heures du matin. On tintait seulement avec la plus petite cloche, et la messe était célébrée dans une chapelle des bas-côtés.

Au Pertre et dans beaucoup d’autres communes, si une pauvre fille, ayant eu des malheurs avant son mariage, s’avisait de mettre une couronne de fleurs d’oranger le jour de sa noce, les femmes du pays la lui arrachaient.

3o Coutumes et usages

Le vendredi-saint de chaque année, de nombreux pèlerins se rendent à la chapelle de Saint-Eustache, dans la commune de Saint-Étienne-en-Cogles. Ce pèlerinage est surtout le rendez-vous des femmes stériles qui désirent avoir des enfants.

On rencontre dans la commune de Mernel, au fond d’une vallée, près d’une fontaine, non loin du manoir du Bois-au-Voyer, une antique chapelle connue dans le pays sous le vocable de Notre-Dame-de-Joie.

Les jeunes femmes privées des douceurs de la maternité vont à cette chapelle prier Marie de leur faire la grâce de devenir mères. Les ex-voto déposés sur l’autel prouvent que les vœux pieusement exprimés ont été exaucés.

Voici la légende de Notre-Dame-de-Joie :

En 1644, vivaient au château de la Botheleraye, dans la paroisse de Pipriac, René de Tournemine et Renée Peschart, son épouse. Bien que favorisés par la fortune, ils souffraient de n’avoir pas d’enfants et n’espéraient plus voir leur rêve se réaliser, puisque leur union remontait déjà à plusieurs années.

Or, un jour que Mme de Tournemine se promenait sur ses terres, elle traversa la grande lande d’Anast et passa près d’une vieille chapelle qui tombait en ruines. Elle y entra et pria dévotement. En levant les yeux sur les murs lézardés du pauvre édicule, elle vit le soleil qui passait à travers le toit et fit vœu, si elle avait un fils, de relever la chapelle.

Dix mois après, le 19 avril 1645, les cloches de Pipriac sonnaient à toute volée pour annoncer le baptême de Jean-Joseph de Tournemine.

Des ouvriers commencèrent immédiatement les travaux de la chapelle qui fut terminée et bénite au mois de septembre 1647.

On dit dans le canton de Bécherel, qu’une femme enceinte ne doit jamais, pendant tout le temps de sa grossesse, être la marraine d’un enfant, ou bien l’enfant qu’elle mettra au monde sera sourd-muet.

Il ne faut rien refuser à une femme enceinte qui a des envies, ou sans cela, l’enfant qu’elle porte dans son sein aurait sur le corps et peut-être même sur la figure des taches ayant rapport avec la chose désirée.

Il ne faut pas non plus lui faire voir des choses qui pourraient l’impressionner.

Ainsi dans un dîner offert par M. de Saint-Germain, ancien officier amputé d’un bras, et nommé receveur des finances à Redon, se trouvait une dame enceinte.

Elle fut tellement émotionnée en voyant la difficulté qu’éprouvait M. de Saint-Germain à manger avec une seule main, que plus tard elle accoucha d’un enfant qui n’avait qu’un bras.

Quand une femme est entre son quatrième et cinquième mois de grossesse, si elle désire savoir de quel sexe sera son enfant, elle a deux moyens à sa disposition.

1o Prier quelqu’un de l’observer sans qu’elle le sache, trois matins de suite, et de remarquer sur quel coude elle s’appuie de préférence en sortant du lit.

Si c’est sur le coude droit, ce sera une fille ; si c’est sur le coude gauche, ce sera un garçon.

2o Dans la journée, lorsqu’elle est assise sur un siège bas, lui faire légèrement peur afin de voir de quel côté elle se penchera.

Si c’est du côté droit, fille ; du côté gauche, garçon.

Si la lune ne change pas dans les trois jours qui suivent la naissance d’un enfant, celui qui naîtra après lui sera du même sexe.

Les mariés de l’année, à Sougéal, ont l’habitude d’offrir, le jour de la fête de Saint-Jean, des épingles dorées à leurs amis et connaissances.

Voici l’origine de cette coutume :

« Jadis, le dit jour Saint-Jean-Baptiste, il était dû au seigneur de Tréet par les nouveaux et nouvelles mariés qui épousent en l’église de Sougéal, un devoir de chanson que les dites mariées chantent ou font chanter à haute voix à l’issue de la grand’messe au dit bourg de Sougéal, et après la dite chanson chantée, elles sont tenues de présenter des épingles au seigneur et à ses officiers, et les sergents et les maris sont tenus d’y assister sous peine d’amende. »

(Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.)

Dans certaines communes des arrondissements de Rennes et de Fougères, lorsqu’à la suite d’une querelle de ménage une femme battait son mari, les hommes du bourg et des villages voisins s’emparaient de toutes les chèvres du pays, leur pendaient des grelots et des clochettes au cou, leur peignaient les cornes en rouge et les attelaient toutes à une petite charrette à bras. Deux hommes, dont l’un était habillé en femme, montaient dans le véhicule, et l’attelage accompagné de conducteurs, — un par bête, — ayant tous une quenouille au côté, se rendait en chantant au son du violon, de la clarinette et de la feuille de brou[23] devant la maison de l’époux battu. Là, le couple monté dans la charrette se livrait à une scène de pugilat des plus comiques où se mêlaient souvent la quenouille et le balai.

Après cette comédie, il arrivait rarement que la femme contre laquelle cette manifestation était faite, eût envie de recommencer à battre son mari.

Autrefois à Romazy, au moment du carnaval, les jeunes gens promenaient Bidoche de maison en maison. On le faisait danser au son de toutes sortes d’instruments. Voici ce que c’était que Bidoche :

On prenait une échelle de la longueur du corps d’un cheval, on garnissait cette échelle de cercles de barriques ; à un bout on figurait le cou et la tête d’un cheval, le tout était recouvert d’une housse richement décorée. Ensuite deux jeunes gens passaient la tête et les épaules dans le corps de Bidoche, ne laissant paraître que les jambes pour imiter les quatre pieds de la bête.

L’homme de devant tenait dans ses mains une ficelle fixée à la mâchoire inférieure du faux animal, lequel avait la bouche garnie de drap ou d’étoffe rouge recouvrant des pointes finement aiguisées. Malheur à celui qui mettait la main dans la bouche de Bidoche, car le premier porteur tirait sur la ficelle, et l’imprudent avait la main serrée de façon à le faire crier.

Il y a une quarantaine d’années, cette coutume existait encore ; mais un jour Bidoche fut conduit chez l’institutrice de Romazy, qui eut une peur effroyable, tomba malade et mourut quelques jours après.

Le maire interdit alors la promenade de l’animal fantastique.

Depuis bien des siècles, il existe dans la commune de Rimou la confrérie des Cornes, dont la fête est célébrée le jour de l’assemblée de l’endroit.

Pour être membre de ladite confrérie ou cornard (on prononce cônard), on paie deux sous seulement, moyennant lesquels chaque souscripteur a droit à sa quote-part des 52 messes qui sont dites chaque année à Rimou à l’intention desdits cônards, et en plus à une corne d’un petit pain à quatre cornes. Quand on est un membre sérieux, on ne laisse pas le bedeau vous détacher une corne du pain ; on paie 30 centimes de supplément pour l’avoir tout entier. Ce pain passe pour se conserver indéfiniment sans moisir ni se putréfier, mais non pas sans durcir.

Un jour un curé de Rimou voulut supprimer la confrérie, mais immédiatement les fabriciens démissionnèrent, et il ne put en trouver d’autres : il fallut bien mettre les pouces et céder ! Du reste les cornes étant offertes gracieusement par les fabriciens, c’est un assez joli bénéfice pour le clergé de la paroisse, car les habitants des communes voisines se font également inscrire comme cônards.

La confrérie comprend 12 à 1500 adeptes.

Il y a environ cent ans, on négligea une année de faire la distribution du pain, et il survint un orage épouvantable qui ravagea toutes les récoltes de la paroisse. Les Rimois supposèrent que c’était une punition du ciel en raison de la suppression des cornes, et ils s’empressèrent de rétablir la confrérie.

Aux Iffs, et même dans tout le canton de Bécherel, les hommes, le dimanche à la vesprée, se livrent à un jeu cruel.

Ils enterrent jusqu’au cou un canard (ou à défaut de canard un lapin), dont on ne voit plus que la tête.

L’un des joueurs placé à cinquante mètres de l’animal est armé d’une faulx et a un bandeau sur les yeux. Il doit ainsi essayer de couper la tête de la pauvre bête.

S’il ne réussit pas, un autre le remplace jusqu’à la mort complète de la victime qui devient alors la propriété de son meurtrier. Celui-ci la met en loterie ou l’emporte chez lui pour la manger en famille.

Chaque individu paie une petite cotisation pour prendre part à ce jeu qui est quelquefois remplacé par un lâcher de poules qu’il faut attraper à la course.

Je me rappelle qu’à la fin du règne de Louis-Philippe, les habitants de la petite ville de Bain organisaient tous les ans, pour le 15 août, un papegai.

C’était une sorte de pigeon de bois, confectionné avec de la racine d’ormeau. Cet oiseau, me suis-je laissé dire, était mis à bouillir dans de l’huile, afin que les balles ne le brisassent pas du premier coup.

Le jour de la fête, tous les tireurs qui s’étaient fait inscrire, et qui avaient souscrit au banquet du soir, se réunissaient sous la halle, au son du tambour. Les gardes nationaux avec leurs fusils à pierre et les chasseurs, les uns avec des canardières, les autres avec des fusils à un ou deux coups venaient s’aligner dans le rang et se dirigeaient ensuite, l’arme sur l’épaule, par le village de Gravot, au bas de la butte de Bertaud.

Le papegai était solidement cloué au haut d’un pieu, bardé de fer, lequel était fiché en terre à mi-côteau, à environ cinquante mètres des tireurs.

Puis le tir commençait.

Tous les habitants venaient assister à cette fête. Des tentes étaient dressées au milieu des bruyères, et l’on vidait force chopines de cidre et bouteilles de bière en mangeant des fruits et des gâteaux.

Chaque fois que le pigeon était atteint d’une balle, un roulement de tambour se faisait entendre en l’honneur de l’adroit tireur.

Enfin, quand le dernier débris de l’oiseau venait à tomber par terre, celui qui l’avait abattu était couronné et amené en triomphe à la place d’honneur du festin.

L’année suivante, c’était lui qui devait fournir le papegai.

Plus tard, quand la garde nationale fut désarmée, on essaya d’un autre jeu qui, fort heureusement, n’eut pas de succès.

C’était une malheureuse oie que l’on pendait par les pattes aux branches d’un pommier. Les joueurs armés d’un sabre, et la vue bandée, étaient placés à une certaine distance de la bête. On leur faisait faire plusieurs tours sur eux-mêmes et on leur disait d’aller. Ils cherchaient avec la lame aiguisée de leur sabre à trancher la tête de l’oie.

L’infortunée bête avait, la plupart du temps, le cou dépouillé avant d’être décapitée complètement. C’était écœurant ! Celui qui achevait de couper la tête de l’oie en était le propriétaire.

Deux fois par an, à Noël et au mardi-gras, chaque famille se réunit chez les grands-parents pour manger l’oie grasse.

À Vitré, le jour de la mi-carême, dans chaque famille, même les plus pauvres, le dîner se compose exclusivement de crêpes de farine de froment. Comme la famille est souvent nombreuse, on commence à faire ces crêpes plusieurs heures avant le repas et on les sert sur la table en piles énormes.

Quand on tue un cochon (sauf votre respect), c’est toute une fête à la campagne. Non seulement on envoie du boudin et de la saucisse aux voisins et aux amis, mais encore on offre à sa famille un dîner qu’on appelle la boudinaille, et qui est un véritable repas de Gargantua.

On n’y mange que du cochon, mais sous les formes les plus diverses : griaux, casse, pâté, boudins, saucisses, gras-double, etc., etc., le tout arrosé de nombreux pichés de cidre.

La Levée de la Faulx

On s’entr’aide entre voisins à la campagne.

À l’époque de la coupe des foins ou de la récolte du blé, plusieurs cultivateurs s’unissent pour rentrer leur récolte. Un champ qui demanderait un nombre assez considérable de journées à un seul ouvrier est expédié dans un jour.

On travaille ainsi tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Celui chez lequel on est, doit nourrir tout le monde. Cela s’appelle à Bain : La levée de la Faulx.

Cette coutume est charmante. Le travail se fait avec entrain et rapidement. Les repas ont lieu au milieu d’une franche gaieté.

Quand le paysan vanne son grain dans l’aire à la récolte, et qu’il est aveuglé par la poussière, il ne manque pas de dire : « Il faut avaler sept boisseaux de poussière avant de mourir. »

Les cuisinières, quand elles enlèvent la cendre du foyer, disent, elles aussi : « Il faut avaler deux boisseaux de cendre avant de passer l’arme à gauche. »

Quand un enfant se plaint de la cuisine de sa mère, celle-ci lui répond : « Quand tu seras à ton gueriau bouilli on verra si tu seras mieux. »

Cela veut dire : « Lorsque tu seras chez toi, à ton compte, à ton ménage, à manger, malheureux, du gruau bouilli, on verra bien si ta cuisine sera meilleure que la mienne. »

À Servon, lors de la récolte du chanvre et du lin, les gars et les filles du pays se réunissent pour aller dans les fermes s’offrir à porter le chanvre et le lin à rouir dans les rivières et dans les doués.

Après cela a lieu un repas suivi de danses et de chansons.

Dans le pays du Pertre, sur la limite de l’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, au commencement de la récolte, les fermiers portent à leurs propriétaires une gerbe de blé ornée de fleurs et de rubans. On s’embrasse, on boit, on trinque à la santé les uns des autres, et plus tard, lorsque la récolte est complètement achevée, le maître réunit dans un dîner tous ceux qui cultivent ses terres.

Dans l’arrondissement de Vitré, on appelle Barbatte la fin de la récolte. Dans l’arrondissement de Fougères, on dit Parbatte.

Lorsqu’on a fini de battre le grain, on met de côté plusieurs gerbes sur lesquelles sont déposés des bouquets.

Les ouvriers vont chercher le fermier, sa femme et ses enfants qu’ils amènent dans l’aire, les femmes conduites par les journaliers, les hommes par les journalières. Le dialogue suivant a lieu :

— Que nous voulez-vous ? disent les fermiers.

— Que vous veniez lever une gerbe trop lourde pour nous.

— Allons-y.

Le fermier et la fermière s’emparent des fleurs en disant : « Voilà de beaux bouquets, il faut les empiéter, » c’est-à-dire se donner un baiser, ce qui est aussitôt fait. Du cidre est apporté, l’on trinque à la santé de tout le monde. Puis les dernières gerbes sont battues, l’on s’en va dîner tous ensemble, l’on boit ferme et l’on chante.

Chanson de la Gerbe

La gerbe se chante depuis un temps immémorial dans la commune de Saint-Brice-en-Cogles. C’est à la Parbatte, c’est-à-dire lorsque le battage des céréales est terminé, que toutes les personnes qui ont aidé à la récolte se réunissent dans l’aire pour la chanter. Les hommes ont des bouquets à leurs chapeaux et les femmes des fleurs à leurs corsages.

Ah ! salut à la bourgeoise,
Et le bourgeois en suivant.

Battu nous avons la gerbe,

Aujourd’hui, joyeusement.


bis.

J’vous saluons, les enfants,
Les domestiqu’s pareillement.
Battu, etc.

Voici la saison qu’arrive,
Et le mois d’août en suivant.
Battu, etc.

Tous les garçons du village,
S’en vont, la gerbe battant.
Battu, etc.


V’là les bouquets qu’on apporte,
Chacun va, se fleurissant.
Battu, etc.

Par un matin, je m’y lève,
Par un beau soleil levant.
Battu, etc.

En entrant dans mon jardin,
Par une porte d’argent.
Battu, etc.

J’aperçois un romarin,
Qui fleurissait, rouge et blanc.
Battu, etc.

J’en ai coupé une branche,
Avec mes ciseaux d’argent,
Battu, etc.

Je l’envoie à ma maîtresse,
Par l’alouette des champs.
Battu, etc.

Ell’ m’y renvoie une lettre,
Par le rossignol chantant.
Battu, etc.


Il n’y a ni prêtr’, ni moine,
À savoir ce qu’il ya d’dans.
Battu, etc.

Et ma qui ne sais pas lire,
J’vas vous l’dire cependant.
Battu, etc.

Il y a dedans la lettre :
« Mon ami, je vous aim’ tant ! »
Battu, etc.

Viendra le jour de la noce,
Travaillons en attendant.
Battu, etc.

Devers la Toussaint prochaine,
J’aurons tout contentement.
Battu, etc.

Nous irons à la grand’messe,
Les rubans au parvolant[24].
Battu, etc.

Nous aurons battu l’avène,
L’orge, le blé, le froment.
Battu, etc.


Nous sommes bien vingt ou trente,
N’est-c’pas un beau régiment ?

Battu, nous avons la gerbe,

Aujourd’hui, joyeusement.


bis.
Le Chanvre, le Lin, la Lessive
ROUISSAGE

Quand on arrache le chanvre ou le lin, on le met par bottes et on le grouge, c’est-à-dire qu’on enlève la graine au moyen d’un instrument que les paysans appellent grougeur, mais ils prononcent grugeur.

Le chanvre et le lin sont mis à rouir dans des mares ou des doués, au milieu des champs sans arbres alentour.

On met de grosses pierres dessus pour qu’ils enfoncent dans l’eau. Ils y restent environ quinze jours ; après cela, ils sont étendus sur les prés.

Deux ou trois jours avant le broyage, on les fait passer au four une fois que le pain a été cuit.

BROYAGE

Le chanvre et le lin sont d’abord pilés, écrasés avec des mailloches en bois, et ensuite broyés à l’aide de machines également en bois et à traverses creuses. Celle du dessus écrase la plante sans la couper.

Le déchet sert à faire des litières aux bestiaux.

Le broyage se fait généralement en hiver, dans les étables, qui deviennent alors un lieu de rendez-vous pour les gars et les filles. C’est ce qu’on appelle les veillois. On y dit des contes et on chante les vieilles chansons du temps passé.

TISSAGE

Lorsque le chanvre et le lin sont réduits en filasse, les femmes les filent. Ce fil est plus tard porté au tisserand qui en fait une toile grossière, mais presque inusable.

Aujourd’hui que la toile est très bon marché, on préfère l’acheter, et la culture du chanvre et du lin a beaucoup diminué.

Par suite, les pauvres tisserands de campagne sont devenus rares. On ne les voit plus confinés dans leurs caves humides et travaillant des pieds et des mains sur leurs métiers où ils ressemblaient à de grandes araignées.

Dans certaines parties de l’arrondissement de Vitré, on ne portait pas le fil au tisserand chez lui. Il y avait des ouvriers qui allaient de ferme en ferme, avec leur métier, fabriquer la toile, et qui étaient la plupart du temps payés en nature.

LA LESSIVE

Les domestiques des deux sexes de la commune du Pertre et des communes environnantes, lorsqu’ils se gagent chez un cultivateur, apportent chez ce dernier, leur armoire au linge.

C’est là l’orgueil des filles de la campagne. On dit qu’elles ne peuvent se marier que lorsqu’elles possèdent six douzaines de chemises et deux douzaines de draps.

Il leur faut, en effet, une certaine quantité de linge, attendu que dans les fermes on ne fait une lessive complète qu’après les grands travaux de la récolte. En temps ordinaire, les ménagères se contentent de passer le linge sale à l’eau froide.

Un domestique porte une chemise huit jours et change les draps de son lit tous les deux mois.

La lessive générale de la fin de l’été est une sorte de fête à la ferme. En raison de la quantité considérable de linge, il faut un grand nombre de femmes pour le laver ; aussi, plusieurs familles se réunissent-elles pour faire le travail en commun.

On mange chez celle pour laquelle on travaille, et quand le linge est sec et rentré, il y a un repas plus copieux que les autres, à la fin duquel on chante la chanson de « La Lessive. »

— Voici la lessive faite,

Où la laverons-nous ?


bis.
C’est un plaisir, ma brunette,

C’est un plaisir que l’amour !


— Là-bas, dans ces vallées,

Que l’amour est aimée !


bis.
Le ruisseau coule partout,

C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !

— La lessive est lavée,

Que l’amour est aimée !


bis.
Où la sècherons-nous ?

C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !

— Là-bas, sur ces montagnes,

Le soleil raye partout.


bis.
C’est un plaisir, ma brunette,

C’est un plaisir que l’amour !

— La lessive est séchée,

Que l’amour est aimée !


bis.
Où la ramasserons-nous ?

C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !

— Dans les buffets, dans les coffres,

Dans les armoires estout,


bis.

C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !

(Chanté par Fine Daniel, de Bruz.)

Un jour, dans une ferme, je dis à une bonne femme :

— Vous avez là, sur le feu, une soupe qui sent très bon.

— Ah ! Monsieur, me répondit-elle, c’est cependant de la soupe des trois vertus.

— Comment ? de la soupe des trois vertus ?

— Mais oui, on l’appelle ainsi, parce qu’elle est si maigre et si claire, qu’elle trempe le pain, passe la soif et lave l’écuelle.

Autrefois, le jour de la Saint-Crespin, les ouvriers cordonniers organisaient une fête. Ils allaient d’abord à la messe, puis ensuite à un banquet par souscription.

Les ouvriers des autres corporations chantaient pour se moquer d’eux :

C’est à la Saint-Crespin,
Mon cousin,
Que les cordonniers se frisent,
Pour aller voir catin,
Qu’a fait dans sa chemise.

Ce couplet a bien souvent provoqué des disputes et des rixes.

Les paysans, par les plus grandes chaleurs de l’été, font merienne (lisez méridienne), en plein soleil couchés sur le ventre.

« Ça fait fondre la moelle des os, disent-ils, et c’est nécessaire pour la santé du corps. »

Quant à l’automne, les pauvres enfants de l’Auvergne viennent dans notre pays pour ramoner nos cheminées, les gens de la campagne exigent d’eux qu’ils apparaissent sur le toit de la maison, au haut du tuyau de la cheminée, pour chanter un couplet de chanson.

Ils ont ainsi la certitude que le petit garçon a complètement fait sa besogne.

Ne comprenant pas bien son charabia, ils traduisent ainsi ses paroles :

C’est Madam’ la cuisinière,
Qu’a peté dans sa chaudière,
Et qui a cassé ses plats.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !

J’ai de bonnes aiguilles,
C’est pour les belles filles,
Les laides n’en auront pas.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !

En passant par la cuisine,
Quelquefois j’embrasse Perrine,
Quelquefois je ne l’embrasse pas.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !


Tout le long du bois,
J’embrassis Jeannette,
Tout le long du bois,
J’l’embrassis trois fois.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !

Le bedeau de diverses petites communes du département a ordinairement pour tout traitement ce que les habitants lui donnent pour le carillon des baptêmes. Aussi se rend-il après les fêtes de la Toussaint ou en janvier dans chaque maison faire une quête.

Le bedeau de Bruz, lui, s’en va avec un sac sur le dos et on lui remet du froment, du blé noir, de l’orge, etc.

Dans une autre commune, le deuxième vicaire n’étant pas payé par l’État, ce sont les trésoriers de la fabrique qui vont, deux ensemble, à l’époque de Noël, faire une quête à domicile chez tous les habitants.

Presque tout le monde donne, et même offre à boire aux quêteurs qui, le soir, rentrent souvent chez eux dans un état complet d’ébriété.

Si nous quittons un instant les villages et les bourgades, nous verrons que la manière de vivre des citadins a bien changé depuis un demi-siècle.

Nos aïeux avaient, en effet, une existence toute différente de la nôtre.

Ils n’allaient point à Paramé ou à Dinard. Ils ne connaissaient pas le jeu des petits chevaux et ignoraient ce que c’était qu’un casino.

Tout bon petit bourgeois de la cité rennaise avait dans la campagne une ferme plus ou moins importante en raison du plus ou moins de fortune de son propriétaire, et, attenant à cette ferme, un petit manoir avec jardin, orangerie, vivier, etc.

J’aime à errer dans les chemins creux pour découvrir encore, cachés par des haies de buis, et des ifs bizarrement taillés, ces vieux nids d’autrefois que l’on appelait alors des retenues.

Comme la famille y passait toute la belle saison, c’est-à-dire depuis Pâques jusqu’à la Toussaint, et quelquefois même jusqu’à Noël, cette résidence d’été avait tout le confortable désirable. Elle était protégée par des douves larges et profondes, remplies d’eau, dont la terre avait servi à exhausser le jardin qui était lui-même entouré d’une énorme haie de buis ou d’épines ne permettant pas au passant d’en apercevoir l’intérieur.

Ce jardin, toujours très vaste, était l’objet de soins incessants. Il ne ressemblait en rien, lui non plus, aux jardins de notre époque. Les pelouses y étaient inconnues, mais en revanche les carrés, les losanges, les ovales s’étendaient à perte de vue, et chacun de ces dessins, aux formes variées, était entouré d’une bordure de petits buis qu’on taillait fréquemment.

Un cadran solaire avait sa place marquée au milieu de la grande allée centrale.

En plein midi, était une orangerie dans laquelle, à l’automne, on rentrait les orangers en caisses et diverses plantes craignant le froid.

En face, un pavillon servait d’abri les jours de pluie ou de vent.

Tout au bout du jardin, de grands arbres, chênes, ormeaux et tilleuls projetaient leur ombre sur une charmille dans laquelle le soleil ne pénétrait qu’en hiver et où l’on allait chercher la fraîcheur en été.

La journée presque tout entière se passait au jardin.

Les jeunes filles s’occupaient de travaux de couture ou de broderie ; les mères de famille tricotaient des bas ou des gilets de laine. Beaucoup d’entre elles filaient au rouet.

Le dimanche, après vêpres, on lisait le Musée des Familles, — le seul journal illustré de l’époque, — ou bien les lettres de Mme de Sévigné. Le surmenage intellectuel était inconnu et l’on ne craignait pas les méningites.

Le père, lui, avait sa bibliothèque dans un petit cabinet de travail, dont seul il avait la clef. La composition de cette bibliothèque dépendait de l’esprit du maître de la maison.

Les uns, — ceux que nous appelons aujourd’hui les gens bien pensants, — n’avaient que les œuvres de M. de Buffon ; les Études de la Nature, par Bernardin de Saint-Pierre ; les Œuvres de Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Fléchier. Et encore souvent, Télémaque était banni comme mauvais livre. On blâmait Fénelon de l’avoir écrit : le fils d’Ulysse aimait trop à flirter avec Calypso.

Chez d’autres, au contraire, — mais ceux-là c’étaient les révoltés, les parpaillots, — on apercevait l’Encyclopédie de Diderot, les ouvrages de M. de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau. Les femmes se signaient en passant devant la bibliothèque et craignaient de voir le feu du ciel tomber sur la maison.

Il y avait un livre qui, lui, traînait partout : on le rencontrait tout aussi bien à la cuisine qu’au salon, dans les chambres comme dans le jardin. C’était la Maison rustique, qui contenait des recettes pour la cuisine et pour la façon de faire la pâtisserie et les confitures, des remèdes pour toutes les maladies, et enfin des articles de pêche, de chasse, de jardinage, de botanique, en un mot tout ce qui peut intéresser la campagne.

Ces gros volumes, — rares aujourd’hui, — qui servaient aussi à exhausser les petits enfants lorsqu’on les mettait à table, étaient consultés toute la journée par tous les membres de la famille.

Il y avait, dans chacun de ces petits manoirs, une pharmacie qui permettait non seulement de se soigner, mais encore de secourir les indigents du voisinage qui tombaient malades. Les dames n’hésitaient jamais à les visiter, à les soigner et à leur porter ce qui manquait chez eux.

À l’automne, la cueillette des fruits était l’une des grandes préoccupations du ménage.

Chaque propriétaire ne plantait dans son jardin que des arbres irréprochables, et leurs fruits, d’une saveur exquise, étaient tous cueillis à la main et transportés délicatement dans le fruitier.

La confection des confitures était chose grave. C’était pour l’hiver le principal dessert et on le voulait succulent.

Lorsqu’on recevait des amis, la table était abondamment servie, les tanches du vivier, les canards et les poulets de la basse-cour étaient sacrifiés ; mais après cela la nourriture habituelle des hôtes du manoir était des plus simples et des plus frugales.

Lorsqu’une jeune fille était demandée en mariage, la noce n’avait lieu que six mois après les fiançailles.

Il fallait au moins cela pour permettre aux menuisiers, — qui venaient s’installer au domicile des parents, — de fabriquer sur mesure les meubles des jeunes époux.

On descendait des greniers des planches de chêne qui étaient à sécher depuis quinze ou vingt ans. Ce bois, d’une épaisseur extrême, était, en raison de sa vieillesse, dur comme de l’ébène. Des artistes le fouillaient, le travaillaient et fabriquaient ces splendides armoires, ces grands buffets et ces superbes bahuts qui font aujourd’hui l’admiration des amateurs.

Le plus grand luxe du ménage était le linge. Il fallait que les armoires en fussent remplies. Aussi tous les tisserands du voisinage travaillaient nuit et jour, tandis que les couturières taillaient et cousaient les chemises, les draps et les serviettes.

La fiancée, pour faire patienter son futur, ne jouait pas du piano et ne lui récitait pas de monologues ; mais elle chantait Fleur du Tage en s’accompagnant de l’épinette.


4o Croyances et superstitions


Le dimanche de la Chandeleur, dans toutes les églises, le prêtre bénit les cierges.

Les familles chrétiennes ne manquent jamais d’en faire bénir un qu’elles emportent dans leur demeure.

Ce cierge est allumé lorsqu’un malade est mis en extrême-onction.

Dans les campagnes, on allume aussi le cierge de la Chandeleur lorsqu’éclate un orage. Il doit éloigner la foudre de la maison dans laquelle il brûle.

Aux environs de Châteaubriant, une nuit qu’un orage vint à éclater, une fermière dit à son mari : « Lève-toi et allume le cierge de la Chandeleur. » À peine le paysan fut-il hors du lit que la foudre tomba sur la maison, traversa le lit et tua la femme sans qu’elle eût le temps de proférer un cri.

Le mari alluma son cierge et se recoucha sans soupçonner ce qui était arrivé. Ce ne fut que quelques instants après qu’il s’aperçut que sa femme était morte.

Le cierge de la Chandeleur avait sauvé l’homme.

Les feux de joie qu’on allume encore quelquefois la veille de la Saint-Jean, donnaient lieu, jadis à Dol, à une fête spéciale : à la fin des vêpres célébrées à la cathédrale, le chapitre se rendait processionnellement au bûcher et le grand chantre portant le bâton doré, insigne de sa charge, revêtu d’un surplis et d’une étole, allumait très solennellement le feu aux applaudissements de la foule.

Autrefois, sur les bords de la côte, aux environs de Cancale, on mettait un tison du dernier feu de la Saint-Jean, à tremper dans le bénitier accroché au fond du lit.

Ce tison était destiné à protéger de la foudre.

Tout le long de la côte bretonne, on aperçoit de petites chapelles, situées au sommet des falaises, et qui sont dédiées à Notre-Dame de la Garde. Elles sont remplies d’ex-voto naïfs.

L’on voit, après une tempête ou au retour d’un long voyage, des marins au teint hâlé, la tête découverte et les pieds nus, gravir les sentiers conduisant aux chapelles. Ils vont remercier la Vierge qui les a sauvés du naufrage.

Il existe dans le cimetière de Rennes une humble croix de bois, peinte en rouge, recouverte de nombreux petits sachets de toile. Ces sacs renferment de la terre prise sur la tombe d’une religieuse, Mlle de Coëtlogon, enterrée sous cette croix, et qui guérit toutes sortes de maux, et principalement la fièvre.

Le malade, après avoir rempli le sachet, le porte sur sa poitrine pendant neuf jours et le rapporte sur la tombe de la défunte.

Un fait analogue se passe à Boistrudan, sur la tombe de M. Leroux, ancien curé de cette paroisse, tué dans le cimetière en 1792.

À Vitré, les malades atteints de la fièvre vont prier sur la tombe de M. de la Gueretterie, ancien curé de Saint-Martin. Ils allument de petites lampes qu’ils entretiennent pendant neuf jours et neuf nuits.

Au milieu des ténèbres, on aperçoit, dans le cimetière, jusqu’à sept et huit lumières sur le tombeau du prêtre.

Autrefois dans les paroisses du canton de Saint-Malo, le dimanche des Rameaux, les paysans en sortant de la messe allaient planter au milieu de leurs champs, la branche de laurier bénit, après en avoir détaché quelques feuilles, destinées à leur bénitier. Cet usage est tombé en désuétude.

Jadis, on ne menait aux champs, pour la première fois, les petits agneaux nés au printemps, que le vendredi saint.

On croyait autrefois dans la commune d’Argentré, et beaucoup de paysans le croient encore, que les animaux de ferme s’agenouillent la nuit de Noël, dans les étables à l’heure de minuit.

Quand on charrue le vendredi saint, on fait saigner la terre toute l’année.

(Vitré.)

Dans presque tout le département, on plante les pépins de citrouilles le vendredi saint. Ainsi semées sans bruit, c’est-à-dire en l’absence des cloches de l’église, elles doivent devenir très grosses.

À Bruz, on ne les sème que le samedi saint au moment de la messe, où les cloches reviennent, au Gloria.

Beaucoup de paysans sont encore persuadés qu’en pendant à une poutre de la pièce qu’ils habitent une sardine grillée le vendredi saint, ils ne seront pas incommodés l’été par les mouches.

Ils croient également qu’en répandant du bouillon de soupe, toujours le vendredi saint, dans les mares qui avoisinent leurs demeures, ils n’entendront pas coasser les grenouilles dans la belle saison.

Les charbons provenant de la bûche de Noël une fois éteints et mis sous un lit préservent du tonnerre.

Il ne faut pas battre (cueillir) ses noix le vendredi qui précède l’Assomption, car en le faisant ce jour-là, les noyers ne donneraient pas de fruits pendant plusieurs années.

(Le Pertre.)

On ne boulange pas le vendredi bénit (vendredi saint), parce que toute l’année le pain moisirait.

On ne doit pas semer le lin pendant la semaine sainte, ou bien la graine sera mangée par les puces.

Il ne faut pas faire non plus la lessive pendant cette semaine, ou bien dans l’année il mourrait quelqu’un de la famille.

Et pourtant c’est pendant la semaine sainte qu’on nettoie toutes les maisons, on les blanchit à la chaux intérieurement, extérieurement et on lave les carreaux des fenêtres.

Le samedi saint le prêtre bénit dans les églises l’eau qui doit être versée toute l’année dans les bénitiers.

Cette eau est ordinairement dans un grand bassin de cuivre placé au milieu de l’église.

À Bain, les bonnes femmes de la campagne attendent avec impatience que la cérémonie soit terminée pour aller remplir les petites bouteilles de verre qu’elles ont dans leurs pochettes.

Quand tout est fini, elles se précipitent, se poussent, se bousculent, se battent même pour arriver les premières, persuadées que celles-ci prenant la crème, seront plus favorisées que les autres, c’est-à-dire que leurs vaches auront un lait qui ne tarira pas et sera plus abondant que celui des vaches des autres femmes qui seront arrivées les dernières.

En rentrant chez elles, elles aspergent leurs troupeaux d’eau bénite.

On ne doit pas entamer le pain sans faire préalablement, sur le dessus, le simulacre d’une croix avec le couteau.

De même lorsque les ménagères cuisent de la galette, elles font, avec la tournette, le simulacre d’une croix sur la première galette.

Dans plusieurs églises du diocèse, notamment à Saint-Sauveur de Rennes et à Saint-Sulpice-de-Fougères, ainsi que le constatent les comptes des trésoriers de cette époque, le jour de la Pentecôte, aux xve et au xvie siècles, on faisait descendre de la voûte du sanctuaire un pigeon sur l’autel, pendant l’office, pour rappeler la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres.

Sainte Anne, comme on le sait, apprit à lire à la sainte Vierge.

À Vitré, on conduit les petits enfants des écoles en pèlerinage à la chapelle de sainte Anne, en Sainte-Croix, pour les bien disposer à l’étude.

Cette chapelle est ordinairement fermée et parents et enfants prient sur les marches de la porte.

Ils déposent avant de s’en aller, une offrande dans une espèce de conduit extérieur qui communique à un tronc placé dans la chapelle.

Dans les campagnes de l’arrondissement de Redon, on croit que le prêtre appelé trop tard pour administrer le saint Viatique à un malade qui vient de mourir est, en s’en retournant, accablé par le poids de l’hostie qu’il lui faut reporter à l’église.

Cette hostie, si légère en venant, a atteint un poids excessif par le fait de n’avoir pu être administrée au moribond.

À Bruz, pour ne pas avoir à rapporter l’hostie du fond de la campagne, le clergé recommande à l’avance à quelqu’un de la ferme où se trouve le malade de rester à jeun, pour pouvoir être confessé et communié à la place du défunt.

Lorsqu’on a perdu un objet quelconque il faut, pour le retrouver, invoquer saint Antoine de Padoue, dire un Pater et un Ave, puis ajouter :

Saint Antoine de Padoue,
Débouchez tous les petits trous
Pour que je retrouve ce que j’ai perdu.
(Désigner l’objet.)

Ou bien encore :

Saint Antoine de Padoue, ami de Jésus.
Faites-moi retrouver l’objet que j’ai perdu.

Dans les chapelles où se trouve sa statue on dépose sur l’autel des pieds de cochons. Le propriétaire ou le fermier de la chapelle font leur ronde chaque jour et s’emparent des offrandes.

Depuis peu, sur la demande des habitants de la paroisse de Bruz, on a élevé dans l’église une statue de saint Antoine près de la porte de la sacristie.

Quand on vient à se brûler, il faut immédiatement invoquer saint Laurent, en lui disant : Saint Laurent, je me brûle.

La brûlure doit se guérir sans trop de souffrance.

Une bonne femme, appelée la mère Cohan, qui demeurait au Gué-du-Fond, dans la commune de Chavagne, guérissait les brûlures et d’autres maladies en disant des prières à rebours et en faisant le signe de la croix de la même façon.

Le curé de Bruz défendait à ses paroissiens d’aller consulter cette sorcière et refusait, à confesse, l’absolution aux personnes qui y allaient malgré sa défense.

À propos de prières à rebours, on raconte qu’un samedi un homme qui revenait tard de sa journée vit dans un pâtis, à la Croix-Madame, en Bruz, des sorciers qui dansaient.

Il fit le signe de croix à rebours et, au même instant, tous les danseurs restèrent dans la position où ils se trouvaient sans pouvoir bouger.

Le journalier continua son chemin, et en arrivant chez lui dit à sa femme : « Faudra me réveiller demain matin de bonne heure. »

La femme oublia la recommandation, et quand son homme se réveilla, il faisait grand jour.

Il se rendit aussitôt à la Croix-Madame où, les sorciers étaient toujours dans la même position que la veille. Il reconnut des gars de Chavagne, des filles de Bruz et d’autres jeunesses de toutes les communes environnantes.

Il fit le signe de la croix comme il doit se faire, et tout le monde se sauva.

On fait quelquefois dire une messe pour la guérison d’un épileptique, mais il faut que l’argent qui paie cette messe soit de l’argent mendié. Aussi voit-on des personnes, dans une grande aisance, mendier ou faire mendier dans cette intention.

D’autres personnes vont pieds nus tendre la main, afin de réaliser une certaine somme pour effectuer pédestrement un pèlerinage promis à Sainte-Anne-d’Auray, et même jusqu’à Lourdes.

Certains maires délivrent des certificats attestant la promesse du pèlerinage, afin qu’on n’arrête pas leurs administrés comme mendiants de profession.

Près de la petite ville de Bain, depuis que l’édifice religieux qui se trouvait à l’endroit où est aujourd’hui le village de la Chapelle a été détruit, et que la statue de sainte Émerance a été exposée sur le bord de la route de Châteaubriant, il n’est plus possible au fermier de faire de levain pour la fabrication de son pain. Il est obligé de l’aller chercher ailleurs.

La Fontaine de Saint-Fiacre

Autrefois, les fontaines dans nos campagnes bretonnes étaient dédiées à des saints et leur eau guérissait toutes sortes de maladies.

Nos pères avaient une très grande vénération pour les sources miraculeuses et croyaient fermement à leur efficacité.

Il n’y a pas très longtemps encore que le clergé, pendant les grandes sécheresses de l’été, se rendait processionnellement à ces fontaines dans le but d’obtenir une pluie bienfaisante pour les biens de la terre.

Le clergé de Mauron allait à la fontaine de Baranton, sur la lisière de la forêt de Paimpont.

Celui de Saint-Brieuc-des-Iffs, dans le canton de Bécherel, se rendait à la fontaine de Saint-Fiacre, dans la commune des Iffs, et trempait le pied de la croix jusqu’au tiers dans l’eau de la fontaine. La pluie ne tardait pas à tomber.

Cette fontaine de Saint-Fiacre est encore en renom. Son eau, ainsi que nous l’avons dit au commencement de notre ouvrage, guérit les coliques des petits enfants, aussi y vient-on de très loin en pèlerinage.

Voici comment on raconte dans le pays l’origine de cette source :

Au temps jadis un cultivateur, propriétaire d’un doué, dans une prairie appelée le Pré du Gué, y avait mis du lin à rouir, mais n’avait pas pris la précaution de mettre des pierres dessus pour le faire tremper dans l’eau, de sorte que le lin nageait à la surface de la mare.

Saint Fiacre qui passait par là, eut pitié du pauvre homme qui laissait ainsi sa récolte perdre sous les chauds rayons du soleil, et ne trouvant pas de grosses pierres à la portée de sa main, il s’assit sur le lin pour le faire rouir.

Le cultivateur vint à son tour se promener dans le Pré du Gué et vit le saint qui, pour lui rendre service, avait depuis plusieurs jours la moitié du corps dans l’eau et tremblait la fièvre. Il le chargea sur son dos, afin de le reporter à son ermitage.

En passant à l’endroit où est aujourd’hui la fontaine miraculeuse, le bonhomme qui portait saint Fiacre ayant soif, s’écria ! « O ciel ! comme je boirais bien un coup ! » Le saint lui fit signe de s’arrêter et de le mettre à terre. Puis, de sa bêche qu’il portait avec lui pour arracher les racines des plantes qui lui servaient de nourriture, il frappa le sol et aussitôt une source jaillit à la grande joie du paysan qui put ainsi se désaltérer.

Plus tard, la source continuant de jaillir, on creusa une fontaine qui prit le nom du saint. Presque tous les champs qui l’entourent s’appellent encore aujourd’hui les champs de St-Fiacre.

Une antique statue de ce saint, tenant une bêche à la main, est dans l’église des Iffs. Autrefois, le jour de la fête de saint Fiacre, comme beaucoup de pèlerins se rendaient à la fontaine, on mettait près d’elle, sur une table, la statue qui portait une escarcelle dans laquelle les aumônes étaient déposées.

Un jour que trois gars allaient faire un viage (lisez voyage ou pèlerinage) à Saint-Eugène, ils passèrent près de l’église des Iffs. L’un d’eux dit : « Si nous entrions dans cette église réciter une prière à saint Fiacre ?

— C’est inutile, répondit en riant l’un des deux autres, nous n’avons pas la colique. »

Le malheureux n’eut pas plutôt prononcé ces paroles imprudentes, qu’il fut pris de douleurs de ventre épouvantables, qui ne cessèrent que lorsqu’il eut promis une neuvaine à saint Fiacre.

La chapelle de Saint-Peer, au milieu des bois, dans la commune de la Bouëxière, a été de tout temps et est encore à l’heure actuelle un but de pèlerinages, les uns pour obtenir un temps favorable aux biens de la terre, les autres pour obtenir la guérison de la fièvre intermittente, des douleurs rhumatismales et de la goutte. Aussi voit-on de nombreux sentiers au plus épais des bois, aboutissant tous à l’oratoire.

Pendant les excessives chaleurs de l’été de 1893, les habitants des paroisses environnantes, au nombre de sept à huit cents, venaient à pied, conduits par leurs prêtres, croix et bannières en tête, invoquer saint Peer pour avoir de la pluie.

Peer était le fils d’un seigneur de Vitré qui, pendant la seconde moitié du xve siècle, dit adieu aux plaisirs du monde et se retira dans l’abbaye de Rallion, paroisse de la Bouëxière, où il se fit remarquer par sa piété et son austérité.

Un jour qu’il était en oraison, il eut une vision qui le décida à quitter l’abbaye afin de vivre seul et de passer le reste de ses jours uniquement en prières.

Il se rendit à quatre lieues de là, au pied d’un monticule alors désert, et aujourd’hui occupé par le village de la Butte-aux-Sangliers, non loin de l’étang des Forges dans la partie de la forêt de Chevré qui porte maintenant le nom de Bois-de-Saint-Peer, et qui est situé sur le territoire de la Bouëxière.

Peer construisit un petit ermitage avec un oratoire et entoura le tout de fossés qui existent encore çà et là ; il ne vécut que de légumes qu’il cultivait lui-même, et passa ses jours et ses nuits en prières.

À sa mort, l’ermite fut enterré dans son oratoire, et l’on assure que son tombeau y est encore présentement. Quant à sa demeure, elle a disparu.

D’après la tradition, la statue de ce saint a été volée plusieurs fois ; mais elle est toujours revenue d’elle-même reprendre sa place habituelle. En voici un exemple : Au siècle dernier, des voleurs s’introduisirent dans la chapelle de Saint-Peer et la dévalisèrent complètement. Ils avaient emporté jusqu’à la statue du saint qui, bien qu’étant en bois, pesait tellement qu’on aurait juré qu’elle était de plomb.

Encombrés par cette statue et surtout gênés par sa pesanteur, les voleurs résolurent de s’en défaire : se trouvant près de l’étang des Forges, ils la précipitèrent dans l’eau ; mais dès le lendemain matin, la statue de saint Peer avait repris sa place dans la chapelle.

Une autre fois, un cultivateur étant à labourer son champ, voisin de la chapelle, s’aperçut que sa charrue était mal équilibrée, et ne trouvant rien à sa convenance pour y remédier, il n’hésita pas à entrer dans la chapelle et à s’emparer de saint Peer dont il fit une cale.

La charrue ne marchant pas encore à son gré, le laboureur se mit en colère et, d’un coup de pied, brisa la statue qu’il jeta ensuite dans un fossé.

Le saint fut retrouvé le lendemain dans la chapelle ne portant aucune trace des mutilations dont il avait été l’objet de la part du paysan. Celui-ci mourut subitement quelques mois plus tard et le champ, dans lequel la statue avait été brisée, cessa de produire des récoltes et ressemble aujourd’hui à une lande aride.

À Rennes, dans les grandes sécheresses, les reliques de saint Amand, qui se trouvent dans la cathédrale, sont promenées processionnellement par les rues de la ville pour avoir de la pluie. Elles sont portées par les séminaristes et la procession est dirigée par les chanoines du chapitre.

À la Touche-Saint-Amand, village de la paroisse de Montreuil-le-Gast, se trouve une fontaine dite de Saint-Amand. On s’y rend processionnellement pendant la sécheresse, pour obtenir de la pluie.

D’après une tradition locale, il existait jadis à Clayes (arrondissement de Montfort), dans ce que l’on nomme aujourd’hui le Vieux Cimetière, un oratoire dédié à Messire Yves de Kaumartin, et tout à côté une fontaine portant le même nom. On ajoute même que jusqu’à la fin du siècle dernier on y allait en procession chaque fois que les récoltes étaient compromises par la sécheresse, et l’on était assuré que la pluie tomberait dès le lendemain.

Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un souvenir : le sanctuaire a disparu, et si la fontaine existe encore, elle ne semble pas inspirer la même confiance. Le clergé ne s’y rend plus et les pèlerins eux-mêmes semblent la délaisser.

Non loin de l’église paroissiale de Saint-Séglin se trouve la fontaine de Sainte-Julitte, ornée naguère de la statue de cette bienheureuse. Une croix remplace aujourd’hui cette statue disparue.

Depuis un temps immémorial l’on vient à cette croix et à cette fontaine demander un temps favorable aux biens de la terre, et on trempe dans l’eau, à plusieurs reprises, le pied de la croix de l’église qui précède la procession.

On va en pèlerinage à Notre-Dame-du-Roc, à Montautour, pour obtenir un temps favorable aux récoltes.

Dans la commune de Pléchâtel on découvre sur la lande de Bagaron, au bord d’un ruisseau, les ruines de la chapelle de Saint-Melaine, curieuse par sa fontaine qui coule dans la muraille du chevet, au-dessous même de l’ancien autel.

Les paysans de la contrée vont en pèlerinage à Saint-Melaine pour avoir de la pluie. Ils y portent comme offrande des pieds de cochon, et l’un des pèlerins asperge, avec l’eau de la fontaine, un morceau de bois, dernier débris du saint, en disant :

 « Saint Melaine, mon bon saint Melaine,
Arrose-nous comme je t’arrose. »

Les habitants de la commune de Saint-Malo-de-Phily, atteints de la fièvre, vont, pour se guérir, porter de petits balais dans une vieille chapelle en ruine appelée la Renardière.

Aujourd’hui encore, on montre dans le bourg de Comblessac la maison élevée à la place de celle où naquit saint Convoyon et une fontaine portant le nom de ce bienheureux.

Les habitants attribuent un pouvoir miraculeux à l’eau de cette fontaine, notamment en temps d’épidémie.

Vers le milieu de ce siècle on a élevé, près de cette source, une statue en l’honneur de saint Convoyon.

Non loin de l’église de Paimpont est une fontaine appelée fontaine de Notre-Dame-des-Chesnes. On y va se laver le corps, parce que les eaux de cette source ont la puissance, paraît-il, de guérir de nombreuses maladies.

Dans le cimetière de Laignelet se voit encore la tombe de la Sœur de la Nativité, Jeanne Royer, décédée le 15 août 1798, âgée de 67 ans. On va beaucoup prier sur cette tombe pour obtenir la guérison de toutes sortes de maladies et notamment de la fièvre intermittente.

L’église de Bléruais renferme la statue de saint Amateur, qui est l’objet, chaque année, le 15 août, de nombreux pèlerinages pour la guérison des douleurs rhumatismales.

Au village de la Cabochais, dans la commune de Chevaigné, est une fontaine sous l’invocation de saint Morand (saint Maron, disent les paysans). Ses eaux guérissent de la fièvre ; mais on doit s’y rendre à jeun et sans parler.

Il n’y a pas plus de trente ans, on y jetait encore de la menue monnaie, des liards et des centimes.

Aujourd’hui, — car c’est toujours un lieu de pèlerinage pour les fiévreux, — on y a mis un tronc pour recevoir les offrandes.

Dans la commune de Plélan, se trouve la fontaine de Saint-Fiacre, où, tous les ans, les gens du pays se rendent en procession dans le but d’être préservés de la dysenterie.

L’eau d’une fontaine, à Gaël, guérit de la rage. Dans la même commune on va en pèlerinage à la chapelle du Louya, pour la guérison de la fièvre.

La fontaine Saint-Genou, près de l’église de Monterfil, est visitée par des milliers de pèlerins, notamment le 20 juin, jour de la fête patronale.

Les eaux de cette fontaine ont le pouvoir de faire disparaître les courbatures, la goutte et les douleurs rhumatismales.

Une fontaine de la commune de Saint-Uniac, avec bassin et canal en granit, est appelée dans le pays, la fontaine aux Galeux. Son eau, paraît-il, a le privilège de guérir de la gale.

Près de l’abbaye de Saint-Méen, est une fontaine miraculeuse que le bourdon de saint Méen fit jaillir du sol pendant la construction de cet édifice. Son eau guérit certaines maladies cutanées.

On rencontre au village de la Villée, commune de Quédillac, une petite fontaine coulant extérieurement de la vieille muraille de la chapelle de Notre-Dame-de la-Villée. L’eau de cette source a la réputation de guérir du mal Saint-Méen. (L’épilepsie.)

Non loin de l’église paroissiale de Talensac est la fontaine de Saint-Lunaire, fréquentée par les malades menacés de cécité, qui viennent s’y laver les yeux.

On aperçoit sur le versant d’un côteau, à l’endroit appelé le Tertre, dans la commune de Saint-Symphorien, une fontaine désignée autrefois sous le nom de fontaine de l’Écuellée parce que sa forme rustique rappelait celle d’une écuelle.

Ce n’était alors qu’un simple trou, abrité par des arbres et surmonté d’une petite statue de la Vierge.

Un jour, une dame atteinte d’ophtalmie, passa près de cette fontaine, s’agenouilla devant la Vierge, se lava les yeux dans l’eau de la source et fit vœu, si elle guérissait, d’y faire élever une chapelle.

Bientôt la dame en question cessa de souffrir, ses yeux redevinrent aussi clairs que l’eau de la fontaine, et elle songea à son vœu.

Le tertre débarrassé des ronces et des épines fut transformé en jardin, la fontaine fut agrandie, une baignoire y a été placée, mais la chapelle, pour des causes diverses, n’a pas encore été construite.

On voit à la sortie du bourg de Loutehel, une fontaine vénérée dans le pays et ornée d’une statue de saint Armel. Les habitants de la commune assurent qu’il s’agit de leur fontaine dans le paragraphe suivant de la Vie de saint Armel.

« Saint Armel passant par un village où il ne se trouvait point d’eau, enfonça son bâton en terre et, après avoir fait oraison le retira, et incontinent il parut en ce lieu une source de bonne eau, laquelle n’a depuis cessé de couler et s’appelle la fontaine de Saint-Armel. »

À Saint-Armel même, canton de Châteaugiron, du 16 août, jour de la fête paroissiale, jusqu’au 8 septembre, de nombreux pèlerins vont à la fontaine de saint Armel, située près du bourg, pour y boire de l’eau et même en faire couler le long de leur manche, afin de se guérir des maladies dont ils sont atteints.

Non loin de l’église paroissiale de Bovel, à l’entrée du taillis nommé le bois d’Anast, se trouve la fontaine de Notre-Dame-de-Bovel. D’après la tradition locale, cette source jaillit tout à coup près de l’endroit où fut trouvée une vieille statue de la sainte Vierge. Les bœufs attelés au chariot destiné à transporter la statue à l’église, s’arrêtèrent, refusant d’aller plus loin, pour bien faire comprendre que c’était là, et non ailleurs que devait être vénérée la Vierge.

Le jour de la Nativité de Marie, le concours des pèlerins est considérable. On peut les voir se rendre respectueusement à cette fontaine, y puiser et y boire de l’eau, puis y jeter une pièce de monnaie.

Le lendemain, on vide la fontaine pour recueillir les offrandes.

Il existe dans la commune d’Iffendic une dalle en pierre qui semble être un monument mégalithique. Elle a une excavation qui, dit-on, est l’empreinte de l’un des pieds de saint Martin. Pour cette raison, elle est appelée le Pas de Saint-Martin.

On s’y rend pour la guérison de la fièvre et on dépose dans l’excavation des sous et des petites croix de bois.

Sous l’église de Châtillon-sur-Seiche, près Rennes, est une crypte très ancienne dans laquelle on voit la chaîne de saint Léonard scellée au mur.

Trois assemblées ont lieu, chaque été, autour de l’église de Châtillon. On y va de très loin, et quelquefois pieds nus, pour la guérison des douleurs de reins et des rhumatismes. Les pèlerins frottent la partie malade de leur corps à la chaîne de saint Léonard.

On rencontre sur une lande, dans la commune d’Andouillé-Neuville, un tombeau élevé à la mémoire de saint Lénard qui est l’objet de la légende suivante :

Lunaire, ou plus communément Lénard, était, dit-on, un vagabond, un bandit de la pire espèce, ne vivant que de vols, de pillages, tuant par plaisir et étant la terreur de la contrée.

Les rouliers n’osaient s’aventurer sur la grande lande située entre Sens et Andouillé, que lorsqu’ils étaient assez nombreux pour tenir tête au brigand, qui ne quittait pas ces parages.

Un jour, Lénard n’ayant aucun passant à détrousser, avisa un arbre et cueillit un de ses fruits. C’était une poire sauvage, appelée dans le pays poire d’étranglard, tellement âcre que Lénard, après l’avoir goûtée, la jeta vivement loin de lui.

Le hasard voulut qu’elle tombât sur un petit arbuste où, quelques mois plus tard, le voleur, en passant par le même endroit, la retrouva. Par curiosité, il la prit et, charmé de la belle couleur qu’elle avait revêtue, la porta à ses lèvres.

Ô surprise ! la poire amère qu’il avait dédaignée, était devenue d’une saveur exquise.

Frappé de ce fait qui, pour lui, tenait du prodige, Lénard devint pensif. Sa vie lui apparut alors dans toute sa réalité. Il eut honte de sa conduite et, pris d’un repentir soudain, il s’écria : « Tout s’amende ici-bas ; il n’y a que moi qui suis de plus en plus criminel. Eh bien ! je changerai, je deviendrai meilleur et Lénard le bandit sera désormais Lénard l’honnête homme. » Il en était là de ses réflexions, lorsqu’il entendit les cris d’un roulier, essayant de retirer son attelage d’une des nombreuses ornières qui remplissaient le chemin.

Lénard, voulant mettre ses projets à exécution, vole au secours du charretier qui, trompé par la mauvaise réputation du bandit et croyant avoir à défendre sa vie, court sur le brigand et l’assomme d’un coup de garrot.

Avant d’expirer, Lénard fit part au roulier de l’intention qu’il avait eue de réformer sa vie ; dès lors la pitié populaire en fit un saint.

Il y a trente ans environ qu’on lui a élevé le tombeau qu’on aperçoit aujourd’hui sur la lande où eurent lieu ses crimes et sa conversion.

Lors de l’érection du tombeau, le curé d’Andouillé cria au sacrilège et le fit démolir ; mais il a été réédifié par les soins des habitants, qui y voient une source de profit pour le pays.

Le vendredi saint, ce monument situé à cinquante mètres de la route de Rennes à Pontorson, est le but d’un pèlerinage. On invoque saint Lénard pour la guérison des douleurs rhumatismales.

La commune de Saint-Didier porte le nom d’un évêque de Rennes au viie siècle. L’emplacement de son oratoire se voit encore au milieu des bois, et l’on s’y rend chaque année (chapelle de Notre-Dame-de-la-Pénière) pour obtenir la guérison de la fièvre.

À la place qu’occupait jadis la redoutable forteresse des barons de Châteaubriant, dans la forêt de Teillay, où séjourna Gilles de Bretagne, et qui servit de refuge à l’infortunée duchesse Constance de Bretagne poursuivie par les Anglais, s’élève aujourd’hui une petite chapelle dédiée à saint Eustache.

Aux fêtes de Saint-Jean et de la Pentecôte de nombreux pèlerins s’y rendent pour la guérison de toutes sortes de maladies, de là le dicton :

 « Saint Eustache,
Qui de tous maux détache. »

Lorsqu’on suit l’ancienne route de Tremblay à Bazouges la-Pérouse, on arrive sur une lande aride et inculte de laquelle on aperçoit, à droite, l’embouchure du Couesnon et le Mont-Saint-Michel en entier, puis à gauche, dans le lointain, Sens et son joli clocher.

À une lieue de là, est une côte rapide qui dévale jusqu’au vieux château du Pontavice sur le bord du Couesnon. En descendant cette côte, on rencontre une petite chapelle dédiée à saint Aubin, et qui est dans le pays l’objet de la légende suivante :

Au temps jadis, une fille de Mézaubin ayant trouvé la statue du saint dans une grande épine blanche, l’emporta chez elle. Le lendemain matin, grande fut sa surprise de ne plus la retrouver à la place où elle l’avait mise la veille.

Repassant plus tard dans le champ de Saint-Aubin, elle fut encore plus étonnée d’apercevoir la statue dans les branches de l’arbre.

La pieuse fille vit là un avertissement du ciel et dépensa tout ce qu’elle possédait pour construire la petite chapelle que l’on voit encore aujourd’hui.

On raconte aussi qu’un garçon de ferme du village du Pontavice, étant un jour à herser du guéret dans le champ de la statue, s’empara de celle-ci et la plaça sur sa herse qu’il trouvait trop légère pour écraser les mottes de terre.

La chaleur était excessive, et le vent chassait la poussière du champ. Le paysan facétieux dit au saint : « Ferme les yeux, Aubin, la poussière t’aveugle. »

Il n’eut pas plutôt prononcé ces paroles irrévérencieuses qu’il sentit une vive douleur aux yeux. Bientôt il cessa de voir et mourut quelque temps après dans d’atroces souffrances.

On va de nos jours en pèlerinage à Saint-Aubin pour la guérison des fièvres intermittentes causées dans ce pays par les nombreux marais qui s’y trouvent.

Sur la lisière de la forêt de Paimpont est une petite commune du Morbihan appelée Tréhorenteuc. J’ai vu dans l’église de ce village une énorme statue de bois, grossièrement faite, qui représente sainte Onenna, fille du roi breton Hoël III, couchée sur le dos, atteinte d’hydropisie.

Les personnes affectées de cette maladie, — qu’on appelle l’enfle dans le pays, — viennent de très loin en pèlerinage à Sainte-Onenna.




Tome 2[modifier]


CHAPITRE IV
(Suite)


4o Croyances et superstitions


Les Chapelles de Champeaux


Lorsqu’on va de Champeaux au château d’Espinay, qui n’est qu’à un kilomètre du bourg, on longe une vallée encaissée entre deux coteaux. Sur chacun de ces deux coteaux se dressent en face l’une de l’autre deux petites chapelles dédiées l’une à saint Job et l’autre à saint Abraham. Elles sont dans le pays, elles aussi, l’objet d’une légende :

En 1512, Guy d’Espinay, en guerre avec un de ses voisins, fut un jour poursuivi de si près qu’il se vit sur le point d’être fait prisonnier. Cerné de tous côtés, il ne lui restait plus qu’à franchir l’immense espace compris entre les deux collines. Invoquant saint Abraham et saint Job, il fit vœu de leur élever à chacun une chapelle, s’il échappait à son ennemi. Aussitôt, éperonnant son cheval, il le fit s’élancer du haut du rocher de Saint-Job sur le coteau voisin. Les chapelles indiquent la distance du saut accompli par le coursier de Guy d’Espinay.

On ajoute que les deux maçons chargés de la construction de ces petits oratoires n’avaient qu’un marteau et qu’une truelle, qu’ils se lançaient de l’un à l’autre quand ils en avaient besoin.

Un jour, à la ferme appelée la Cônais, dans la commune des Iffs, des fermiers qui déménageaient trouvèrent dans une fenêtre les débris d’une vieille sainte Vierge.

Pour s’en débarrasser, ils la jetèrent parmi les objets inutiles qu’ils poussèrent du pied dans le feu de la cheminée.

Aussitôt une pendule qui ne marchait pas depuis plus de dix ans se mit à sonner sans qu’on pût l’arrêter. Elle sonna ainsi depuis quatre heures de l’après-midi jusqu’à quatre heures le lendemain matin. Le fermier eut beau coucher la pendule par terre, la tourner en tous sens, il ne parvint pas à l’empêcher de sonner.

Cette chose parut tellement étrange à tous les habitants de la ferme, qu’ils cherchèrent dans les cendres du foyer les débris de la Vierge pour les replacer dans la fenêtre où ils les avaient pris. Ce ne fut que lorsqu’on eut trouvé le dernier morceau, à quatre heures du matin, que la pendule cessa de sonner.

La commune de Saint-Médard-sur-Ille, dans le canton de Saint-Aubin-d’Aubigné, a son champ du miracle. Ce champ se trouve sur le bord de la route de Saint-Aubin à Aubigné. Une croix de bois l’indique d’ailleurs au passant.

Pendant la tourmente révolutionnaire, un prêtre portant le Viatique à un malade reçut une balle en pleine poitrine et tomba la face contre terre. Bien que plus d’un siècle se soit écoulé, on voit, toujours sur le sol l’empreinte d’une partie de son corps : les pieds, les genoux et la tête. Un peu plus loin est également marquée la place où le Saint-Ciboire, fut projeté. Jamais l’herbe n’a poussé aux endroits que nous venons d’indiquer et que les habitants de Saint-Médard font voir aux étrangers.

Dans la commune de Saint-Gondran, sur le bord de la route de Langan à Hédé, est un champ dans lequel la fougère ne pousse plus. Voici pourquoi :

Un cultivateur envoya un dimanche, et cela malgré elle, sa servante couper de la fougère, pour faire de la litière aux bestiaux, dans les fossés d’un champ dépendant de la ferme.

Ces fossés qui, le samedi, étaient remplis de fougères n’en possédaient plus le dimanche.

La servante revint chez son maître lui apprendre la nouvelle. — Ce n’est pas possible, s’écria-t-il, je vais y aller moi-même.

Il s’y rendit, en effet, et ne put que constater la véracité du fait.

Jamais depuis lors un seul brin de fougère n’a poussé dans ce champ.

La Tombe à la Fille

En quittant le bourg de Teillay et en pénétrant dans la forêt de ce nom, par la route aux Lièvres, on rencontre à l’extrémité de cette route, presque sur le bord de la grande ligne, une tombe recouverte de plus d’une centaine de croix. Le tronc du chêne qui l’abrite de ses rameaux est lui-même orné de fleurs, de couronnes, de reliquaires attachés là par les pèlerins qui viennent sur la Tombe à la fille, — c’est le nom qu’on lui donne, — demander à la pauvre victime, qui repose sous la mousse des bois, la guérison de leurs maux.

C’est là que fut enterrée, en 1793, Marie Martin. Bien que l’Église ne l’ait pas canonisée, elle est considérée comme une sainte martyre par les habitants de la contrée, qui racontent ainsi son histoire :

À l’époque de la Terreur, des bandits qui se faisaient passer pour des chouans, commettaient dans nos campagnes des crimes abominables. M. Rocher, directeur des forges de Moisdon, fut tué par eux d’une façon barbare : Ils le mutilèrent, lui coupèrent le nez, la langue, et le laissèrent expirer au bout de son sang.

En apprenant ce meurtre, Marie Martin ne put retenir un cri d’indignation. Elle fut entendue, dénoncée et bientôt enlevée de chez son oncle, avec lequel elle demeurait, et conduite dans la forêt de Teillay.

Là, les misérables la violèrent, l’attachèrent à un arbre, lui arrachèrent les yeux, lui coupèrent les seins. La mort ne mit fin à ses tortures qu’au bout de trois jours.

Des bûcherons enterrèrent ce pauvre petit corps ainsi déchiré.

Depuis ce jour des miracles nombreux ont été et sont toujours la récompense des prières faites sur la Tombe à la fille. Les fièvres disparaissent comme par enchantement, les paralytiques y laissent leurs béquilles, les femmes stériles deviennent fécondes, les enfants chétifs recouvrent des forces, et ceux qui ne marchent pas encore ne tardent pas à trotter comme des lapins. Les couronnes appendues aux branches, les offrandes déposées au pied du chêne prouvent la reconnaissance et la confiance des affligés envers la victime des brigands.

Près des ruines de l’ancien château de la Thébaudaye, non loin du bourg de Saint-Ganton, existait autrefois une antique chapelle sous l’invocation de saint Mathelin. Ce saint a le pouvoir, paraît-il, de guérir les animaux malades, et les paysans y allaient prier pour leurs bestiaux.

Deux cultivateurs du bourg de Saint-Just s’y rendirent pour demander au saint d’exaucer leurs vœux. L’un d’eux avait une vache qui avait été condamnée par le sorcier, et le bonhomme désolé, s’écria devant son compagnon :

— Ô mon bon saint Mathelin, si tu guéris ma vache, je te donnerai une moche de beurre aussi grosse que la bête.

— Que dis-tu là ? dit l’autre paysan, tu ne pourras jamais accomplir ta promesse.

Tais-ta donc, tais-ta donc, répondit tout bas l’homme à la vache, on peut toujours promettre et ne pas tenir.

Mais il ne fait pas bon, paraît-il, ruser avec les saints, car la vache mourut le soir même.

Il n’y a pas vingt ans, on voyait dans l’ancienne église de Bédée, un saint Antoine entouré de fers à cheval. Intrigué par ce singulier décor, je demandai à une bonne femme ce que cela signifiait. Elle me répondit :

« Les cultivateurs des environs viennent prier saint Antoine de guérir leurs animaux malades et apportent comme offrande, pour un cheval un fer, pour une vache une moche de beurre, pour une brebis de la laine.

» Les pèlerins promettent aussi, si leurs bestiaux guérissent, d’offrir aux saints Anges la première barattée de lait de la vache malade, le premier agneau de la brebis, un morceau de lard du cochon, etc., etc.

» Ces dons sont vendus au profit de la fabrique. »

Vilain Bezillier[25]

Saint Amand qui se trouve dans l’église de Pipriac, a été fait avec le bois d’un arbre que les bonnes gens du pays appellent un bezillier.

Cet arbre était autrefois au village de la Hallatais.

Une vieille avaricieuse, qui convoitait la succession de l’un des siens, rendait de fréquentes visites à saint Amand et le priait d’exaucer ses vœux.

Le parent mourut ; mais par testament il légua tout son bien à d’autres qu’à l’avare.

La bonne femme furieuse s’en alla trouver saint Amand, dans l’église de Pipriac, et l’apostropha ainsi :

« Failli bezillier, tu n’as jamais ren valu ; du temps que tu étais au village de la Hallatais, tu donnais des bezilles que les cochons ne voulaient seulement pas manger ; et à cette heure que te v’la saint, tu fais des embarras, mais tu n’en vaux pas mieux ! Il fera chaud, sois-en sûr, quand je reviendrai te demander quelque chose et t’apporter des offrandes, vilain bezillier. »

Une fois soulagée, la vieille sortit de l’église en maugréant et regagna son village.

La paroisse de Pipriac avait autrefois saint Amand pour patron ; mais à une époque où l’on reconstruisit l’église celle-ci fut mise sous la protection de saint Nicolas. La statue du pauvre saint Amand fut enlevée et déposée sous le porche de l’église, exposée à la pluie, à la neige et aux intempéries de toutes les saisons. Aussi qu’arriva-t-il ?

Il y a chaque année à Pipriac, la foire de Saint-Amand qui commence le 26 octobre et qui dure trois jours. C’est une des foires les plus importantes de la contrée. Or, pendant trois ou quatre ans de suite, la pluie ne cessa de tomber pendant tout le temps de la foire. Ce fut un véritable déluge. Les châtaignes mouillées ne purent être conservées, les grains germèrent, les bestiaux attrapèrent des fluxions de poitrine, les vaches perdirent leur lait. Tout le monde était dans la désolation.

Les anciens du pays qui avaient vu avec regret expulser saint Amand de l’église supposèrent que c’était lui, qui sans doute, pour prouver son mécontentement, avait demandé au bon Dieu de les punir de la sorte. Ils allèrent trouver le curé et demandèrent la réintégration de saint Amand.

Leur démarche fut agréée, et saint Amand reprit sa place qu’il a conservée dans l’église de Pipriac.

Depuis ce moment, il fait généralement beau à la foire du 26 octobre.

Voici pour quelques maladies les saints qu’on invoque :

Maux de dents. — Saint Blaise et ses fontaines.

Dysenterie. — Saint Roch.

Hémorroïdes. — Saint Fiacre.

Yeux. — Notre-Dame-de-la-Clarté.

Manque de sommeil. — Notre-Dame-de-Bon-Repos.

Les fièvres. — Notre-Dame-de-la-Rivière.

Pour avoir de bonnes couches. — Sainte Marguerite.

Enfants idiots ou inintelligents. — Le Saint-Esprit, et les faire évangéliser le lundi de la Pentecôte.

Le Lapin traversant une route

Un habitant de Rennes que des affaires avaient appelé dans la petite ville de Bain revenait à la gare dans la voiture d’un ami.

Sur la route ils rencontrèrent un militaire que le conducteur reconnut et auquel il dit :

— Tiens, c’est toi, José, où vas-tu donc de ce pas pressé ?

— Je vais à la gare, et je crains bien de manquer le chemin de fer. Ma permission est expirée, et si je ne rentre pas ce soir à Versailles, où mon régiment tient garnison, je serai certainement puni.

— Alors monte vite avec nous.

L’habitant de Rennes qui était à ce moment à côté du conducteur, alla s’asseoir sur un second banc qui se trouvait au milieu de la carriole ; le militaire l’y suivit et prit place sur le même banc, mais dans le coin opposé.

Le cheval trottait assez bien, et ils avaient déjà fait cinq à six kilomètres, lorsque le Rennais apercevant un taillis, fit cette réflexion : « Voilà un bois où les lièvres doivent se plaire. Le pays est-il giboyeux ? »

Le militaire au lieu de répondre fit une sorte de grognement.

Le voyageur réitéra sa question et ne fut pas plus heureux.

Le soldat dit entre ses dents : « Je n’aime pas ça ? »

Le conducteur sembla lui-même marmotter des paroles inintelligibles.

— Voyons, je ne vous comprends pas, insista le voyageur : Je demande si le pays est giboyeux, et vous me répondez, comme si ma question était indiscrète.

— Vous n’avez donc rien vu ? dirent ensemble le militaire et le conducteur.

— Non, absolument rien.

— Comment ! vous n’avez pas vu un lapin traverser la route devant nous ?

— Non, et puis qu’est-ce qu’il y a d’extraordinaire à ce qu’un lapin se promène sur la route ?

— C’est signe de malheur.

— Ah ! par exemple, vous êtes drôles tous les deux.

— C’est la vérité, dit le militaire d’un air navré : Dans un voyage que je fis il y a quelques années, un lapin passa comme aujourd’hui devant la voiture dans laquelle j’étais avec des amis, la voiture versa et un camarade fut tué.

— C’est un malheur bien regrettable, en effet ; mais le pauvre lapin n’y était pour rien.

— Ah ! vous croyez cela ? s’écrièrent ensemble le conducteur et le militaire.

Cette conversation venait à peine de prendre fin, lorsqu’une masse noire passa devant les yeux du voyageur. C’était le militaire qui était projeté dans le fossé ; le cheval venait de s’abattre, le conducteur était par terre, et le seul être — qui n’avait pas vu le lapin — était resté à sa place dans la carriole sans avoir aucun mal.

Le militaire avait un pouce démis, le conducteur était contusionné, le cheval couronné, les traits brisés et le voyageur et le militaire durent continuer la route à pied. Ils arrivèrent cependant à temps pour prendre le train, maudissant le lapin, cause de tant d’accidents.

(Conté par M. Fenaut, de Rennes, auquel est arrivée la présente aventure.)

Les paysans de la commune du Pertre se lèvent vers minuit, dans la nuit du trente avril au premier mai, pour aller répandre du sel sur les échaliers de leurs prairies, afin d’empêcher les sorciers de prendre leur beurre.

Ces derniers vont, paraît-il, cette nuit-là, courir les champs en disant :

Le lait à ta.
Le beurre à ma.

Pendant toute l’année, le malheureux fermier ensorcelé ne peut faire de beurre, tandis que le sorcier (qui est souvent un voisin) en a en abondance.

Heureusement que le sel mis sur l’échalier empêche tout sortilège.

On retrouve cette superstition, avec une variante, dans l’arrondissement de Redon :

Le premier mai, au matin, si l’on va avant que le soleil soit levé, promener un balai, entouré d’une guenille sur les prairies de ses voisins, on dérobe ainsi tout le beurre que les plantes pourraient produire.

Pour en faire profiter ses vaches, il faut, le premier mai, leur donner à boire de l’eau puisée, — toujours avant le lever du soleil, — et dans laquelle on a trempé la guenille du balai qui a frôlé les plantes d’autrui.

Vaches empoisonnées par les vlins[26]

Quand une lièvre[27], une sourde[28] et une envine[29] sont chaudes, autrement dit en amour, toutes les herbes sur lesquelles elles pissent rendent les vaches malades.

Pour les guérir, il faut leur faire une croix jusqu’au sang, avec une épingle jaune (en cuivre), sur le nez, sur les deux oreilles et sur le devant de la tête à l’endroit où il n’y a point de poil. Puis leur frotter la croupe avec du beurre et leur faire avaler une poignée de sel mélangé avec du beurre et enveloppé dans une feuille de chou. (Le Grand-Fougeray.)

On ne doit pas enlever les cendres du foyer, ni changer de chemise le vendredi, parce que cela porte malheur.

Les paysannes qui viennent vendre leurs denrées (beurre, volailles, œufs, fruits, légumes, etc.), sur la place des Lices à Rennes, les jours de marchés, ont des préférences marquées pour certaines personnes se présentant les premières à leur étalage.

Si ces personnes leur ont porté chance une fois, elles les attendent patiemment, refuseront plutôt de vendre leurs marchandises, qu’elles laisseront à leurs préférées à meilleur marché qu’aux autres.

Elles ne manqueront jamais non plus, avant de mettre dans leur poche le premier argent qu’elles reçoivent, de faire le signe de la croix et de dire : Que le Bon Dieu bénisse la main qui m’étrenne.

Les bonnes gens de Bruz se figurent qu’ils font grossir leurs citrouilles en leur inoculant, chaque matin, du lait doux par la tige.

Lorsqu’on a des verrues, voici le moyen employé pour les faire disparaître.

On jette une poignée de petits pois dans un puits ou dans une fontaine, et au fur et à mesure que les pois germent les verrues s’en vont.

Longtemps à Lohéac un jouou de violon fut guérissou de fièvres.

Quand un malade allait le consulter, il joignait les mains, levait les yeux au ciel et s’écriait :

« Notre-Seigneur Jésus-Christ qui n’avez pas tremblé quand on vous a crucifié entre deux larrons, souffrirez-vous que (nom de la personne malade) tremble la fièvre ! »

Après cette invocation le sorcier et le malade allaient boire un coup, puis celui-ci rentrait chez lui convaincu que la fièvre allait le quitter.

Il y avait autrefois à Tinténiac un vieux mendiant appelé le père Duhil, qui avait la réputation de passer les fièvres.

Ses remèdes étaient des plus étranges.

En voici un : Monter dans un tremble, entailler l’écorce avec un couteau, sucer la sève en disant : « Tremble, tremble plus fort que je tremble. » Et le tremblement du malade devait passer dans l’arbre.

Pour passer les fièvres du mois de mars, fièvres intermittentes qui durent neuf mois, il faut, au dire des bonnes femmes de la commune de Saint-Symphorien dans le canton de Hédé, se procurer des œufs frais et les porter pendant trois jours consécutifs, à jeun, avant le lever du soleil, dans une fourmilière.

Il existait, il n’y a pas plus de dix ans, au village du Châtellier, dans la commune de Messac, un homme qui avait le privilège de guérir les écrouelles.

Les guérissous d’écrouelles sont rares parce qu’il faut être le septième d’une famille de sept garçons consécutifs. S’il est né une fille entre l’un d’eux, le dernier n’est pas doué.

Le traitement se fait de la manière suivante :

Un pansement a lieu pendant douze jours à l’époque des quatre-temps. Si pour une raison quelconque l’on n’a pu s’y rendre l’un des jours prescrits, l’opération peut être remise au vendredi saint.

Elle doit être faite le matin, avant le lever du soleil, et il est indispensable que le médecin et le malade soient tous les deux à jeun. Ce dernier ne doit même ni manger ni boire avant midi.

L’homme doué fait un ou plusieurs signes de croix, et de son doigt majeur, préalablement trempé dans l’eau bénite et mouillé de sa salive, il décrit un cercle autour des plaies.

Il recommence l’opération autant de fois qu’il y a de clients.

Les charrettes qui amenaient les malades crédules de plus de dix lieues à la ronde encombraient le village.

Un ancien marin est venu s’établir comme menuisier à Vitré.

Il a au haut de la cuisse gauche, près de la fesse, une fleur de lis très bien marquée, assez grande, ayant une teinte bleuâtre. On assure que c’est un don que Dieu lui a fait pour pouvoir, ainsi que les rois de France, guérir les écrouelles.

Les scrofuleux de tout l’arrondissement vont le trouver et approchent de la fleur de lis la partie malade de leur corps.

Pour la circonstance le menuisier a fait faire un pantalon très large qu’il lui suffit de relever.

On lui fait des cadeaux en argent et en nature qui lui rapportent beaucoup plus que son métier de menuisier.

Si le pain est tourné à l’envers sur la table, ou si la salière est renversée, ce sont des signes de malheur.

Si au contraire on renverse poivre et sel en même temps sans qu’il y ait mélange, c’est signe de bonheur.

Araignée du matin : chagrin ;
Araignée du midi : pluie ;
Araignée du soir : espoir.

Si on casse un miroir ou une glace, signe de malheur.

Lorsqu’on entend le bois gémir en brûlant, ou si l’on aperçoit à la mèche de la chandelle comme une étincelle tournée vers vous, c’est qu’une nouvelle importante va vous arriver.

On ne doit jamais mettre le couteau et la fourchette en croix sur une table, c’est un présage de malheur.

Les femmes prennent bien garde, en faisant la lessive, de mettre en adent, c’est à dire sens dessus dessous les chemises dans la cuve. Celle qui commettrait cette faute mourrait dans l’année.

On croit également qu’une touffe de joubarbe, sur le toit d’une maison empêche les maléfices et les sortilèges.

Il ne faut jamais offrir un couteau comme cadeau, parce que cela coupe l’amitié.

Au contraire, offrir des épingles, c’est le moyen de s’attacher l’amitié des gens.

La jeune fille qui a le dernier verre d’une bouteille se marie dans l’année.

Quand un enfant vient au monde avec des cheveux, on dit qu’il est né coiffé, et qu’en conséquence il devra réussir dans tout ce qu’il entreprendra dans le cours de son existence.

L’enfant qui, dès son bas âge, est doué de beaucoup d’esprit naturel et semble devoir être un petit prodige, mourra jeune. Il a, dit-on, trop d’esprit pour vivre longtemps.

Toucher la bosse d’un bossu porte chance.

Toucher du fer évite un malheur.

Si l’oreille droite vous tinte, c’est qu’on parle favorablement de vous ; si c’est la gauche, c’est qu’on en dit du mal.

En buvant dans le même verre qu’une autre personne, on doit connaître sa pensée. C’est sans doute pour cette raison que les fiancés boivent dans le même verre.

D’une manière générale les rêves doivent être interprétés à l’inverse de ce qu’on a vu en dormant.

Si l’on rêve dans la mort, c’est qu’on doit aller aux noces.

Si l’on rêve aux noces, c’est qu’on doit aller à un enterrement.

Rêver naissance, c’est un décès dans sa famille.

Rêver décès, c’est, au contraire, une naissance que l’on doit apprendre.

Si l’on rêve d’une personne et que, le lendemain et les jours suivants, on vient à vous parler d’elle, le rêve est effacé.

Si un chasseur en partant fait la rencontre d’un prêtre, il est certain de rentrer bredouille. De même que si quelqu’un lui souhaite bonne chance, il ne verra pas de gibier, ou s’il en rencontre, il le manquera.

Dans les magasins de Rennes, on croit généralement que si la première personne qui se présente le matin pour faire une acquisition est un prêtre ou une religieuse, la vente sera mauvaise tout le jour ; et qu’elle sera bonne au contraire, si c’est une fille de joie qui étrenne.

Certaines personnes douées font disparaître les taches que l’on peut avoir sur la figure ou sur le corps et que l’on nomme des envies. Elles les frottent de leur salive avec le doigt, et cela doit suffire.

Lorsqu’on a le ventre tendu et gonflé, on va chez le guérissou se faire passer le carreau. Celui-ci fait des signes cabalistiques sur le ventre pour qu’il revienne à son état naturel.

Quand on a l’estomac à bas, c’est-à-dire des maux d’estomac suivis de vomissements, on envoie quelqu’un chez une femme douée qui récite tout bas des prières. Après qu’elle les a récitées elle bâille, et ce bâillement est le signe certain de la guérison du malade.

À Bruz, on appelle les Zièmes les loupes ou tumeurs enkystées qui croissent sur la tête.

Un jumeau du même sexe que le malade les fait disparaître rien qu’en les touchant.

Pour guérir les verrues, certaines personnes douées n’ont qu’à les regarder, et dès le lendemain elles n’existent plus.

Lorsqu’une épingle est tombée par terre, si la pointe est tournée vers vous, il ne faut pas la relever, ou il vous arriverait malheur.

Lorsqu’on coupe le pain, il faut que la tranche soit nette et droite : plus il y a de bosses, plus les filles de la maison tarderont à se marier.

Dans les familles où il y a une fille à marier, on enlève le trépied en même temps que le chaudron et la marmite, parce que sans cela la jeune personne serait retardée de trois ans pour se marier.

Lorsque onze heures sonnent à l’horloge de l’église pendant le chant des Sanctus, l’une des personnes présentes à la messe mourra dans la semaine.

5o Les sorts

Les sorciers, les reboutoux, les jeteurs de sorts ont de tout temps, exercé une influence considérable sur l’esprit des paysans.

Qu’un mendiant ivre aille à la porte d’une ferme demander l’aumône, et soit assez insolent pour qu’on lui refuse du pain et le logement, — car sans cela, dans nos campagnes on ne refuse jamais de pain aux pauvres, — et qu’il dise en s’en allant : « Vous vous en repentirez ! » c’est une désolation dans la maison. Bien sûr, c’est un jeteur de sorts. Les malheurs vont fondre sur la ferme et, comme chaque jour apporte sa peine, les choses qui, à un autre moment, passeraient inaperçues, deviennent aussitôt la confirmation de ce que l’on redoutait.

Le fermier s’est-il blessé en coupant une branche d’arbre ? c’est un sort.

La fermière s’est-elle donnée une entorse en marchant avec des sabots ? c’est un sort.

Une vache vient-elle à avorter ? c’est un sort.

Les poules ont-elles la pépie ? c’est un sort.

Mais comment déjouer ce sort ?

On va trouver un individu qui a la réputation d’être sorcier, pour lui demander ce qu’il faut faire.

Voici généralement ce qu’il indique :

Acheter un pot de grosse terre qui n’ait jamais servi (c’est une condition essentielle), le payer avec une poignée de sous, sans compter, sans marchander.

Aller ensuite chez le cloutier et l’inviter à mettre une poignée de clous dans le pot, sans les compter, sans les peser, et les payer de la même manière que le pot avec une poignée de sous.

Puis rentrer chez soi, remplir le pot d’eau et faire bouillir.

Les clous, pendant tout le temps qu’ils seront dans l’eau bouillante, doivent torturer le jeteur de sorts qui, ainsi vaincu, cesse ses maléfices sur les gens à qui il en voulait.

Dans le canton du Sel, on déjouait autrefois les sorts d’une autre manière :

On achetait un cœur de bœuf, qui était mis à sécher dans la cheminée à la façon des andouilles et, chaque jour, des clous étaient enfoncés dans ce viscère, clous qui devaient faire souffrir le jeteur de sorts au point de le faire renoncer à sa vengeance.

Le cœur de bœuf et les clous devaient être achetés et payés comme nous l’avons dit plus haut.

Le vingt février 1896, on conduisait de la petite ville de Bain à l’asile des aliénés de Rennes, trois pauvres fous, la mère, le fils et la fille.

Le père et les deux autres filles restés dans le pays étaient presque aussi malades que les trois premiers.

Voici la cause de cet affreux malheur :

La famille M… habite un village de la commune de Bain. C’est une famille à l’aise et qui jouissait, avant le malheur qui vient de la frapper, d’une certaine considération.

Il y a quelques années, ces braves gens avaient pour voisin un fermier du nom de B… C’était un être brutal, redouté, qui avait la réputation d’être un peu sorcier et de jeter des sorts.

Un jour, il alla chez ses voisins les M… leur demander à lui prêter les bœufs de leur ferme pour le lendemain. Ils n’osèrent les lui refuser.

Après une journée d’un travail pénible, B… ramena les bœufs à l’écurie. Les pauvres bêtes avaient le poil hérissé et semblaient harrassées de fatigue.

En les voyant ainsi le père M… dit à son fils : — Si le voisin vient demain matin pour prendre nos bœufs il ne faudra pas les lui prêter. Il nous les tuerait.

— Pour plus de sûreté, répondit le fils, je vais cacher le joug. Comme cela il ne pourra les emmener.

En effet le lendemain matin, B… vint pour prendre les bœufs dans l’étable, mais ne trouva pas le joug. Il s’en allait en maugréant lorsqu’il aperçut le jeune M… auquel il dit : « C’est toi qui as caché le joug des bœufs » mais tu t’en repentiras, tu crèveras dans un fossé.

L’enfant rentra chez lui sans répondre.

À quelque temps de là, on apprit dans le village que B… venait de jeter un sort à un autre fermier :

Étant à boire dans un cabaret, plusieurs cultivateurs racontèrent que des rats, dans une maison, avaient mangé jusqu’aux harnais des chevaux. L’un d’eux répondit : — Il y a des rats partout, mais si on leur fait la chasse on les empêche toujours de faire d’aussi grands dégâts.

— Prends garde, toi qui parles, s’écria B…, de voir avant quinze jours ton logis dévasté par les rats.

Les quinze jours ne s’étaient pas écoulés que le cultivateur auquel B… avait adressé la parole, eut chez lui une invasion de rongeurs qui mangèrent jusqu’aux couvertures des lits.

Le fils M… en écoutant cette histoire se rappela la menace dont il avait été l’objet de la part de leur voisin et, à partir de ce jour, il devint triste et sauvage.

Bientôt il ne rentra presque plus chez lui. Il errait dans les champs toute la journée et le soir allait coucher dans les arbres creux où sa mère lui portait à manger, car sans cela, il serait mort de faim.

La pauvre femme, en l’écoutant divaguer, perdit, elle aussi, la tête. Quand son fils revenait avec elle à la maison c’était pour écrire sur un livre le nom des personnes qu’il connaissait. D’un côté étaient les élus et de l’autre côté les réprouvés.

Sa mère disait dans le village : « Mon gars est un grand saint, il a des visions. »

B… quitta le pays, mais le fils M… ne guérit pas.

Au mois de février 1896, il dit qu’il fallait faire une procession dans l’église de Bain, et il écrivit à ses sœurs, qui étaient domestiques au loin, de venir se joindre à eux.

Elles obéirent, et le père, la mère, les sœurs, l’insensé et des voisins s’en allèrent tous à la suite les uns des autres du village à la ville. Le fils M… marchait en tête ayant de l’eau bénite dans une assiette et une branche de buis à la main. Il faisait le simulacre de bénir tout ce qu’il rencontrait sur son chemin : les passants, les arbres, les animaux.

Ils arrivèrent ainsi à l’église laissant sur leur passage tout le monde étonné d’une pareille mascarade.

Il leur fallait, disaient-ils, pour être guéris, toucher le pied de la bannière.

On les chassa de l’église et ils allèrent dans le cimetière bénir les tombes.

Les M… avaient laissé grandes ouvertes les portes et les fenêtres de leur maison pendant leur absence.

Une enquête fut faite par la gendarmerie et les jeunes filles, placées comme domestiques dans des fermes éloignées, déclarèrent que chaque fois qu’elles revenaient dans la maison de leurs parents, elles se sentaient malades et commençaient à déraisonner.

Le maire et le juge de paix se rendirent sur les lieux, et l’on demanda à l’autorité l’internement des trois plus malades dans un asile d’aliénés.

Lorsque l’on conduisit ces malheureux à Rennes, la voiture s’arrêta en route pour faire souffler les chevaux. Le conducteur offrit aux voyageurs de manger quelque chose. La mère demanda un morceau de pain sec et de l’eau qu’on lui apporta.

Pour les empêcher de s’évader, on pria un homme de garder la portière de la voiture. Quand la femme M… aperçut cet individu elle poussa des cris terribles en disant : « Voilà le diable ! C’est le diable ! » Et elle l’aspergea avec l’eau qu’elle avait dans l’écuelle.

La mère et la fille sont revenues guéries dans leur village ; mais le fils est toujours dans l’asile des aliénés de Rennes d’où il ne sortira probablement jamais.

Une bonne femme d’un village de la commune de Pléchâtel fut plusieurs années sans pouvoir dormir dans sa demeure parce qu’un sort lui avait été jeté.

Le long des nuits, elle avait des visions terrifiantes. Elle voyait des animaux par bandes, sortes de monstres qui lui grimpaient sur le corps et l’étouffaient.

Au début, les voisins accoururent à ses cris, mais ne virent rien. Ils entendirent seulement des bruits étranges. Ils s’habituèrent à entendre leur voisine se plaindre et gémir et n’allèrent plus la voir.

La malheureuse n’avait de repos que dans un lieu qui avait été bénit, une église par exemple ; aussi y passait-elle le plus de temps qu’elle pouvait.

Le curé de la paroisse fut appelé pour bénir la demeure de cette femme. Il entendit, lui aussi, des voix qui lui causèrent une telle peur que la sueur lui coulait sur le front. Ne pouvant surmonter son effroi, il s’écria : « Que la bonne femme fasse ce qu’elle voudra, quant à moi, je quitte cette maison dans laquelle je ne rentrerai jamais. »

Un sorcier, qui fut consulté dit à la pauvre vieille : — C’est une femme qui vous a jeté un sort. Si vous le voulez, nous pourrons la punir et lui faire beaucoup de mal.

— Non, répondit-elle, je ne le veux pas. Il y a assez de moi à souffrir sans faire souffrir les autres.

À partir de ce moment, elle n’entendit et ne vit plus rien. Elle vécut tranquille le reste de ses jours.

Il arrive quelquefois que des gens très propres soient tout à coup couverts de vermine.

Pas de doute possible, c’est un sort.

Pour se débarrasser de ces bêtes gênantes il faut aller, avant le lever du soleil, au bord d’une rivière et battre sa chemise pendant une heure avec une branche d’épine noire.

Les vaches d’un fermier du village des Riais, dans la commune de Bain, ont avorté pendant plus d’un an. Tous les remèdes usités en pareil cas n’ont abouti à aucun résultat.

Ben sûr, dit le bonhomme, qu’un sort a été jeté sur mes bêtes.

— Faut aller à Châteaubriant, lui répondit-on, consulter le devin.

Celui-ci fit venir le fermier trois mercredis de suite, lui recommandant de partir de chez lui pendant la nuit, afin d’arriver à Châteaubriant avant le lever du soleil.

Enfin au troisième voyage il lui dit :

« Lorsqu’une de tes vaches vêlera, si c’est encore un veau mort, tu creuseras devant la porte de l’étable une fosse dans laquelle tu enfouiras le cadavre du veau, les pieds en l’air. »

Le fermier s’est conformé à ces prescriptions, et depuis ce jour le bonhomme assure que ses vaches ne mettent plus au monde que des veaux vivants et bien constitués.

À Chavagne, d’après les conseils d’un sorcier, si une vache avorte parce qu’un sort lui a été jeté, il faut pendre, dans la cheminée de la ferme, le cœur même du veau mort-né, et enfoncer dedans, de temps à autre, les piquants d’un prunellier qui est, comme on sait, l’épine noire.

Une femme L***, de Bruz, fut il y a quelques années, atteinte d’une singulière maladie : Elle se mit à aboyer et à hurler comme un chien, tantôt la nuit, tantôt le jour. On l’entendait de très loin.

Elle avait, quand cette espèce de toux la prenait, des crises nerveuses effrayantes. Plusieurs personnes étaient obligées de la tenir pour l’empêcher de tomber par terre et de se blesser. Malgré tous leurs efforts, elle s’arrachait les cheveux en criant : « V’là du foin, qu’est-ce qu’en veut ? »

C’était elle qui d’habitude faisait le pain de la maison ; mais à partir du jour où un sort lui fut jeté, — car c’en était un à n’en pas douter, — elle ne fabriquait plus que du pain qu’on ne pouvait manger. C’était la pâte qui levait mal ou le feu du four qui ne la cuisait pas assez ou qui la carbonisait.

Elle fut forcée de renoncer à ce travail jusqu’au moment où un sorcier de la commune de Tresbœuf, qui était aveugle et qu’on alla chercher, put déjouer le sort.

Il lui fit mettre les bras en croix pendant une heure, prononça tout le temps des paroles magiques, et lui attacha sur la poitrine un pochon en toile, autrement dit un petit sac, qui renfermait des ingrédients qui avaient ben mauvaise sente, mais qui devaient guérir la malade. Et c’est, en effet, ce qui arriva.

Dans la même commune, une autre femme devint comme folle et courait nuit et jour, les pieds nus dans les chemins et les champs, presque sans s’arrêter.

Elle avait également des crises nerveuses, perdait connaissance et marmottait des prières qui n’avaient aucun sens. On entendait seulement : « À l’heure de notre mort, ainsi soit-il, » répétés plusieurs fois.

L’aveugle de Tresbœuf conjura le sort et lui rendit la raison et la santé.

Les vieilles gens de la petite ville de Bain racontent qu’autrefois, à l’auberge de la Croix-Verte, il arriva un moment où il fut impossible d’obtenir du beurre en barattant le lait.

Un sorcier consulté déclara que c’était un sort qui avait été jeté et qu’on ne parviendrait à le déjouer qu’en allant une fois baratter le lait dans une paroisse voisine.

Le domestique de l’auberge, dont on se rappelle encore le nom, Paul Delalande, surnommé Paul Bagage, s’en alla, avec l’un des fils de la maison, dans un champ situé dans la commune de Pléchâtel.

Là, on baratta le lait, et le beurre se fit aussitôt comme par enchantement.

La prédiction du sorcier se réalisa et le sort fut ainsi déjoué.

Dans beaucoup de communes de l’arrondissement de Vitré, lorsqu’un fermier ne peut plus faire de beurre, il en cherche la raison, et la plupart du temps il découvre sur le fumier de sa cour, une espèce de champignon sans pied, large comme une assiette, qu’on nomme dans le pays un fromage blanc. C’est un sort, dit-il, qui m’a été jeté.

Pour le déjouer il faut fricasser trois pierres rondes (sortes de galets) pendant trois nuits de suite, et les lancer avec force dans la mare la plus voisine du fumier.

La première nuit, ces pierres vont frapper le jeteur de sorts et le font réfléchir. La seconde nuit, elles le font souffrir davantage, et enfin, la troisième il cède dans la crainte de voir ses souffrances augmenter. Le sort est ainsi déjoué.

Dans le patois de Châteaugiron, on appelle un jeteur de sort un encrauleur.

Une année que la récolte avait été mauvaise et que le grain était rare, un mendiant d’un village de la commune de Domloup revenait de demander l’aumône, un bissac sur le dos. En passant devant la demeure d’une de ses voisines qui, à ce moment, jetait du blé noir à ses poules, il dit en tendant son bissac :

— Donnez-moi une écuellée de grain, j’en ai plus besoin que vos poules.

— Non, répondit la femme, vous avez du pain dans votre bissac et mes poules n’ont rien dans le jabot.

— Vous vous en repentirez, grommela le mendiant en s’en allant.

Dès le lendemain, en effet, la fermière trouva une poule crevée au pied du perchoir sur lequel couchaient ses volailles.

Le surlendemain, pareille chose se produisit, et ainsi de suite les jours suivants.

Lorsqu’il ne lui resta plus qu’une poule, l’infortunée fermière se décida à envoyer, non pas une écuellée, mais bien une mesure de blé noir à son voisin.

À partir de ce jour, elle put regarnir sa basse-cour, les poules ne crevèrent plus dans le poulailler.

La victime de cette farce crut qu’elle avait été encraulée.

Il y a quelques années, un nommé Pierre Garnier, domestique de ferme dans la commune de Thourie, avait la spécialité de conjurer les sorts jetés sur les gens ou les bestiaux. Sa réputation s’étendait à plusieurs lieues à la ronde.

Il se rendait à domicile, ouvrait un livre magique, faisait des signes de croix sur toutes les pages et sur le dos des personnes ou des animaux ensorcelés. Il marmottait ensuite des paroles incompréhensibles qui devaient déjouer le sort presque immédiatement.

Garnier fut condamné à plusieurs mois de prison par le tribunal de Vitré pour avoir exercé ce métier, et réclamé une somme d’argent à un cultivateur qui porta plainte contre lui.

Autrefois au Pertre, dans l’arrondissement de Vitré, un homme appelé Pierre Beaugendre avait, lui aussi, le pouvoir de conjurer les sorts.

C’était un affreux petit nain, d’une laideur repoussante, couvert de vermine, parcourant la campagne habillé d’une peau de bique, hiver comme été.

Il portait sur l’épaule une grande latte à laquelle étaient clouées trois autres petites lattes, de grandeur inégale, la plus petite étant au sommet.

À ces divers bois étaient fixés des crochets auxquels pendaient des taupes presque toujours en putréfaction.

Quand on rencontrait Pierre Beaugendre par les chemins il fallait le fuir, en se bouchant le nez, tellement sa marchandise et lui-même exhalaient une odeur épouvantable.

Les animaux ainsi promenés avaient été l’objet de la part du nain de conjurations et de pratiques de sorcellerie dont celui-ci gardait le secret.

Il les portait de village en village, de ferme en ferme, pour les vendre aux ensorcelés qui avaient recours à lui.

À l’une des branches étaient les taupes qui devaient déjouer les sorts jetés sur la fabrication du beurre. Il suffisait d’en enterrer une à l’entrée de l’étable et immédiatement le lait qui ne fournissait plus de crème en donnait en abondance.

La seconde latte portait les bêtes qui devaient conjurer les maladies des poules. Il fallait également enfouir la taupe dans le poulailler et, chose étonnante, les poules malades engraissaient au point de devenir stériles. Il en était de même des coqs qui s’empâtaient de façon à être impuissants. Mais poules et coqs atteignaient les proportions, le poids et la finesse de goût du chapon et se vendaient fort cher.

Enfin à la troisième latte se trouvaient les taupes qui avaient le privilège d’empêcher les vaches d’avorter et de les préserver de toutes sortes de maux.

À une époque presque tout le monde à la campagne avait un sobriquet, le nommé Legaud, boulanger au Châtellier dans la commune de Pléchâtel, était plus connu sous le nom de Père Satou que sous son nom véritable.

Un mendiant, qui avait la réputation d’être sorcier, vint un jour demander l’aumône à la boulangerie du père Satou qui lui dit :

— Est-ce vrai que tu jettes des sorts et que ta spécialité est de donner des poux aux gens à qui tu en veux ?

— Oh ! père Satou, pouvez-vous croire une chose pareille ?

— Dame ! si tu me jouais un tour semblable je te jure que je te rosserais d’importance.

Le sorcier s’en alla en maugréant.

Quinze jours ne s’étaient pas écoulés que le boulanger avait sa chemise pleine de poux. Ni ses ouvriers, ni ses domestiques, ni même sa femme qui couchait avec lui, n’en étaient incommodés, tandis que lui en avait sur tout le corps et jusque dans les cheveux.

Une mendiante, qui avait entendu parler de cela, vint le trouver et lui donna l’assurance qu’elle avait le pouvoir de déjouer le sort et même d’obliger celui qui l’avait jeté à se présenter à la porte de la boulangerie.

— Je te récompenserai si tu fais cela.

Elle acheta des clous, les fit bouillir et le mendiant revint à la porte du père Satou qui lui administra une volée de coups de bâton.

À partir de ce jour le boulanger fut débarrassé de sa vermine.

On se rappelle encore à Bain d’une pauvre mendiante, presque folle, que l’on appelait Jeanne de Bonne Rencontre.

Cette femme, elle aussi, avait la réputation de jeter des sorts.

Un cultivateur, supposant que c’était cette malheureuse qui faisait périr ses bestiaux, l’assomma au coin d’un champ.

On la trouva morte entre le Château-Gaillard et la Ferronnais, dans la commune de Pléchâtel.

6o Prières et cantiques
En prenant de l’eau bénite :

Eau bénite, je te prends,
Si la mort me surprend,
Tu me serviras de sacrement.

Oraisons :

Je me couche dans ce lit,
Si la mort me surprend,
Je rends mon âme à Dieu,
Au père qui m’a créé,
Au Fils qui m’a racheté,
Au Saint-Esprit qui m’a illuminé.
Dormez, Jésus, dormez, Sauveur,
Dormez au milieu de mon cœur.

St-Jean, St-Luc, St-Marc, St-Mathieu,
Les quatre évangélistes du bon Dieu,
Soyez aux quatre cônières[30] de mon lit,

À mon coucher, à mon lever,
À mon trépas, quand je mourrai,
Le bon Jésus au milieu de mon cœur.
Soyez mes protecteurs, mes défenseurs,
De la part du bon Dieu et de la Vierge Marie,
Pendant ma vie,
Et particulièrement à l’heure de ma mort.
Ainsi soit-il.

L’ange Gabriel,
Descendant du ciel,
Dit à la Vierge :
— Dormez-vous ? Dormez-vous ?
— Non, Je pense à mon enfant Jésus
Qui est mort sur la croix,
Les pieds cloués,
Les bras tendus,
La couronne d’épines sur la tête.

Variantes :

Sainte Marie-Magdeleine,
Quarantaine,
Trois sœurs, trois vierges,
Rencontrent saint Pierre :
— Qui cherchez-vous ?
— Le doux Jésus,
— Où est-il ?
— Sur l’arbre de la croix,
Les pieds cloués,
Les bras tendus,
La couronne d’épines sur la tête.

Ceux qui diront trois fois, soir et matin,
Cette petite oraison,
Jamais flammes de l’enfer ne verront.

Prière du soir

Le soir, en vous déshabillant, pensez que les bourreaux dépouillèrent Jésus-Christ pour le crucifier :

Les pieds cloués,
Les bras tendus,

La couronne d’épines sur la tête.

Et dites : « Mon Dieu, faites-moi la grâce de passer une bonne nuit, meilleure que je n’ai passé la journée, et tous les jours en suivant. »

En passant devant une croix

Croix bénie, je vous salue.
Prenez mon cœur en bonne pensée,
Mon âme sera sauvée.

Invocation à Sainte Barbe contre le tonnerre

Sainte Barbe, sainte Claire,
Préservez-nous du tonnerre,
Et quand le tonnerre tombera,
Sainte Barbe me préservera.

Variantes :

Sainte Barbe, sainte Fleur,
Par la croix de mon Sauveur,
Préservez-moi du tonnerre,

Quand le tonnerre tombera,
Sainte Barbe me gardera.

Quelques personnes riches de la ville de Rennes possèdent une petite cloche bénite à Notre-Dame de Lorette qu’elles agitent pendant les orages. Cette sonnette a le privilège, elle aussi, de préserver du tonnerre.

Pour faire passer le Hoquet

Dire sept fois sans respirer :

— J’ai le hoquet,
— Qui l’a fait ?
— C’est le Jésus.
Orémus,
Je ne l’ai plus !

Lorsque les habitants des cantons d’Antrain et de Saint-Aubin-d’Aubigné passent, le jour, devant un calvaire ou une croix, ils se découvrent en disant :

Croix de mon Sauveur,
Préservez-moi de tout malheur,
Et surtout de la damnation éternelle.

Mais après le coucher du soleil jusqu’au lever du jour, ils passent indifférents devant la croix, sans se signer, sans se découvrir, sans prier, et cela parce que, disent-ils, c’est l’heure à laquelle les âmes du purgatoire viennent demander à Dieu le pardon de leurs fautes.

Les vivants ne doivent pas distraire ces pauvres âmes qui seraient alors obligées de recommencer leur prière.

NOËLS
Le Pommier de Noa[31].

La bonn’ Vierge et saint Josè,
À Noa s’en sont allés
À Noa ! Noa ! Noa !


Dans l’chemin ont rencontré
Un gentil petit pommier,
À Noa ! Noa ! Noa !

La saint’ Vierg’ dit à Josè :
— De ce fruit je veux manger,
À Noa ! Noa ! Noa !

— Nenni, nenni, c’est péché
De toucher à ce pommier,
À Noa ! Noa ! Noa !

La saint’ Vierg’ fut pour en prendre,
Le pommier s’est abaissé,
À Noa ! Noa ! Noa !

Saint Josè voulut en prendre,
Le pommier s’est relevé,
À Noa ! Noa ! Noa !

C’est à c’moment que Josè
Vit bien qu’il avait péché,
À Noa ! Noa ! Noa !

Aux pieds de la saint’ Vierge,
À genoux il s’est jeté,
À Noa ! Noa ! Noa !


« Ah ! relevez-vous, Josè,
Votr’péché est pardonné. »
À Noa ! Noa ! Noa !

(Noël des religieuses de l’ancien monastère de Teillay, dans le canton de Bain.)

— D’où viens-tu, bergère ?
D’où viens-tu ?
— Je viens d’une étable,
Voir l’enfant Jésus,
La Vierge sa mère,
Saint Joseph en plus.

— Est-il beau, bergère ?
Est-il beau ?
— Plus beau que la lune
Et que le soleil ;
Jamais sur la terre,
On n’vit son pareil.

— Rien de plus, bergère ?
Rien de plus ?
— Saint Joseph, son père,
Saint Jean son parrain,
Et sa bonne mère
Qui lui donne le sein.


— Rien de plus, bergère ?
Rien de plus ?
— Quatre petits anges
Descendus du ciel,
Chantant les louanges
Du Père éternel.

Allons voir cet enfant Dieu
Tout glorieux (bis).
C’est une vierge qui l’a conçu
Dans une étable ;
C’est une vierge qui l’a conçu
Vers le minuit.

Saint Joseph dit à l’enfant :
« Voilà votre maman (bis),
» Car pour moi, je ne suis pas
» Votre vrai père ;
» Car pour moi je ne suis pas,
» Votre papa.

» Votre père est dans les cieux,
» Tout glorieux (bis),
» Et je ne suis qu’adorateur

» De son image ;
» Car je ne suis qu’adorateur,
» Son serviteur. »

Saint Joseph dit à Jésus :
« À l’âge de douze ans (bis),
» Je vous apprendrai le métier,
» De ma boutique ;
» Je vous apprendrai le métier
» De charpentier. »

Saint Joseph dit à Jésus :
« Voilà du bois pour faire une croix (bis),
» Et cette croix vous conduira
« Jusqu’au Calvaire,
» Et cette croix vous conduira
» Jusqu’au trépas. »

Dialogue des Bergers

— Michaud, qui cause ce grand bruit
Que l’on a fait toute la nuit
Tout autour de notr’ voisinage ?
J’ai pensé me mettre en courroux

D’entendre crier du village
Sus, sus, bergers, réveillez-vous (bis).

Ce bruit croissait de plus en plus,
Il criait comme un déperdu :
C’est trop dormir ! qu’on se réveille !
Il répétait toujours cela :
Bergers, venez voir la merveille
Et vos troupeaux laissez-les là (bis).

— Eh quoi ! Pierrot, ne sais-tu pas
Qu’un Dieu vient de naître ici-bas ?
Il s’est réduit dans une grange !
Il n’a ni langes ni berceau ;
Et dans cette misère étrange
Tu le verras : rien n’est si beau (bis).

— Michaud, parle plus clairement,
Tu me mets dans l’étonnement
Sans que je puisse y rien comprendre,
Je t’en conjure, explique-toi.
Mais pour te faire mieux entendre,
Mon cher voisin, entre chez moi (bis).

Qui t’a dit, voisin, qu’en ce lieu,
Voulut bien s’abaisser un Dieu

Pour qui rien n’est trop magnifique ?
— Les anges nous l’ont fait savoir
Par cette charmante musique
Que l’on entendit hier au soir (bis).

Allons, berger, car il est temps,
Allons lui porter un présent
Et lui faire la révérence.
Voyez Jeannot comme il y va ;
Suivons-le tous en diligence
Et nos troupeaux laissons-les là (bis).

Colin qui porte un agnelet.
Son petit-fils un pot au lait
Et deux oiseaux dans une cage.
Robin, lui, porte un gâteau ;
Pierrot du beurre et du fromage,
Et le gros Jean un petit veau (bis).

Nous lui fîmes tous nos présents ;
Nos souhaits et nos compliments.
Tout autour de lui, en cadence,
Nous lui souhaitâm’s le bonsoir
En lui faisant la révérence,
Adieu, poupon, jusqu’au revoir (bis).

La Passion et la Résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ

Les jeunes gars des villages des cantons de Bécherel, de Tinténiac, de Hédé, ont conservé une vieille coutume. Ils s’en vont dans la nuit du samedi au dimanche de la Passion, chanter devant la porte des fermes, le cantique que nous donnons ci-après.

On leur remet pour leur peine, des œufs, du cidre et des pièces de monnaie. Dans les maisons où les fermiers ne sont pas encore couchés, on invite les chanteurs à entrer, et on leur offre à boire et à manger.

Ils sont armés de perches, et lorsqu’ils sont mal accueillis, ils abattent avec leurs gaules, les têtes de choux dans les jardins et les courtils.

Chanterons-nous la Passion
Du doux Jésus, c’est l’oraison.
Chantons donc tous, à haute voix,
Vive Jésus, vive sa croix !

Jésus descend du Paradis
Pour venir sur la croix mouri.

À descendre par pluie et vent,
Pour endurer plus de tourments.

Judas, plus traître qu’un lion,
Vendit son maître sans raison.
Trent’ pièc’s d’argent assurément,
Judas vendit son Tout-Puissant.

Trente deniers, argent reçu,
Judas vendit son doux Jésus.
Tu l’as vendu, tu l’as trahi,
Sur la croix tu l’verras mouri.

Judas, de rage et de dépit,
Trouva un arbre et s’y pendit.
— Judas, Judas, ne t’y pends pas,
Demand’ ton pardon, tu l’auras.

— Ah ! quel pardon lui demander ?
Un Dieu que j’ai tant offensé !
— Pardonnez, pardonnez, mon fils ;
Pardonnez à ce peuple ici.

— Faudra-t-il lui pardonner ?
Il foula mon sang sous ses pieds.
Quand les trompettes sonneront,
Trois anges du ciel descendront,


Diront aux morts : « Relevez-vous,
Venez au jugement si doux. »
Ce jugement sera si grand,
Que l’on jug’ra petits et grands.

Chacun de nous sera jugé,
Suivant qu’il aura mérité.
Ah ! qu’il fait noir, mauvais marcher !
Le point du jour est égaré.

Si v’n’avez ren à nous donner,
Pourquoi nous fair’ tant espérer ?
Le Dieu sauveur un jour viendra ;
Ce sera lui qui pardonn’ra.

Chanterons-nous la Passion ?
Du doux Jésus c’est l’oraison.
Chantons donc tous à haute voix :
Vive Jésus ! vive sa croix !

Lorsqu’une porte reste fermée, l’un des jeunes gens chante :

Si v’n’avez ren à nous donner,
Donnez-nous la fill’ de l’Hôté[32],
Un camarade la ramènera. — Alléluia,
Alleluia, alleluia, alleluia !

Autre cantique de la Passion, chanté également aux portes des fermes, la veille du dimanche de la Passion, dans la commune de Loutehel :

La Passion du doux Jésus,
Vous plairait-il entendre ?
Écoutez-la, petits et grands,
Et prenez-y exemple :

Quand le doux Jésus était p’tit,
Y faisait pénitence :
Il a jeuné quarante jours,
Quarante nuits suivantes,
Sans jamais ni boir’, ni manger
Qu’une pomme d’orange,
Que sa saint’ mèr’ l’i avait donné
Dans sa jolie main bianche.
Encor’ ne l’a-t-il pas mangée,
En fit part à ses anges,
Et à saint Pierre et à saint Paul,
À saint Michel archange.
Saint Pierre il a dit à saint Jean :
— Que la misère est grande !
Le doux Jésus l’ia répondu :
— Vous en voirez ben d’autres ;

Vous voirez la mer fiamboyer
Comme un fiambeau qui fiambe.
Vous voirez les petits oisiaux
Mouri de sur la branche.
Vous voirez la terre trembler,
Et les rochers se fendre ;
Vous voirez mon sang ruisseler,
Tout oleva[33] de mes membres.

Cantique de la résurrection
Qui se chante dans la nuit qui précède la fête de Pâques

Nous sommes venus vous annoncer
Que Jésus est ressuscité,
Ils ont chanté le Gloria. — Alleluia,
Alleluia, Alleluia, Alleluia !

Séchez les larmes de vos yeux,
Le roi de la terre et des cieux
Est ressuscité glorieux. — Alleluia,
Alleluia, Alleluia, Alleluia !


Pour vivre avec le roi des rois,
Espérons au pied de sa croix,
Que ses exemples soient nos lois. — Alleluia,
Alleluia, alleluia, alleluia !

Les fill’s, les femm’s ne pleurez plus,
Car de carême y n’ien a plus.
Ils ont chanté le Gloria. — Alleluia,
Alleluia, alleluia, alleluia !

J’ai un p’tit coq dans mon panier,
Qui n’a point cor du tout chanté ;
Au point du jour il chantera. — Alleluia,
Alleluia, alleluia, alleluia !

Une partie du produit de la quête est portée au curé de la paroisse qui, en raison de la somme qui lui est remise, fait dire un certain nombre de messes pour les pauvres défunts.

La Légende du Christ

Notre-Seigneur ayant appris que les Juifs avaient décidé sa mort, s’en alla prier dans un champ de choux. Ses ennemis le cherchaient lorsqu’une pie, perchée sur un arbre, chanta de toutes ses forces : « Dans les choux y est ! » un corbeau indigné s’écria : « Y n’y est pas ! »

Jésus ayant terminé sa prière se dirigea vers ses bourreaux qui le chargèrent de chaînes.

Plus tard, lorsque le Sauveur du monde fut cloué sur une croix, deux oiseaux vinrent se percher sur l’instrument du supplice.

Le premier était la pie de tout à l’heure qui osa encore insulter le Christ expirant. Cet oiseau, à cette époque, était sans égal. Il portait une aigrette sur la tête, sa queue était aussi splendide que celle du paon et tout son plumage avait des couleurs d’une richesse inouïe ; mais il était, hélas ! aussi méchant que superbe.

Le second était un tout petit oiseau, au plumage gris, qui s’approcha timidement du crucifié en jetant quelques cris plaintifs ; de ses ailes il essuya les larmes qui coulaient des yeux du divin Rédempteur, et de son bec, il arracha les épines qui lui entraient dans la tête.

Tout à coup, une goutte de sang, échappée du front de Notre-Seigneur, tomba sur la gorge du petit oiseau et colora pour toujours son humble plumage. « Sois béni, lui dit le Christ attendri, toi qui prends part à mes douleurs. Partout où tu iras, le bonheur et la joie t’accompagneront. Tes œufs, auront la couleur de l’azur du ciel et tu seras désormais le rouge-gorge, l’oiseau du bon Dieu, le porteur des messages heureux. Toi, dit-il à la pie, tu seras maudite ; tu n’auras plus cette aigrette, ni ce brillant manteau dont tu t’enorgueillis et dont tu n’es pas digne. Ton plumage sera celui du deuil et du malheur. Va-t’en, méchant oiseau, tu seras forcé de construire un augeard[34] au-dessus de ton nid pour le préserver de la pluie, et, malgré tout ce que tu pourras faire, l’eau du ciel tombera sur tes petits. Quant au corbeau, ajouta-t-il, qui a cherché, ce matin, à éloigner mes bourreaux, la demeure de sa couvée pourra rester sans abri, la pluie ne l’atteindra pas.

Les paroles de Jésus ont reçu leur exécution.


7o assistance publique


Nous avons, en hiver, des fourneaux économiques dans les principales villes du département d’Ille-et-Vilaine.

Les œuvres philanthropiques de cette nature remontent à la première moitié du xviie siècle. En effet, dès 1643, quelques personnes de la ville de Rennes fondèrent l’établissement d’une Marmite des pauvres pour le soulagement des indigents honteux ou malades.

Voulant s’assurer la coopération des Filles de Saint-Vincent-de-Paul, la Marmite donna, par acte du 9 septembre 1673, une rente de 450 livres à leur congrégation, pour l’entretien des trois sœurs chargées de l’administration de l’œuvre.

Les statuts portaient que la compagnie serait composée de deux supérieurs spirituels, de quatre administrateurs dits « Pères des pauvres », d’une supérieure, d’une assistante et d’un secrétaire. On y admettait, sur l’avis du conseil, tel nombre de dames et de demoiselles vertueuses dont les supérieures jugeaient l’annexion utile.

L’œuvre de la Marmite cessa avec les troubles de 1793, mais fut reprise, plus tard, par les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Ces dernières continuent, de nos jours, à Rennes, et dans la même maison, la distribution de soupe et d’aliments aux indigents.

En 1894, on découvrit, à Saint-Malo, une plaque de cuivre, que l’on a conservée, et sur laquelle on lit :

« L’an MDCCLXXXIX
sous le règne de
Louis XVI
et
sous l’épiscopat de Gabriel
Cortois de Pressigny.

« Ce bâtiment a été élevé au profit de la Marmite des pauvres malades de cette ville, sur un terrain concédé par l’ancienne confrérie de Saint-Jean, avec les dons charitables des personnes pieuses et par les soins de Jean François Nouail de la Villegille, administrateur de cet établissement.

» Rob. Aug. Veron archit. graphid., et operibus perfecit. »

À Vitré, la Société de secours aux indigents fut créée le 2 juillet 1655, sous le nom de « Dames de la Marmite des Pauvres ».

Les règlements de cette Société sont assez curieux pour que nous en citions quelques passages :

« Le plus grand nombre des dames qui entrent dans l’association sont mariées. Elles occupent dans le monde un rang honorable et y sont retenues par leur devoir d’épouses et de mères. Ne pouvant dès lors pratiquer de la vie religieuse que ce qui est compatible avec ces conditions, elles observeront au moins en toute leur conduite la modestie et l’honnêteté, sans cesser d’observer les bienséances ; elles éviteront autant qu’elles le pourront, les bals, les comédies, la lecture des romans, et tous les jeux blessant la charité.

» Elles s’assembleront tous les quinze jours, le jeudi, après avoir assisté à la messe du Saint-Sacrement.

» Chaque sociétaire sera chargée à son tour, de faire pendant quinze jours les provisions et de préparer le bouillon destiné aux pauvres. Elle prendra ce dernier soin chez elle où la marmite de l’œuvre sera portée avec ses accessoires, car il est bon qu’elle ne soit pas enlevée à son ménage, que ses enfants soient témoins du bien qu’elle fera, qu’ils y soient souvent associés tout jeunes, afin qu’ils se trouvent ainsi préparés à le faire à leur tour quand le temps en sera venu.

» La sociétaire en charge pourra se faire accompagner au marché et chez les pauvres par sa domestique, parce que en dérogeant aux habitudes que sa position sociale exige, elle pourrait prêter à la critique.

» Mais si la domestique porte le panier destiné aux provisions, la sociétaire fera elle-même les marchés, et dans la visite aux pauvres, elle fera l’aumône d’une pieuse pensée en subvenant aux besoins du corps. Autant qu’elle le pourra, elle ne se fera pas accompagner chez les pauvres par sa domestique, mais par une associée de l’œuvre.

» Elles iront ainsi toujours deux ensemble servir, instruire chaque jour les malades à l’hôpital, après avoir fait tout d’abord une visite au Saint-Sacrement.

» Les membres de l’œuvre suivront à l’aller et au retour le Saint-Viatique chez les malades et orneront convenablement les maisons où il est porté.

» Elles veilleront à ce que chaque défunt pauvre ait au moins une messe.

» Elles procureront un asile aux jeunes filles sortant de l’hôpital sans en avoir de convenable.

» Elles paieront l’apprentissage des enfants pauvres des deux sexes pour leur procurer un état.

» Elles auront soin que les enfants soient bien instruits de la religion et formés à la crainte de Dieu.

» Les dames de la Marmite possèdent un magasin pour serrer les provisions, le linge, les sabots, le charbon, le bois, le blé, même les vieux meubles qu’elles distribueront aux pauvres, et leurs réunions sont présidées par le curé de Notre-Dame. »

Le Carnaval des Pauvres

Jusqu’à l’époque de la Révolution, le mardi-gras, à Dol, tous les mendiants du pays étaient conviés à un repas que leur offrait l’évêque. L’invitation était faite à l’avance au prône de la grand’messe des églises et chapelles du diocèse.

Des tables étaient dressées dans la cour de l’évêché où tous les malheureux venaient s’asseoir.

L’évêque et son chapitre faisaient le service de table.

Après le repas, on distribuait aux convives ce qui restait de pain et de viande, et on leur remettait aussi des effets et de l’argent.

8° Les propos villageois


— Ça viendra, ça viendra.

— Pourquoi ça ne viendrait-il pas ? la quoue (queue) du chat est bien venue.

Oh ! c’est y une bonne fille : on ne peut li rendre le plus petit service sans qu’elle vous donne tout de suite un tour de goule (un baiser).

Les filles de Melesse,
N’ont ni tétons ni fesses ;
Les filles de Betton,
N’ont ni fesses ni tétons ;
Les filles de Bruz,
La chemise ne dépasse pas le cul.

Quand un homme fait un pet devant un enfant, il ne manque jamais de dire :

« Prends-le par la main et mène-le danser. »

Ou bien encore :

« Passe-le par tes dents pour voir s’il n’a pas de nœuds. »

Y n’peut tenir en place, il est comme un pet dans un penier (panier). Se dit d’un enfant qui est toujours en mouvement.

Le Chasseur et la Bonne Femme sourde

— Vous pétez, vieille ?

— Oui, Monsieu, j’cherche mes ouailles.

— Vous pétez en marchant ?

— Oui y’en a un na (noir) et un blanc.

— Au diable la bonne femme et son cul !

— Hélas ! oui j’cré qui sont perdus.

Quand une fille de la campagne met un corset, les gars disent qu’elle met ses tétons à joc. Joc est le perchoir sur lequel les poules vont se coucher.

Dans l’arrondissement de Redon on a toujours appelé le derrière d’un homme un prussien et cela bien avant la guerre de 1870.

Les enfants disent entre eux : « Ne regarde pas mon prussien. » Ou bien : « J’vas te faire embrasser mon prussien. »

Mariage de Pivert

Quand on voit des indigents se marier sans faire de noce, on ne manque pas dire : « C’est un mariage de pivert, ils font l’amour su le trou.

Les piverts, en effet, s’accouplent isolément et se font des caresses sur le bord du trou qu’ils ont creusé dans un arbre pour faire leur nid.

Quand des malheureux se marient et font une noce, on dit :

« C’est une noce de bondrée,
Chacun porte sa becquée. »

Lorsque quelqu’un s’est absenté d’un village et qu’il y revient, il s’enquiert naturellement des nouvelles du pays, et s’il demande ce qu’est devenue une personne qu’il a connue, et qui est décédée, on lui répond :

« Il y a beau temps qu’elle est dans le royaume des taupes. »

Ou bien encore :

« À faire du sucre o le dos.

» À manger des pissenlits par la racine. »

À Balazé, les gens ont la réputation d’être peu intelligents, aussi dit-on, dans tous les environs de Vitré, quand on veut parler de quelqu’un qui a l’esprit lourd et borné : C’ti là est ben de Balazé.


9° Les grivoiseries du foyer


La Fille possédée du Démon

Il y avait une fois, dans une paroisse des bords de la Vilaine, une fille qui était possédée du diable.

Elle faisait la désolation de ses parents qui résolurent de la conduire au curé pour la faire exorciser.

Le prêtre l’aspergea d’eau bénite et ordonna au diable de sortir.

— Je ne sortirai pas, s’écria le démon.

— Tu sortiras, répondit le curé en continuant d’asperger la fille.

Le diable, qui luttait tant qu’il pouvait, mais qui se sentait vaincu, s’écria : « Je veux bien sortir du corps de cette fille, mais pour rentrer dans le corps du sacristain. »

— Ah ! mais non, s’écria celui-ci indigné. Le curé qui commençait, lui aussi, à en avoir assez d’asperger son sujet, dit au démon : « C’est une chose convenue, tu vas sortir par la bouche de la fille et rentrer par le derrière du sacristain. »

Celui-ci, en entendant cela, fut s’asseoir dans le bénitier et s’écria :

« Qu’il y vienne maintenant ! »

Le diable qui était sorti du corps de la fille, fut poursuivi à coup de goupillon par le prêtre qui le chassa de l’église et l’obligea à retourner en enfer.

(Conté par le père Constant Tual, de Bain, couturier à la journée.)

Il est d’usage en été, à la campagne, de laisser la porte de l’église ouverte le dimanche pendant la grand’messe.

Les paysans habitués à respirer le grand air, n’aiment pas à être enfermés, et beaucoup d’entre eux se tiennent même au dehors de l’église. On les aperçoit, assis sur des billes de bois, ou sur des pierres, récitant leur chapelet.

Un dimanche, dans le petit bourg de Pierric, non loin du Grand-Fougeray, le curé était en chaire, en train de prêcher et, dans son sermon, il répétait sans cesse : « D’où vient le tort ? mes frères, d’où vient le tort ? »

Un homme appelé justement Letort, qui passait sur la place en ce moment, traînant une vache à sa remorque, crut que le curé ne le voyant pas dans l’église demandait où il était.

Il avança jusqu’à la porte et dit : « Me v’la monsieur le curé ; je viens de mener ma vache au taurain. »

Je vous laisse à penser si les fidèles éclatèrent de rire.

Le curé ordonna ce jour-là de fermer la porte de l’église.

(Conté par Langevin, couturier à Fougeray.)

Le cardinal Saint-Marc, archevêque de Rennes, était un savant et un homme d’esprit. D’un caractère gai, il aimait les joyeux propos, et se plaisait à jouer des tours à ses bons vieux curés lorsqu’il leur offrait l’hospitalité à l’archevêché.

Les paysans des bords de la Vilaine ne l’ont point oublié et aiment à rappeler ses plaisanteries lorsqu’il allait à son château du Boschet, dans la belle vallée de Bourg-des-Comptes.

Un jour, disent-ils, qu’il se promenait dans les petits chemins verts cachés sous les arbres, il aperçut une bonne femme accroupie dans un fossé.

La pauvre vieille, voyant Monseigneur qui se dirigeait vers l’endroit où elle se trouvait, s’apprêtait à se relever lorsqu’elle entendit la voix du cardinal qui lui criait : Ne bougez pas, ma bonne femme, j’aime mieux voir la foule que l’œuf.

Le Curé de Guer

Il y avait autrefois, à Guer, un saint homme de curé, tellement charitable qu’il donnait aux pauvres tout ce qu’il possédait, ne gardant pour lui que juste ce qu’il fallait pour ne pas mourir de faim.

C’était au point que le pauvre vieillard n’avait qu’une soutane et encore si misérable, si effiloquée, que ses paroissiens en eurent pitié et résolurent de faire une quête dans la paroisse, pour lui acheter une soutane neuve.

Comme le vénérable pasteur était adoré de ses ouailles, le produit de la quête fut plus que suffisant pour l’emploi qu’on voulait en faire. Les quêteurs voyant cela, glissèrent le surplus dans les poches du vêtement.

Jamais le curé ne s’était vu si riche ; aussi craignait-il d’être volé, et afin de conserver son argent pour soulager des infortunes, il eut l’idée de faire coudre une pièce de vingt sous, sous chacun des boutons de sa soutane. De cette façon, se disait-il, il me suffira d’enlever un bouton pour faire l’aumône.

Le sacristain, paresseux, ivrogne et mauvais sujet, qui avait vu l’ouvrière coudre les boutons, convoita la soutane, et chercha un moyen de s’en emparer. Ce n’était pas chose aisée, attendu que le prêtre ne la quittait jamais.

Un soir, le curé fut appelé près d’un malade, et comme il devait traverser un bois isolé, le sacristain s’habilla en charbonnier, se noircit la figure et s’en alla attendre le prêtre derrière un buisson.

Lorsqu’il l’aperçut, il s’élança sur lui, le saisit par le bras, et s’écria : « La bourse ou la vie. »

— Vous me prenez sans doute pour un autre ? répondit le curé sans s’émouvoir. Je n’ai rien à moi, mon ami.

— C’est votre soutane que je veux.

« Tiens, tiens, pensa le curé, le sacristain, seul, sait que j’ai de l’argent sous mes boutons, et c’est lui sans doute, qui se cache sous ce déguisement. »

— C’est toi, René Michaud, qui viens m’attendre au coin d’un bois pour me voler ? Malheureux ! je savais que tu ne valais pas cher ; mais, c’est égal, je ne t’aurais jamais cru capable d’un fait pareil.

Le brigand lui arracha sa soutane et, tout en secouant le saint homme, il répétait : « Jurez-moi que vous ne direz à personne qui je suis, ou bien je vous tue sur-le-champ.

Le curé, voyant que le misérable parlait sérieusement, jura de ne dire son nom à personne, se réservant de le punir comme il le méritait. Or, voici ce qu’il fit :

Le dimanche suivant, au milieu de la grand’messe, à la préface, il chanta :

 « Connaissez-vous Michaud René,
Qu’a volé la soutane au curé,
Et son argent qui était dedans ?
Il a fait promettre par serment
De n’en parler à homme vivant,
Aussi je le chante ad Jesum
Christum Dominum nostrum. »

— Monsieur le Curé, vous m’aviez juré de n’en pas parler, s’écria le sacristain.

— Je n’en ai parlé à personne, répondit le vieillard ; mais tu ne m’as pas défendu de chanter ta mauvaise action, et tu te dénonces toi-même.

Les paroissiens s’emparèrent du sacristain, et lui auraient fait un mauvais parti sans l’intervention du curé, qui l’obligea toutefois à lui payer sa soutane, et à lui restituer l’argent de ses pauvres.

À un moment le curé de M*** cessa presque de se rendre à son confessionnal. Ses paroissiens s’en plaignirent à l’évêque.

Celui-ci enjoignit aussitôt au curé de confesser toute la semaine suivante, en le prévenant qu’il enverrait son grand vicaire s’assurer si ses ordres étaient exécutés.

Le dimanche, le curé monta en chaire et dit : « Mes frères, plusieurs d’entre vous se sont plaints que je ne confessais pas assez, et m’on fait donner l’ordre de le faire toute la semaine prochaine. Je ne demande pas mieux ; mais comme vous ne pouvez pas venir tous ensemble, je vais, pour éviter un encombrement, vous assigner des jours :

Les ivrognes viendront le lundi,
Les voleurs le mardi,
Les gourmands le mercredi,
Les orgueilleux le jeudi,
Les cotillonniers le vendredi,
Et les autres le samedi. »

La semaine suivante, il se rendit régulièrement, chaque jour, au confessionnal, où pas un chat ne se présenta.

— Vous le voyez bien, dit-il au vicaire général, c’est une farce qu’ils ont voulu jouer à Monseigneur : pas un seul pénitent n’approche du tribunal.

— C’est vrai, répondit le grand vicaire, j’en rendrai compte à Sa Grandeur.

(Conté par M. de L…, de Loutehel.)

Une fille se rendit à confesse et dit :

— Oh ! mon père, j’ai péché mortellement, il n’y a point de pardon pour mes fautes.

— Qu’avez-vous donc fait ? mon enfant.

— J’ai tué ma mère, j’ai empoisonné mon père, j’ai laissé mon fruit perdre, et j’ai donné mon corps aux gars.

— Je viens de voir votre père à l’instant ; vous n’avez donc pu l’empoisonner.

Vous me semblez surexcitée, allez-vous-en, et revenez dans quelques jours m’expliquer ce que signifient les paroles que vous venez de prononcer.

La fille retourna à confesse et s’expliqua ainsi : « Quand ma mère m’a mis au monde, elle est morte.

» L’autre jour, j’ai fait un pet devant mon père qui m’a dit : « Va pu lin, vilaine bête, tu m’empoisonnes. »

» J’ai mieux aimé laisser pourrir les fruits du courtil que de les donner aux pauvres. »

— Ça c’est mal, mon enfant.

« Enfin j’avais lavé mon corset, et l’avais mis à sécher sur une haie lorsque Gros-Jean, est passé par là, qui a voulu le prendre. J’avons tiré chacun de notre bout, mais il a été le plus fort et il a emporté mon cor, mon cor, mon corset. »

(Conté par la femme Delamarre, de Bruz.)
Les Saints en révolution dans la chapelle de l’Ermitage

Il existe dans la commune de Goven, à trois kilomètres de ce bourg, sur la route de Baulon, une vieille chapelle appelée Notre-Dame-de-l’Ermitage. Son nom lui vient, paraît-il, de ce qu’un ermite, — qui, croit-on, fut saint Thurial, — habita jadis ces lieux déserts.

Cette chapelle, qui est l’objet dans le pays de la légende suivante, était autrefois desservie par le clergé de Goven :

Un jour, le curé ayant appris que des voleurs dévalisaient les églises des environs, donna l’ordre à son domestique, qui remplissait également les fonctions de sacristain, d’aller fermer à clef la chapelle, dont la porte restait ordinairement toujours ouverte.

Justement ce jour-là, le curé n’ayant pas été satisfait du travail de trois ouvriers qu’il occupait au presbytère, se contenta de payer leur salaire sans leur offrir gracieusement, comme il avait l’habitude de le faire, le repas du soir.

Ces hommes mécontents résolurent de se venger : Deux d’entre eux prirent dans le fruitier du presbytère des noix et des poires blettes ; puis ils conseillèrent au troisième de se glisser la nuit dans l’étable et d’y dérober un jeune agneau qu’un paroissien avait offert à son pasteur. — « Tu viendras nous rejoindre, lui dirent-ils, dans la chapelle de l’Ermitage où nous t’attendrons. Là, nous cuirons la bête, et nous ferons bombance. »

Lorsque le domestique du curé arriva près de la chapelle, il entendit un tel tapage, qu’il s’enfuit au presbytère, où il raconta à son maître que les saints étaient en révolution. Pendant que les uns s’embrassaient, ajouta-t-il, — parce qu’il avait entendu le bruit des lèvres sous les poires molles, — les autres se donnaient des claques, — parce qu’il avait perçu le bruit que faisaient les voleurs en cassant leurs noix à coups de pierre.

Le curé, gros et goutteux pouvait à peine marcher, et cependant il voulut voir ce qui se passait dans sa chapelle. « Porte-moi sur ton dos, dit-il à son domestique. »

Celui-ci, fort comme un Turc, le chargea sur ses larges épaules et s’en alla vers l’Ermitage.

Entendant le pas lourd du sacristain et prenant le surplis blanc du curé pour l’agneau, les deux voleurs dirent ensemble à celui qu’ils croyaient être leur camarade : — Est-il gras ou maigre ? Apporte-le vite, qu’on le tue.

Le domestique, plus mort que vif, en entendant ces paroles répondit : — Maigre ou gras, le v’la, et il jeta le malheureux curé par terre, en se sauvant à toutes jambes vers Goven, où il raconta tout ce qu’il avait entendu dans la chapelle.

Lorsque les habitants de Goven se rendirent à l’Ermitage, ils furent d’autant plus convaincus que les événements racontés par le sacristain étaient vrais, qu’ils trouvèrent leur curé mort, étendu par terre, le crâne brisé sur un caillou.

À partir de ce moment, la messe ne fut plus célébrée dans la chapelle qui devint un objet de frayeur pour tout le monde. On ne passait devant elle qu’en se signant, croyant toujours que les saints étaient en révolution. On affirmait même qu’on les entendait la nuit se livrer à des scènes épouvantables.

Ce ne fut qu’au lit de mort de l’un des voleurs que la vérité fut connue. Il fit la révélation du larcin qu’il avait commis, et expliqua les suites terribles qui en furent la conséquence.

Mille-Boutons, le garde champêtre de Noë-Blanche

Le garde champêtre de la commune de Noë-Blanche était plus connu sous le sobriquet de Mille-Boutons que sous son nom véritable, et cela, parce que lorsqu’il revint du service militaire, il avait son costume de chasseur à cheval avec de gros boutons de plomb sur la poitrine.

Un jour, au marché de Bain, il aperçut un braconnier condamné par le tribunal à une amende de chasse et qui venait de toucher le prix d’une vache. Il saisit l’infortuné paysan au collet et le conduisit devant le Contrôlou. Les receveurs de l’administration des Domaines ne sont pas désignés autrement dans nos campagnes.

— M. le Contrôlou, dit Mille-Boutons, voici un délinquant que je vous amène. C’est Jean Chopin, un mauvais sujet, un mauvais garnement qui se moque de la municipalité, de M. le Maire et de MM. les Adjoints, mais qui ne se moquera pas de vous, M. le Contrôlou, c’est moi qui en réponds. Il a de l’argent, il va payer, il va abouler !

Té ta donc, té ta donc, répétait Jean Chopin d’un air ahuri, — car il n’avait pas ménagé les chopines en vendant sa vache, — tu causes trop, tu ennuies M. le Contrôlou.

— Tu auras beau dire, beau faire, reprit Mille-Boutons furieux, tu n’es qu’un chenapan : Tu as fait ton fossé sur les communs et tu n’en as pas le droit, aussi tu l’abattras, sois-en sûr, oui tu l’abattras ras pied ras terre, c’est moi qui te le dis, car vois-tu, Jean Chopin ! j’ai prêté serment à la République de l’Empire, ma tête en dépend, tant pis pour ton cul !

Le Barrage de l’étang de Combourg

Une fille de Combourg s’en alla à confesse à son curé qui lui dit après l’avoir écoutée attentivement : « Vous me reviendrez dans quinze jours, ma fille, et je vous donnerai l’absolution. Allez et ne péchez plus. »

La fille, qui avait l’oreille un peu paresseuse, crut avoir entendu : « Allez et ne pissez plus. »

Singulière pénitence qu’il m’a donnée là. Rester quinze jours sans pisser me paraît bien difficile. Je n’sai pas si je pourrai y’attendre. Enfin j’essaierai tout de même.

La malheureuse resta douze jours sans boire et sans satisfaire ses petits besoins ; mais n’y tenant plus, elle courut au presbytère et dit au curé : « Monsieur le Curé, ce n’est pas possible, je ne pourrai jamais rester quinze jours sans pisser, je souffre trop ; malgré moi ça m’échappe. »

— Ma fille, que dites-vous là ? Jamais je ne vous ai donné pareille pénitence. Je vous ai dit : « Allez et ne péchez plus. »

— Ah ! mon Dieu ! si j’avions su ! Ciel ! quel bonheur ! et la fille alla s’accroupir au pied du château de Combourg. Elle pissa pendant trois heures et toutes les pierres qui se trouvaient sur le coteau roulèrent dans l’étang et formèrent le barrage que l’on voit encore aujourd’hui.

(Conté par le nommé Pierre, barbier à Rennes.)
Le Guérissou et la malade

Une vieille femme veuve, qui vivait avec son fils presque idiot, tombe malade et envoie chercher le médecin.

Celui-ci arrive, lui tâte le pouls, lui regarde la langue et lui demande :

— Allez-vous bien à la selle ?

— Ah ! grand Dieu ! à la selle ; j’n’avons seulement pas un pauvre penêt[35].

C’n’est pas ça que j’vous demande. Chiou ben ?

— Peuh ! je chie, je n’chie pas, j’chie tout de même. Hier au sa[36], dans le courtil, j’en ai fait gros comme une runche[37]. Pelo[38], prends M. le guérissou[39] par la main et mène-le dans le courtil.

Le guérissou se laisse faire et revient près de la malade.

— Vous mangez bien malgré votre maladie.

— Peuh ! je mange, je n’mange pas, j’mange tout de même.

C’matin, Pelo m’a cuet[40] un poulet, j’ai mangé les dou zailes, les dou quesses et la corporaille[41], Pelo a mangé le reste.

Un jour, la malade tombe de son lit, se fait des meurtrissures et le guérissou dit à Pelo que des sangsues sont nécessaires. Le gars achète des sangsues, les fricasse et les fait manger à sa mère.

La bonne femme n’allant pas mieux, le guérissou ordonne des bains.

— Tu mettras le doigt dans l’eau, dit-il à Pelo, et comme cela tu verras si elle n’est pas trop chaude.

— Oui, monsieur le guérissou.

Le gars, qui n’aimait pas plus l’eau chaude que l’eau froide, ne mit point le doigt dans la cuve. Il y trempa les dents d’une fourche qui nécessairement ne se plaignit point.

Voyant cela, il prit sa mère à moitié morte dans son lit, et la déposa dans un bain d’eau bouillante.

La bonne femme faisait des grimaces épouvantables et le gars disait : « Ça lui fait tout de même du bien, car la v’la qui rit. »

Les voisins arrivèrent et s’empressèrent de retirer la vieille du bain ; mais il était trop tard, la bonne femme était cuite.

— Comment ! malheureux, dirent-ils à Pelo, tu as tué ta mère.

Nennin[42] ben sûr ; j’s’avais ben que memin[43] ne m’aimait point, c’est un tour qu’elle a v’lu[44] me jouer.

(Conté par le père Constant Tual, couturier à Bain.)
Le Tour de Lit

Une fille de la commune de Saint-Senoux, fut à confesse à son curé et s’accusa d’avoir pris un tour de lit.

— Il faut le rendre, mon enfant, lui dit le prêtre.

— Je n’ose le porter.

— S’il en est ainsi, apportez-le-moi au presbytère, et je ferai la restitution.

— Je vous remercie bien ; ce sera un grand service me rendre. Je vous le porterai demain.

De retour chez lui le curé dit à sa servante : « Une fille doit m’apporter un objet que je ne connais pas. Si je ne suis pas là, vous ne regarderez pas ce que c’est et vous le monterez dans ma chambre. »

Dès le lendemain matin, pendant que le cure disait sa messe, la fille se rendit au presbytère et remit à la domestique un panier fermé pour M. le Curé.

Lorsque celui-ci rentra, sa chambrière lui dit : « J’ai porté dans votre appartement un panier très lourd qu’une jeune fille m’a remis pour vous. »

Le naïf pasteur alla ouvrir le panier et découvrit, devinez quoi ? Un enfant nouveau-né.

Il comprit alors seulement ce que c’était qu’un tour de lit.

Le dimanche suivant, il dit en chaire : « Les filles qui auront pris des tours de lit sont priées de les garder chez elles et de ne plus les apporter au presbytère. »

(Conté par Fine Daniel, de Bruz.)
Le Lièvre à M. le Curé

Un malin paysan vit un jour un lièvre qui se sauva à son approche,

— Va-t’en chez M. le Curé, lui cria le bonhomme.

Quelques jours après, il rencontra le prêtre et lui dit : — Je vous ai envoyé un lièvre.

— Ah ! merci mon ami, ça se trouve à merveille, j’ai des amis qui viennent me voir, et je les régalerai.

Quand il rentra au presbytère il dit à sa servante en se frottant les mains :

— Ah ! Gertrude, bonne affaire, bonne affaire, nous avons un lièvre.

— Comment ! un lièvre ? Où est-il ?

— Tu n’as pas reçu un lièvre ?

— Non assurément.

— Ah ! le père Gicquel s’est moqué de moi.

À quelque temps de là, le curé vit le paysan et lui fit des reproches.

Dame ! monsieur le curé, j’ai vu un lièvre comme je vous vois et je lui ai dit d’aller au presbytère, mais l’animal est peut-être bien un hérétique qui a eu peur de vous.

(Conté par Jean Jumel, de Bain.)

Un gars de Bourg-Barré s’en alla à confesse, et déclara qu’il avait embrassé une fille.

— Pour ta pénitence, lui dit le curé, tu diras neuf chapelets.

— C’est beaucoup, répondit le gars ; ne pourrais-je en faire dire la moitié par un ami ?

— Oui, tu peux le faire.

— Eh bien ! monsieur le curé, vous qui sans cesse répétez que vous êtes mon meilleur ami, dites-en donc les trois quarts.

Et le gars sortit précipitamment du confessionnal.

(Conté par Anne-Marie Turpin, de Bourg-Barré.)

Le bounet[45] de Pierre

Une bonne femme de Goven avait été invitée à une noce, et elle se faisait une joie d’y aller.

Son homme mourut subitement, et l’enterrement fut fixé précisément le jour de la noce.

Qu’on juge du double chagrin de la bonne femme.

Elle aimait tout de même ben son défunt Pierre, car, quand il fut mort, elle se mit à sangloter en montrant le trou qui se trouve dans la muraille de la ruelle du lit, et qui sert ordinairement à mettre la tabatière et le mouchoué.

V’la le trou, disait-elle, où mon défunt Pierre mettait son pauv’ bou, son pauv’ bou, son pauv’ bounet.

Malgré cela, ne pouvant se consoler à l’idée de ne pas faire ripaille à la noce, elle s’en alla trouver une voisine et lui dit : « Si tu voulais aller pleurer pour ma à l’enterrement de mon homme, je te donnerais deux boissiaux de grains ratis[46].

La voisine accepta, et pleura tant et tant que tout le monde lui fit des compliments. La veuve, en entendant cela, ajouta : « Puisque t’as si ben crié à l’enterrement de mon bonhomme, je t’avais promis deux boissiaux de grains ratis, je te les donnerai chûppés[47].

(Conté par Victoire Hubert, servante de M. de la Plesse, à Bruz.)

Un pauvre homme étant tombé dangereusement malade, on alla bien vite chercher le curé, qui venait de terminer sa messe, et qui se rendit immédiatement dans le village habité par le moribond.

Quand il eut administré ce dernier, le curé demanda si on pouvait lui donner à manger, car il était à jeun.

— Hélas, nous n’avons que du pain noir et du beurre, monsieur le curé.

— Vous avez bien des œufs.

— Oh ! pour cela, oui. Et on alla lui chercher des œufs dans le poulailler.

Le prêtre fit un trou dans les cendres du foyer et y mit les œufs à cuire, mais auparavant cracha dessus.

Un petit gars qui était assis au coin du foyer lui demanda : « Pourquoi crachez-vous dessus ? monsieur le curé. »

— Pour les empêcher de péter, mon garçon.

— Oh ! vous devriez ben cracher au cul de ma mère, car elle pète toute la journée.

(Conté par M. Dupont, ancien receveur d’octroi, à Rennes.)
Le Seigneur de la Fonchaye-Baron

Le vieux château de la Fonchaye-Baron, situé dans la commune de Saint-Malo-de-Phily, est aujourd’hui en ruines. Il ne reste plus qu’une tour et des pans de mur permettant de juger de son importance. Tout à côté est un vieux chêne qui fut le contemporain des anciens barons. On voit encore l’emplacement de la chapelle, le jardin en terrasse, et dans un coin de rocher, quelques constructions qui servirent de chenil à la meute du seigneur.

Les barons de la Fonchaye ont laissé dans le pays, une détestable réputation de libertins. On remarque dans un pan de mur du château un trou sombre qu’on appelle la chambre à la fille. C’est une sorte de cachot où fut enfermée et où est morte, dit la légende, une jeune fille qui refusa d’être la maîtresse du seigneur Barthélémy Lambart, qui vivait vers 1714. Voici d’ailleurs comment mourut ce seigneur de la Fonchaye :

Il était allé, en compagnie de plusieurs hobereaux du voisinage, se divertir à Lohéac lorsqu’il aperçut dans une rue de la ville[48], une fillette fort jolie à laquelle il intima l’ordre de le suivre.

La pauvre enfant aurait bien voulu fuir, mais craignant d’encourir pour elle et sa famille la colère du seigneur et maître, elle se laissa conduire et enfermer dans une chambre d’auberge. Le baron tout guilleret, mit la clef dans sa poche, et s’en alla rejoindre ses amis, bien décidé à emmener le soir la captive à la Fonchaye.

Qu’on juge du chagrin de l’infortunée jeune fille qui était sur le point d’épouser un petit couturier de Lohéac et qui se demandait si ce dernier consentirait à la prendre pour femme lorsqu’elle reviendrait du château.

Pendant qu’elle faisait ces tristes réflexions, elle aperçut justement par la fenêtre ouverte le couturier qui passait dans la rue. L’appeler et lui compter ses infortunes fut l’affaire d’un instant.

Le fiancé consola de son mieux sa promise et lui jura de la délivrer.

Il entra à cet effet dans l’auberge où de nombreux rouliers étaient à table et riaient, sous cape, du sort réservé à la jeune fille que le seigneur de la Fonchaye venait d’enfermer.

En voyant cet encombrement de voyageurs, le petit couturier jugea d’un coup d’oeil que ses services seraient bien accueillis. Il s’offrit pour tourner la broche, ce qu’on accepta avec empressement.

Une grosse maritorne venait à chaque instant arroser les viandes et s’assurer qu’elles cuisaient convenablement. Le couturier, profitant de ce va-et-vient, demanda à la fille si elle ne connaissait pas un moyen de lui permettre de voir sa fiancée. La servante se fit d’abord tirer l’oreille ; mais le cuisinier improvisé semblait si malheureux et devint si suppliant, qu’elle lui avoua posséder une double clef et ajouta : « Je vous la confie, mon pauvre José, mais prenez garde de me compromettre, car je pourrais bien avoir, moi aussi, le sort de votre fiancée. »

José n’écoutait plus la servante, et était déjà dans la chambre de sa promise, à laquelle il dit :

« Changeons de costume : donne-moi tes hardes, prends les miennes et décampe au galop. »

La jeune fille ne se le fit pas répéter deux fois. Elle s’empara des culottes que José lui tendait, les mit comme si elle n’avait fait que ça toute sa vie, endossa le gilet, le touron, et enfin se coiffa du chapeau à larges bords, qui acheva de la transformer complètement. Elle descendit ensuite prestement l’escalier et se sauva sans être reconnue.

Le petit couturier, resta dans la chambre, et procéda à une toilette minutieuse. Il achevait de se lisser les cheveux en bandeaux lorsque la servante, inquiète de ne pas le voir revenir, monta l’escalier. Le gars qui l’entendit prit aussitôt son mouchoir pour se cacher la figure et fit semblant de sangloter.

La fille ne se douta de rien, et crut que le fiancé était parti. Elle allait même adresser des consolations à la pauvre enfant qui fondait en larmes, lorsque les voix retentissantes des rouliers la rappelèrent à l’office. Elle sortit précipitamment de la chambre en fermant la porte à clef.

La journée s’écoula et les rouliers s’en allèrent dormir dans le foin des écuries.

José commençait à croire que le seigneur ne songeait plus à ses amours et s’en était allé au château. Mais non, vers dix heures, un domestique amena deux chevaux devant l’auberge. Le baron arriva à son tour, fit monter la jeune fille en croupe derrière lui et partit au galop. Son garçon le suivait à une distance respectueuse.

Arrivé à la Mélatière, manoir voisin de la Fonchaye, le seigneur mit pied à terre, fit descendre le petit couturier, attendit son domestique auquel il dit tout bas, en lui jetant la bride de son cheval : « Rentre seul, et si tu entends crier ne t’en inquiète pas. »

Pourquoi n’allait-il pas jusqu’à la Fonchaye ? c’était, suppose-t-on, parce qu’il avait déjà une favorite qu’il craignait de contrarier en amenant bruyamment une rivale. C’était peut-être aussi pour tout autre motif.

Toujours est-il que le baron voulut rester dans les champs. Ne s’avisa-t-il pas de passer le bras autour de la taille de son compagnon de route ? Or José qui n’attendait qu’une occasion, attira de dessous sa jupe un solide gourdin dont il appliqua, en se trémoussant comme un diable, de vigoureux coups sur la tête du galant.

Ce dernier, surpris d’une pareille attaque, ne put même pas se défendre et roula par terre en poussant des cris déchirants.

Son domestique l’entendit ; mais comme il avait reçu l’ordre de ne pas s’en inquiéter, il continua tranquillement son chemin.

Le couturier cessa de frapper quand le seigneur eut perdu connaissance.

Le lendemain, des paysans en allant aux champs, rencontrèrent leur maître gisant sur le sol et respirant à peine. Ils le transportèrent chez lui où il ne tarda pas à rendre le dernier soupir.

(Conté par Lelièvre, menuisier sur le bord de la route près du bourg de Lohéac.)

Le Moine de la forêt de Teillay

Le marquis de Coenten-faô, seigneur de Sion et de la Roche-Giffart, était à la fin du xviie siècle, la terreur de ses vassaux, et surtout des cordeliers du couvent de Saint-Martin, situé près du château de la Roche, dans la forêt de Teillay.

Un moine de Saint-Martin, avait, en dépit du châtiment auquel il s’exposait, l’habitude de tendre des collets dans la forêt pour alimenter le garde-manger du couvent, de lièvres, de lapins, de bécasses. Il eut beau se cacher, il fut un jour surpris par un garde et amené devant son seigneur.

Celui-ci, furieux de voir qu’on l’avait bravé, se précipita dans la cour du château, saisit un coq qui s’y trouvait l’apporta au moine et lui dit :

— Tue ce poulet comme tu voudras être tué, car je te jure que tout ce que tu feras sur lui je le ferai sur toi.

— Vous le jurez ? dit le moine.

— Oui, je le jure.

Alors le cordelier enfonça un doigt jusqu’à la troisième phalange dans le derrière du coq, le retira, se le mit dans la bouche et regarda bien en face le marquis, en disant :

— Vous ferez cela.

Le seigneur de la Roche-Giffart, malgré sa colère, ne put s’empêcher de pouffer de rire et s’écria :

— Non. Tu es plus fort que moi ; je n’aurais jamais eu pareille idée. Je te fais grâce pour cette fois ; retourne à ton couvent et ne t’avise plus de prendre mes lièvres.

(Conté par M. Chaillou, ancien instituteur à Ercé-en-Lamée.)

Vers 1860, M. Féart, préfet de l’Ille-et-Vilaine, donna à la préfecture un grand bal auquel furent invités tous les maires du département.

Le maire de G*** était absent lorsque son invitation arriva chez lui. À son retour, sa femme lui dit : — Notre préfet, M. Feillard, donne une veillois et t’a écrit pour y aller.

— C’est tout de même ben honnête de sa part d’avoir songé à ma, aussi je m’y rendrai coûte que coûte.

— Et tu feras ben, notre homme, répondit la femme du maire qui regrettait ben un petit de ne pas être invitée.

Le jour venu, le premier magistrat de G*** mit son plus beau touron et attela sa jument à la carriole.

Au moment où il allait partir, sa femme lui apporta son parapluie en lui recommandant de ne pas le perdre. « Si l’iau venait à chai cette net[49], ajouta-t-elle, tu gâterais tes biaux habits. »

La jument, — une bonne trotteuse, ma foi, — fit feu des quatre pieds et ne s’arrêta en chemin, comme elle avait l’habitude de le faire, que juste le temps de permettre à son maître d’avaler quelques bolées dans les cabarets qui se trouvaient sur le bord de la route.

Arrivé à l’auberge du Petit-Caillou, en face l’École Normale, le maire mit sa jument à l’écurie, prit encore deux ou trois bolées et se dirigea vers la Préfecture.

Mon doux Jésus ! s’écria-t-il, en voyant les illuminations qui éclairaient tout le contour de la promenade de la Motte, le feu est à la Préfecture.

Une vieille femme qui se trouvait près de lui le rassura, et lui dit que c’était toujours ainsi quand il y avait bal chez le préfet.

Comme il allait franchir la grille de l’Hôtel, un agent de police voulut l’empêcher de passer, mais il se rebiffa en criant : « Rangeous don[50], j’sais le maire de G***, et j’ai mon invitation dans ma poche. »

Arrivé au bas de l’escalier où les équipages défilaient sans interruption, un huissier de service voulut le débarrasser de son parapluie, mais le bonhomme lui dit : « Jamais de la vie ! tu me le bézerais p’t’être[51]. »

À la porte du bal, pareille scène se renouvela, mais le maire se cramponna à son rifflard en s’écriant : « Pas pu à ta qu’à l’autre ! »

Et il entra dans la salle des fêtes.

Le préfet qui recevait ses invités, lui tendit la main et le remercia d’être venu à sa soirée.

« L’honneur est devers ma, » répondit le maire.

Il alla s’asseoir dans un fauteuil placé dans une embrasure de fenêtre et regarda entrer les généraux et officiers de tous grades, les fonctionnaires en uniforme et les beaux messieurs en habit et en cravate blanche.

Un garçon qui portait un plateau couvert de glaces, s’arrêta devant lui.

— J’aimerais mieux une bolée, dit le maire, mais puisqu’il n’y en a pas ici, faut ben que je me contente de ce que tu m’offres.

Lorsqu’il goûta la glace, il poussa un juron : « Bougre ! que c’est fré ! venir de si lain pour manger de si mauvais ca. »

Les danses commencèrent, et lorsqu’il leva les yeux et qu’il vit les dames qui, par derrière, montraient leurs épaules nues et, par-devant, la rote[52] aux puces, il fut scandalisé.

Il se leva indigné et s’en alla vers M. Féart, auquel il dit : « Je m’en vas, monsieur le préfet, votre maison est mal tenue ! »

Au temps jadis, le curé de Chavagne, en allant dîner chez son confrère de Bruz, passa devant la porte ouverte de l’un de ses paroissiens qu’il connaissait particulièrement. Il eut l’idée d’entrer pour lui dire bonjour.

Il ne vit dans l’unique pièce de la maison qu’un petit gars qui, une cuillère de bois à la main, regardait dans une casserole qui bouillait sur le feu.

— Que fais-tu là, mon gas ?

— Je mange les allants et venants, monsieur le curé.

— Comment, tu manges les allants et venants ?

— Oui, j’ai mis à cuire des petits pois dans la casserole, et tous ceux que l’eau bouillante fait monter, je les pêche avec ma cuillère et je les mange.

— Et ça t’amuse ?

Ben sûr ! monsieur le curé.

— Où est ta mère ?

— À faire un trou pour en boucher un autre.

— Que dis-tu là ? mon garçon.

— La vérité, monsieur le curé : elle est à emprunter de l’argent pour payer notre maître.

— Et ton père, lui, où est-il ?

— Ah ! il est à rendre un service à un chrétien qui ne le lui rendra jamais.

— Tu n’en sais rien, mon enfant ; il ne faut pas douter ainsi de la reconnaissance des gens.

— Je suis ben sûr de ce que je dis, monsieur le curé ; mon père est à porter un mort en terre, qui ne pourra jamais lui rendre le même service.

— Drôle de garçon, pensa le curé, qui ajouta : — Mais tu as une sœur aussi, où est-elle ?

— Elle est là-haut, dans le grenier, à pleurer les joies du temps passé.

Le prêtre s’en alla en disant : « Voilà un gars qui a trop d’esprit, il ne vivra pas. »

(Conté par la femme Delamarre, de Bruz.)
L’Avare

Un vieil avare avait sa femme bien malade et ne lui donnait aucun soin.

Lorsqu’elle fut à la dernière extrémité, il eut tout de même peur que ses voisins l’accusassent de l’avoir tuée, et il fit venir le médecin.

La pauvre vieille marmottait entre ses dents : « J’bairais ben un coup de vin ; j’bairais ben un coup de vin. »

Le médecin qui ne comprenait pas demanda au mari :

— Que dit-elle ainsi ?

J’fil’rai ben du brin[53] ; j’fil’rais ben du brin.

— Ma pauvre femme, dit le guérissou, vous n’êtes pas en état de filer.

J’bairais ben un coup de vin, répétait la pauvre femme.

— C’est inutile, vous ne le pourriez pas.

« Votre femme est bien malade, mon brave homme, dit le médecin en se tournant vers le vieillard ; elle est surtout très faible et il faudrait lui donner des œufs dans son bouillon. »

— Oui, monsieur le guérissou, j’li donnerons du bouillon d’œufs.

Quand le médecin fut parti, le vieil avare mit des œufs à bouillir, les mangea et fit boire l’eau à la malade.

La pauvre vieille à un pareil régime ne tarda pas à s’en aller dans le royaume des taupes, au grand contentement de l’avare qui regrettait jusqu’à l’eau qu’il donnait à sa malheureuse femme.

(Conté par Fine Daniel, de Bruz.)
L’Extrême-Onction

Une femme voyant son mari près de trépasser appela ses enfants près du lit de leur père, et craignant que celui-ci vînt à mourir sans avoir reçu les derniers sacrements se chargea elle-même de l’administrer.

Elle terminait l’opération lorsque le ministre de Dieu arriva.

Dame ! monsieur l’curé, dit-elle, v’s’arrivez trop tard, j’ons fait l’ouvrage moi-même.

— Mais, ma brave femme, cela n’appartient qu’au prêtre de donner l’Extrême-Onction. Comment avez-vous fait ?

J’ons pris un bouchon de filasse o de l’huile, et j’ons prononcé ces paroles en lui frottant les extrémités :

« D’mandez pardon au bon Jélu, vilaine bête, de tout c’que vos foutus yeux ont vu et qui n’devaient pas va. »

« Demandez pardon au bon Jélu, vilaine bête, de tout c’que vos foutues oreilles ont entendu et qu’elles ne devaient pas entendre. »

« D’mandez pardon au bon Jélu, vilaine bête, de tout c’que vot’ foutue bouche a juré après ma. »

« Demandez pardon au bon Jélu, vilaine bête, de tout c’que vos foutues mains ont bité et qu’elles ne devaient point biter. »

« Demandez pardon au bon Jélu, vilaine bête, de tout c’que vos foutus pieds m’ont donné d’coups dans le derre. »

« Après ça j’li di : Raidis les jarrets, écale[54] les orteils, fous le camp, et n’nous regrette pas pu que je n’te regrettons. »

(Conté par Constant Tual, couturier à Bain.)
10° Pronostics, dictons, locutions communes, proverbes, devinettes
Les Influences de la Lune

On appelle pointe du croissant, les huit premiers jours de la nouvelle lune, et le décours de la lune le dernier quartier.

Pendant la pointe du croissant, si on émonde des arbres, les branches au lieu de pousser droit vers le ciel, décrivent une courbe disgracieuse.

Il en est de même pour beaucoup de travaux, exemples :

Si on fait le cidre, ou si on le soutire, il y aura de la lie mélangée au liquide.

Les pommes de terre semées donneront beaucoup de pampres et peu de légumes.

Les poireaux et laitues monteront très vite en graine.

Il y a cependant une exception pour le premier vendredi du croissant. On peut, ce jour-là, arriverait-il le lendemain de la nouvelle lune, émonder les arbres, faire le cidre, le soutirer et semer ou piquer toutes sortes de légumes.

Les enfants, au contraire, qui naissent dans la pointe du croissant deviennent forts et vigoureux, tandis que ceux qui viennent au monde dans le décours sont généralement faibles et chétifs.

Tous les travaux exécutés dans le dernier quartier de la lune, réussissent toujours mieux qu’à un autre moment.

Les petits pois ne lèvent pas si on les sème les trois premiers jours, les trois du milieu et les trois derniers du mois de mai.

Les haricots, semés ces jours-là, lèvent borgnes, c’est-à-dire qu’ils n’ont qu’une feuille au lieu de deux.

Il ne faut pas couper les cheveux dans le décours, parce qu’ils repoussent moins vite. Taillés dans le croissant, ils allongent très rapidement.

Autrefois, les filles et femmes de la campagne vendaient leurs cheveux à des marchands pour des mouchoirs ou des colifichets.

Je me souviens avoir vu, au marché de Bain, des normands faire tomber, sous leurs ciseaux, les plus splendides chevelures du monde, et cela pour des mouchoirs de coton mauvais teint.

Seulement les paysannes ne consentaient jamais à se laisser couper les cheveux ni en mai, ni en août, parce que, prétendaient-elles, ils repoussaient difficilement.

Il ne faut pas se couper les ongles dans la pointe du croissant, ni les jours qui ont un R dans leur nom, ou il vous vient autour de l’ongle une petite excroissance de peau que l’on nomme croissant et qui fait souffrir.

Du brouillard dans le décours,
De la pluie sous trois jours.

Quand le ciel est rouge au coucher du soleil, signe de vent pour le lendemain.

S’il est moutonné (floconneux), signe de pluie dans les trois jours.

Quand un cercle entoure la lune, s’il est éloigné d’elle, signe de pluie, s’il est proche, signe de beau temps.

Année ventouze (année de vent),
Année pommouze (année de pommes).

(Vitré.)

La neige en janvier
Vaut du fumier.

(Tout le département.)

À la chaire du bon saint Pierre (18 janvier),
L’hiver s’en va s’il ne se resserre.

(Liffré.)

Quand il tonne en janvier,
Ça fait le cimetière bosser
Et les louves avorter.

(Guipry.)

À la Chandeleur,
Les jours croissent de plus d’une heure.

(Partout.)

Quand à la Chandeleur il éclaire (si le soleil brille),
C’est que l’hiver est au derrière.

(Partout.)

Si le soleil luit à la sainte Eulalie (12 février),
Il y aura pommes à cidre à folie.

(Lohéac.)

En février
Bon mesle (merle) doit nicher.

(Dourdain).

Semer les poireaux le jour sainte Agathe (5 février),
Un brin en vaut quatre.

(Chasné.)

Février emplit les fossés,
Mars les essard (dessèche).

(Tout le département.)

À la Saint-Mathias (24 février),

Les vlins sortent de la has.
(Les reptiles sortent de la haie.)

(Livré.)

Jamais février n’a passé
Sans voir groseiller feuillé.

(Livré.)

Tout dégel sans plée (pluie)
Ne vaut pas pie écorchée.

(Bain.)

Autant de brouillards en mars,
Autant de gelées en mai.

(Bain.)

À mars sèche (22 mars),
Le coucou est mort s’il ne prêche (ne se fait entendre).

(Saint-Sulpice-Ia-Forêt.)

La tras (grive) au haut du chêne,
Bonhomme, sème ton avaine (avoine).

(Dourdain.)

Mars les cocars (œufs),
Avril les petits,
Mai les essemets (essains).

(Marpiré.)

Avril frais, mai chaud.
Emplit le grenier jusqu’en haut.

(Marpiré.)

Si on a de l’argent dans sa poche quand on entend le coucou chanter pour la première fois, c’est signe qu’on en aura toute l’année.

Un grillon dans un foyer est une chance de bonheur.

Quand la Guernette (rainette), chante,
Quand le Grézillon (grillon), chante,
Signe de beau temps.

Quand le pivert plaint,
La pluie n’est pas loin. (Bain.)

À Romazy, on dit :

Le dernier cendré amène le coucou,
La dernière cendrée amène la huppe.

Le dernier cendré et la dernière cendrée sont le gars et la fille qui se sont présentés les derniers dans l’église pour y recevoir les cendres.

On leur dit toute l’année : C’est ta qui as amené le coucou ; c’est ta qui as amené la huppe.

Le vent est pendant les trois quarts de l’année où il était pendant la grand’messe du dimanche des Rameaux.

Le dimanche des Rameaux,
Pendant la procession,
Si le vent est en galène[55],
Perce ton fût avec une alène.

(Très vieux dicton du Pertre, qui veut dire que si le vent est en galerne il y aura peu de pommes, et que par suite, pour ménager le cidre, il ne faudra faire qu’un petit trou au tonneau.)

Le dimanche des Rameaux :

Disette de pommes.
Le vent dans le bas
Mets les tonneaux en garatas. (Objets inutiles.)


Récolte moyenne
Quand le vent est soulaire[56],
Rinçons les verres.

Récolte abondante
Le vent dans le haut,
Rinçons les tonneaux.

(Dourdain.)

Pâques au balcon,
Noël au tison. (Dourdain.)

Pâques pleuvinou (pluvieux),
Sac farinou (plein de farine). (Vitré.)

Entre Pâques et la Pentecoûte (Pentecôte.)
Le dessert n’est qu’une croûte. (Bain.)

À la Saint-Georges (13 avril),
Le blé a l’épi dans la gorge. (Sens.)

À la Saint-Georges,
Bonhomme, sème l’orge.
À la Saint-Marc,
Il est trop tard. (Pancé.)

Quand il pleut le jour Saint-Georges,
Il n’y a point de fruits à coque.

(Saint-Sulpice-la-Forêt.)


À la mi-avril
Le blé (seigle) est en épis. (Bain.)

À l’Ascension,
Bonne femme touze (tond) les moutons.

(Bain.)

À la Saint-Pothin (2 juin),
Bonhomme, sème ton sarrasin.

(Saint-Jean-sur-Vilaine.)

Quand il pleut le jour Saint-Médard (8 juin),
Il pleut quarante jours plus tard.
À moins que Saint-Barnabé
Ne lui coupe l’herbe sous le pied.

Saint-Gervais quand il est beau
Tire Saint-Médard de l’eau. (Bruz.)

Saint-Jean faouchou (faucher).
Saint-Pierre fanou (faner). (Argentré.)

À la Saint-Jean
Perdreau volant. (Bain.)

À la Madeleine (22 juillet),
Bonhomme, coupe ton avaine (avoine).

(Châteaubourg.)

Quand il pleut le jour Sainte-Anne (26 juillet),
Il pleut pendant quarante jours.
À la Saint-Laurent (10 août),
Prends la noix pour voir ce qu’il y a dedans.

(Argentré.)

À la mi-août,
Les noix ont le cul roux. (Vieux-Vy.)

S’il pleut le jour de l’Assomption (15 août), la pluie ne doit pas cesser jusqu’à la fête de la Nativité (8 septembre).

À l’Exaltation (14 septembre),
Les hirondelles s’en vont. (Dourdain.)

Quand octobre est à sa fin,
La Toussaint est au matin. (Bain.)

Telle Toussaint, tel Noël. (Bain.)

À la Sainte-Catherine (25 novembre),
Tout prend racine.  (Marpiré.)

À la Saint-Thomas (21 décembre),
Les jours allongent du pas au jas (jars).

(Fougeray.)

À la Sainte-Luce,
Le jour croît du saut d’une puce.

(Bain.)

Quand les coqs chantent, le soir, après dix heures, dans le temps de l’avent (les quatre semaines qui précèdent Noël), l’hiver doit être doux.

Quand les soleil raie (luit) pendant la grand’messe, le jour Noël, signe certain qu’il y aura des pommes. (Bain.)

Entre Noël et Carnaval
La bondrée (buse) vaut du canard.

(La Bouëxière.)

Si le jour de la Saint-Sylvestre l’on touze (tond) les vaches entre les cornes, elles ne mouchent pas le reste de l’année. (Plaisanterie faite aux gars de la campagne qui vont se faire couper les cheveux le 31 décembre.)

(Vitré.)

Le cheval et le bœuf ne peuvent être contents ensemble : Quand il y a du foin, il n’y a pas de paille.

(Marpiré.)

L’hiver est toujours dans un coin du bissac.
(C’est-à-dire que s’il n’est pas au commencement, il est à la fin.)

(Pléchâtel.)

À Noël, nuit noire
Signe de blé noir. (Lohéac.)

Pluie matinale
N’est pas journale (ne dure pas).

(Poligné.)

Arc-en-ciel du matin,
Bonhomme, mets ta bête en chemin.

(Saint-Malo-de-Phily.)

Crapaud qui chante
Pomme à l’ente.

(Saint-Médard-sur-Ille.)

Les mouches de lande
Vont à la belle viande ;
Les mouches de forêt
Vont à la Querrée (charogne).

(Chavagne.)

Il n’est si failli fagot
Qui ne trouve sa hart.

(Noë-Blanche.)

Bon pa (poil), bonne bête,
Le rouge est le maître.

(Dicton des marchands qui ont des bœufs rouges à vendre.)

(Teillay.)

Comme on fait son lit, on se couche.

Manger son pain blanc le premier.

(Se dit d’une personne riche qui gaspille sa fortune.)

Promettre plus de beurre que de pain.

(Faire de belles promesses et ne pas les tenir.)

Il n’y a pas de samedi dans l’année
Où le soleil ne montre son nez.

Année de Jubilé
Année de mortalité.  (Bain.)

Il ne faut jamais s’asseoir au soleil pendant les mois qui dans leur nom prennent un R, parce que le soleil de ces mois donne la fièvre.

Lorsqu’un chat est occupé à faire sa toilette, s’il ne se frotte pas le nez, signe de beau temps ; mais s’il passe la patte par-dessus l’oreille, signe de pluie.

Quand l’hirondelle rase la terre en volant, signe de pluie.

Quand elle vole haut, signe de beau temps.

Si les poules rentrent dans le poulailler quand il pleut, c’est que la pluie va cesser ; si au contraire elles restent dehors, c’est que la pluie doit continuer. (Bain.)

Quand le rouge-gorge chante, le soir, perché au haut des arbres, signe de beau temps.

S’il chante caché dans les buissons, la pluie ne tardera pas à tomber. (Bain.)

On prétend que la caille dit en chantant : « Paie tes dettes, paie tes dettes. »

La huppe répète sans cesse : « Mon nid pue, pue, pue. »

Cette onomatopée imite assez bien en effet le cri de la huppe.

Les paysans croient que son nid est fait avec les excréments du cochon et que, c’est pour cela qu’il a une odeur affreuse. C’est une erreur : Le nid étant placé dans le trou d’un arbre, les petits ne peuvent s’élever jusqu’au bord pour se débarrasser de leur fiente qui, mélangée à l’excès de nourriture animale, en fait un foyer d’infection.

— Qui rend les étourniaux (étourneaux) maigres ?
— C’est la grande bande.

Si taupe voyait,
Si sourd[57] entendait,
Personne sur la terre ne vivrait

(Bain.)

Les paysans disent : « Quand on abat des arbres, la terre tremble. » Cela signifie que la terre va changer de maître. Si ce dernier abat ses arbres, c’est qu’il est gêné dans ces affaires et que, bientôt, il lui faudra vendre son bien.

Il est au vent de sa bouée

(C’est-à-dire bien dans ses affaires).

(Saint-Malo.)

Quand on parle du loup
On en voit la quoue (queue).

C’est abus
Que de vendre à boire (boire)
Et de fermer l’hus (l’huis, la porte).

(Bain.)

Bois vert, pain frais, femme neuve,
Sont trois mauvaises choses dans un ménage.

(Bain.)

Vache qui beille (beugle),
Fille qui subèle (siffle),
Poule qui chante le coq,
Sont trois bêtes qui méritent la mort.

(C’est-à-dire que tout ce qui n’est pas dans l’ordre de la nature n’est pas digne de vivre.)

(Bain.)

Sac vide ne chôme pas.

Chômer est un verbe du patois d’Ille-et-Vilaine qui signifie être debout. On dit d’une personne malade qui ne mange pas : « Sac vide ne chôme pas. » Ventre vide empêche de marcher et de se chômer.

C’est d’nité
Comme une poule à gratter
(d’nité, synonyme d’habitude).

(Saint-Sulpice-des-Landes.)

Quand la glace a séché les boues des chemins, les bonnes femmes disent : « Les pies ont mangé le bouillon (la boue). » (Bain.)

Quand une femme nouvellement mariée se plaint du mal de dent, on ne manque pas de lui dire :

Mal de dent
Signe d’engendrement.

(Nouvoitou.)

Dans l’arrondissement de Redon, on appelle tison d’enfer l’individu qui cherche à exciter les querelles et les haines.

Aussitôt que les premières gelées blanches d’octobre apparaissent, on entend les villageois dire lorsqu’ils se rencontrent : « L’air est fraîche ce matin. »

En été, par les temps orageux et sans soleil ils répètent en travaillant : « Il fait chaud sous nues. »

Les femmes entre elles accusent les hommes de ne pouvoir endurer patiemment une douleur physique. « Pour faire un pet, disent-elles, ils se croient malades. »

Les hommes mal élevés et grossiers qualifient les vieilles dévotes « de punaises de sacristies ou bien encore de vieux chandeliers d’église. »

D’autres disent que lorsqu’on n’est plus dans la paroisse qu’habite sa femme on a le droit de lui faire des infidélités.

Quand quelqu’un compte son argent, on ne manque pas de lui dire : « Brebis comptées, le loup les mange. »

Les bonnes femmes de la campagne s’écrient en voyant un petit enfant qui met une culotte pour la première fois, « Oh ! le joli petit hannar. »

La hanne est le nom du pantalon des hommes.

On dit aussi d’un pauvre être chétif et malade, ou d’un individu qui ne sait rien faire, « c’est un chiant-hanne ».

Les marchands de cidre ne manquent jamais de dire pour vanter la qualité de leur marchandise : « C’est du cidre gouleyant, dret en goût et justificatif. »

Gouleyant veut dire agréable à boire, droit en goût, qui n’a que le goût de la pomme, justificatif, nullement fraudé.

12 chassoux, 12 pêchoux, 12 oiseliers,
12 bessonniers
Ça fait en tout 48 herqueliers (paresseux).

(Fougères.)

Home Guyot,
Yen a cor dans le pot.

« Home, homer, boire à grande gorgée. » (Ne crains pas de boire, il y en a encore dans la cruche.)

(Bain.)

Quand quelqu’un se permet de tutoyer une personne qu’il connaît peu, celle-ci lui répond d’un air de mauvaise humeur : J’n’avons cependant pas gardé les pourciaux (cochons) ensemble. »

On dit à une personne maussade, mal endurante :

« Sur quelle herbe avous marché ? »

Quand quelqu’un en taquine un autre, celui-ci lui réplique : « Laisse-ma tranquille, tu es comme la pie avec le chouan (chat-huant). »

On dit lorsqu’un enfant est tombé par une fenêtre ou dans une fontaine :

« Le morvous a emporté le fouérous. »

Si le derrière vous démange, c’est signe d’argent ou qu’on va manger de bonne soupe.

Avoir le nez froid est signe de santé.

Pour empêcher les enfants d’avoir peur quand le tonnerre gronde, on leur raconte que c’est le bon Jésus qui joue aux boules.

Quand il neige, on leur dit que c’est le bon Dieu qui plume ses oies.

Quand le soleil luit et qu’en même temps la pluie tombe, c’est le diable qui bat sa femme et qui marie sa fille.

Autrefois, à Rennes, lorsque plusieurs individus en battaient un autre, celui-ci leur disait :

« Vous êtes comme dans le Champ-Dolent, vous vous mettez sept sur la même bête. »

(Le Champ-Dolent était la rue des bouchers qui tuaient les animaux à leur porte.)

Devinettes

— Qu’est-ce qui brûle sa chemise dans son ventre ?

— La chandelle.

— Haut montée, court habillée,
Jambe de filasse et cul percé ?

— Une cloche.

— Qu’est-ce qui vide son ventre pour aller boire ?

— La paillasse quand on la lave.

— Bois dessus, bois dessous,
Mou tout autour

Deux cornes dans le derrière,
Et l’œil au milieu du ventre ?

— Le soufflet.

— Ma maison noire comme un four,
Jamais n’y entre le jour.
On va chercher un étranger
Pour me mettre à décamper ;
Il m’attaque, il m’abat,
Puis il crie à haute voix
Pour chanter sa victoire ?

— La suie et le ramoneur.

Quatre pendants,
Quatre marchants
Le balai par derrière,
La fourche par devant ?

— Une vache : ses quatre tétines, ses quatre pieds, sa queue et ses cornes.

— Qui n’a ni haut ni hausset,
Qui passe cor ben les russets ?

Variante :

— Qui n’a pas d’os
Et qui passe la rivière sans battiau ?

— Une sangsue : qui n’a ni pieds, ni jambes, ni os et qui traverse le ruisseau.

— Blanc comme neige,
Vert comme pré,
Barbu comme une chèvre ?

— Un brin de porée (poireau).

— Qu’est-ce qu’on peut jeter par-dessus une maison en le tenant par la queue ?

— Un peloton de fil.

— Qu’est-ce qu’un chien peut relever et que dix hommes ne pourraient faire ?

— Un œuf cassé.

— Quelle différence y a-t-il entre une fille et une châtaigne ?

— La fille pète toute sa vie et la châtaigne une seule fois.

— Quel est l’objet le plus sale de la maison ?

— Le balai.

— Qu’est-ce qui a trois trous dans le ventre ?

— Le soufflet.

— Tiens bon grande dent,
Pousse brulot,
Si mon cul défonce
Il te tuera bientôt ?

Variante :

— Tiens bon, grande dent,
Prends garde à ta, rouget,

Si mon derrière défonce
Je te tuerai net.

— La crémaillère, le tison, le chaudron.

— Qu’est-ce qui porterait ben vingt mille de paille, et qui ne porterait pas une roche greusse comme le peuce[58] ?

— La rivière.

— Qu’est-ce qui dit : allons boire, allons boire, et qui, quand elle est là ne peut boire ?

— La taupanne. (La cloche).

— Où vas-tu ? Tortu, bossu.

— Qu’ça te fait à ta qu’est p’lé tous l’z’ans ?

(Dialogue entre le pré et le ruisseau.)

— Haut monté, bas descendu,
Flaque du cul ?

— Un seau dans un puits.

— Dans la forêt de Carcaillette,
J’ai perdu ma maillette,
Je suis allé à midi,
Je n’ai pu la retrouver.
Je suis allé à minuit,
Je l’ai retrouvée.

— Une étoile.

Quel est le plus bête de la maison ?

— Le sas, qui laisse passer la farine et ne garde que le son.

— Qu’est-ce qui est gros comme un four et pointu comme une aiguille ?

— Un houx.

— Qui passe sur un étang sans faire d’ombre ?

— Le vent.

— Qui montre ses dents quand on entre dans la maison ?

— La crémaillère.

— Qui s’émeille (qui a peur) quand il vous voit vous mettre à table ?

— Le pain.

— Qui va en dansant et revient en pleurant ?

— Le seau.

— Qui passe par-dessus les coteaux, les villages et qu’on ne voit pas ?

— Le son des cloches.

— Qu’est-ce qui est gros comme une amande et qui remplit toute une chambre ?

— Une chandelle.

— Sème menu, cueilli gros, tire mou ?

— Un navet (graine légère, gros légume, mou quand il est cuit).

— Je ne suis pas bête, et porte peau de bête,
Je ne suis pas homme et je parle,
Je ne suis pas arbre et j’ai des feuilles.

— Un livre relié.

— Bonhomme cotte noire, tient sa femme sous son bras, va dans le sein de sa mère pour manger son père ?

Variante :

— Je suis noir comme un corbeau et ne suis pas corbeau.

— Je passe parmi les morts et je ne suis pas mort.

— J’entre dans ma mère et je mange mon père.

— Un prêtre, son bréviaire sous le bras, traverse le cimetière, entre dans l’église pour communier.

Dormi qui dormait,
Pendi qui pendait,
Veni qui venait.
Sans pendi qui pendait,
Veni qui venait
Aurait mangé dormi qui dormait ?

— Un cochon qui dormait sous un chêne fut réveillé par un gland tombant de l’arbre juste au moment où un loup arrivait.

— Mon frère voit une pomme qu’il ne peut manger.
Ma mère voit un drap qu’elle ne peut plier.
Mon père voit de l’argent qu’il ne peut compter ?

— La lune, le soleil, les étoiles.

— Tante Renée, prête-moi ton tiret, ton viret, ton petit train galopinet.

Pour tirer, pour virer, mon petit train galopiné ?

— Une meule à moudre.

— On m’enterre, on me déterre,
On me coupe la tête, on me rompt les os
Et je sers cor sur la mer
Au plus fort des vaisseaux ?

— Les cordages faits avec du chanvre.

— Deux petits bonshommes se regardent ;
Il n’y a qu’un petit talus à les séparer
Et ils ne peuvent se toucher ?

— Les yeux.

— Peillu (poilu) dessus,
Peillu dessous,
D’un coup de jambe je dedans ?

— Le bas de laine.

— Quatre courettes (jambes),
Deux aiguillettes (oreilles),
Et une petite trouspinette (queue),
À ras les fesses (près les fesses) ?

— Un lièvre.

— Qu’est-ce qui lève dans le bois sans prendre racine ?

— Le pain dans le pétrin.

— Qu’est-ce qui est dans un moulin, qui ne sert pas et qui est indispensable pour moudre ?

— Le bruit de la meule.

— Quel est l’objet que l’on aime le plus quand on s’en dégoûte ?

— Un parapluie (quand on sent des gouttes).

— Quel jour de l’année l’Église est-elle imprenable ?

— Le jour des Rameaux, parce que pendant l’évangile de la Passion, tout le monde embrassant la terre, les canons des fidèles sont braqués en l’air.

— Que font deux pigeons sur un toit ?

— La paire.

Cinq entes et deux chênes plantés en sept caves. Combien de pieds dans chaque cave ?

Un ; parce que l’ente est un pommier.



CHAPITRE V


Le Monde fantastique : Les Sorciers, les Loups-garous, les Lutins, les Animaux fantastiques, le Diable.


1o Les sorciers


À part les jeteurs de sorts, qui de nos jours sont qualifiés de sorciers, et les lutins dont il sera question tout à l’heure, on ne croit plus guère aux sorciers ni aux loups-garous tels qu’on les définissait jadis. Il n’y a plus guère que les très vieilles gens à se souvenir des histoires qui effrayaient tant nos pères.

Cependant Julien Daniel, du village de Launay en Bruz, raconte à qui veut l’entendre, que lorsqu’il était jeune, il allait après sa journée faite, à la Houssaye, qui est une sorte de gentilhommière en ruines, où demeurait un homme instruit qui lui apprenait le plain-chant pour être chantre à l’église de Bruz.

Il y avait une lieue pour revenir chez lui et, presque toujours, il faisait nuit quand il quittait la Houssaye.

Un soir, en passant devant les champs appelés les Lublards, il aperçut à travers les haies des gens qui dansaient autour d’une couée de feu.

Il crut que c’était des jeunes gens qui s’amusaient, et voulut s’en assurer. Il se dirigea vers l’échalier du champ, mais une fois qu’il fut de l’autre côté de la haie, il ne vit plus rien : les sorciers, — c’était eux assurément, — avaient fui à son approche et le feu était éteint.

À Bourg-des-Comptes, au bout de la rabine (avenue), se dresse une vieille croix, aux trois quarts vermoulue, près de laquelle les sorciers se réunissent pour danser. On les a vus vers minuit, se tenant par la main autour de la croix, en chantant leur ronde :

» À travès has et buissons,
« J’trouverons l’z’autr’s là où y seront[59]. »

Dès qu’ils aperçoivent un passant, ils se jettent sur lui en poussant des cris, et le contraignent à danser et à chanter avec eux. Si le pauvre homme une fois entré dans la ronde, répète avec les sorciers le refrain sans y rien changer, ils l’entraînent, comme le dit la chanson, dans une course vertigineuse, le précipitent, en ricanant, dans les buissons et les haies, le tirent à travers tous les fourrés de ronces et d’épines, à moitié mort de peur et de fatigue, déchiré, ensanglanté, toujours tiré, toujours poussé, et ce n’est qu’au point du jour qu’il peut espérer échapper à ses bourreaux. Il reprend alors, s’il en a la force, la route de son village.

Quand le danseur, recruté par les sorciers, au lieu de dire exactement leur chanson, a l’idée de la modifier ainsi : « Par-dessus has et buissons, » etc., les sorciers désarmés, le font sauter délicatement par-dessus les talus, les buissons et les haies, sans lui faire aucun mal, lui rendent sa liberté, et reviennent à leur ronde autour de la croix.

À l’autre extrémité de la rabine hantée par les sorciers, s’élève un des plus vieux chênes de l’avenue. Cet arbre, qui est appelé le chêne au loup, doit son nom à une terrible et vieille histoire.

Un loup avait été tué dans le bois du Boschet et pendu à une branche de chêne. Le diable, les sorciers et les loups sont camarades, personne ne l’ignore, aussi affirme-t-on que Satan venait souvent, la nuit, s’asseoir sous la branche où se balançait le cadavre de son compère.

Un soir de décembre, les femmes de la ferme du château s’étaient réunies pour faire la veillée. Elles filaient assises en cercle dans l’étable. Au milieu d’elles, crépitait une chandelle de résine, posée dans une poêle[60], pour garantir la paille des étincelles qui auraient pu l’enflammer. Un chaudron, plein de châtaignes bouillies, des pichés de cidre et des écuelles de terre, étaient sur le sol à la portée des fileuses. Chacune racontait son histoire, et les vieilles faisaient frémir les jeunesses par le récit des aventures épouvantables qui leur étaient arrivées la nuit.

Cependant une des fileuses traitait de niaiseries et de contes de bonnes femmes, tout ce qui faisait trembler ses compagnes, et quand une conteuse affirma qu’elle avait vu le diable et les sorciers sous le chêne au loup, elle s’écria : « La vue vous a belluetté[61], la mère. Tenez, il est tout à l’heure minuit, j’y vas, ma, sous le chêne au loup, et si le diable y est, eh bien ! que le diable m’emporte !

Les fileuses se signèrent épouvantées, et regardèrent du côté de la porte pour voir si Satan n’entrait pas.

La femme s’était levée. Elle sortit malgré les efforts de ses amies pour la retenir, et se dirigea vers le chêne.

Il fallait que le cidre lui eût tapé sur la caboche (tête), ou que le diable lui-même la poussât.

Les femmes de la ferme la virent avec terreur, s’éloigner dans la nuit. Les hiboux gémissaient dans les bois du Boschet, l’insensée n’y prit garde. On entendait au loin comme un vague bourdonnement : — C’est la chanson des sorciers, dirent les fileuses. — C’est le vent dans les arbres leur cria la folle, et elle pressa le pas.

Les femmes entendirent encore le bruit de ses sabots sur la terre gelée, puis elles rentrèrent terrifiées, dans l’étable, attendre la malheureuse.

Elles attendirent longtemps, les fileuses du Boschet. Jamais l’insensée qui avait tenté le diable ne revint à la ferme.

Le matin, lorsqu’elles osèrent aller à sa recherche, elles aperçurent dans le haut du chêne au loup, la coiffe et des lambeaux de vêtements ayant appartenu à la pauvre fille.

Depuis ce temps-là bien des années ont passé sur les vieux arbres du Boschet ; mais dans les nuits d’hiver, on voit encore quelquefois se balancer sur la branche la plus élevée du chêne au loup, la coiffe de la fileuse.

Pour être sorcier il faut se frotter tout le corps avec de la graisse d’un enfant arraché du ventre de sa mère avant le terme naturel.

L’enfant est coupé en morceaux et mis à bouillir, sa graisse est recueillie dans des vases fermant hermétiquement et que l’on cache dans les fermes derrière la roche du foyer, grosse pierre qui remplace la plaque de fonte dans les cheminées des paysans.

Avant de se servir de cette graisse, elle est présentée à un prêtre, sorcier lui-même, qui prononce certaines formules à rebours afin de donner à l’onguent l’efficacité nécessaire.

Sur le coup de minuit, lorsque tout le monde dort, celui qui veut devenir sorcier et qui a pu se procurer de la graisse d’enfant s’en va dans un carrefour, là il se déshabille et s’enduit le corps de la pommade en disant :

 « Par sus his et par sus has,
Et par sus la ch’minée j’m’en vas,
Jusque dans la forêt de Paimpont,
Où tous les compagnons y sont. »

Et il est transporté aussitôt au milieu des sorciers.

On montre encore à l’heure actuelle, nombre de carrefours où les sorciers se réunissaient et où le clergé, pour les chasser, fit placer des calvaires. L’un des plus célèbres est celui de la Croix-Madame, sur la route de Rennes à Redon, près du bourg de Bruz.

Un nommé Grohan, de la ferme du Marais, dans la commune de Chartres, passant une nuit devant le pâtis de la Croix-Madame, vit les sorciers qui dansaient autour d’une jeune fille toute nue.

Grohan s’écria : Et par Jésus.

Aussitôt les sorciers se dispersèrent et il ne resta plus que la pauvre fille qu’ils avaient arrêtée sur la route.

Grohan lui donna sa blouse pour se couvrir le corps et l’emmena chez lui. Elle lui dit qu’elle était de Redon et il écrivit à ses parents de venir la chercher, ce que ceux-ci s’empressèrent de faire.

Mais les sorciers avaient reconnu Grohan et jurèrent de se venger.

Un jour que la mère de celui-ci avait fait de la bouillie de blé noir que l’on appelle, chez nous, des noces, elle la porta dans la cour de la ferme pour la faire refroidir. Elle dit à son gars : « Reste près de la bassine afin d’empêcher les animaux d’approcher et de manger les noces. »

Grohan monta la garde, mais bientôt ayant éprouvé le besoin d’aller se déculotter derrière un pailler, il fut aussitôt saisi par les sorciers qui le guettaient et qui l’emportèrent tout déculotté jusqu’à Redon.

En passant devant les marais de Renac, l’un d’eux dit : « C’est un coquin, il faut le jeter à l’eau. »

— Non, dit un autre, portons-le plus loin.

Arrivés à Redon, ils voulurent l’empaler sur la tour de l’église ; mais comme ils le montaient il leur échappa et chose étonnante il se retrouva tout à coup, toujours déculotté, juste à la place où les sorciers l’avaient pris. Il entra dans la ferme et sa mère lui dit : — Les noces sont-elles froides ?

— Elles doivent être mangées depuis longtemps, répondit-il, et il se laissa choir sur une chaise, courbaturé et malade.

Ses parents lui prodiguèrent des soins, et il leur raconta ce qui lui était arrivé.

Une autre fois, Grohan partit une nuit pour aller au marché de Montfort. En traversant la lande de Perruche, près de Chancor, il fit encore la rencontre des sorciers, complètement nus, qui l’obligèrent à danser un rigodon avec eux.

Tout en dansant il attira son chapelet et dit encore : « Et par Jésus ! » Tous se sauvèrent, à l’exception de deux qu’il avait touchés. Il les laissa sur la lande et s’en retourna chez lui.

Si on ne délivre pas les sorciers avant le soleil levé, en faisant le signe de la croix, il faut les vêtir et les nourrir toute la journée. Or, lorsque Grohan se réveilla, il faisait grand jour.

Il alla sur la lande de Perruche où il trouva les deux individus à la même place, mais couverts de sang : Des blatiers qui étaient passés par là pour se rendre au marché les avaient fouaillés d’importance les laissant presque morts sur la bruyère.

Grohan, pour les couvrir, donna à l’un sa blouse et à l’autre sa chemise et les emmena dans le petit bois de la Haie où il alla les délivrer le lendemain matin.

(Conté par Julien Gruel, jardinier à Bruz.)

Au mois d’avril 1885, j’allai faire une excursion dans l’antique forêt de Broceliande qu’on appelle aujourd’hui Paimpont. C’est dans cette forêt que se trouve la fontaine de Baranton où l’enchanteur Merlin et la fée Viviane se donnaient rendez-vous.

En allant visiter le petit bourg de Concoret qui est situé dans le Morbihan, mais sur les confins de l’Ille-et-Vilaine, je demandai à mon guide Auguste Provost, cloutier à la Ville-Danet, en Paimpont, pourquoi lorsqu’on parlait de Concoret on ajoutait toujours le pays des sorciers.

— Parce que, me dit-il, il y en avait beaucoup autrefois qui demeuraient à Concoret, et qui se réunissaient la nuit dans les Crezées (clairières) des bois, ou dans l’aire à battre le grain des villages environnants.

Un dimanche matin, avant le jour, Jean Ruelland, dit de la Bouvray, se rendait à la première messe lorsqu’il aperçut les sorciers qui dansaient une ronde dans l’aire du village du Pertuis du Fau. Il approcha d’eux sans être aperçu et mit en croix le balai et le fourgon du four. Les danses cessèrent comme par enchantement et tous restèrent tels qu’ils étaient en dansant.

Ils aperçurent de la Bouvray auquel ils dirent :

« Jean de la Bouvray,
Defait c’que tu as fait. »

— Vous attendrez ben que je sois revenu de la messe.

Et en effet, comme on était en hiver et que la première messe est dite avant le jour, il repassa de bonne heure au Pertuis du Fau et put les délivrer.

Parmi eux il avait reconnu le vicaire de Concoret.

Dans beaucoup d’histoires de sorciers, il est mention de prêtres se mêlant à leurs exercices nocturnes.

Une femme de la ferme de Cicé, dans la commune de Bruz, alla un soir de Toussaint à confesse à son curé. Elle était enceinte de sept mois.

Sa confession terminée le prêtre lui dit : — Vous vous exposez bien ma fille, dans votre position, à vous en aller seule ainsi la nuit par les bas chemins.

— Oh ! je ne sais pas peurouse, répondit-elle.

Mais c’est égal quand elle fut sortie de l’église il faisait nuit noire, aussi alla-t-elle chez un boucher lui emprunter un grand couteau pour se défendre si elle faisait de mauvaises rencontres.

Dans un sentier du bois de Cicé, elle rencontra un homme masqué, qui voulut la saisir par les épaules, mais de son couperet, elle lui abattit le poignet.

L’homme se sauva en poussant un cri de douleur et la femme ramassa la main tombée par terre, et continua sa route.

Le lendemain matin, elle se dit : Personne que mon confesseur ne savait que je devais revenir chez moi à pareille heure. Il faut que je m’assure si c’est lui que j’ai rencontré hier soir.

Elle se rendit au presbytère et demanda à la servante, qui vint lui ouvrir la porte, si elle pouvait parler au curé.

— Il n’est pas là, répondit la domestique.

— On m’a cependant dit qu’il était malade.

— Non non, il n’est pas là.

— Je suis certaine qu’il est malade et je veux lui parler.

— Vous ne le pouvez pas.

— Si, je suis sûre qu’il est dans sa chambre, et elle y monta malgré la servante.

Le curé était en effet au lit. La femme lui dit : — Vous êtes donc malade, monsieur le curé ?

— J’ai seulement un peu de fièvre, répondit-il.

— Ce n’est pas vrai ; montrez-moi votre bras, que j’y ajoute la main que voici.

— Ne me perdez pas, lui dit-il.

— Vous vouliez donc vous procurer l’enfant que je porte.

— J’ai été puni comme je le mérite, s’écria-t-il, et il perdit connaissance.

(Conté par Julien Gruel, jardinier à Bruz.)


2o Les loups-garous


Les loups-garous sont des sorciers métamorphosés en loups par le diable, et qui sont forcés de courir le long des nuits par les champs, les chemins et les villages. Ils cherchent, dans les ténèbres, les croix des carrefours, mais ne peuvent en approcher. Cependant, si quelqu’un, en les frappant, peut faire couler leur sang, ils sont désensorcelés et alors il leur est possible d’approcher du calvaire, de l’enlacer de leurs bras, de dire des prières, et de recouvrer leur forme d’homme.

De jeunes garçons se sont amusés à courir les campagnes la nuit recouverts d’une peau de loup pour effrayer les gens. Des malfaiteurs ont employé ce travestissement pour voler et piller les habitations isolées.

On se souvient encore à Rennes de l’aventure suivante :

Depuis un temps immémorial, la vieille église de Saint-Étienne, située sur la place contiguë à la rue d’Échange, sert de magasin de campement à l’armée.

Jusqu’en 1843, un vieux cimetière a existé autour de l’église et était entouré de murs tombant en ruines.

En 1825, tout le quartier de la paroisse de Saint-Étienne fut mis en émoi par l’apparition d’un loup-garou qui, couvert de peaux de bêtes, venait à l’heure de minuit, effrayer la malheureuse sentinelle du campement, qui montait la garde à l’une des brèches du champ du repos.

La nuit de Noël, le loup-garou vint comme à l’ordinaire, pour faire peur au soldat, mais cette fois il eut affaire à un vieux troupier qui cria : « Qui vive ! »

Pas de réponse.

Le militaire s’élança la baïonnette en avant et au moment où il rejoignit le promeneur nocturne, celui-ci lui dit : « Arrêtez, ne frappez pas, je suis un homme comme vous. »

— Je ne connais pas d’homme de ton espèce répondit le soldat, qui lui enfonça son arme dans le flanc,

Le pauvre diable put cependant s’en aller ; mais comme la neige recouvrait la terre, le lendemain on découvrit sa demeure en suivant la trace de son sang.

C’était un jeune homme de seize ans appartenant à une honorable famille de Rennes. Il mourut au bout de quelques jours du coup de baïonnette qu’il avait reçu pour avoir voulu jouer au loup-garou.

On chercha à cacher ce malheur, et les parents déclarèrent que, mordu par un chien, leur fils avait succombé à ses blessures.

Les garous ne sont pas toujours changés en loups par le diable. On les voit quelquefois sous la forme de chats ou de levrettes.

Un soir d’hiver, au village des Riais, dans la commune de Bain, de nombreux paysans étaient réunis dans une étable où chacun d’eux racontait une histoire de sorciers, de loups-garous ou de revenants.

Quand ce fut le tour du père Pichard, le bonhomme secoua la cendre de sa pipe éteinte en la frappant sur l’ongle de son pouce et demanda : « Quelle histoire voulez-vous ? »

— Le conte de votre chatte, s’écria-t-on de tous côtés.

— Ce n’est point un conte, mes enfants, mais une histoire vraie qui m’a causé ben des tourments. Enfin, puisque vous y tenez, je vas vous la dire sans cachemiteries et sans détours : Au temps où j’allais faire la cour à ma pauvre défunte femme, à la Haute-Chapelle, proche l’étang de Bain, je revenais ici, nuitamment par le chemin de la Croix-des-Haies.

Un soir que j’étais resté plus longtemps que de coutume, — j’avais le cœur joyeux alors, — je chantonnais en rentrant au logis. Tout à coup, en débouchant d’un chemin creux dans le carrefour de la Croix-des-Haies, j’aperçus au pied même de la croix, une grosse chatte blanche qui miaulait tendrement, et qui vint à moi frotter son échine contre mes jambes. Elle me suivit jusqu’aux premières maisons du village, puis elle sauta dans un fossé, et je ne la revis plus.

Les jours suivants, et pendant longtemps, je rencontrai cette bête sur mon chemin. Je m’habituai à son manège et n’y fis plus attention.

Bref, je me mariai, et n’eus plus l’occasion de repasser la nuit par la Croix-des-Haies. J’oubliai la chatte.

Une nuit, après cinq à six mois de mariage, je me réveillai vers minuit et fus tout étonné de ne plus trouver ma femme à côté de moi. J’appelai : « Nanon ! Nanon ! » Point de réponse. J’allumai la chandelle, il n’y avait personne dans la maison ; je trouvai ça bien étrange.

Je me rendormis, et le matin, lorsque je me réveillai, ma femme était à mes côtés.

— Où donc es-tu allée cette nuit ? lui demandais-je.

— Moi, dit-elle en rougissant ; mais elle ne répondit pas.

Je n’insistai pas davantage ; mais la nuit suivante, je fis le guet :

À minuit, plus de femme ; mais dans la chambre une grosse chatte blanche faisant force ronrons tout autour du lit.

Un matin que ma femme faisait le ménage, une araignée lui tomba dans le cou. Elle se sauva dans un cabinet pour se déshabiller.

La curiosité me fit regarder par le trou de la serrure et je vis une chose bien surprenante : ma femme avait à la naissance du cou, près de l’épaule gauche, une marque rouge ayant vaguement la forme d’une patte de chat.

J’avais entendu dire que les personnes qui couraient le garou portaient une marque sur le corps.

Or, l’absence de Nanon, la nuit, cette patte de chat sur le dos, ne me laissaient plus aucun doute : ma femme courait le garou !

Je n’en mangeai pas de la journée, et je restai plusieurs jours à errer dans les champs comme un fou.

Je m’enhardis cependant à lui demander ce que c’était que cette marque qu’elle avait dans le dos. Elle ne répondit rien et s’en alla ; ses yeux verts et brillants semblaient furieux.

La chatte de la Croix-des-Haies qui venait dans notre chambre la nuit, était trop grosse pour passer par le trou au chat, et j’avais bien soin, chaque soir, avant de me coucher, de fermer la porte au verrou ; alors, comment s’y prenait-elle pour pénétrer dans notre demeure ?

Une nuit, étant encore seul dans mon lit, j’allumai la chandelle et j’attendis la visite de l’animal.

Vers une heure du matin, j’entendis gratter à la porte et bientôt je vis la patte passer par le trou, atteindre le verrou et ouvrir la porte ; j’éteignis promptement la lumière.

Le lendemain, j’aiguisai une hache et j’attendis la nuit. Même manège que la veille ; mais j’étais là près du trou, la hache au poing, et aussitôt que la patte se fit voir, je frappai de toutes mes forces.

J’entendis un cri horrible, un cri de douleur qui me fait encore frémir, bien qu’il y ait plus de quarante ans de cela.

Nanon fut trois jours sans rentrer au logis, et quand elle y revint, elle avait une main coupée.

La pauvre femme ne sortit plus la nuit, et je n’ai jamais revu la chatte de la Croix-des-Haies.


3o Les lutins


Il n’y a pas un village, un hameau, une ferme de l’Ille-et-Vilaine, où l’on ne parle du lutin, joueur de tours, tantôt bon, tantôt mauvais, toujours capricieux. Tout le monde l’a entrevu ou a été victime de ses farces.

Au milieu de la nuit, le lutin ouvre les écuries, sort les chevaux, les enfourche et va les promener au clair de lune. Il les rentre avant le jour, les panse, les étrille et le garçon d’écurie ne se douterait pas, le matin, de ce qui s’est passé si les crins des chevaux n’étaient tressés par le lutin comme la chevelure d’une jolie femme.

On lui donne dans chaque canton les noms les plus divers : Maît’ Jean, Petit-Jean, Martine, l’Éclaireur, Payenne, Payel, le Pilou, le mouton Birette, le Chat noir, la Jument blanche, la Levrette, etc., etc.

M. Didier, ancien instituteur à Poligné, m’a dit, — très sérieusement, — que lorsqu’il habitait ce petit bourg, il avait vu Payenne. Mais laissons-le parler :

« La foire du Petit-Fougeray, en Chanteloup, avait lieu cette année-là un jeudi, jour de congé pour moi. J’avais envie d’y aller, et mon voisin le boulanger m’avait offert une place dans sa charrette, seulement pour éviter la chaleur, il voulait partir à trois heures du matin, force me fut donc de me lever de bonne heure, et comme je pouvais me rendre chez le voisin en passant par mon courtil, j’ouvris la porte qui y conduisait. Dieu de Dieu ! j’en ai encore la chair de poule ; car je vis comme je vous vois, une grande levrette blanche, couchée en travers de la porte qui me regardait d’un air goguenard.

» Je reculai jusque dans la maison, et m’en allai par le bourg, afin d’éviter la méchante bête qui n’était autre que Payenne changée en lévrier. »

Petit-Jean, le Lutin de Bruz

Les vieux habitants de la commune de Bruz se souviennent encore du père Richard, de Cicé, qui fut si longtemps le courou[62] de pochées du moulin de Chancor.

C’était lui, qui, monté sur son bidet, allait chercher le grain chez les pratiques, et leur reportait la farine. Il était bavard comme une pie borgne et, parcourant sans cesse tous les villages, il apprenait les nouvelles qu’il colportait d’un bout à l’autre de la paroisse.

Ce n’était point alors comme de nos jours, les gazettes étaient inconnues dans les campagnes, et les commères attendaient avec impatience le père Richard, pour savoir ce qui se passait loin de chez elles.

Le bonhomme aimait bien à lever le coude, et un jour qu’il s’était oublié à boire des chopines et à raconter ses histoires dans les fermes où il allait, le soleil était couché depuis longtemps lorsqu’il songea à retourner à Cicé.

Il grimpa à la fin sur son guichenas[63] et se mit en route.

En longeant le talus d’un pré, il vit au clair de la lune, assis devant lui, un nain avec une grande barbe qui lui descendait jusqu’au bas du ventre, et de grands cheveux qui l’abritaient par derrière.

C’était tout ce qu’il avait pour le couvrir.

Le petit homme, pas plus haut que le genou d’une personne d’une taille ordinaire, paraissait bien vieux, bien vieux, et riait en ouvrant une bouche d’une grandeur démesurée.

Quand le cavalier approcha de lui, il l’interpella ainsi :

— Père Richard, si, toi, tu as bu tout ton soûl aujourd’hui, ton cheval, lui, n’a guère mangé, car il n’avance point.

— Tu ne serais pas capable de le suivre, failli mousse.

— Parions que si. Le premier rendu à la mare là lin, va tantouiller l’autre dedans. Est-ce convenu ?

— Accepté, dit le bonhomme, qui talonna son cheval.

Mais quand il arriva à la mare, le nain l’attendait. Sans lui laisser le temps de descendre il empoigna le courou de pochées par un pied, l’attira à lui, avec une force extraordinaire, et le trempa dans l’eau tant qu’il put.

— Ma revanche, dit le pauvre diable tout mouillé.

— Accepté, dit le nain, jusqu’au marais d’Apigné.

— Richard fouetta sa bête de toutes ses forces ; mais malgré cela, il trouva encore le nain qui l’attendait, et qui le traîna pendant plus d’un quart d’heure, dans la vase du marais et le laissa si bouillonnou, si bouillonnou[64] que personne n’aurait pu le reconnaître.

L’infortuné courou de pochées rentra chez lui malade, courbaturé, et resta couché pendant plus de huit jours à trembler les fièvres.

Le père Richard, sur ses vieux jours, ne parlait jamais, sans frissonner, de sa rencontre avec Petit-Jean, le lutin de Bruz.

(Conté par Garnier, de Bruz.)
Les aventures de Maître Jean

Deux filles de la Noë-Mahé, dans la commune de Saint-Brieuc-des Iffs, avaient organisé des filois dans leur étable.

Un soir qu’elles étaient à mettre des chaises pour les invités, elles remarquèrent qu’au lieu de trois moutons qu’elles possédaient, il y en avait un quatrième qui vint près d’elles en bêlant gentiment pour se faire caresser, et qui se frottait contre elles en faisant l’aimable.

L’une des filles dit : « C’est tout de même ben drôle. Je ne connais point ce mouton-là. Il n’est pas du village. Ma fa, tant pire. J’vas tirer mon jarretet[65] pour l’attacher à la boucle de fer que v’la dans le mur. »

C’est ce qu’elle fit ; mais aussitôt que l’animal se vit attaché il poussa des cris effrayants, se démena, sauta, fit des bonds à faire trembler l’étable, ses yeux furieux semblaient lancer des flammes.

L’une des filles alla chercher son frère qui vint couper le jarretet, et le mouton qui n’était autre que Maît’ Jean, se sauva dans la cour de la ferme où il alla s’asseoir sur une pierre, près des écuries.

Il revint à cette place presque tous les soirs, et pendant que les gens de la ferme étaient assis sur le seuil de la porte, à manger leur soupe, on entendait le mouton qui disait sur sa pierre : « Soup’ soup’ soup’ soup’ soup’. »

Un gars dit : « J’te dépaisserai[66], Maît’ Jean. » et, en effet, il dit un matin au pâtou de la ferme : « Va chercher des glaines et fais les brûler pendant toute la journée sur la pierre où le mouton va s’asseoir. »

L’enfant fit ce qui lui fut commandé.

Le soir, à l’heure où le mouton devait venir, on enleva toute trace de feu, de glaines, de cendre, et les gars s’en allèrent sur le seuil de la porte de la ferme.

Maît’ Jean arriva et alla s’asseoir sur la pierre qui était brûlante. Aussi ce soir-là n’eut-il le temps que de dire une fois soup’ et de se sauver comme s’il avait le feu au derrière.

On ne le revit jamais dans la paroisse de Saint-Brieuc-des-Iffs, et l’on apprit qu’il était allé jusqu’à Saint-Symphorien.

La Jument blanche

Trois filles du village de la Marionnais dans la commune de Bruz (on prononce Marionnas), s’en allèrent un soir aux filois.

Il faisait quasiment nuit, lorsqu’elles arrivèrent près d’un grand marais dont il fallait faire le tour.

— Si nous pouvions le traverser, dit l’une d’elles, j’serions rendues tout de suite.

Ren n’est pu facile répondit une autre : V’là là une jument blanche, que je ne connais point, mais qui a l’air ben douce, et qui ne demandera pas mieux que de nous passer.

— Elle ne pourra toujours pas nous porter toutes les trois, ajouta la dernière.

— Elle en portera ben deux, répliquèrent-elles ; l’une restera de l’autre côté pendant que l’autre reviendra chercher la troisième.

Et la plus brave sauta sur la bête en disant : « Viens-ta, Victoire ? »

Et Victoire grimpa à son tour.

— Il y a encore de la place pour ta, Céleste. Viens vite.

En effet, jamais on n’avait vu jument si longue.

Céleste monta, elle aussi, et il y aurait encore eu de la place pour une quatrième.

La jument, talonnée par les filles qui jacassaient et riaient comme des folles, avança gaillardement dans l’eau qui lui monta bientôt jusqu’aux cuisses.

Les jeunesses étaient obligées pour ne pas se mouiller les pieds de se mettre presque à genoux sur la bête, ce qui les faisait rire encore plus.

Tout à coup, toutes les trois poussèrent un cri, la jument venait de disparaître dans le marais, et les filles barbotaient dans la vase.

Elles entendirent ricaner dans une touffe de jonc, et une voix leur dit :

Ah ! Ah ! Ah !
Les filles de la Marionnas,
Irou[67] cor aux filois !

Les malheureuses eurent tellement peur qu’elles se dépatouillèrent[68] ben vite et se sauvèrent chez elles, corrigées pour longtemps d’aller ainsi courir la nuit.

(Conté par Fine Daniel, de la ferme des Houx en Bruz)
.
Le Lutin des écuries

Le nommé Jean Delamarre, qui habitait le village de la Giraudais, dans la commune de Bruz, exerçait autrefois le métier de roulier entre Bruz et Guignen.

Il possédait trois chevaux pour faire ce service et, selon l’usage établi dans nos campagnes, il couchait dans son écurie. Son lit, composé de planches à peine équarries, était accroché à un mur à plusieurs mètres au-dessus du sol, de sorte qu’il fallait une échelle pour y monter.

Comme ses chevaux composaient tout son avoir et le faisaient vivre honnêtement, Jean les soignait de son mieux et sans aucune préférence. Aussi, qu’on juge de sa surprise et de son inquiétude quand il s’aperçut que deux d’entre eux maigrissaient, tandis que le troisième était rond et gras comme une pomme.

Il n’en dormit pas la nuit suivante et entendit un bruit inexplicable. Il lui semblait qu’on étrillait une de ses bêtes, qu’on ouvrait et fermait le coffre à avoine, et enfin qu’un cheval mangeait le grain qu’on lui donnait.

Le matin, il remarqua que le cheval gras avait le poil lisse et les crins de la crinière tressés.

Plus de doute, c’était le lutin dont Jean Delamarre avait souvent entendu parler.

Que faire ? Ma foi, le roulier coupa la crinière du cheval, ce qui devait, selon lui, empêcher le lutin de le monter et de l’aller promener dans les prés, comme il le faisait sans doute pendant le sommeil du maître.

Delamarre ne tarda pas à se repentir de ce qu’il avait fait. Quand le lutin fut pour tresser la crinière de son cheval favori, et qu’il ne la trouva plus, il devint furieux. Il gravit les échelons de l’échelle conduisant au lit du roulier et se mit à le pigaler[69] de telle façon que le lendemain le pauvre diable eut le corps brisé, moulu, et qu’il fut dans l’impossibilité de se livrer au travail.

La nuit suivante, il en fut de même.

Delamarre raconta ses chagrins à son frère qui lui répondit : « Sois tranquille, je vais aller coucher avec toi, et à nous deux nous aurons bien raison de ce mauvais génie. »

Il y alla, et son sommeil à lui ne fut nullement interrompu ; mais Jean n’en eut pas moins sa correction habituelle. Dans la lutte qu’il soutenait contre le lutin, ses mains ne rencontraient qu’une masse poilue qui lui échappait chaque fois qu’il voulait la saisir, et qui semblait n’avoir ni corps ni membres.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, le routier fut consulter son confesseur qui, après l’avoir écouté, lui dit : « Faites bénir un petit habit, autrement dit un scapulaire, que vous porterez sur la poitrine. Je vous assure que vous pourrez ensuite dormir tranquille. »

Comme bien on pense, Jean Delamarre fit tout de suite ce que son curé lui conseillait, et, en effet, il ne revit plus son ennemi. Il l’entendit bien, par exemple, faire un vacarme de dépit dans les greniers et dans les granges, mais ce fut tout.

Les deux chevaux maigres reprirent de l’ampleur, la crinière du cheval gras repoussa et tout alla pour le mieux.


4o Les animaux fantastiques


La Bête de Pierric

Tout le monde, à Fougeray, a entendu parler de la Bête de Pierric, plusieurs personnes affirment l’avoir vue, mais très peu de gens connaissent l’origine de cette légende et de l’animal fantastique qui en est l’objet.

Un ancien percepteur, de cette localité, m’a raconté qu’un soir, sa femme et lui sortant vers onze heures de chez des amis, aperçurent au clair de lune, courant devant eux par les rues, un animal étrange, ayant la taille d’une génisse. Ils eurent la curiosité de le suivre et le virent franchir avec une agilité extrême le mur du cimetière. C’était assurément la Bête de Pierric.

Voici la légende que je dois à l’obligeance de M. G…, médecin à Fougeray, auquel est arrivée l’aventure étrange qui termine ce récit :

À la fin du xviie siècle, Louis-Gilles de Rougé donna les seigneuries de Fougeray et de la Roche-Giffart en dot à sa fille, Innocente-Catherine de Rougé, à l’occasion de son mariage avec Jean de Kerhœnt de Kergournadec, marquis de Cœnten-Faô.

Les malheureux vassaux n’eurent pas à se féliciter de leur nouveau seigneur, véritable bandit, qui avait tous les vices, et dont la vie licencieuse apportait la désolation dans les familles.

Un jour, sortant de sa forêt de Teillay (qui, à cette époque, se prolongeait jusqu’au château de Fougeray), il dirigea ses pas vers Pierric. Comme il allait s’engager sur une passerelle jetée sur la rivière la Chère, il fit la rencontre de deux jeunes et jolies villageoises qui causaient ensemble au bord de l’eau.

Selon son habitude, il s’approcha d’elles et voulut les violenter ; mais il trouva une résistance à laquelle il était loin de s’attendre, et que n’admettaient pas ses instincts de bête fauve. Furieux, il les précipita dans la rivière où les pauvres filles se noyèrent.

À partir de ce moment, on appela la passerelle : Le pont Gatoué, autrement dit le pont du crime.

Ayant commis d’autres actes d’une barbarie sans exemple, le marquis de Cœnten-Faô fut mandé à la cour pour rendre compte de sa conduite. Effrayé de l’interrogatoire qu’il allait avoir à subir, il préféra en finir avec la vie. Il se fit conduire en voiture dans le bois de la Serpaudais, remit un fusil chargé entre les mains de son cocher, se plaça devant lui et dit : « Tire juste, car si tu me manques, moi je ne te manquerai pas ! »

Son valet le tua et l’enterra sous une cépée de chêne.

Aussitôt après la mort du seigneur de la Roche-Giffart, on vit, dans les ténèbres, un animal inconnu effectuer le parcours de Fougeray à Pierric et de Pierric à Fougeray. Sa course terminée, il disparaissait derrière les tombes du cimetière de cette dernière paroisse. On lui donna le nom de la Bête de Pierric.

Les habitants furent tellement effrayés de l’apparition de cet animal, qu’ils ne voyagèrent plus que deux ou trois ensemble après le coucher du soleil.

Il y a de cela trente ans environ, M. G…, médecin à Fougeray, fut appelé la nuit dans un village de la commune de Pierric, pour voir une femme dangereusement malade.

Les deux hommes qui étaient venus le chercher devaient retourner avec lui. L’un d’eux s’appelait Maugendre et avait 35 ans, l’autre était un jeune homme de 17 ans.

Le médecin, pendant qu’on attelait son cheval, dit à Maugendre : « Allez devant, je vais vous prendre sur la route. Quant à toi, dit-il au plus jeune, reste avec moi. »

Il faisait un clair de lune superbe, et l’on voyait dans la campagne comme en plein jour.

À vingt mètres au delà du pont Gatoué, tous les deux aperçurent Maugendre ; mais leur attention fut tout à coup distraite par un feu follet qui voltigeait au-dessus des roseaux de la rivière.

M. G… dit à son compagnon de route : « Laissons Maugendre monter la côte à pied, nous nous arrêterons à la croix de Renefort pour le faire monter avec nous. »

Arrivés à cette croix ils virent une bête noire, plus forte qu’un gros chien, qui passa à deux reprises différentes, de gauche à droite et de droite à gauche, devant le cheval, et courut sur la banquette vers la croix où se trouvait Maugendre.

Quand la bête eut disparu, M. G… appela plusieurs fois Maugendre sans obtenir de réponse. Il mit alors son cheval au galop disant en plaisantant : « La Bête de Pierric aurait-elle emporté Maugendre ? »

Ils allèrent ainsi jusqu’auprès du bourg sans rencontrer leur homme ; enfin ils le virent debout et immobile en face le portail du cimetière.

— Qui diable vous a amené ici ? demanda le médecin.

— Je n’en sais rien.

— Vous avez couru ?

— Non.

— Mais alors comment êtes-vous là ?

— Je vous attendais près de la croix de Renefort, lorsque j’ai aperçu une boule de feu, puis un animal comme je n’en ai jamais vu, qui m’a renversé. En moins de temps qu’il ne m’en faut pour vous le dire, je me suis trouvé transporté à la porte de ce cimetière.

Quand à deux heures du matin, le médecin s’en retourna seul chez lui, Maugendre s’écria : « On me donnerait tout Pierric et tout Fougeray, que je ne consentirais pas à m’en aller à votre place. »

La Belle et la Bête de Béré, à Châteaubriant

Une légende qui s’est perpétuée de génération en génération, depuis le xve siècle, à Châteaubriant, a eu pour origine la disparition d’une jeune fille d’une rare beauté, qui fut, dit-on, enfermée dans le couvent des moines de Saint-Sauveur de Béré. Là, après avoir subi le dernier des outrages, elle aurait été assassinée et enterrée dans l’église du couvent.

Cette demoiselle du château du Val, dans la commune d’Auvernay, était fiancée à un gentilhomme sans fortune qui cherchait à se créer une position.

L’abbé de Saint-Sauveur, Eybert de Saint-Herblain, cadet de famille, aussi libertin que mauvais prêtre, avait remarqué la merveilleuse beauté de l’héritière du château du Val et en avait fait part à son ami le seigneur de Retz qui, bien que maréchal de France et ayant combattu à côté de Jeanne d’Arc, commettait dans le pays des crimes tellement atroces que, plus tard, il fut condamné à mourir sur un bûcher.

Afin d’éloigner le fiancé de la jeune fille qu’ils convoitaient, de Saint-Herblain et le seigneur de Retz firent appeler ce gentilhomme à Paris, où il fut chargé d’une affaire assez bien rétribuée, mais qui nécessitait pour un temps assez long sa présence dans la capitale.

Profitant de son absence, ils firent surveiller celle qu’il devait épouser, et un jour qu’elle se promenait sur le bord de la rivière de Chère, songeant sans doute au bien-aimé, elle fut enlevée de force et transportée dans le couvent des moines de Saint-Sauveur, d’où elle n’est jamais sortie.

On assure que son âme, parée des vêtements blancs que portait la jeune fille le jour de sa première communion, et qui rappellent la gracieuse enfant aux longs cheveux blonds, vient le soir prier auprès d’une croix située à Bout-de-Pavé, tandis que l’âme des meurtriers apparaît aux habitants de Béré sous la forme d’un animal étrange, inconnu, glaçant d’effroi ceux qui le rencontrent et qu’on désigne à Châteaubriant sous le nom de Bête de Béré.

De nombreuses personnes dignes de foi, un prêtre, un professeur, des commerçants, des ouvriers, des femmes, des enfants, ont vu le blanc fantôme en prière ou le monstre errant, comme une âme en peine, dans les carrois (carrefours).

Deux vigoureux gaillards, Yvon Gérard et Noël Biton, qui voulurent aller la nuit, lutter contre l’animal fantastique, rentrèrent chez eux ruisselant de sueur, les membres endoloris, la figure méconnaissable, et tous les deux sont morts peu de temps après leur rencontre avec la Bête de Béré.

C’est à l’époque des mois noirs de novembre et de décembre que le monstre se fait voir : Lorsqu’aux rez-de-chaussée des maisons la famille est réunie devant l’âtre et qu’on a oublié de fermer les volets de la fenêtre, tout à coup deux yeux brillants comme des charbons apparaissent derrière les vitres, faisant trembler de peur les femmes et les enfants qui s’écrient : « Ô ciel ! la Bête de Béré ! »

Si l’on ouvre aussitôt la porte, on aperçoit, s’en allant tranquillement dans la rue, un animal inconnu, ressemblant tantôt à un chien, tantôt à un mouton, et même parfois à une chèvre.

M. l’abbé Goudé, qui a publié en 1889, les Histoires et Légendes du pays de Châteaubriant dit à propos de la légende de Béré :

« Si vous demandez à la vieille Marie Gledel ce que c’est que cette bête, elle vous répondra qu’au temps où les moines habitaient le couvent de Saint-Sauveur, une jeune fille entrée chez eux ne reparut plus… Le bruit courut que, pendant une nuit, elle avait été enterrée sous le clocher de l’église… Les ennemis des moines firent circuler dans tout le pays cette incroyable et mystérieuse histoire ; les pères l’apprirent à leurs enfants et voilà comment elle est arrivée jusqu’à nous. »

Mais plus loin, dans ce même ouvrage, le savant et l’archéologue ne pouvant passer sous silence ses découvertes, raconte qu’au mois d’avril 1872, au lieudit le Chêne-Chollet, près le couvent de Saint-Sauveur, des maçons creusant un puits, éventrèrent un souterrain dans lequel il découvrit lui-même, le bon abbé Goudé, des dents d’enfants.

Or, dans ses mandements du 30 juillet et du 13 septembre 1440, l’évêque de Nantes accusa Gilles de Laval des plus abominables excès, de débauches contre nature, d’enlèvement et d’égorgement d’enfants des deux sexes.

On n’ignore pas, d’ailleurs, que les crimes de ce terrible seigneur de Retz inspirèrent à Charles Perrault son conte de Barbe-Bleue.

Le couvent de Saint-Sauveur, après le crime commis sur l’infortunée jeune fille du château du Val, fut abandonné par les moines et, plus tard, des religieuses en prirent possession. Il fut encore, quelque temps avant la Révolution de 1789, le théâtre de scènes scandaleuses dont furent saisis les tribunaux de Rennes.

Le Diable à Teillay

Le marquis de Cœnten-Faô, seigneur de la Roche-Giffart, commit tant de crimes pendant sa vie qu’il devint un objet d’effroi après sa mort. Nul n’osait aller la nuit dans la forêt de Teillay, car l’âme du brigand revenait et revient encore, paraît-il, tantôt à cheval, tantôt en voiture, parfois même à pied, chassant, appelant ses chiens et passant comme l’éclair dans les taillis et sous les futaies.

Ce fantôme apparaît sous toutes les formes, et sert même de monture au diable ainsi que le prouve la légende suivante qu’on raconte à la veillée :

Simon Le Bigre revenait à la nuit noire, du marché de Châteaubriant, lorsqu’il rencontra près de Teillay, attaché à un hallier, un cheval qui l’interpella en ces termes :

— Te souviens-tu, Simon Le Bigre, qu’un jour je te rencontrai sur le bord de l’étang de la Pile ? Je venais de tuer des canards, et il faisait si froid que mon chien refusait d’entrer dans l’eau pour aller les chercher. Sur mon ordre, tu y fus à sa place.

Qu’on juge de la frayeur du pauvre Simon en reconnaissant la voix du défunt marquis et en se rappelant cette aventure, cause de douloureux rhumatismes.

— Je me rappelle bien, dit-il en frissonnant.

— Eh bien ! reprit le cheval, je veux aujourd’hui te rendre service à mon tour.

Écoute bien : Tu vas rencontrer mon maître tout à l’heure. Il va te demander ton couteau. Or, prends garde, c’est le diable, et si tu veux éviter la mort, présente-lui la lame et non le manche.

— Merci bien, balbutia le pauvre homme.

En effet, à cent pas plus loin, il aperçut un monsieur, avec de grandes bottes et des éperons, qui avait une cravache sous le bras.

Le nouveau venu se planta au milieu du chemin et dit d’une voix formidable : — Donne-moi ton couteau.

Simon, tout tremblant, lui présenta la lame de son Eustache. Satan poussa un cri de rage, continua son chemin vers l’endroit où le cheval était attaché en disant : Sale bête ! tu as parlé, gare à toi ! Il enfourcha aussitôt l’animal, et Le Bigre les entendit s’enfoncer comme un ouragan dans la forêt. Les buissons tremblaient, les branches craquaient et les cailloux faisaient feu sous les pieds du cheval, qui filait comme le vent.

Simon Le Bigre s’en alla se coucher, mais il ne dormit guère cette nuit-là.

(Conté par le père Guérin, âgé de 80 ans, garde de la forêt de Teillay.)
La Levrette blanche

Il y avait autrefois, au village de l’Hôtel-aux-Merles, dans la commune de Pancé, un brave homme, nommé José[70] Martin, qui était veuf, et possédait pour toute fortune, une maison et quelques lopins de champs qui lui suffisaient pour élever ses deux fils.

L’aîné, appelé José, comme son père, seconda celui-ci de bonne heure dans les travaux des champs, et lui rendit de véritables services. C’était un garçon laborieux, rangé et économe.

Yaume[71], le jeune, était tout l’opposé de son frère : enfant, il allait marauder avec les petits vagabonds de son âge, voler les pommes dans les courtils et les vergers, dénicher les oiseaux dans les haies et dans les bois. Plus tard, il tendit des collets dans les brousses pour prendre des lièvres et des lapins, qu’il allait vendre au marché de Bain où il dépensait tout son argent avec de mauvais sujets de son espèce.

Le pauvre père Martin, usé par l’âge et les privations, s’en alla un jour rejoindre sa bonne femme, et laissa ses deux gars se disputer son héritage.

José fut le plus mal partagé : il eut la masure du bonhomme et s’en contenta. Le jeune eut les champs et commença par en vendre un, afin de pouvoir continuer sa vie de débauche.

L’aîné épousa une honnête fille de son village, qui lui apporta un joli mobilier et quelques immeubles. Il loua sa maison, les terres de sa femme, et s’en alla comme fermier au Frétay, la plus belle métairie de la paroisse. Comme il était honnête et travailleur, il prospéra dans ses affaires.

Yaume, le mauvais gas, vendit son bien sillon par sillon, et se trouva promptement aussi gueux qu’un rat d’église.

Il jalousait le bonheur de son frère, et n’en parlait que pour dire : « Ce n’est pas étonnant que José soit riche, il a eu non seulement la meilleure part de la succession du père Martin, mais il a encore trouvé, cachées dans un mur de la maison, les éliges[72] du vieux. »

Ses amis, les ivrognes, au lieu de le blâmer, ne firent que l’encourager. À force de mentir, Yaume finit par croire ce qu’il inventait, et se promit bien de nuire à son frère ou de lui jouer quelques mauvais tours. Mais en attendant, il n’avait plus le sou, et ses camarades le fuyaient. Les auberges, où jadis il était si bien accueilli, se fermaient désormais pour lui. Il en conçut un vif dépit, et cherchant le moyen de faire fortune, il essaya de tous les métiers, de tous les commerces, sans jamais réussir.

Le braconnage était encore ce qui lui rapportait le plus d’argent ; mais à ce jeu, il risquait la prison et le fouet, car les seigneurs ne plaisantaient pas.

Une nuit que Yaume était allé tendre ses collets sur le domaine du Plessis-Godard, il réfléchissait au moyen de se procurer des fonds, lorsqu’en passant par un carrefour, où cinq chemins se croisaient, il s’écria dans un moment de désespoir : « Pour cent écus, je me donnerais au diable ! »

— C’est facile, répondit une voix derrière lui. Il se retourna surpris, et aperçut Satan dont les yeux lançaient des éclairs, et dont les cornes, noires et luisantes, brillaient au clair de lune.

Bien qu’il eût désiré être à cent pieds sous terre, et que la sueur lui coulât sur le front, Yaume n’osa fuir ; il s’efforça de prendre un air crâne et dit d’une voix assurée :

— Que veux-tu, compère ?

— Il me semble avoir répondu à ton appel. Voici les cent écus que tu demandes.

Et il fit sonner dans sa main de grosses pièces de six livres. Il n’en fallut pas davantage pour décider le gars.

Cependant lorsque Yaume leva les yeux et qu’il vit Satan rire dans sa barbe, un frisson lui courut dans le dos, et il dit :

— Bien obligé compère ; mais on assure que tu fais payer cher tes services.

— Ceux qui t’ont dit cela n’en savent rien. Ce sont des imbéciles.

— Mais alors, qu’exiges-tu ?

— J’exige que tu viennes ici, chaque année, le premier samedi de l’Avent, à l’heure de minuit.

— Et que m’arrivera-t-il ?

— Je te changerai en levrette blanche pour huit jours.

— Et j’aurai ?

— Dans ta poche autant d’argent que tu pourras en dépenser.

— C’est convenu.

— Tope, dit le diable en tendant sa patte crochue.

Yaume avança timidement la main, et n’eut pas plutôt touché celle de Satan, qu’il jeta un affreux cri de douleur et fut changé en levrette.

Le diable s’en alla, et le grand lévrier se mit à courir comme s’il était possédé du démon.

Pendant huit nuits, — car il n’était visible qu’après le coucher du soleil ; — on ne rencontrait que le malheureux animal qui semblait ne pas avoir une minute d’arrêt.

Il effrayait les femmes et les enfants, jetait par terre les paysans revenant des foires ou des marchés, et s’en allait ravager les jardins et les champs. Son frère surtout fut victime de ses méchancetés.

Les huit jours s’écoulèrent, et la levrette revenue comme par hasard au carrefour, reçut de la part du diable, une si rude volée de coups de bâton, qu’elle resta comme morte sur place.

Pendant son évanouissement, le diable rendit sa forme humaine à Yaume Martin qui se réveilla à l’endroit où son marché avait été conclu huit jours auparavant.

Le failli gars eut toutes les peines du monde à se lever, tant il était meurtri et courbaturé par les coups et la fatigue. Il se traîna misérablement au bourg de Pancé, et y resta plusieurs semaines avant de se rétablir.

Lorsque ses douleurs furent passées, Yaume les oublia dans les cabarets. Dans ses poches les grandes pièces de six livres ne diminuaient point, sonnaient agréablement aux oreilles de tout le monde, et lui procuraient tous les plaisirs qu’il pouvait désirer ou imaginer.

Un soir, en revenant du marché de Bain, il s’arrêta à l’auberge du Château-Gaillard, et n’en sortit que très tard après avoir bu plusieurs pichés de cidre.

Le temps était superbe et la lune éclairait la campagne.

Yaume s’en allait en chantant à tue-tête des chansons impies, lorsqu’il rencontra sur la route un jeune poulain qui vint gambader autour de lui et se faire caresser.

« Tiens, dit le gars, v’là un p’tit ch’va ben docile, j’ai presque envie de l’enfourcher. »

Aussitôt qu’il eut manifesté ce désir, le jeune poulain se mit à genoux devant lui pour permettre à Yaume de le monter plus facilement.

Ce dernier, tout en riant des gentillesses de l’animal, lui grimpa sur le dos. La bête se releva et partit au galop.

Sans être dirigé, le poulain prit de lui-même le petit chemin creux de Pancé, par le bois du Perrin, passa près du menhir de la Pierre-Longue, traversa la chaussée de Quenouard, monta rapidement les rochers de ce nom, et arriva promptement au bourg.

Le cimetière de Pancé, à cette époque, entourait l’église et se trouvait au milieu des maisons.

Une pauvre vieille femme, qui avait perdu son mari quelques jours auparavant, s’était oubliée à prier et à sangloter sur la tombe du défunt. Elle sortait du champ du repos, juste au moment où le cavalier passait, et fit le signe de la croix en terminant son chapelet qu’elle tenait à la main. À ce signe, le poulain se cabra et se déroba sous Yaume qu’il jeta brutalement par terre, le nez sur les cailloux. Tandis que le gars se relevait et secouait la poussière de ses vêtements, il entendit un bruit d’ailes sur sa tête et un ricanement prolongé.

La vieille, épouvantée, se sauva chez elle pendant que Yaume se disait ; « C’est certainement le diable qui vient de me jouer un tour de sa façon. Serait-ce un avertissement ! Que me veut-il ? »

Après avoir réfléchi, il s’aperçut, à son grand désespoir, qu’il était à la veille du premier samedi de l’Avent.

Cette découverte le bouleversa, lui donna des cauchemars toute la nuit. Le lendemain il eut la fièvre et resta au lit à trembler de peur.

Que faire ? Reculer ? Oh ! non, le diable saurait bien le trouver. Il était plus prudent d’aller au rendez-vous que d’encourir la colère de Satan.

Il attendit jusqu’à la dernière minute, jusqu’au dernier moment ; mais enfin il s’y rendit. Le diable était là qui lui reprocha son peu d’empressement à le venir voir, et lui demanda s’il n’était pas content, s’il avait à se plaindre, s’il avait manqué d’argent, etc. Sur la réponse négative de Yaume, il ajouta d’un ton courroucé : « Alors, fallait venir plus tôt. » Et il administra sa correction habituelle au pauvre gars qui perdit bientôt connaissance et fut changé en levrette.

La métamorphose accomplie, l’animal s’en alla dans le jardin de José Martin pour recommencer à arracher les légumes, à manger les fruits et à briser les fleurs. Il continua ainsi plusieurs nuits.

Le fermier du Frétay, furieux, indigné, ne put se contenir plus longtemps ; il chargea son fusil et poursuivit la méchante bête.

Cette levrette lui fit faire des courses échevelées au clair de lune. Quand elle le voyait fatigué et prêt à l’abandonner, elle s’arrêtait devant lui, se mettait sur le derrière en montrant les dents comme pour rire. Alors José ajustait le chien qui recevait la charge presque à bout portant sans avoir aucun mal. Néanmoins il s’amusait à faire la culbute et à rester étendu sans mouvement. Le chasseur se précipitait vers l’animal croyant l’avoir tué ; celui-ci se relevait prestement, en causant une peur effroyable à José, autour duquel il tournait jusqu’à ce que d’un coup de gueule, il lui eût emporté le fond de son pantalon. Bienheureux encore lorsqu’il n’emportait que la chemise. Après cela, il s’en allait ricaner derrière une haie.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, José consulta un vieil ermite qui habitait une grotte que l’on voit encore aujourd’hui sur la rive gauche du Semnon, dans un rocher situé en face de la propriété du Plessis-Godard, et qui est appelée la grotte aux loups.

Le solitaire lui dit après avoir lu dans un vieux livre :

« Tu as affaire au malin esprit, et tu ne te débarrasseras de cette maudite levrette qu’en suivant les conseils que je vais te donner.

» Voici de gros boutons de plomb qui ont été jadis sur l’habit de chasse de saint Hubert ; tu les feras bénir par le recteur de la paroisse, tu les mettras dans ton fusil en guise de balles, et lorsque tu verras l’animal au clair de lune, au lieu de l’ajuster en plein corps, comme tu as fait jusqu’ici, tu tireras sur son ombre. Je ne doute pas que tu réussisses. »

José remercia le saint homme, lui fit sa petite offrande, et s’en alla faire bénir les boutons par le recteur de Pancé.

Le soir venu, il attendit son ennemi de pied ferme.

À onze heures, la levrette arriva. Elle brisa les choux du jardin sur son passage, et vint s’asseoir au milieu d’un carré de salades en face de la maison, le nez tourné vers la porte.

Le fermier, cette fois, s’était caché dans le grenier, et profita, pour faire feu, du moment où la bête était immobile, et où son corps éclairé par la lune, projetait une ombre énorme.

Un cri affreux se fit entendre.

Il descendit aussitôt et courut au jardin. Il trouva à la place de la levrette, son malheureux frère baigné dans son sang.

Il était minuit, et le huitième jour, depuis la métamorphose, venait d’expirer.

José s’arrachait les cheveux. Il appelait au secours, il pleurait, il sanglotait.

Tout le monde de la ferme fut debout dans un instant.

Les uns transportèrent le blessé dans un lit pendant que les autres couraient chercher le prêtre.

En voyant le malheureux garçon, le recteur de Pancé reconnut que Yaume n’avait plus que quelques instants à vivre, et lui demanda s’il voulait recevoir les secours de la religion, se repentir de sa conduite passée, et mourir en chrétien. Sur un signe affirmatif du moribond, les assistants se retirèrent. Yaume se confessa, reçut les derniers sacrements et mourut en tenant la main du prêtre et celle de son frère.

Le diable caché dans un coin, poussa un cri de rage, en voyant cette âme lui échapper, et se sauva par la cheminée, quand le prêtre, en l’apercevant, l’aspergea d’eau bénite.

(Conté par la mère Bouillaud, fermière au Fretay en Pancé.)


CHAPITRE VI


Les Prêtres, les Religieuses, le Tiers-Ordre, l’Église


1o Les prêtres


Le clergé de nos campagnes est, en grande partie, recruté parmi les paysans et quelquefois dans la classe pauvre.

Il arrive qu’un enfant du catéchisme est remarqué par son intelligence. Le curé ou le vicaire s’y intéresse et souvent commence son instruction.

Plus tard, l’élève est envoyé dans un petit séminaire, où il est élevé à l’aide de bourses propres à l’établissement ; ou bien sa modique pension est payée par des personnes pieuses et charitables.

Enfin, quand arrive l’époque de son entrée au grand séminaire, si ce jeune homme ne peut, par une bourse ou des dons, acquitter sa pension on l’y reçoit néanmoins en lui faisant promettre de se libérer peu à peu, chaque année, lorsqu’il aura une situation rétribuée.

Beaucoup de jeunes prêtres, s’ils ont fait de bonnes études, parviennent à se libérer promptement. Ils sont nommés professeurs dans des collèges dépendant de l’Évêché, où ils restent sans traitement, — ayant seulement l’entretien, — jusqu’à ce que la dette qu’ils ont contractée soit soldée.

Aussitôt après l’ordination, il est d’usage de faire célébrer au jeune prêtre une grand’messe dans son pays natal. Un prêtre, le plus souvent le curé, l’assiste à l’autel pour lui donner les indications dont il pourrait avoir besoin.

Avant cette messe, on va le chercher processionnellement chez lui, s’il habite le bourg, ou au presbytère, si sa famille habite la campagne, et on le conduit à la sacristie, et, là, il embrasse et donne sa première bénédiction à ses parents les plus proches.

Un grand dîner en famille, appelé dîner de noces, est le complément de cette cérémonie. Le lendemain, le jeune prêtre dit la messe pour le repos des âmes de ses parents défunts. La famille et les amis y assistent.

Le jeune vicaire doit repasser les cinq années d’études du séminaire pendant le même laps de temps, et subir ensuite un examen à un jour déterminé. Si, sans une autorisation expresse, il ne se présentait pas à cet examen, il serait privé de tout pouvoir jusqu’à ce qu’il ait satisfait à ce devoir.

Après quatorze ans de prêtrise, le vicaire subit, devant les professeurs du grand séminaire un examen complet sur toutes les matières prescrites, et ne peut être nommé à la tête d’une paroisse que si ses réponses ont été jugées satisfaisantes.

Il y a quatre fois par an, dans chaque canton, au jour fixé par l’Évêché, et dans la paroisse désignée par le curé-doyen, des conférences, dans lesquelles on traite, par écrit, une question sur l’une des branches de la science ecclésiastique et, oralement, une question plus facile, habituellement un cas de conscience. Tous les prêtres de la circonscription doivent assister à ces conférences.

Dans certains cantons, les prêtres de plusieurs presbytères s’entendent entre eux pour se réunir et déjeuner ensemble sans invitations préalables.

Ces réunions tout amicales, sont de simples distractions.

Il est aussi d’usage de donner l’hospitalité à tout confrère du diocèse de passage dans la paroisse.

Les membres de la même promotion du séminaire se réunissent ordinairement une fois par an.

Il est interdit à tout prêtre d’assister aux fêtes et au dîner d’un mariage, même quand il s’agit d’un frère ou d’une sœur. Il ne peut que les unir matrimonialement à l’église.

Le lendemain de la noce, par exemple, il y a ce qu’on appelle le déjeuner des curés auquel assistent le clergé, les mariés et les très proches parents.

Il est également interdit à un prêtre d’entrer, pour y boire ou manger, dans un hôtel, une auberge, un café, un cabaret, s’il n’est à plus d’une lieue de chez lui et hors de sa paroisse.

Les servantes, dans les presbytères, doivent avoir au moins quarante ans, sans cela une autorisation spéciale de l’évêque est nécessaire.

Un prêtre étranger au diocèse ne peut dire la messe que s’il est muni d’un certificat d’identité appelé celebret, et émanant de son évêque.

Tous les ans, pendant les vacances du grand séminaire, il est prêché dans cet établissement deux retraites ecclésiastiques auxquelles se rendent successivement tous les prêtres du diocèse. Elles sont présidées par l’archevêque qui, en dehors des sermons du prédicateur de la retraite, reçoit personnellement tous les ecclésiastiques qui désirent lui parler et, de plus, leur donne dans des conférences des conseils intimes.

L’archevêque envoie chaque année un questionnaire imprimé aux curés de son diocèse, qui doivent y répondre par écrit.

Enfin, la Semaine religieuse, journal officiel de l’archevêque, contient les instructions que ce dernier juge utile d’adresser à son clergé.

Lorsque l’archevêque se rend dans certaines paroisses de son diocèse, les jeunes gens vont quelquefois à cheval au-devant de lui et entourent son carrosse. Autrefois ils tiraient des coups de fusils, et des feux de joie étaient préparés sur son passage ; c’était lui qui les allumait.

Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Ier, vint à Rennes en 1811. Comme Son Éminence devait arriver par Vitré, les habitants de cette ville l’avaient priée de s’arrêter chez eux et de leur permettre de lui offrir à dîner. Le cardinal avait accepté.

On alla au-devant de lui jusqu’à la Gravelle.

Nombre de jeunes gens et de paysans étaient à cheval et armés de fusils.

Lorqu’ils aperçurent le carrosse de Son Éminence, ils firent aussitôt une décharge de mousqueterie qui causa une peur effroyable au prélat.

En voyant cette troupe armée, et surtout les paysans vêtus de peaux de biques ressemblant à des brigands, les champs couverts d’arbres ayant l’aspect d’une forêt, et les haies vives semblables à des barricades, Monseigneur Fesch voulut rebrousser chemin, croyant à une protestation contre Napoléon Ier.

On eut toutes les peines du monde à le rassurer, et à lui faire comprendre qu’il était d’usage, en Bretagne, d’aller ainsi au-devant des grands personnages qui venaient visiter notre pays, de tirer des coups de fusil en signe de joie et de caracoler autour de leurs carrosses.

Après 25 ans de prêtrise un ecclésiastique célèbre ses noces d’argent et après 50 ans ses noces d’or.

Ces cérémonies donnent lieu à une grande messe chantée par un dignitaire avec le Te Deum, échange réciproque de compliments et agapes fraternelles auxquelles sont invités les amis personnels, et, si c’est un curé, tous les vicaires qu’il a eus avec lui. On va le chercher au presbytère processionnellement comme le jour de son ordination.

Il n’y a pas très longtemps encore, lorsqu’un curé mourait dans une paroisse, on l’exposait et l’on promenait son corps, la figure découverte, dans les principales rues du bourg. Cet usage est, aujourd’hui, tombé en désuétude.

Le prêtre est enseveli et mis en bière avec ses ornements sacerdotaux tels qu’il les avait de son vivant pour dire la messe.

À l’église, le cercueil est placé dans le sens contraire de celui des laïques, c’est-à-dire que la figure, au lieu d’être tournée vers l’autel, est dirigée vers les assistants.

Depuis qu’on a cessé d’inhumer les prêtres dans les églises on les enterre généralement, à la campagne, la tête au pied de la vieille croix de granit sculpté qui se trouve dans la plupart des cimetières.

Les Missions

Les Missions paroissiales durent assez longtemps.

Le jour de l’ouverture, avant la grand’messe, le clergé va professionnellement, avec la croix et la bannière, chercher les missionnaires au presbytère et les amène dans l’église jusqu’à la table de communion.

Là, après échange de bienvenue de la part du curé, et de remerciements du supérieur, le premier enlève de son cou l’étole, insigne de sa charge pastorale, pour la remettre au supérieur. Ce dernier la conserve jusqu’à la fin de la mission et la rend à ce moment au curé, après le dernier office, et avec le même cérémonial.

Les missionnaires quittent immédiatement la commune.

Quand il y a, soit une mission, soit un jubilé ou même les quarante heures, des prêtres étrangers viennent pour prêcher et confesser.

Afin d’alléger les charges qui, dans ces occasions, incombent au curé, ses amis de la paroisse lui envoient quelquefois des volailles, du poisson, des gâteaux, des fruits, du vin, des liqueurs.

Comme il n’y a pas toujours suffisamment de chambres au presbytère pour loger tous les prêtres étrangers, ils reçoivent l’hospitalité chez quelques habitants qui veulent bien mettre des appartements à la disposition de leur pasteur.

Tombe d’honneur de la Mission

Un jour de la mission est consacré au souvenir des morts.

Après un service solennel à l’église, on se rend processionnellement au cimetière où le fossoyeur a eu soin de creuser par avance une fosse. Toutes les familles y sont représentées au moins par un membre.

Le supérieur prononce une homélie et bénit la tombe destinée à recevoir le corps de la première personne de la commune qui meurt après avoir fait sa mission.

On lui donne le nom de tombe d’honneur. Et, en effet, les familles considèrent comme une faveur exceptionnelle d’avoir un des leurs inhumé dans cette fosse.

2o Les religieuses

Les sœurs de Bon-Secours dont nous possédons une maison à Rennes ont pour mission de soigner les malades gratuitement, s’ils n’ont pas de fortune, et de ne pas taxer les familles à l’aise ou riches. Elles acceptent ce qu’on leur donne.

Parmi leurs règles en voici quelques-unes qui méritent d’être citées :

La religieuse qui veille un malade couche dans sa chambre, sur un lit, après être allée prendre un vêtement plus commode que celui de la journée.

Elle ne peut rester plus d’un certain temps près de la même personne.

Lorsque celle-ci vient à mourir, une seconde religieuse accompagne la première à l’enterrement en tête du cortège. Les funérailles terminées, elles doivent rentrer immédiatement à la communauté sans avoir de plus longues relations avec la famille du défunt.

Les religieuses de Bon-Secours renouvellent leurs vœux à une fête de vierge désignée pour tout l’Ordre, et cela partout où elles se trouvent.

Tous les deux ans, elles vont à une retraite à la maison mère, retraite qui dure huit jours et pendant tout ce temps elles ne doivent parler, ni même lire une lettre avant la fin du chant du Te Deum qui termine la mission.

Contrairement à ce qui se passe pour les prêtres, qui ont quelquefois de superbes tombeaux élevés par la reconnaissance publique, les religieuses n’ont qu’une simple croix de bois sur laquelle, souvent, leur nom de famille n’est même pas écrit.

Autrefois certaines religieuses cloîtrées, notamment les Ursulines, étaient, aussitôt après leur mort, revêtues de leurs vêtements, puis attachées sur une planche et recouvertes d’un drap mortuaire.

Pendant la messe, le corps était déposé dans le chœur cloîtré de la chapelle. Après l’office, il était porté au cimetière dépendant de la communauté, où on le faisait glisser dans une fosse au fond de laquelle se trouvait un fagot pour tout cercueil.

La prise d’habit est la première cérémonie des religieuses.

Voici comment, ordinairement, elle se fait chez les religieuses cloîtrées.

Le prêtre dit à la prétendante :

— Ma fille, que demandez-vous ?

Elle répond :

— J’ai fait une demande au Seigneur et je la réitère. C’est d’habiter dans cette maison de Dieu tout le temps de ma vie.

L’habit et le voile sont ensuite bénits, un cierge allumé est mis entre les mains de la jeune fille qui baise la main du célébrant.

Ce dernier enlève le mouchoir qu’elle a au cou, lui pose un voile sur la tête, l’informe qu’elle cessera de porter son nom, et enfin lui donne sa bénédiction.

Après la messe, la nouvelle novice donne le baiser de paix à la supérieure et à chacune des sœurs.

La supérieure et l’assistante la font marcher devant elles, tirent le rideau et ferment la grille.

La profession est une cérémonie vraiment impressionnante :

La novice à genoux, au milieu du chœur, ayant à ses côtés la supérieure et l’assistante, dit à haute voix :

— Je demande pour l’amour de Dieu d’être reçue à la sainte profession.

Le célébrant répond : Avez-vous fermement établi en votre cœur n’étant point contrainte ? Vos habits vous sont conservés et voici le voile de la Congrégation. Choisissez.

— Je me suis volontairement dépouillée des robes mondaines. Jamais, avec l’aide Dieu, je ne les reprendrai.

Le célébrant à la supérieure : — Vous avez entendu, ma mère, la demande de cette sœur. A-t-elle le consentement de la Congrégation ?

— Oui, par la grâce de Dieu.

La novice prononce alors les paroles de la profession.

Le célébrant lui met la croix au cou et lui donne le voile en disant : — Ce voile, sera sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et une marque sacrée afin que vous ne receviez jamais aucun signe d’amour que celui de Jésus-Christ. Ma sœur, ajoute-t-il, vous êtes morte au monde et à vous-même, pour ne vivre plus qu’à Dieu.

Les deux assistantes la recouvrent d’un drap, et les sœurs disent alternativement le De profundis.

Le célébrant jette de l’eau bénite, et dit :

— Levez-vous, vous qui dormez ; relevez-vous d’entre les morts et Jésus-Christ vous illuminera.

Les deux assistantes découvrent la novice qui reçoit le cierge que le prêtre lui offre.

La messe est ensuite célébrée.

Nous devons à l’obligeance de deux dames de Rennes, les récits suivants d’une prise d’habits et d’une profession.

1o Le 26 février 1885 prise d’habit de Mlle de S… au Sacré-Cœur de Rennes, ordre non cloîtré.

« Dans le chœur, l’archevêque préside assisté d’un vicaire général.

» Un Père jésuite (le Sacré-Cœur étant de l’ordre des Jésuites) fait le sermon d’usage.

» Le père, la mère, la famille et les amis intimes sont là.

» Au milieu, devant l’autel, est un prie-Dieu pour la novice, et de chaque côté ont été placées des chaises pour la supérieure de Rennes et la supérieure de Conflans où se trouve la maison des novices.

» Viennent ensuite les élèves avec leurs voiles blancs, les religieuses dans leurs stalles et les invités.

» La jeune fille fait son entrée en toilette de mariée, donnant la main à la supérieure de Conflans qui, après l’avoir conduite à la place qu’elle doit occuper, va se placer à sa droite à une certaine distance.

» L’archevêque chante le Veni Creator.

» La supérieure de Conflans conduit la postulante à la balustrade de l’autel du côté où se trouve sa famille. La jeune fille s’agenouille et l’archevêque lui pose sur la tête le voile blanc et prononce quelques paroles élogieuses à l’adresse de la famille qui a un grand nom, rappelant des souvenirs historiques.

» Ensuite la novice accompagnée des deux supérieures, quitte la chapelle pendant quelques instants et revient avec le costume des religieuses. Elle assiste à la messe et communie.

» Après la cérémonie, elle reçoit ses parents et amies au parloir et leur dit adieu. »

2o Profession d’une religieuse cloîtrée au couvent de la Visitation (ordre enseignant), juin 1883.

« Les grilles étaient ouvertes et on voyait dans la chapelle toutes les élèves habillées de blanc, puis les novices, et au fond les religieuses cachées sous leurs longs voiles noirs.

» La novice était une jeune fille de 22 ans, native de la Bouëxière.

» Ses parents et amis assistaient à la cérémonie.

» Le prêtre fit un sermon après lequel deux religieuses apportèrent, dans des paniers, des cierges qu’elles offrirent aux autres religieuses.

» La novice demanda à prononcer ses vœux de pureté, de pauvreté et d’obéissance.

» Le prêtre demanda à la supérieure si cette jeune fille n’avait pas été contrainte et si elle était digne d’entrer dans l’Ordre.

» La réponse fut affirmative.

» La supérieure et une autre religieuse vinrent alors s’agenouiller près de la novice qui avait encore à ce moment le voile blanc.

» Elle prononça ses vœux d’une voix émue, puis on lui remit un cierge entre les mains.

» Le prêtre lui passa autour du cou la croix qu’elle devait à l’avenir toujours porter avec amour et respect. Il lui mit ensuite sur la tête le voile noir qui devait la dérober aux regards des hommes. Ensuite le célébrant lui dit : « Vous êtes morte au monde et à vous-même. »

» Après ces paroles, elle se plaça sous le drap mortuaire et les religieuses chantèrent le De profundis.

» On lui mit une couronne de roses blanches sur la tête, et une jeune fille, parente ou amie, offrit à tous les assistants les fleurs d’une corbeille qui avait été placée, pendant la cérémonie, devant la jeune religieuse.

» Celle-ci communia seule, à la messe dite à son intention.

» Après l’office, eut lieu la bénédiction du Saint-Sacrement.

» La nouvelle religieuse donna le baiser de paix à toutes les sœurs de la communauté. Elle eut constamment le voile relevé contrairement aux autres religieuses. »

3o Le Tiers-Ordre

Les membres du tiers-ordre sont des laïques affiliés à un ordre religieux dont ils doivent suivre les usages. Ils sont astreints à certaines prières chaque jour et à communier au moins quatre fois l’an. Ils participent ainsi aux avantages spirituels de l’Ordre. Comme ils ne peuvent en porter le costume, ils ont simplement le scapulaire et, autour des reins, une corde nouée qu’ils conservent même après leur mort. Ils s’occupent de bonnes œuvres.

4o L’église

Les fabriciens sont chargés de l’administration temporelle de l’église. Ils ont dans celle-ci un banc spécial appelé banc des fabriciens.

En outre, ils ont l’honneur de porter aux fêtes-Dieu les flambeaux allumés qui entourent le Saint-Sacrement.

Aux grandes fêtes de l’année, ou au moins une fois l’an, il est d’usage, après la grand’messe, de réunir dans un dîner au presbytère, les membres du Conseil de fabrique.

Les marguilliers sont les fabriciens désignés pour établir le budget de la fabrique et s’occuper des recettes et des dépenses.

Les trésoriers sont au nombre de deux dans les petites communes, et de quatre dans les communes plus importantes.

Leurs fonctions consistent à faire les quêtes pour l’entretien de l’église et les fidèles défunts, et à distribuer le pain bénit. Dans certaines paroisses et, notamment à Saint-Sulpice-des-Landes, ce sont les personnes qui font don du pain bénit à l’église, qui le distribuent elles-mêmes à la grand’messe.

Il y a le grand et le petit trésorier ; le premier porte la croix et le petit la bannière.

Le bedeau, lui, est chargé de la propreté de l’église et de sonner l’angelus.

Dana les bourgs où les jeunes filles sont instruites par des religieuses, ce sont celles-ci qui s’occupent de l’ornement des autels, qui les parent de fleurs chaque dimanche, et qui confectionnent la crèche de Noël. À défaut de religieuses, ce sont des dames, ou des demoiselles pieuses qui se chargent de ce soin.

Les sonneurs de cloches ne sont employés que le dimanche et les jours de fêtes et sont, par conséquent, peu rétribués ; aussi, après avoir sonné presque sans cesser tout le dimanche de la Toussaint, et le lendemain jour des morts, vont-ils à domicile, faire une quête à leur profit chez tous les habitants.

La Quenouillée

Dans un certain nombre d’églises de communes rurales, on présente encore aux étrangères qui assistent pour la première fois à la messe la quenouillée.

Elles la touchent et donnent une pièce de monnaie comme offrande.

À Bruz, la quenouillée est présentée le premier dimanche de l’année à toutes les femmes de la paroisse, parce qu’elle est l’emblème du travail. Jadis on faisait toucher aux hommes une petite charrue.

Dans le principe la quenouillée se composait tout uniment d’un roseau recouvert de filasse attachée avec un filet. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un bâton enrubanné.

À Bréal-sous-Montfort, au commencement de chaque année, on fabrique avec un roseau et de la filasse une quenouillée monstrueuse. Elle est l’objet d’une fête et on va la voir par curiosité.

Les fermières, lorsqu’une de leurs génisses doit faire son premier veau, s’en vont à l’église promettre à la Vierge une moche de beurre du lait de la mère vache.

Après les récoltes, on porte aussi sur l’autel de la Vierge des gerbes de blé, de chanvre, de lin, et lorsqu’on tue un cochon, un morceau de lard.

Ainsi qu’il a été dit, ces provisions sont vendues aux enchères à la porte de l’église, à l’issue de la grand’messe.

On appelle Pèle-genouailles[73], celui ou celle qui fréquente assidûment les églises et qui reste longtemps à débiter ses péchés dans le confessionnal.



CHAPITRE VII


Les Malades, les Remèdes, les Avènements, la Mort, les Revenants


1o Les malades


Lorsque l’état d’une personne dangereusement malade reste stationnaire, on invoque saint Guinfort. On fait brûler un cierge en son honneur et, s’il est possible, devant son image, pour qu’il amène un changement, soit en mieux, soit en mal. On dit en allumant le cierge :

Saint Guinfort,
Pour la vie ou la mort.

Lorsqu’un malade est en danger de mort pendant la nuit, comme la visite d’un médecin à pareille heure, coûterait plus cher qu’une visite de jour, on va de préférence chercher le prêtre qui, lui, ne prend rien.

On attend au lendemain matin, si le moribond n’est pas décédé, pour faire venir le médecin qui, souvent arrive lorsqu’il n’y a plus rien à faire, ou même qu’à constater le décès.

On dit dans nos campagnes qu’une personne est au mouroir lorsqu’elle est près de rendre son âme à Dieu et l’on attend, comme nous venons de le voir, qu’elle soit dans cet état pour aller chercher le guérissou.

C’est ce qui eut lieu pour une pauvre vieille femme d’un village de l’arrondissement de Redon. Lorsqu’on appela le médecin, il constata qu’elle était à la dernière extrémité.

— Vous avez attendu trop tard à me faire venir, dit-il au mari, votre femme est bien malade.

— C’est que, voyez-vous, monsieur le guérissou, je n’savions point ; elle ne disait ren et c’est seulement hier à la ressiée qu’elle a cessé de manger sa soupe.

— Je vais vous faire une ordonnance, et vous irez au bourg chercher des remèdes chez le pharmacien.

Le médecin qui n’ordonne pas de prendre des bouteillées est un mauvais guérissou, on ne va pas le chercher deux fois.

Notre paysan effrayé tout de même de l’état de sa bonne femme, qu’il aimait à sa manière, s’empressa d’aller quérir les médicaments, qui, supposait-il, devaient la guérir.

Malheureusement il rencontra dans le bourg des amis auxquels il fit part de ses peines et qui, pour le consoler, l’emmenèrent au cabaret.

Comme le chagrin était réel et que le bonhomme pleurait toutes les larmes de son corps, on le fit boire tant et tant que la journée s’écoula sans qu’il songeât à rentrer chez lui.

Le soir venu, il partit cependant pour son village, et lorsqu’il arriva, on lui apprit que sa femme était morte.

« Quel malheur ! s’écria le vieux ; moi qui lui apportais des remèdes qui m’ont coûté cent sous. Je ne veux point perdre mon argent. Je vas les prendre à sa place. »

Comme tout le monde était en prières près de la défunte, on ne l’en dissuada pas, et il prit les drogues.

Après les libations de la journée, l’absorption de ces médicaments détermina une telle révolution chez le malheureux que l’on crut qu’il avait le choléra. Le pauvre vieux souffrait si cruellement qu’on l’entendait crier de toutes les maisons du village. Il fallut retourner chez le médecin qui, un instant, désespéra de le sauver. Enfin la nature aidant il se rétablit.

Voilà comment on se soigne chez nous.

2o Les remèdes

Angine. — S’entourer le cou, le soir en se couchant, du bas qu’on enlève de dessus sa jambe gauche, et qu’on remplit de cendres chaudes.

Ce remède, croit-on, pourrait être dangereux pour les filles ayant atteint l’âge de la puberté.

Bains de pieds. — On remplace avantageusement la moutarde pour bains de pieds en écrasant ou pilant la plante connue vulgairement sous le nom d’éclaire, et qui est la Chélidoine (Chelidonium majus).

Brûlures. — On applique sur les brûlures légères les pétales de la fleur du lis, conservés dans de l’huile camphrée ; ou bien encore de la râpure de pomme de terre.

D’autres emploient le résidu gras de l’évier des cuisines pour calmer le feu des brûlures, ou plongent la main ou le pied malade dans du lait baratté. Ce lait doit être renouvelé aussitôt qu’il est chaud.

Un guérissou de ma connaissance emploie le remède suivant qui, selon lui, vaut tous les autres :

Il enlève la seconde écorce des jeunes pousses du tilleul, et en met une poignée dans un saladier avec de l’eau. Le tout est fouetté comme des œufs avec une cuillère. Il se produit une écume épaisse, qu’on étend sur les plaies après avoir percé les boursouflures. Le malade éprouve presque instantanément un soulagement véritable.

À Janzé, on reçoit dans un sac, sous la queue même de la vache, sa bouse fraîche qui est appliquée sur la brûlure.

Si c’est une main ou un pied qui a été brûlé, on plonge le membre malade dans le sac.

Chutes. — Pour calmer et guérir les douleurs internes causées par une chute, il faut boire un litre de vin blanc dans lequel on a mis à infuser cinq à six petits rameaux de Myrte.

Cœur. — Dans le canton du Sel, lorsqu’une personne atteinte d’une maladie de cœur a les pieds enflés (œdème), elle prend un coq vivant, le fend par la moitié d’un coup de hache, et s’enveloppe les pieds dans cette chair saignante.

Coliques. — Il y a encore dans les fermes des marmites dont le couvercle est en bois. La vapeur de la soupe, de lard principalement, dépose sur ces couvercles une couche de graisse qui a la propriété de guérir les coliques. On fait chauffer ce couvercle au feu et on l’applique sur le ventre du malade.

La galette d’avoine, chaude, produit aussi un soulagement.

D’autres, pour la colique, avalent des grains de plomb.

Quand la colique est compliquée de diarrhée, on fait bouillir de l’herbe appelée Renouée (Polygonum aviculare), et l’on boit cette tisane après l’avoir sucrée.

Constipation. — Les tisanes de chicorée sauvage et de racines de pivoine purgent, et font beaucoup de bien quand on va difficilement à la selle.

Convulsions. — Quand un enfant a des convulsions on fait un fumeur lui lancer la fumée de sa pipe dans le nez.

Coqueluche. — Pour faire passer la coqueluche, il faut boire, le matin, à jeun, un verre de lait de jument, frais tiré.

Autre remède : Faire bouillir des amandes de noix de choc (grosses noix), ou des amandes de noisettes d’Espagne, dans du lait doux, et boire cette tisane.

Cors aux pieds. — Il y a plusieurs médicaments :

Le vert de porée (poireau), appliqué sur les cors doit les faire disparaître.

L’ail pilé, les feuilles de joubarbe (Sempervivum tectorum), écrasées et mises dans du vinaigre, produisent le même effet.

Tous les soirs, en se couchant, se frotter les cors avec les doigts mouillés de sa salive, et prendre un bain de pieds d’eau salée de temps à autre. Au bout de quelques temps les durillons des cors s’enlèvent sans difficulté.

Coupures. — Mettre sur les coupures du tabac à priser pour arrêter le sang.

On emploie aussi, dans le même but, des toiles d’araignées arrachées sur les meules des moulins.

Quand les coupures sont profondes, on applique dessus les pétales de la fleur du lis conservés dans du cognac.

À Bruz, on met des feuilles de géranium, ou la seconde écorce du genêt, sur les coupures qu’on enveloppe ensuite de toiles d’araignées.

Lorsqu’un charpentier se fait une blessure avec l’un de ses instruments, il pulvérise du tripoli noir ou du schiste de même couleur, dont il se sert pour son métier, et il applique cette poudre sur la plaie.

À Saint-Sulpice-des-Landes, on appelle herbe Saint-Joseph le plantain, connu des botanistes sous le nom de Plantago lanceolata. Voici ce que les habitants de cette commune racontent :

Saint Joseph, le charpentier, s’étant coupé le pied avec sa hache, se servit de cette plante qui, à cette époque, n’existait que dans un champ de la Judée.

Les Juifs, pour l’empêcher de se guérir, résolurent de détruire l’herbe Saint-Joseph. Ils fauchèrent la terre sous la racine croyant ainsi couper celle-ci. Or, comme la racine est plutôt traçante que pivotante, ils ne lui firent aucun mal et furent tout surpris de la voir pousser avec plus de vigueur lorsque la terre fut remuée.

Le Plantago lanceolata est aussi appelé herbe à cinq coutures. Ses feuilles cicatrisent promptement les coupures légères.

Croup. — Entourer le cou de l’enfant d’un cataplasme de fiente d’oie, mélangée d’ache (Apium graveolens), de poivre blanc et de vinaigre de vin blanc.

Dartres. — Piler, avec du gros sel, la plante connue de tout le monde, l’Éclaire, herbe à suc jaune et fétide (Chelidonium majus), et en faire un emplâtre que l’on applique sur la dartre.

D’autres frottent les dartres avec la crasse qui se trouve dans le gros sel, et que l’on appelle de la merde de sel.

Dents. — Pour les maux de dents et les maux de tête, il faut faire bouillir de la graine de foin et se tenir la tête le plus longtemps possible sur la vapeur qui s’en échappe. Ensuite on s’enveloppe la tête pour conserver la chaleur.

On fait également des fumigations avec du lierre.

À Bruz, pour les maux de dents, on fait bouillir des pierres blanches, c’est-à-dire du quartz dans du vinaigre, et le malade ouvre la bouche sur la vapeur de ce singulier remède.

Si l’on veut faire mourir et tomber une dent creuse, on met dedans un grain d’encens. La dent se fend et tombe en morceaux sans occasionner la moindre douleur.

On calme aussi les maux de dents en se frottant le derrière de l’oreille avec la sève de la flanouette (petite euphorbe des jardins), qui produit l’effet d’un vésicatoire.

Enfin, la racine d’asperge, appliquée sur une dent malade, permet de l’arracher sans souffrance.

Douleurs. — Dans le canton sud-ouest de Rennes, les habitants des campagnes, pour guérir les douleurs, se servent d’une plante qu’ils appellent le paissa, parce que son fruit se paisse, autrement dit, se colle aux vêtements. C’est le Lappa major des botanistes.

On fait pâmer (flétrir) les feuilles de cette plante sur la tuile à galette ; ensuite elles sont frottées de saindoux et appliquées, très chaudes, sur les membres malades.

Dysenterie. — Boire de la tisane d’infusion de Renouée (Polygonum aviculare).

Eczéma. — On connaît trois remèdes pour la guérison de cette maladie.

1o Onguent fait avec de la suie, mélangée à de la graisse d’andouille. La suie doit être prise dans une cheminée où l’on ne brûle que du bois.

2o Bouillir de la suie avec le lait qui s’échappe de la baratte, lorsqu’on bat le beurre, et faire de cela un cataplasme.

3o Ou bien, enfin, appliquer tout simplement sur la partie malade, du séneçon (Senecio vulgaris).

Engelures. — Pelez des châtaignes, faites-les cuire dans de l’eau, écrasez-les et faites-en un cataplasme chaud que vous appliquerez sur les engelures.

Enrouement. — Pour un enrouement, boire le matin, à jeun, un verre d’eau que l’on vient de tirer du puits.

Épilepsie. — Quand un épileptique a une crise, il faut, pour la faire cesser, lui ouvrir la main gauche et la serrer fortement.

On fait boire aux enfants épileptiques de la tisane de racines de pivoine et de pyrèthre.

Épines dans les doigts. — S’appliquer à l’endroit où est la piqûre, de la gème de cordonnier (lisez de la poix). Dès le lendemain, on trouve l’épine sortie du doigt et collée à la poix.

Érysipèle. — Avec la fleur du suc (sureau : Sambucus nigra) on guérit les érysipèles. Il suffit de se faire à la tête des fumigations, et de s’appliquer sur la partie malade des cataplasmes de la fleur qui a servi aux fumigations.

La lentille d’eau (Lemna minor) est employée de la même façon et produit le même résultat que la fleur du sureau.

Éternuements. — Pour faire cesser les éternuements, il suffit de regarder fixement une lumière pendant quelques secondes.

Évanouissements. — Plonger la main de la personne évanouie dans de l’eau très froide.

Ce moyen est également employé pour les saignements de nez.

Fluxion au visage. — Mettre sur la partie malade une couenne de lard que l’on doit garder jusqu’à ce que l’enflure disparaisse.

Fièvre. — Faire infuser dans du vin blanc, des feuilles de bois à la bête (Troène : Ligustrum vulgare), ou bien encore la seconde pelure de l’écorce du saule.

On met aussi à sécher, après l’avoir bien nettoyée, la peau intérieure du gésier d’un poulet. La pulvériser après avoir enlevé le sable qu’elle renferme généralement, et la mettre dans du vin blanc que l’on boit comme tisane.

Gerçures. — Pour ce qu’on appelle le hâle des lèvres, du nez et des mains, on emploie comme onguent le beurre sortant de la baratte et à peine formé.

Gorge. — On guérit les maux de gorge en buvant du vieux cidre très chaud, dans lequel on a mis du beurre à fondre.

Outre le remède indiqué pour l’angine, il y a encore les suivants pour les diverses inflammations de la gorge :

Faire bouillir quelques feuilles de laurier-palme dans du lait doux sucré, et en boire un verre, chaque soir en se couchant, et cela, jusqu’à complète guérison.

D’autres font cuire des pommes de terre dans les cendres du foyer, les écrasent et en font des cataplasmes qu’elles se mettent sur la gorge.

Hémorragies. — Les feuilles et les tiges pilées de l’ortie sont employées en cataplasmes pour les hémorragies et les plaies de peu d’importance.

Hémorroïdes. — Voici trois remèdes recueillis chez trois reboutous de campagne :

Le père Rigaud, de Sion, qui a une grande réputation comme guérissou, engage les personnes qui ont des hémorroïdes, à mettre dans un petit sachet de toile les racines des tétines de chattes (c’est la renoncule printanière appelée Ficaire (Ficaria ranunculoïdes), et à attacher ce sachet à leur chemise, au bas des reins.

Le nommé Gruel, autre guérissou, de Bruz, indique le remède suivant :

Bien laver, bien nettoyer à l’eau courante les tubercules de la ciguë qu’il appelle l’Ébène ou bien encore Pain frais (c’est l’Œnanthe crocata). Les écraser et les faire bouillir avec du saindoux, à petit feu, sur la braise, dans un pot neuf en grosse terre. La pommade qui en résulte est appliquée sur la partie malade. La guérison est radicale.

La mère Chevalier, de Bain, composait la pommade suivante qui, au dire de tous ceux qui s’en sont servi, est un remède souverain pour les hémorroïdes :

Elle écrasait des feuilles de joubarbe (Sempervivum tectorum), les pressait dans un linge et le suc qui en sortait était mélangé à du saindoux, qu’elle faisait fondre au bain-marie.

Hoquet. — Allonger le bras droit, et regarder fixement le creux de la main à moitié fermée.

Luette. — À Bain, la luette est appelée la Cahuette. Quand cet appendice cesse de fonctionner librement on s’adresse à une bonne femme qui sait relever la cahuette. Elle saisit, avec le pouce et l’index, à un endroit précis de la tête, une gousse de cheveux ; elle tire dessus et la cahuette se trouve relevée.

Membres (dislocation). — Les bains chauds, dans lesquels on fait un lit de feuilles d’osier franc, sont excellents pour la dislocation des membres.

Nez. — Il y a trente-six moyens d’arrêter les saignements de nez. Voici les principaux :

Prendre deux feuilles de grande pervenche (Vinca major), les rouler comme une cigarette, se les mettre dans la bouche, les mâcher et, quand il ne reste plus que les fibres, les cracher.

Le saignement de nez cesse aussitôt (remède du père Rigaud, reboutou à Sion).

Écraser les feuilles tendres du sommet de l’ortie, et, avec les doigts, en former des boulettes qu’on introduit dans les narines du malade.

L’hémorragie cesse aussitôt. Souvent l’odeur seule de la bouillie d’orties suffit pour arrêter le saignement de nez.

(Remède du père Gruel, de Bruz.)

Les bonnes femmes font provision, à l’automne, d’une poussière brunâtre qui se trouve dans le champignon connu vulgairement sous le nom de vesse-de-loup. Quand un enfant a une hémorragie nasale on lui bourre le nez de cette poussière, et l’hémorragie est arrêtée.

Autres remèdes :

Se mettre au palais et sous la langue des petits ronds de papier découpé.

Ou bien serrer le petit doigt de la main gauche avec force.

Enfin, si les deux moyens ci-dessus ne réussissent pas, ficeler tous les doigts en serrant fortement.

Œil. — Lorsqu’on a sur la paupière un petit furoncle appelé Compère-Loriot ou orgelet, il faut s’appliquer, le soir, sur l’œil, une tranche de veau non cuite. On l’y maintient au moyen d’un foulard toute la nuit.

À Bain, on appelle les orgelets des Chiennes. Pour les faire disparaître on se contente de passer dessus une alliance en or.

Pour les ophtalmies, on se baigne les yeux, avec de l’eau chaude dans laquelle on a fait bouillir des feuilles de plantain aux oiseaux (Plantago major).

Quand les petits enfants ont mal aux yeux, les nourrices leur font couler de leur lait dans les yeux.

Voici maintenant les remèdes du père Gruel, de Bruz :

On attache une bouteille à une vigne, lorsque celle-ci est en sève. On coupe un bourgeon au-dessus du goulot, de façon à ce que la sève puisse couler à l’intérieur du flacon. On se lave ensuite les yeux avec ce liquide.

Pour avoir la vue claire, il faut promener sur les paupières un œuf de poule, frais pondu et encore chaud.

Ou bien encore :

Se frotter les yeux, au printemps, avec les pleurs de la vigne.

Faire bouillir du mouron rouge (Anagallis centunculus), dans du lait et se laver les yeux avec cette tisane.

Se frotter les yeux avec des caillebottes, trempant dans du lait doux, pour faire sortir le mauvais sang.

Lorsqu’on a les yeux injectés de sang, pour le faire disparaître il faut aller cueillir l’herbe à Robert (Geranium Robertianum). On pile la tige de cette plante mélangée à du gros sel et on l’applique en cataplasme, pendant la nuit, sur le poignet du bras opposé à l’œil malade. Ce remède doit être fait trois soirs de suite.

Pour enlever un grain de poussière de l’œil, on fait entrer les cils de la paupière inférieure sous la paupière supérieure, et l’on recommence l’opération en sens inverse.

Oreilles. — Pour les maux d’oreilles, on emploie une sorte d’huile renfermée dans une loupe qui croît sur les rameaux de l’ormeau au printemps.

Il suffit, pour se procurer cette huile, de fendre la loupe et de recueillir, dans une cuillère, le liquide qui en découle et qu’on verse dans l’oreille.

On met aussi des ronces et des branches de frêne à brûler, et la sève qui s’échappe, par l’extrémité de ces branches, est recueillie et employée comme il vient d’être dit.

Panaris, — qu’on appelle aussi Tourneurs. — On met le doigt malade dans un œuf frais, et on l’y maintient jusqu’à ce que l’œuf soit cuit au point d’être dur.

D’autres fois, on trempe le doigt dans du bouillon gras très chaud. On le retire promptement pour recommencer un instant après.

Puis on applique, sur le doigt, un onguent froid composé de résine, de savon de Marseille, de crème de lait (une cuillerée à bouche de chaque chose), que l’on a fait bouillir ensemble.

On se sert aussi d’une plante appelée l’hirondelle (Umbilicus pendulinus), que l’on fait bouillir avec de la mie de pain et de la graisse. Ce cataplasme est mis sur le doigt pour le faire pourrir.

Pertes chez les femmes. — Il faut cueillir sur les églantiers des haies les excroissances moussues causées par des piqûres d’insectes, les écraser et en faire des cataplasmes qui sont appliqués sur les reins des malades.

Piqûres d’insectes. — Les bonnes femmes de nos campagnes prétendent que l’on porte sur soi le remède qui doit guérir nos maladies. Aussi lorsqu’elles sont piquées par des moustiques, recouvrent-elles l’endroit piqué avec de la saleté qu’elles prennent dans leurs oreilles.

Piqûres d’épines ou d’épingles. — Les blessures résultant des piqûres d’épines ou d’épingles se guérissent avec un onguent dont voici la recette :

Piler une poignée d’herbe Saint-Jean (lierre terrestre : Glechoma hederacea), et le liquide qui en provient est mélangé avec du saindoux, du beurre et de la résine (gros comme une noisette de chacun de ces ingrédients). Le tout est placé sur un feu doux pour obtenir l’onguent.

Plaies et Blessures. — Pour la guérison des plaies, il faut faire bouillir des feuilles de molène (Verbascum Schraderi) et de mauve (Malva sylvestris) avec une poignée de son.

On lave la plaie avec l’eau obtenue, et on applique ensuite, dessus, un cataplasme de ces herbes.

Il faut renouveler chaque jour ce remède, jusqu’à guérison complète.

Point de côté. — Pour le faire disparaître, il est nécessaire d’appliquer sur le côté malade, une galette d’avoine chaude dans laquelle on a mis un blanc d’œuf.

Reins, Rhumatismes, Douleurs. — Se fustiger les reins avec des orties.

Il existe à Pluvigner, dans le Morbihan, une chapelle appelée Notre-Dame-des-Orties qui est un lieu de pèlerinage pour les gens affectés de rhumatismes et de douleurs. Ils cueillent des poignées d’orties et se fustigent entre eux sur les parties malades, soit au pardon même autour de la chapelle, soit de retour chez eux.

Pour les douleurs serrer (cueillir) des feuilles de bouleaux, les mettre dans un four au moment où l’on vient de retirer le pain. Lorsqu’elles sont très chaudes, s’en couvrir et s’envelopper d’une couverture de façon à beaucoup transpirer.

Pour guérir les rhumatismes, il faut dormir sur un lit de fougères.

Quand quelqu’un est atteint de douleurs aux jointures, il va trouver des personnes dans la campagne qui ont la spécialité de couper les hunes (nom donné à cette maladie), c’est-à-dire de faire des incisions aux articulations, aux genoux, aux coudes, aux doigts.

Cette opération assez douloureuse ne réussit pas toujours, et même estropie quelquefois les malheureux assez naïfs pour la subir.

À la Croix-Madame, dans la commune de Bruz, une femme Patard s’est fait opérer il y a quelques années par une fermière de Baulon.

Les feuilles du plantain des oiseaux (Plantago major) cousues à l’intérieur des gilets de flanelle ou des chemises, à la condition qu’elles soient en contact avec la peau, guérissent aussi les rhumatismes.

Rétention d’urine. — Faire bouillir des pariétaires, boire cette tisane, et mettre la plante bouillie en cataplasmes sur le ventre.

Rhume. — Faire infuser des fleurs de mauves, ou faire bouillir de la racine de chiendent, et boire ces remèdes.

Boire du lait doux dans lequel on a fait bouillir des feuilles de la petite fougère appelée capillaire (Asplenium trichomanes).

Ou bien encore faire la tisane suivante :

Mettre de l’avoine à bouillir, jeter la première eau et mettre en même temps que la seconde eau de l’herbe Saint-Jean (Glechoma hederacea).

Rousseurs. — On fait disparaître les taches de rousseurs de la manière suivante :

On met une galette de blé noir, très chaude, dans une assiette, et l’on se frotte la figure avec les quelques gouttelettes d’eau qu’elle laisse après elle et qu’on appelle la sueur de galette.

Autre remède :

Se frotter la figure avec le jus des feuilles et des fleurs de la primevère appelée coucou écrasées dans un mortier (Primula officinalis).

Sang. — Pour purifier le sang, il faut, au printemps, piler les herbes suivantes : Ray-grass, persil, cerfeuil, cresson, oseille, fumeterre. Passer, à travers un linge, le jus qu’elles produisent, auquel on ajoute un peu d’eau, et en boire un verre, chaque matin à son réveil, et cela pendant neuf jours.

D’autres, pour rafraîchir le sang, emploient un autre remède :

Ils cueillent, toujours au printemps, des racines de parelles (Rumex crispus), de pissenlits, de paissart (Galium). Le tout est mis dans une terrine pouvant contenir deux litres d’eau. On fait bouillir jusqu’à ce qu’il ne reste d’eau que jusqu’à la moitié du vase.

Boire un bol de cette tisane tous les matins à jeun.

On dit qu’en absorbant une chopine de ce liquide on renouvelle une chopine de sang.

On croit aussi par ce moyen éviter les coups de sang.

Lorsque les femmes ont un retard, elles mettent du persil à bouillir pour en faire des cataplasmes qu’elles s’appliquent sur le ventre.

À Janzé, quand une personne croit avoir un coup de sang, elle fait en sorte de se procurer une taupe vivante, elle la saigne et avec le sang qu’elle a soin de recueillir, elle se frotte la partie malade.

Sang meurtri. — Dans le canton de Bain, où le sang meurtri est appelé mu, on a de nombreux remèdes pour guérir ces plaies causées par suite de coups et de chutes. Voici les plus usités :

On pile des verveines sauvages (Verbena officinalis) et du gros sel, pour faire un cataplasme ; ou bien encore on étend sur de la filasse un blanc d’œuf et une sorte de lichen qu’on appelle crapaudine.

Ces divers cataplasmes ont la propriété de faire disparaître promptement le sang extravasé.

Scrophules. — Cataplasmes d’oseille et de plantain.

Sueurs nocturnes. — On fait cesser les sueurs nocturnes en se mettant au cou, le soir en se couchant, un sac renfermant des oignons de colchique. Tête (Maux de). — Voir maux de dents.

Teigne. — Un sorcier de ma connaissance prétend avoir guéri de la teigne des enfants qu’on lui a confiés, et affirme qu’à l’heure actuelle ils ont des chevelures superbes après avoir eu la tête nue comme un genou.

Voici comment il opère :

Il écrase dans du lait caillé de la joubarbe et la seconde écorce de la racine de sureau. Il y ajoute un morceau de tabac en carotte, sans être écrasé (pour trois sous par demi-litre). Le tout doit tremper pendant une nuit.

Ensuite, soir et matin, il lave la tête de l’enfant avec du savon noir, et la recouvre de sa pommade.

Après quelques mois de traitement, la guérison est complète.

Varices et Ulcères. — 30 grammes de cire ; 30 grammes d’huile d’olive ; 15 grammes de résine. Faire bouillir le tout ensemble. Étendre légèrement cette pommade sur une toile, laisser refroidir et appliquer sur le mal. Changer, au début, cet emplâtre deux fois par jour, et après huit jours une fois seulement. Il n’y a pas de meilleur onguent pour les ulcères, existeraient-ils depuis dix ans.

Venin (morsure de reptiles). — Lorsqu’on a été mordu par une vipère, si l’on peut s’emparer de la bête et lui écraser la tête sur la morsure qu’elle a faite, la guérison s’opère aussitôt.

Mordu par un vlin (c’est ainsi qu’on désigne tous les reptiles), l’on a beau être guéri, chaque année, à l’époque de l’accident, on éprouve un malaise et souvent une enflure survient.

Verrues. — Frotter les verrues, le matin à jeun, avec des feuilles de blé noir ou avec le suc de la tige de l’éclaire (Chelidonium majus).

Ou bien encore :

Les mordre le matin à jeun.

Les frotter avec le lait blanc de la figue, ou bien avec des limaçons rouges sans coques ; avec le suc de la tige de l’omblette (petite Euphorbe qui croît au milieu des mauvaises herbes des jardins) ; avec des pommes à cidre coupées par morceaux. Plus ces fruits sont acides, meilleurs ils sont ; avec la guenille qui a nettoyé le four à cuire le pain.

On assure que le dernier remède de la guenille est infaillible.

Vers. — Quand les petits enfants ont des vers, on leur fait boire du lait doux dans lequel on a mis de la suie.

D’autres fois, on les fait coucher sur des balins de fougères mâles (paillasse remplie de feuilles de fougères (Polystichum Filix Mas).

3o Les avènements[74]

Un jour que Marie Niobé, du village du Canée en Paimpont, était allée scier du grain, après avoir laissé mourante, à l’agonie, une de ses amies, — la petite Rose Chouan, — et qu’elle désespérait de la revoir vivante, elle l’aperçut assise sur une pierre au coin du champ où elle était à travailler.

Marie s’écria aussitôt : « Comment ! Rose, toi si malade, tu es venue jusqu’ici, est-ce raisonnable ? Veux-tu bien t’en aller ! »

Au même instant, sa faucille vint à lui échapper des mains. Elle se baissa pour la prendre et lorsqu’elle se releva, il n’y avait plus rien, la vision avait disparu.

Un pressentiment la saisit, elle eut peur et retourna en toute hâte au village où elle apprit que son amie était morte, au moment même où elle l’avait aperçue sur la pierre.

(Conté par Marie Niobé elle-même.)

En 1896, une jeune fille de vingt ans, Marie Quinton, se mourait de la poitrine, à la Croix-Madame, dans la commune de Bruz.

L’une de ses amies, Marie Patard, allait la voir souvent, et un soir qu’elle revenait de lui porter un peu de ragoût, elle aperçut au-dessus d’un vivier, près duquel elle passait, un cierge qui s’allongeait d’une façon démesurée et qui montait vers le ciel.

— Ah ! s’écria Marie Patard, ma pauvre amie va mourir ! Et elle se sauva effrayée.

Ayant raconté sa vision à la mère de la malade, celle-ci fut assez imprudente pour dire à sa fille : « Marie Patard a vu ton avènement. » — Alors, c’est inutile de me soigner, dit la pauvre enfant, car je vais mourir. Et, en effet, quelques jours après, son âme quittait la terre.

(Conté par Marie Patard, de Bruz, âgée de 24 ans.)

Un lundi, de bon matin, une jeune fille de Bruz, nommée Victoire Bazile, qui s’était gagée pour faire la métive du côté de Chavagne, s’en allait à sa journée.

La Vilaine était au cours, et elle se dit : « Si je pouvais traverser la rivière à gué, je serais bien plus vite rendue. » Elle se trouvait à ce moment au bas du bois de Cicé, en face le lieu de Fond, en Chavagne.

Elle entra dans l’eau sans écouter les conseils d’une femme qui passait par là, et qui lui cria : « Ne t’aventure pas dans la rivière, elle est, à cet endroit, pleine de caves que cachent les nénuphars, tu vas te noyer. »

Rien ne put arrêter la jeune imprudente qui s’avança dans les herbes.

La femme, elle, continua son chemin pendant dix minutes environ, lorsque tout à coup elle entendit : « À moi, au secours, je me noie. » Elle revint au galop sur ses pas, mais malgré toute sa diligence elle arriva trop tard : Elle aperçut au milieu des herbes une robe qui, hélas ! ne recouvrait plus qu’un cadavre.

Une amie de la morte, Joséphine Daniel, de Bruz, avait entendu son avènement dans la nuit.

D’abord elle perçut le bruit d’un pot qui tombe par terre. « C’est le chat, » dit-elle.

Un autre bruit plus fort la réveilla un instant après. Cette fois c’était comme un vase qui tombe et qui se casse.

« Il va tout briser, » pensa-t-elle.

Puis enfin elle entendit comme la respiration d’une personne qui étouffe, et elle crut encore que c’était l’animal qui léchait des assiettes.

Quand elle se leva le matin il n’y avait ni pots renversés, ni brisés, ni chat dans l’appartement.

Elle apprit presque aussitôt la mort de sa petite amie, et ne douta plus que c’était son avènement qu’elle avait entendu.

(Conté par Fine Daniel, femme Lesnard, du village du Houx, en Bruz.)

M. Hy, percepteur à Maure, reçut un soir, dans cette localité, une lettre lui annonçant que l’un de ses frères, habitant Rennes, était mourant. Cette nouvelle l’impressionna vivement. Il partit aussitôt pour l’aller voir.

En passant au milieu d’une lande, loin de toute habitation, il entendit, mais très distinctement, sonner des glas et le chant des prêtres conduisant un mort au cimetière.

Lorsqu’il arriva à Rennes, un ami qui était allé l’attendre sur la route de Redon, lui apprit que son frère était mort, juste à l’heure où il avait eu l’hallucination qui précède.

La femme Bougeard, du village du Champ-Géon, en Bruz, mourut vers la Toussaint de 1851.

Au moment où elle expirait, son filleul qui demeurait au Calhoët dans la même commune, entendit de son lit un bruit effrayant qui lui fit supposer qu’on venait de briser un chaudron de fonte qui se trouvait sous la table.

« Qu’est-ce qui a cassé le chaudron ? » s’écria-t-il.

Le père du jeune homme se leva et ne trouva rien de brisé.

Le filleul seul avait perçu le bruit. Son père et sa mère qui n’étaient pas parents de la morte n’avaient rien entendu.

Au mois de février 1852, la femme Gruel, de Bruz, était enceinte de son quatrième enfant lorsqu’elle eut une vision étrange :

Une nuit elle se réveilla en sursaut et fut bien étonnée de voir sur sa table une chandelle allumée qui éclairait la pièce comme en plein jour.

Mais son étonnement se changea en frayeur, lorsqu’elle aperçut une jeune femme berçant un nouveau-né dans ses bras, en se promenant autour de cette table.

Elle voulut réveiller son mari couché près d’elle et n’y parvint pas, bien qu’elle le pinçât si fortement que le lendemain il avait des marques sur le bras et au côté.

Son effroi n’eut plus de bornes, lorsqu’elle vit le fantôme, berçant toujours son enfant, s’approcher du lit et s’accouder près de son oreiller. Elle perdit connaissance, et lorsqu’elle revint à elle, la vision avait disparu et la chambre était dans l’obscurité la plus complète.

Le lendemain matin, le mari mis au courant des événements de la nuit, déclara n’avoir rien vu, rien entendu, ni même senti les ongles de sa femme.

Une certaine tristesse, et même comme un pressentiment de malheur s’empara de la pauvre Gruel qui, quelques temps après, en traversant le cimetière de Bruz, afin d’éviter un détour pour aller porter du linge à sa repasseuse, fit une chute grave.

Elle portait un enfant sur le bras, il avait plu, ses sabots étaient usés, elle glissa et tomba lourdement sur le derrière.

Le résultat de cet accident fut qu’elle mit au monde un enfant mort.

La vision qu’elle avait eue devint, à ses yeux, l’avènement de son malheur.

Une dame de Vitré avait sa mère fort âgée qui habitait Paris. Elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis longtemps et ignorait qu’elle fût malade.

Une nuit, vers onze heures, la dame de Vitré fut subitement réveillée par un carillon interminable de sa pendule, qui ne cessa que lorsque le ressort fut complètement détendu, puis la pendule s’arrêta.

Le lendemain matin, elle apprenait, par dépêche, la mort subite de sa mère, et elle sut, par lettre, que celle-ci était décédée, exactement à l’heure à laquelle la pendule s’était mise à sonner.

L’horloger appelé pour remettre la pendule à marcher, déclara qu’elle n’avait absolument besoin que d’être remontée.

Il y avait autrefois au château du Gué, dans la commune de Servon, une dame Courteille qui était fort malade.

Un soir, l’un de ses voisins, le père Rocher, qui habitait le Pignon broutu, entendit chez lui, trois coups frappés sur un coffre, puis il lui sembla que quelqu’un marchait autour de sa table et cependant il ne voyait personne.

Un autre soir qu’il sortait de l’église, il entendit les os de l’ossuaire s’entrechoquer et même sauter dans le cimetière. Le bedeau fut obligé de barricader le charnier et d’attacher la porte avec des cordes.

Madame Courteille avait été emmenée du château du Gué, mais l’on apprit sa mort quelques jours après.

Joseph Lancelot, ouvrier à la mine de Pont-Péan, avait à traverser la forêt de Laillé pour rentrer le soir chez lui, au Pigeon vert, où il habitait avec sa mère malade depuis plus de sept ans.

Trois soirs de suite, il vit dans un creux d’arbre, une vierge qui s’éloignait de lui au fur et à mesure qu’il en approchait, sans pouvoir la rejoindre.

Effrayé, il cessa de traverser la forêt n’hésitant pas à faire un long détour, et à passer par le bourg même de Laillé.

Il raconta à des camarades ce qu’il avait vu et la peur qu’il en avait éprouvée. Ceux-ci se moquèrent de lui et proposèrent de l’accompagner. Il accepta et deux autres ouvriers mineurs et lui, se rendirent le lendemain soir, qui était un dimanche, dans la forêt de Laillé, à l’endroit de l’apparition.

Tous les trois virent la vierge qui s’éloigna d’eux. Cependant Joseph Lancelot parvint à l’approcher et il entendit distinctement ces paroles : « Rentre chez toi au plus vite, si tu veux voir ta mère vivante. »

Le pauvre garçon courut au galop chez lui, où il trouva, en effet, sa mère à l’agonie.

Une fille d’un village de Bruz, qui était allée un soir aux filois à une assez grande distance de chez elle, rentra tard dans la nuit.

En approchant de la demeure de ses parents elle vit un drap de lit sur une haie. « Tiens, dit-elle, sont-ils étonnants de n’avoir pas ramassé ce drap. »

Elle le prit et remarqua qu’il était beaucoup plus fin que les leurs. « C’est tout de même drôle », pensa-t-elle.

Comme tout le monde dormait elle posa le drap de lit sur la table et se coucha.

Toute la nuit elle entendit chuchoter. Bientôt la lune éclaira l’appartement et elle aperçut le drap de lit qu’elle avait plié, étendu comme un suaire.

Elle eut peur, appela son père qui se leva et qui ne trouva rien sur la table.

Le lendemain, une femme mourait dans ce village. C’était le linceul de la morte que la fileuse avait vu.

Un domestique de la ferme de Cicé était extrêmement malade, lorsqu’un soir ses maîtres et les autres serviteurs virent le clergé de Bruz, avec chantres et choristes, précédés de la croix paroissiale, traverser la cour, dans le plus grand silence.

Les paysans se signèrent et sortirent pour suivre cette étrange procession ; mais une fois dehors ils ne virent plus rien.

C’était l’avènement du pauvre gars qui, dans la nuit, rendit son âme à Dieu.

Le surlendemain, la procession véritable, et exactement semblable à celle qui avait été aperçue par les habitants de la ferme de Cicé, vint chercher le corps du défunt.

Un soir, en rentrant chez elle, vers neuf heures, une jeune fille de Bain aperçut une lumière dans la cheminée de la cuisine. Effrayée, elle dit à ses sœurs qui étaient couchées au premier étage : — Pourquoi avez-vous laissé une lumière dans la cuisine ?

— Il n’y en a pas, répondirent-elles.

Et, en effet, elles descendirent de leur chambre et la lumière avait disparu.

Le lendemain soir, une petite cousine qui n’était nullement indisposée la veille, tomba malade et mourut dans la soirée.

La jeune fille, qui avait vu la lumière, fut d’autant plus impressionnée qu’on la pria de tenir la bougie au coin de la cheminée, pendant que les parents prodiguaient des soins à la mourante.

Une femme s’entendit appeler par son prénom, une nuit qu’elle ne dormait pas.

Le lendemain, elle alla voir une parente qui était au lit, malade, et à laquelle elle raconta ce qu’elle avait entendu la nuit précédente.

— C’est mon avènement, lui dit la malade et, en effet, la pauvre femme mourut quelques jours après.

À la mort de la marraine de Julien Gérard, de Bruz, celui-ci fut appelé par trois fois, au moment du décès.

La femme Saillard, fermière au Chêne-Dé, commune de Bruz, s’entendit appeler, elle aussi, au moment de la mort de Jacques Saillard, son frère.

M. Goinard, de Bain, étant à la veillée, à lire au coin de son feu, entendit plusieurs coups frappés violemment dans un coin de l’appartement.

Les jours suivants, une femme de la même maison vint à mourir, et le fossoyeur apporta chez M. Goinard les bois qui devaient servir à porter le cercueil au cimetière. Il les déposa juste à l’endroit où le bruit s’était produit.

M. Fillioux, maire de la petite ville de Bain, avait deux filles, Émilie et Louise, très jolies toutes les deux.

La plus jeune, Louise, fut un été, atteinte de la fièvre typhoïde. Sa mère et sa sœur la soignèrent avec un dévouement sans égal. Elles ne la quittèrent ni jour ni nuit.

Un soir que la fenêtre de la chambre de la malade était ouverte, à cause de l’excessive chaleur, une orfraie que les paysans appellent une Fresas, entra dans la chambre et éblouie par la lumière, alla se cacher dans le chapeau de Mlle Émilie.

Mme Fillioux poussa un cri et s’écria : « Ma fille va mourir, voilà son avènement. »

Non, Louise ne mourut pas, au contraire elle entra en convalescence, mais sa sœur aînée fut atteinte à son tour de la même maladie qui l’emporta dans l’espace de quelques jours.

Plus tard, lorsque Mme Fillioux parlait de sa chère morte, elle ajoutait : « L’une de mes filles devait mourir, l’oiseau de la mort était entré chez nous. »

Quand les corbeaux volent et crient autour d’une maison où il y a un malade, c’est signe de mort.

Que de fois M. Alliou m’a raconté qu’étant jeune, il avait sur l’ongle du petit doigt de la main gauche, une tache noire dans le sens de la longueur.

Une vieille femme lui dit un jour, en lui regardant la main : « Quand cette marque disparaîtra, vous apprendrez la mort de quelqu’un de votre famille. »

Au fur et à mesure que l’ongle poussait, la tache diminuait et, enfin le jour où elle cessa d’être visible, il apprenait la mort de son frère, commandant dans un régiment de ligne, tué à l’assaut de Sébastopol.

M. et Mme X…, en résidence au Grand-Fougeray, couchaient dans la même chambre que leur petite fille, lorsqu’une nuit la mère se réveilla et vit la servante assise près du berceau de l’enfant, tenant une chandelle allumée, absolument comme si elle portait un cierge.

— Que faites-vous là, malheureuse ? Vous allez mettre le feu ou réveiller ma fille, voulez-vous bien vous en aller.

La servante resta impassible.

Mme X…, effrayée, réveilla son mari, qui assista au même spectacle et ordonna, lui aussi, à la bonne de s’en aller.

Rien n’y fit.

Il se leva pour mettre fin à cette comédie et se trouva, tout à coup, dans l’obscurité la plus complète. Il alluma une bougie et ne vit plus rien. L’enfant dormait d’un profond sommeil et la chambre était fermée au verrou.

Le lendemain matin, la servante affirma qu’elle n’avait pas bougé de son lit.

Presque immédiatement la petite fille tomba malade, et ce ne fut que par des soins incessants qu’on réussit à la sauver.

J’ai connu M. D…, maître d’hôtel à Bain, qui était d’un sans gêne incroyable.

Tous les matins, avant d’achever sa toilette, il allait en caleçon et en bonnet de coton, sur la place devant sa porte, regarder une pie servant de girouette sur le haut d’un toit.

Cet homme faisait aussi le commerce des bois et s’absentait souvent.

Un soir qu’il était à Nantes, l’une de ses filles sort à la porte et appelle tout le monde en disant : « Regardez donc, près du puits, papa en caleçon et en bonnet de coton. »

On se précipite pour voir, mais l’apparition avait disparu.

Le lendemain la famille recevait une lettre de Nantes l’informant que M. D… était au plus mal.

Qui n’a entendu la frezas (l’orfraie) chanter sur la cheminée de la maison d’un agonisant ?

Qui n’a vu la nuit un flambeau allumé au pied de son lit, ou un cierge tomber du ciel, la lumière en bas, en pleine campagne, la veille de la mort d’un parent ou d’un ami ?

Il y a encore la charrette ou la brouette de la mort, que l’on appelle dans l’arrondissement de Redon : « Le Chariot David. »

C’est un véhicule quelconque qui passe, la nuit, dans les rues du village et fait trembler et se blottir sous la couverture de leur lit ceux qui l’entendent. L’essieu frottant contre les roues non graissées produit un bruit qui annonce la mort d’un chrétien. Signons-nous !

4o La mort

À Rennes, à la fin du siècle dernier les guetteurs de nuit parcouraient les rues de la ville, au milieu des ténèbres, en annonçant les heures.

Lorsqu’il y avait un mort dans une maison ils s’arrêtaient à la porte et criaient :

« Réveillez-vous, gens qui dormez,
Priez Dieu pour les trépassés. »

Et ils nommaient le défunt.

À Vitré, lorsqu’une personne entre en agonie, si la famille est dans l’intention de lui faire faire un enterrement de première classe, ou bien encore si elle appartient à la confrérie de la Bonne-Mort, les parents et amis se rendent à l’église pour prévenir le clergé de la fin prochaine du moribond.

Immédiatement, neuf coups pour les garçons et onze pour les filles sont tintés à la cloche de l’église. Puis un prêtre monte en chaire et récite les prières des agonisants.

La veille d’un enterrement de première ou troisième classe seulement, le crieur de la ville moyennant la somme de 17 sous, s’en va, le soir, entre 7 et 8 heures, à tous les carrefours et sur toutes les places, tinter neuf coups de cloche pour les hommes et onze coups pour les femmes. Puis il dit :

« Nous recommandons à vos charitables prières le repos éternel de l’âme de M…, décédé en sa demeure le…, à telle heure, et dont l’inhumation aura lieu demain à… heures, en l’église paroissiale de…

« Et vous, âmes charitables, vous prierez pour le repos éternel de son âme. »

J’ai cherché à savoir pourquoi cette publication n’était faite que pour les enterrements de 1re et de 3e classe et les renseignements suivants que j’ai recueillis ne me satisfont qu’imparfaitement :

Pour les enterrements de 1re classe, c’est dans la crainte que des personnes aient été oubliées dans les invitations faites par la famille ; pour ceux de 3e classe, c’est parce qu’il n’y a pas d’autres invitations que celle du crieur public. Et quant aux enterrements de 2e classe, ils ont la ressource des lettres de faire part et des avis dans les journaux.

À la mort de quelqu’un, l’on arrête toutes les pendules qu’on ne remet à marcher que quand le corps est sorti de la maison.

On vide l’eau des vases, dans la crainte que l’âme n’aille s’y noyer.

Il n’y a pas très longtemps, quand un fermier ou sa femme venait à mourir, on recouvrait d’un crêpe les ruches d’abeilles dans le courtil.

Ces laborieuses bestioles, qu’on appelle des Avettes, étaient considérées comme faisant partie de la famille.

Le Placebo

À Bain, la veille d’un enterrement, il y a, le soir vers cinq heures, à l’église, ce qu’on appelle le Placebo.

Placebo est le premier mot de l’antienne des vêpres des morts.

L’église toute préparée pour les obsèques du lendemain est tendue de deuil, la fausse châsse est placée entourée de têtes de mort et de cierges non allumés.

On chante les vêpres des morts presque dans l’obscurité.

La famille et les amis du défunt assistent à cette cérémonie. S’il y a beaucoup de monde, cela fait présager qu’il y aura foule à l’enterrement.

Dans les campagnes de l’arrondissement de Redon, quand une personne vient à mourir, depuis son décès jusqu’à l’enterrement, le mort est visité par les parents, les amis, les voisins, les habitants du hameau et des villages environnants, qui, se remplacent de façon à ce qu’il y ait, jour et nuit, du monde en prières dans la maison mortuaire.

Ces braves gens viennent des points les plus éloignés, et quand un groupe d’habitants d’un village arrive, ceux de ce même village, qui sont en prières depuis plusieurs heures, cèdent la place aux nouveaux venus. C’est ce qu’on appelle la veillée des morts.

Dans quelques communes, la personne qui récité le chapelet à haute voix dit, entre chaque dizaine, au lieu de la prière habituelle :

— Corps mort, que cherchez-vous ?

— Corps mort, que demandez-vous ?

Les assistants répondent :

— Le Paradis, mon bon Jésus.

Si c’est un chapelet pour les âmes du Purgatoire, la personne qui le récite ne manque pas d’ajouter :

« Accordez, Jésus, la jouissance de votre gloire
Aux âmes qui souffrent dans le Purgatoire. »

Dans le canton d’Argentré, pour faire respecter la maison d’un mort, on met, à l’extérieur, une grande croix de bois recouverte de torches de paille.

Dans l’arrondissement de Vitré, quand des gens riches apprennent la mort d’un parent ou d’un ami intime qui habitait loin d’eux, et qui est même inconnu dans leur commune, ils font sonner ce qu’on appelle des glas d’honneur, l’un en apprenant le décès, l’autre au moment de l’enterrement.

Les vieux usages d’autrefois sont encore scrupuleusement observés à Vitré.

À l’enterrement d’un homme ayant de la fortune, immédiatement après le cercueil suit un orphelin de 14 à 15 ans de l’hôpital Saint-Nicolas, qui a été désigné par les religieuses.

La famille le revêt d’une pièce de flanelle blanche, qu’il porte autour du corps, en bandoulière. Il tient à la main une double croix de Jérusalem, en cire.

Après la cérémonie, ces objets lui appartiennent.

Dans les communes rurales, l’orphelin est remplacé par le domestique de confiance du défunt, et la croix par un gros cierge allumé.

Les autres domestiques suivent avec les membres de la famille qui se mettent en rang deux par deux.

Le parent le plus proche conduit le deuil avec un ami, non parent du défunt, auquel on veut faire le plus d’honneur.

Chaque parent vient ensuite, — en raison de son degré de parenté, — et toujours accompagné d’un étranger.

Les femmes succèdent aux hommes et chacune d’elles a près d’elle une amie ou une personne notable.

Au retour du cimetière, on ne laisse pas les étrangers aller manger à l’hôtel. Il y a un repas à la maison mortuaire et qui est présidé par les plus proches parents. On n’y boit que de l’abondance. Il n’y a sur la table ni vin ni cidre. Le dessert se compose de beurre et de fromage. On ne sert ni café ni liqueurs.

On se met à table quand on arrive, sans attendre personne, sans place désignée.

Les volets de la salle à manger ne sont qu’entrebâillés, et bien qu’on soit souvent très nombreux, on ne parle qu’avec ses voisins de table et à voix basse.

Sitôt qu’on a fini de manger, on se lève de table et on se retire.

Depuis quelques années seulement, la veuve du mort n’assiste plus au repas d’enterrement.

Un autre repas est offert huit jours plus tard aux personnes qui assistent à la cérémonie appelée : service de huitaine.

Le jour des obsèques, on fait distribuer aux pauvres par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul 300 kilogrammes de pain et 150 kilogrammes de viande.

On donne des cierges au clergé, aux religieuses des communautés, aux fermiers et aux pauvres.

Leur grosseur varie en raison de l’importance des personnes auxquelles on les remet.

Aux curés et aux chanoines, ce sont des cierges de 5 fr.

Aux prêtres et aux religieuses, des cierges de 3 fr.

Aux autres personnes, des cierges de 2 fr.

Les cultivateurs riches font, eux aussi, sonner des glas d’honneur.

Les membres de la famille assistent aux enterrements, tiennent un cierge et se placent à la queue du cortège.

Ils font célébrer un service et portent le deuil pendant un an. Les femmes ont un long voile de crêpe sur leur bonnet plat.

Je me souviens que, dans mon enfance, les femmes de la campagne portaient le deuil de leurs parents beaucoup plus sévèrement que de nos jours. Elles avaient à recouvrir leur coiffe, une cape noire, qu’elles appelaient capot, qui était munie d’une sorte de pèlerine leur cachant le corps jusqu’à la taille.

Lorsque les habitants des villages de Mont-Rouaud et du Val-aux-Bretons, dans la commune de Pleine-Fougères, conduisent un mort à l’église, ils s’arrêtent un instant au milieu de leur parcours, tournant le cercueil de façon que la figure du mort soit dirigée vers le Mont-Saint-Michel, et récitent une prière.

À Pléchâtel, quand un célibataire meurt après avoir pris part au tirage au sort, ce sont ordinairement quatre jeunes gens de sa classe qui portent le cercueil le jour de l’enterrement. C’est ce qui a eu lieu dernièrement pour un jeune séminariste du nom de Ballard.

Ce sont les fermiers qui, presque toujours, portent le corps de leur propriétaire.

À Châtillon-en-Vendelais et dans les communes voisines, les parents d’un mort, à son enterrement, suivent le cortège à une grande distance. Ils n’entrent pas dans l’église pendant la cérémonie, et restent à genoux sous le porche.

Aussitôt la messe terminée, ils rentrent chez eux, sans assister à l’inhumation ni sans aller au cimetière.

Il existait autrefois dans tous les carrefours et sur le bord des routes, de grandes croix de bois dans lesquelles un trou avait été creusé pour y abriter une Vierge en faïence, qui était protégée par un petit grillage en fer.

Le nombre de ces croix a bien diminué depuis vingt ans. Elles sont aujourd’hui vermoulues, beaucoup n’ont plus de bras, et celles qui sont tombées de vétusté, ou qui ont été abattues par les orages, n’ont pas été remplacées.

Néanmoins, lorsqu’un enterrement allant au bourg, passe devant ces pieux débris, les personnes qui suivent le corps déposent dans le grillage, à côté de la vierge, ou dans les fissures du bois faites par le temps, une petite croix de bois, longue comme la main, et préparée à l’avance. Ces croix indiquent le nombre de cercueils qui sont passés en ces lieux depuis le premier janvier, car on a soin de les enlever tous les ans.

Dans certaine carrefours où les croix ont disparu, on place les petites croix dans le creux d’un vieux chêne, ou on les enfonce sur le haut d’un talus le plus rapproché de l’endroit où était le calvaire.

Une croyance très répandue dans les campagnes, est que tout ce qui a appartenu à un mort doit disparaître après lui à bref délai.

Ses vêtements, quoi qu’on fasse pour les conserver, seront promptement mangés par les mites. Ses bestiaux mourront d’accidents ou de maladies s’ils ne sont vendus aux bouchers par les héritiers du défunt.

Quand un enfant meurt avant d’avoir reçu le baptême, il est conduit directement au cimetière sans qu’on prenne la peine d’en informer les amis et connaissances. La plupart du temps le père seul l’accompagne.

Le petit cadavre, enfermé dans une légère boîte en bois, est remis au fossoyeur qui l’enterre dans un coin non bénit du cimetière.

Cette cérémonie a lieu souvent le soir. On semble honteux d’avoir un pareil malheur à déplorer dans la famille.

En 1896, une femme de la commune de Saint-Gonlay, dans l’arrondissement de Montfort, mit au monde un enfant mort qui fut enveloppé dans un torchon, et déposé sur l’unique table de la maison, en attendant qu’une boîte de bois blanc fût confectionnée pour recevoir le cadavre.

Un voisin qui avait été prié de faire cet humble cercueil, l’apporta dans la maison de l’accouchée et là, crut prendre le corps de l’enfant sur la table, et s’empara de la touaille contenant une douzaine de saucisses. On appelle touaille, une sorte de nappe en grosse toile, qui met à l’abri des mouches, le pain et la viande froide qui sont toujours à la disposition des ouvriers des champs, qui n’ont pas d’heures fixes pour les repas.

On porta donc le cercueil au cimetière et l’on revint ensuite se mettre à table comme c’est l’usage dans le pays.

Qu’on juge de la surprise des bonnes gens qui, en déroulant le torchon, trouvèrent le cadavre de l’enfant au lieu des saucisses qu’ils comptaient manger.

Ils retournèrent immédiatement au cimetière, déterrèrent le cercueil, mirent l’enfant à la place des saucisses qu’ils rapportèrent à la maison, et qui servirent au repas des invités.

Un soir d’automne, en revenant de la chasse, je traversais le petit bourg de Noë-Blanche, lorsque je vis un petit paysan de neuf à dix ans, le bras en écharpe, qui pleurait en marchant.

Je lui demandai ce qu’il avait.

Il me répondit, entre deux sanglots, et en me montrant un doigt d’enfant qu’il avait dans une main : « Je me suis abattu le doigt avec une faucille et je vas l’enterrer dans le cimetière. »

Je n’oublierai jamais ce spectacle du pauvre petit paysan allant enterrer son doigt.

5o Les revenants

Un brave homme du bourg de Saint-just, en traversant un soir la grande lande de Bocadève, eut une vision très étrange ; mais laissons-le lui-même la raconter :

« J’aperçus tout près de moi un prêtre recouvert de l’aube, de l’étole, de la chasuble, tout prêt à dire la messe, avec des cierges à ses côtés. Je ne suis cependant pas peuvrou, je vous assure, mais la sueur me coulait sur la figure, comme si je venais de battre une airée de blé noir.

» Oui, j’étais sain d’esprit et de corps, et je l’ai vu comme je vous vois.

» Je marchais à en perdre haleine, et il était toujours à la même distance de moi.

» Je ne dormis point de la nuit, et le lendemain j’allai trouver le curé pour lui faire part de ma rencontre. »

— Père Mathurin, me dit-il, rassurez-vous, j’espère que vous ne reverrez plus ce revenant. Moi aussi je l’ai rencontré au même endroit, et bien que mon cheval effrayé eût pris le galop, je l’apercevais toujours auprès de moi.

» Quand vous y penserez, père Mathurin, dites une prière à son intention ; mais vous ne le reverrez plus, je vous le certifie, car j’ai dit des messes pour le repos de son âme.

» En effet, j’ai passé sur la lande bien des fois depuis, à la même heure, et je ne l’ai plus revu. »

Dans le pays de Pipriac, où il existe de grands domaines, on voit souvent plusieurs personnes posséder un certain nombre de sillons dans le même champ. De simples bornes en pierre indiquent la part de chacun. Malheur à ceux qui seraient tentés de les arracher ou de les reculer par convoitise du bien d’autrui, car après leur mort, ils seront condamnés à revenir les mettre en place.

Hélas ! ils ne se rappellent pas toujours l’endroit précis, et on les entend, dans les nuits d’hiver, qui s’écrient avec douleur : « Où les mettre ? Où les mettre ? »

Il faut, pour délivrer ces pauvres âmes, que le voisin qui a été lésé, vienne lui-même indiquer le lieu où il veut que les bornes soient placées.

Lorsqu’on aperçoit une étoile filante, c’est une âme qui vient d’être délivrée du purgatoire et qui sollicite une action de grâces.

Une jeune fille appartenant à une famille aisée de la commune de Derval, était morte depuis plusieurs mois, lorsqu’elle apparut à sa bonne qui, un soir, filait sa quenouille, seule, au coin du foyer de la cuisine.

La servante était depuis longtemps dans la maison, et avait pour ainsi dire élevé l’enfant décédée, qu’elle affectionnait sincèrement et dont la mort lui avait causé un grand chagrin.

Lorsqu’elle la vit paraître à ses côtés, elle n’en fut nullement effrayée.

La jeune fille lui dit : « Préviens mes parents que je suis dans le purgatoire, et que je n’en sortirai pour aller au ciel, que lorsqu’on aura fait pour moi le pèlerinage que j’avais promis à Sainte-Anne-d’Auray. »

— Je le ferai certainement, mon enfant ; mais voudront-ils me croire ? Ils diront que je suis folle et que j’ai rêvé.

— « Alors, dit la jeune fille, tu leur montreras ta coiffe. » Et sur cette coiffe elle posa la main.

Les cinq doigts de la morte y furent marqués, et leur empreinte avait roussi le linge comme avec un fer trop chaud.

Le pèlerinage fut fait, et la morte ne reparut plus.

Plusieurs vieilles femmes de Derval, se souviennent avoir vu cette coiffe, qui fut longtemps un objet de curiosité dans le pays.

Un vicaire de la commune de Poligné fut appelé un soir près d’un mourant avec lequel il avait été intimement lié. Lorsqu’il le quitta, le moribond lui dit : « Si les esprits peuvent revenir sur la terre je vous en avertirai. »

Le prêtre rentra chez lui désespérant de voir son ami revenir à la vie.

Le curé était très vieux, et une sonnette avait été installée de la chambre de ce dernier dans celle du vicaire, pour le cas où le vieillard se serait trouvé indisposé.

Vers trois heures du matin, le vicaire fut réveillé par la sonnette qui fit un carillon infernal. L’abbé s’habilla à la hâte et courut chez son curé qui se réveilla en entendant ouvrir sa porte.

— Vous êtes souffrant ? lui dit le vicaire.

— Pas du tout ; je suis même très bien.

— Mais vous m’avez sonné.

— Je vous asure que non.

Le lendemain matin, le jeune prêtre apprit que son ami était mort à deux heures dans la nuit.

Il y a environ vingt ans, nous dit la mère Delamarre, de Bruz, le fils Hervé, qui avait poussé pour être prêtre, mourut jeune de la maladie de poitrine, à la ferme des Loges, dans notre commune.

Après sa mort, lorsque la servante, une nommée Baccand, alla, comme elle le faisait chaque jour, vers onze heures du matin, dans le fournil passer son blé noir pour faire la galette du déjeuner, elle entendit derrière elle soulever la clenche de la porte. Elle se détourna surprise et vit son défunt maître appuyé contre une échelle. Il était vêtu d’une chemise de toile fine et coiffé d’un bonnet de coton blanc.

Elle allait crier et appeler lorsque le fantôme disparut.

La pauvre fille était un brin innocente, aussi lorsqu’elle raconta cela aux autres domestiques de la ferme, tous se moquèrent d’elle et lui dirent qu’elle avait rêvé.

Mais comme à chaque fois qu’elle allait dans le fournil la vision reparaissait, et qu’elle en avait une peur horrible, elle alla dire à sa maîtresse ce qu’elle voyait chaque jour. Celle-ci également la crut folle et lui ordonna de faire sa besogne. « Demande à ton revenant ce qu’il veut, » dit-elle en plaisantant.

La fille, en pleurant, retourna dans le fournil où le mort revint encore. Cette fois elle s’arma de courage et dit : « Si vous venez de la part du diable, retirez-vous ; si vous venez de la part de Dieu, parlez. »

— Ma bonne fille, dit le fantôme, allez trouver ma mère, et rappelez-lui qu’elle avait promis pour moi un pèlerinage à Sainte-Anne-d’Auray, et qu’il faut qu’elle le fasse au plus vite.

La servante alla répéter ces paroles à sa maîtresse, qui se rendit immédiatement à Sainte-Anne.

À partir de ce moment, le fantôme ne reparut plus à la ferme des Loges.

La bonne femme Chesnot, du village de Haume, dans la commune de Laillé, mourut en laissant une fille unique appelée Louison.

Celle-ci, quelque temps après le décès de sa mère, vit près de son lit, trois nuits de suite, à l’heure de minuit, une femme vêtue de blanc, portant à la main un cierge allumé.

La pauvre fille eut tellement peur qu’elle en perdit le boire et le manger.

Le lendemain de la dernière apparition, Marie Leveil, couturière à la journée, vint travailler chez l’orpheline qui lui raconta ce qu’elle avait vu, et la supplia en grâce de rester à coucher avec elle. « J’aurai peut-être, lui dit-elle, quand je te sentirai près de moi, le courage de demander à cette personne ce qu’elle me veut. »

L’ouvrière y consentit, et la nuit suivante le fantôme apparut, son cierge à la main.

— Qui êtes-vous ? dit en tremblant la pauvre fille.

— Je suis ta mère.

— Qu’exigez-vous de moi ?

— Que tu viennes, seule, prier sur ma tombe, à l’heure de minuit, pendant neuf nuits de suite.

— J’irai, ma mère.

Le village de Haume est à plus de deux lieues du cimetière, et il faut traverser la forêt de Laillé pour s’y rendre.

Louison Chesnot alla demander au curé de sa paroisse de prier Dieu de lui permettre d’accomplir sa promesse.

— Je t’accompagnerai, mon enfant, lui répondit le prêtre, et je resterai dans un champ, voisin du cimetière, pour te porter secours s’il en est besoin.

Le soir même, la fille suivie du curé de Laillé, se rendit au cimetière ; mais là, elle entendit une voix, sortant de la tombe, qui lui dit : « Ton voyage est nul, car tu n’es pas seule. Il faudra recommencer ta neuvaine la nuit prochaine. »

Le lendemain, et pendant neuf nuits, la pauvre enfant prit son cœur à deux mains, comme on dit chez nous, et alla prier sur la tombe de la défunte.

La neuvaine terminée, elle vit une colombe s’envoler des herbes, et elle entendit la voix de sa mère qui la remerciait : « Tu m’as sauvée des flammes éternelles, mon enfant, et tu n’as plus qu’à faire dire dix messes pour me permettre d’entrer au ciel. »

(Conté par Angèle Julien, de Laillé, âgée de 18 ans.)

Bien des fois au crépuscule, lorsque les couturières et les ouvriers regagnent leur logis, ils entendent des cris étranges dominant les bruits du soir, et, si c’est en été, faisant taire les grenouilles et les grillons. On dirait des cris d’animaux furieux, des miaulements de chats et des aboiements de chiens enragés. Souvent les passants ont vu dans des champs de genêts, ou au beau milieu d’une clairière ou d’une petite pièce de terre en pâture, de petits êtres semblables à des chats, gambadant, se déchirant entre eux et hurlant comme des possédés.

Parfois ces petits monstres grimpent sur les pommiers, tout en se poursuivant et en continuant leur infernal tapage.

D’autres fois, ce sont des bandes de chiens, de toutes sortes et de toutes tailles, dont le nombre augmente sans cesse. Au milieu d’eux est un cavalier farouche, le fouet à la main, qui semble les mener à la chasse.

Cette meute passe comme le vent. On dirait qu’elle vient de votre côté et, au moment où vous croyez qu’elle est sur vous, vous l’apercevez à l’horizon continuant sa course fantastique.

C’est la chasse du roi Artus !

Les anciens racontent que ce personnage assistait un dimanche à la messe paroissiale, lorsqu’il entendit des chiens aboyer dans la plaine voisine. C’était tout le tintamarre d’une chasse au courant. Sans attendre la fin de l’office divin, n’écoutant que sa passion, Artus sortit de l’église pour prendre part à la chasse. Dieu, pour le punir, l’a condamné à chasser jusqu’à la fin des siècles.

La Chasse à l’Humaine

Tous les habitants des forêts de Tanouarn et de Bourgouet, en Dingé, ainsi que ceux des communes de Feins de Bazouges-sous-Hédé, de Québriac et même de Tinténiac, ont entendu la nuit, dans l’air, au-dessus de leurs têtes, comme une meute de chiens poursuivant une proie. C’est, disent-ils, la Chasse à l’humaine. Voici son histoire : Un méchant gentilhomme habitait au temps jadis un manoir aujourd’hui disparu et qui était situé sur le haut du coteau de Pierre-Taillée, au centre de ses propriétés comprenant la forêt de Tanouarn et toutes les terres environnantes.

La chasse n’était plus pour lui un amusement, mais bien une passion dont rien ne pouvait le distraire. Un jour qu’il chassait en forêt, il vint à traverser la grande ligne juste au moment où le recteur de Dingé portait le saint Viatique à un mourant. Il ne s’arrêta point, le malheureux, et ne se découvrit même pas, trop excité qu’il était à entraîner ses chiens. Il passa comme la foudre, mais où alla-t-il ? Personne ne le revit jamais, ni dans la forêt, ni chez lui ni ailleurs. Il fut assurément puni de son impiété, et c’est lui qu’on entend depuis des siècles traversant les airs poursuivi par ses chiens.

Une jeune femme de la commune de Bruz vint à mourir.

Quelques jours après sa mort, un nommé Porcher et sa sœur la virent assise sur l’échalier des Biques, dans la commune de Chartres.

Tous deux eurent la même vision, et c’est à moi-même qu’ils l’ont racontée.

À l’époque de la Révolution, un prêtre non assermenté vint habiter la chambre d’une maison de paysan située au village de Pierrefitte, dans la paroisse de Bruz.

Il rayonnait dans tous les environs, pour porter les secours de la religion aux malades qui réclamaient ses prières à leur dernière heure.

Lorsqu’il se voyait espionné ou suivi, un charretier lui passait bien vite son fouet et sa blouse et, à partir de ce moment, c’était le prêtre qui conduisait l’attelage. D’autres fois, il entrait précipitamment dans un champ, se salissait les mains avec de la terre et se mettait lui-même à conduire la charrue, pendant que le laboureur aiguillonnait les bœufs, à la place d’un enfant qui allait se reposer dans un fossé.

Que de fois il évita ainsi d’être arrêté par les soldats du général Hoche qui sillonnaient le pays !

Ses vêtements sacerdotaux étaient cachés dans un cellier, sous une cuve tournée en adent, c’est-à-dire sens dessus dessous, à la ferme de la Barre. Des fagots, de la paille, des instruments aratoires ne permettaient pas d’approcher facilement de cette cuve.

Ce fut là, dans ce cellier, pendant une grande partie de la Révolution, que l’abbé dit la messe, maria la jeunesse et baptisa les enfants.

Hélas ! malgré sa prévoyance et ses ruses, il fut dénoncé et le dimanche de la Pentecôte, pendant qu’il disait la sainte messe, dans le bois de Chancor, il reçut une balle en pleine poitrine au moment de l’élévation.

La maison de Pierrefitte, aujourd’hui abattue et où se trouvait l’humble chambre du défunt prêtre, était habitée au commencement du siècle, par un sieur Porcher.

Le fils de ce dernier, qui m’a raconté ce qui précède, a ajouté que pendant bien longtemps son père ne put pénétrer le soir, après le coucher du soleil, dans la chambre du mort. Arrivé à un détour de l’escalier, sa chandelle s’éteignait et si, néanmoins, il voulait avancer, il se sentait repoussé par une force invisible.

Porcher fit achever la messe commencée dans le bois de Chancor, et, à partir de ce jour, il n’éprouva plus aucune difficulté pour pénétrer nuitamment dans la chambre du prêtre fusillé[75].

On rencontre dans le bois du Parc, situé entre les communes des Iffs et de la Baussaine, la fontaine de la Biche, qui a donné naissance à un doué appelé le doué à Guépin.

Une jeune fille fut, dit-on, tuée à cet endroit pendant la Révolution et elle revient tous les ans dans la nuit de la mi-août, chanter l’Ave Maris Stella au bord de la fontaine.

Elle a été entendue par beaucoup de gens, et notamment par les enfants Galliot, dont les parents habitaient la ferme de la forêt.

Dans le lit du Couesnon, entre Tremblay et Bâzouges-la-Pérouse, se trouve une grande cave, dite cave tournante, et appelée Quiberon.

Si vous passez là, le soir de la mi-août, vous entendrez distinctement le tic-tac d’un moulin, les cris d’un enfant que l’on berce et le chant du coq répété par trois fois.

Les bonnes femmes du pays racontent qu’autrefois, le propriétaire d’un moulin qui existait à cet endroit, aurait donné l’ordre de faire marcher le moulin le dimanche toute la journée, et défendu à ses serviteurs d’aller à la messe.

En punition de son impiété, le meunier et les siens furent engloutis au fond de cette cave.

Une femme du nom de Bedel, demeurant à Rennes, rue Saint-Louis, avait, en 1895, sa fille mourante.

La pauvre malade vomissait tout ce qu’elle prenait, et pour ce motif ne pouvait communier, ce qui faisait la désolation de sa mère.

Celle-ci promit une messe à Notre-Dame-des-Miracles-et-Vertus, dans l’église de Saint-Sauveur de Rennes, pour demander à Dieu de faire cesser les vomissements. Les vœux de la femme Bedel furent exaucés, et la moribonde put recevoir le saint viatique.

Elle mourut presque aussitôt après avoir communié, et sa mère négligea de faire dire la messe promise.

Cette dernière fut tout récemment réveillée par de grands coups frappés à l’endroit où se trouve son armoire.

Elle n’y fit pas grande attention et se rendormit.

Les deux nuits suivantes ce bruit se renouvela avec plus de violence encore, et cette fois à la tête du lit de la bonne femme. Effrayée de ce tapage, et se rappelant la messe promise, elle la fit dire immédiatement.

Elle n’a plus rien entendu depuis.

Si l’on rêve à un mort, c’est une messe qu’il demande pour le repos de son âme, et l’on doit s’empresser de la faire dire.

Il y a vingt ans de cela, le père Hervé, du village de la Bizais, dans la commune de Bruz, en venant de Guichen à Cicé, chez son gendre, tomba dans la Seiche et se noya.

Après sa mort, sa fille, la femme Fontaine, de la haie de Cicé, entendait en plein jour secouer le crouille[76] de sa porte comme si quelqu’un voulait entrer. Elle allait voir et ne trouvait personne.

Marie Appel, la domestique a été témoin du fait.

Des tailleuses en journée, qui entendirent, elles aussi, ce bruit, eurent une peur effroyable et le soir, après leur journée, il fallut les reconduire chez elles.

La nuit, dans le grenier, on entendait comme le bruit d’une brouette qu’on aurait traînée sur le plancher.

Les époux Fontaine firent dire une messe et les bruits cessèrent.

Un paysan d’un village de la commune de Pléchâtel, dans l’arrondissement de Redon, vint à décéder, et quelque temps après sa mort, on entendit toutes les nuits, dans sa maison, des bruits de chaînes, des gémissements, des plaintes, etc.

Les parents du défunt firent dire une messe d’arrêt, — c’est ainsi qu’on l’appelle, — pour faire cesser ces bruits, qui bientôt, en effet, s’éteignirent.

Une femme de Bruz, Marie Chesnel, étant allée prier le soir assez tard à l’église, s’endormit et n’entendit pas le bedeau fermer les portes.

Lorsqu’elle se réveilla, il était minuit. Elle vit un prêtre s’avancer vers le maître autel et allumer les cierges. Il était revêtu des habits sacerdotaux, comme pour dire la messe, et avait la figure couverte d’un voile.

Il regarda dans l’église et dit : « N’y a-t-il pas quelqu’un ici pour répondre ma messe ? »

La femme épeurée s’était cachée dans un confessionnal.

Le prêtre, n’entendant aucune réponse, poussa un long gémissement, éteignit les cierges et disparut.

Le lendemain matin, Marie Chesnel alla raconter au curé ce qu’elle avait vu.

Le curé lui répondit : « Merci, ma fille, j’enverrai la nuit prochaine le choriste dans l’église. »

L’enfant y alla et répondit la messe du mort. Ce dernier lui dit : — Tu m’as délivré du Purgatoire. Voilà vingt ans que je viens ici toutes les nuits pour achever une messe interrompue de mon vivant, sans trouver personne pour la répondre. Je veillerai sur toi, mon fils.

Il y a toujours eu des maisons hantées dans notre pays.

À Rennes, pendant plus d’un demi-siècle, personne n’a consenti à habiter le château de Maurepas, situé faubourg de Fougères, à cause des bruits infernaux qu’on y entendait la nuit.

À Vitré, dans la propriété de la Barattière, appartenant à M. Le Gonidec de Traissan, se trouve une maison, ayant un rez-de-chaussée et un étage qui, depuis un temps immémorial, n’est plus habitée.

Il existe dans l’une des pièces de cette demeure un puits d’où, chaque nuit, dit-on, sort un démon qui a fait donner à l’habitation le nom de Maison du diable.

Celui-ci veut être seul chez lui, et ne permet à personne de s’y installer. Si, par malheur, quelqu’un veut y passer la nuit, il est tellement effrayé par les bruits qu’il entend : bruits de chaînes traînées, personnes qui montent et descendent les escaliers avec des sabots et qu’on ne voit pas, qu’il s’empresse de déguerpir dès le lendemain matin.

La légende de la maison du diable, à Vitré, est tellement connue qu’on en a fait un objet d’effroi pour les enfants : « Si vous n’êtes pas sages, disent les mères à leur progéniture, on vous enfermera dans la maison du diable. »

La fermière de la Barre de Cicé, dans la commune de Bruz, mourut en couches il y a une vingtaine d’années.

Lorsqu’elle fut enterrée, sa fille raconta que la nuit, on apercevait par instant dans le foyer, des couées de feu, c’est-à-dire des embrasements ou des flambées qui, tout à coup, éclairaient l’appartement d’un vif éclat et s’éteignaient aussitôt. Cependant il n’y avait dans l’âtre que des cendres éteintes.

Cette famille quitta la ferme où elle fut remplacée par un jeune ménage, les époux Gérard, qui s’étaient mariés à l’automne, le 13 octobre.

À partir de leur entrée dans la ferme, ceux-ci entendirent toutes les nuits, du soir au matin, des bruits étranges.

Tantôt, c’était comme de la terre tombant des arbres sur le toit de la maison.

D’autres fois, c’était la barrière du jardin qui s’ouvrait en faisant grincer ses gonds rouillés.

Si l’on voulait se rendre compte de ces bruits, on trouvait la barrière fermée et tout en parfait état.

On crut cependant voir, à différentes reprises, assise au pied d’une haie, au fond de la cour, une femme ressemblant à la fermière défunte, mais lorsqu’on approchait d’elle, la vision s’évanouissait.

Certaines nuits, les bruits partaient du grenier. On croyait entendre comme une meule roulée sur le plancher, puis ensuite quelqu’un égrenant des pois ronds qui dégringolaient de tous côtés.

Gérard monta plusieurs fois dans le grenier, avec un cierge bénit à la main, et ne découvrit rien. Il n’y avait ni fruits, ni légumes, dans ce grenier vide depuis longtemps.

Un tapage effrayant réveilla une nuit les jeunes mariés, qui crurent avoir entendu une bûche énorme tomber dans le foyer par la cheminée.

L’homme alla voir, il n’y avait absolument rien.

Dans le cellier, contigu à la maison, se trouvait l’échelle conduisant au grenier dont il a été question tout à l’heure. Souvent on entendait monter et descendre cette échelle.

La porte du cellier était cependant barricadée de façon à ne permettre à personne d’y entrer du dehors. Un énorme madrier pénétrant par chaque bout dans les parois du mur la tenait mieux fermée que n’aurait pu le faire la meilleure serrure,

Et cependant un soir que les époux Gérard se chauffaient devant leur foyer, ils entendirent cette porte s’ouvrir.

Le mari alla aussitôt dans le cellier et vit la porte grande ouverte et la barre de bois par terre. Cela n’avait pu être fait qu’à l’intérieur, et l’on ne voyait dans cette pièce que des futailles pleines ou vides.

Le fermier referma la porte avec le plus grand soin, et malgré cela, cinq minutes ne s’étaient pas écoulées qu’elle se rouvrait avec fracas. Enfin, fermée une seconde fois, le calme se rétablit.

La femme Gérard de plus en plus effrayée, fit dire une messe pour le repos de l’âme de la défunte fermière et le curé de Bruz, passant quelques jours après devant la ferme y entra. Il dit avec une expression qui lui était familière.

Os là ! qu’est-ce qu’on entend donc ici ?

On lui raconta ce qui précède.

Il alla dans le cellier, monta par l’échelle dans le grenier où il resta quelque temps en prières.

Depuis la visite du pasteur à la ferme de la Barre de Cicé, tous les bruits sinistres n’ont plus été entendus.

(Conté par le fermier Gérard, lui-même, trésorier de la paroisse de Bruz, âgé de 49 ans.)
La Messe des Morts

C’était par une nuit de Noël, froide et glaciale, le vieux curé de la paroisse de Saint-Méen lisait tranquillement son bréviaire au coin du feu, en attendant l’heure à laquelle il devait aller célébrer trois messes, ainsi que le permet l’Église le jour de la naissance du Christ.

Soudain un coup sec frappé à la porte, le fit tressaillir.

Qui donc peut venir ainsi à pareille heure ? se dit-il en lui-même en allant ouvrir.

Le spectacle qui s’offrit à sa vue, lui causa un véritable effroi.

Éclairés par une lune blafarde, des milliers de fantômes blancs entouraient le presbytère. Il y en avait dans la cour, dans les jardins, dans les chemins environnants. Tous étaient recouverts, de la tête au pied, d’un grand drap blanc semblable à un suaire. Le visage et les mains étaient complètement cachés.

Le prêtre, à peine remis de son émotion, fit le signe de croix. Tous l’imitèrent.

S’adressant ensuite au fantôme le plus près de la porte il lui dit :

— Mon frère, que désirez-vous ?

La foule s’inclina respectueusement à la voix du vénérable curé, et tous les bras cachés sous les suaires, désignèrent un point dans la campagne.

Subissant une sorte de fascination, le prêtre s’en alla, tête nue, au milieu de cette étrange procession et se dirigea vers le lieu indiqué.

En tête s’avançaient de tout petits enfants au milieu desquels un acolyte, plus grand que les autres, portait une croix.

Ces enfants étaient suivis d’une double file de fantômes tenant des cierges de cire blanche allumés, tandis que derrière eux, marchaient, sur un triple rang, d’autres personnages avec des torches jaunes dont la lueur rougeâtre donnait aux arbres et aux buissons un aspect sinistre.

Le prêtre entendait un bruit singulier : on eût dit des os s’entre-choquant.

Ce bruit cessa tout à coup. La procession s’était arrêtée au milieu des ruines d’une vieille chapelle située au fond d’un bois.

Là, régnait un lugubre silence. La foule s’agenouilla dans les ronces, et deux fantômes quittèrent leur rang. L’un d’eux alla se placer près des marches du chœur de l’antique chapelle, tandis que l’autre présentait au prêtre des vêtements sacerdotaux.

Celui-ci passa l’étole à son cou, revêtit la chasuble et monta courageusement à l’autel. Il y trouva un vieux missel en parchemin, une patène et un calice de plomb, tels qu’on en dépose dans les tombes des prêtres trépassés.

Lorsque l’officiant commença le premier verset de la messe, il entendit, au moment où la foule se levait et faisait le signe de croix, un bruit d’os se heurtant les uns contre les autres.

L’un des deux êtres mystérieux placés près de l’autel, prononça les répons d’une voix qui ne ressemblait en rien à une voix humaine.

Le prêtre, tout entier au divin mystère qu’il célébrait, oublia pour un instant son entourage fantastique, mais lorsqu’il se tourna vers les assistants en disant : Orate fratres, son épouvante fut extrême. Il n’aperçut que des squelettes. Tous les fantômes avaient rejeté leurs linceuls derrière eux et montraient leurs os décharnés.

Le curé, surmontant sa frayeur, continua l’office commencé.

Lorsqu’il eut prononcé les paroles de la consécration, un chœur de voix célestes se fit entendre dans la chapelle, et les têtes de mort devinrent des figures resplendissantes d’allégresse.

Enfin lorsque le prêtre dit : Ite Missa est, la chapelle était déserte. Il ne vit plus que les traces lumineuses des âmes qui s’élevaient vers le ciel.

(Conté par Ronsin, aubergiste à Saint-Méen.)






TABLE DES MATIÈRES
DU TOME PREMIER



La Naissance, le Baptême, les Relevailles, les Nourrices 
 1


L’Enfance 
 15

Les Maladies, p. 15. — Les Prières, p. 26. — Les Berceuses, p. 32. — Les Formulettes, p. 36. — Les Jeux, p. 49. — Rondes et Chansons, p. 62. — Causeries et Amusettes, p. 71. — La Communion, p. 82.


La Jeunesse 
 87

La Jeunesse, p. 87. — Les Amours, p. 92. — Les Conscrits, p. 151.


Les Fiançailles, le Mariage, Coutumes et Usages, Croyances et Superstitions, les Sorts, les Prières et les Cantiques, l’Assistance publique, les Propos Villageois, les Grivoiseries du foyer, Pronostics, Dictons, Proverbes, Devinettes 
 169

Les Fiançailles, p. 169. — Le Mariage, p. 177. — Coutumes et Usages, p. 225. — Croyances et Superstitions, p. 260.



TABLE DES MATIÈRES
DU TOME SECOND


Croyances et Superstitions (suite), les Sorts, les Prières et Cantiques, l’Assistance publique, les Propos villageois, les Grivoiseries du foyer, Pronostics, Dictons, Proverbes, Devinettes 
 1

Croyances et superstitions (suite), p. 1. — Les sorts, p. 30. — Prières et cantiques, p. 51. — Assistance publique, p. 71. — Les Propos villageois, p. 77. — Les Grivoiseries du foyer, p. 81. — Pronostics, Dictons, Locutions communes, Proverbes, Devinettes, p. 122.


Le monde fantastique : Les Sorciers, les Loups-Garous, les Lutins, les Animaux fantastiques, le Diable 
 157

Les Sorciers, p. 157. — Les Loups-Garous, p. 171. — Les Lutins, p. 178. — Les Animaux fantastiques, p. 191. — Le Diable, p. 201.


Les Prêtres, les Religieuses, le Tiers-Ordre, l’Église 
 217

Les Prêtres, p. 217. — Les Religieuses, p. 227. — Le Tiers-Ordre, p. 236. — L’Église, p. 236.


Les Malades, les Remèdes, les Avènements, la Mort, les Revenants 
 241

Les Malades, p. 241. — Les Remèdes, p. 244. — Les Avènements, p. 270. — La Mort, p. 288. — Les Revenants, p. 302.



Notes[modifier]

  1. Petite meule de foin.
  2. Dré est sans doute l’abréviation d’André.
  3. Salamandres terrestres.
  4. Le nom de Madeleine est remplacé par celui de l’enfant qui récite cette prière.
  5. Peur de tomber.
  6. Tes oies.
  7. Moitié.
  8. Faucillon.
  9. Nom donné aux corbeaux appelés Freux par les naturalistes.
  10. Maladie des poules.
  11. Avec de l’oseille
  12. Qu’elle le désire ; qu’elle cherche à l’accaparer.
  13. Sien
  14. Brandouiller est synonyme de tuer.
  15. Désormais.
  16. Bâton qui sert aux servantes à faire les lits.
  17. Large selle.
  18. Personne n’a pu me donner l’explication de ce mot.
  19. Avez-vous ?
  20. Motte.
  21. Couverture de lit.
  22. Épingles.
  23. Lierre. On imite avec la feuille du lierre pliée et placée entre les lèvres, le cri de certains oiseaux.
  24. Qui volent au vent.
  25. Un bezillier est un cerisier sauvage.
  26. Reptiles.
  27. Femelle du lièvre.
  28. Salamandre terrestre.
  29. Orvet, petit serpent.
  30. Coin.
  31. Noël.
  32. Maison.
  33. Le long.
  34. Sorte de hangar.
  35. Selle large, sorte de bât.
  36. Soir.
  37. Ruche.
  38. Paul.
  39. Médecin.
  40. Cuit.
  41. Les deux ailes, les deux cuisses et la carcasse.
  42. Nenni.
  43. Maman.
  44. Voulu.
  45. Bonnet.
  46. Jusqu’au bord.
  47. Au-dessus du boisseau, tout ce qu’on peut y mettre.
  48. Lohéac avait alors le titre de ville.
  49. Si l’eau venait à tomber cette nuit.
  50. Rangez-vous donc.
  51. Tu me le prendrais peut-être.
  52. Le sentier.
  53. Grosse filasse.
  54. Ouvre.
  55. Vent du nord-ouest.
  56. De l’Orient.
  57. Salamandre terrestre que l’on appelle sourd-gare, à cause de sa surdité et de ses couleurs diverses.
  58. Grosse comme le pouce.
  59. « À travers haies et buissons
    « Nous trouverons les autres où ils seront. »
  60. Grand bassin de cuivre.
  61. Vue trouble, voir des beluettes, des étincelles.
  62. Coureur.
  63. Nom donné à une race de chevaux de lande qui ont à peu près disparu, et qui autrefois étaient nombreux dans le canton de Guichen.
  64. Couvert de boue.
  65. Jarretière.
  66. Je t’attraperai.
  67. Irez-vous encore.
  68. Sortirent de l’eau.
  69. Piétiner.
  70. Joseph.
  71. Diminutif de Guillaume.
  72. Économies.
  73. Pèle-genoux.
  74. On appelle avènements les pronostics de la mort.
  75. Les légendes des prêtres errants réclamant des acolytes pour achever leur dernière messe sont extrêmement nombreuses. Cela tient sans doute à ce qu’un prêtre qui, pour un motif quelconque, est obligé d’interrompre sa messe après la consécration, est obligé de la faire achever par un autre ecclésiastique, lequel doit la prendre exactement à l’endroit où elle a été interrompue.
  76. La clenche.