Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/111

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table, et à chaque instant son nom et celui d’Edgar de Lorville frappaient ses yeux comme une inconcevable réalité.

Le notaire, tenace dans son devoir, interrompit cette rêverie en réitérant sa demande et en priant madame de Champléry de lui remettre son acte de naissance.

— Malheureusement, disait-il, cette pièce est entre les mains de madame ; sans cela, je n’aurais pas été obligé de l’importuner ; car nous étions convenus, le jeune duc et moi, de traiter tout cela entre nous deux, ajouta-t-il en souriant de nouveau.

— Mais il me semble que c’est bien ce qu’on a fait, dit Valentine.

— Vous plaindriez-vous, madame, du soin qu’on a pris de vous épargner cet ennui ?

— Non, sans doute, monsieur… je suis même fort reconnaissante de la peine que vous avez prise… je vous en remercie, mais je désirerais savoir…

Puis cherchant un prétexte pour se donner le temps d’expliquer une aventure si singulière :

— Je ne me rappelle pas bien, ajouta-t-elle, où j’ai serré l’acte que vous demandez. Je crois l’avoir confié à ma belle-mère avant mon départ, et dès qu’elle sera rentrée…

— Je vous laisserai, madame, le temps de le retrouver, mais je tiendrais à l’avoir aujourd’hui ; car, la signature du contrat étant fixée à jeudi, nous n’avons plus que demain pour rédiger…

— Déjà ! s’écria Valentine malgré elle.

— Quoi ! madame l’avait donc oublié ? Cependant M. de Lorville m’a bien assuré…

— Non vraiment, reprit-elle, sentant combien elle devait paraître ridicule ; mais j’ai été si troublée ces jours-ci…

— Cela se comprend à merveille, dit le notaire d’un ton grave ; on ne se décide pas sans beaucoup d’émotion à un acte si solennel.

Cette réflexion fit sourire à son tour Valentine en lui rappelant combien peu sa décision l’avait embarrassée ; puis elle retomba dans sa rêverie et se livra à mille conjectures pour expliquer l’étrange situation où elle se trouvait.