Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/124

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— Si cela est ainsi, dit Edgar un peu troublé, il faut, pour déjouer leur complot, que vous soyez du mien, et que vous me promettiez toute la discrétion que réclame un secret important.

— Oh ! je vous jure d’être discrète, s’écria Valentine en voyant que M. de Lorville parlait sérieusement.

— Je puis me fier à vous ? reprit-il en hésitant encore.

— Je pourrais m’offenser de cette question, mais j’aime mieux répondre tout simplement, oui.

— Eh bien ! dit Edgar, aujourd’hui que nos intérêts sont les mêmes, il est temps de vous révéler un secret qui vous expliquera toute ma conduite.

— Parlez, reprit avec impatience Valentine, qui, entendant déjà plusieurs voitures entrer dans la cour de l’hôtel, prévoyait qu’Edgar n’aurait pas le temps d’achever sa confidence ; on vient… dites-moi…

— Il est déjà trop tard pour vous expliquer cette merveille, tâchez qu’on ne la remarque pas, et surtout cachez bien votre étonnement lorsque…

Edgar n’en put dire davantage ; on annonça madame de Fontvenel, son fils et sa fille ; et Valentine se hâta de cacher le lorgnon dans sa ceinture, se réservant d’en faire l’épreuve dès qu’elle le pourrait sans être remarquée.

Madame de Clairange sachant que plusieurs personnes étaient déjà réunies dans son salon, s’y rendit aussitôt ; elle était pâle, n’ayant point mis de rouge, contre son ordinaire, non pas par oubli, car elle avait pensé à n’en pas mettre. L’air triste d’une femme sensiblement émue lui paraissait indispensable ce jour-là.

Valentine aurait bien voulu essayer en la regardant le lorgnon qui la préoccupait si vivement ; mais il n’y avait pas encore assez de monde dans le salon pour qu’un seul de ses mouvements passât inaperçu. D’ailleurs, chacun lui parlait, s’occupait d’elle, et lorsqu’on est soi-même l’objet de l’observation de tous, on est mal placé pour observer.

Les membres des deux familles admis à entendre la lecture du contrat arrivèrent. Madame de Montbert, qui venait pour la première fois chez madame de Clairange, fut reçue par elle