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MONSIEUR LE MARQUIS

— Ce n’est pas étonnant de la part d’un fou, interrompit M. Bonnasseau.

— Et qu’il passe sa vie à la caresser…

— Ah ! l’horreur ! s’écria Lionel ; voilà de quoi me dégoûter d’une femme pour toujours. Madame de Pontanges serait cent fois plus belle qu’elle n’est, elle aurait tout l’esprit de madame de Staël, qu’il me serait impossible de l’aimer tant qu’elle aurait près d’elle ce crétin passionné. Oh ! le vilain rival !…

Madame d’Auray, à ces mots, se sentit soulagée. Elle avait dit ce qu’elle voulait dire ; l’effet qu’elle voulait faire était produit, et elle changea de conversation.


VI.

D’ANCIENS AMIS.


Le lendemain, Lionel était chez madame de Pontanges, assis ou plutôt étendu dans un grand fauteuil, causant, riant, jouant avec des livres, attisant le feu, établi enfin dans cette maison où il venait pour la seconde fois comme s’il y avait passé sa vie.

Laurence était seule quand il arriva, et cela par le plus heureux ou le plus malheureux des hasards. Le bon curé et sa vieille tante, qui jamais ne la quittaient, avaient eu des visites à faire ce jour-là et ne devaient revenir que pour dîner.

Cette circonstance, insignifiante en apparence, fut cependant décisive. Comment parler avec liberté, même sur des riens, devant de graves personnages qu’on révère et qui ennuient ?

Le moyen d’être galant devant une grand’tante ! Le moyen d’être coquette devant un curé, son directeur !

Qu’on suppose l’arrivée de Lionel en présence de ces deux Argus ; non, le mot Argus a vieilli, de ces deux honorables.

On l’annonce :

Monsieur de Marny !

Madame de Pontanges le salue poliment. Lionel s’approche d’elle d’un air embarrassé, de cet air niais et emprunté d’un homme qui a beaucoup d’humeur et qui est forcé de sourire ; il salué le curé et la tante :