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MONSIEUR LE MARQUIS

La seconde, parce qu’elle avait deux chiens qui venaient lécher ses souliers vernis ;

La troisième, parce qu’elle avait déménagé et était allée demeurer trop loin de lui ;

La quatrième, parce que son cabriolet ne pouvait entrer dans la cour.

Il n’était pas dans le secret de son inconstance, il se serait révolté même si on lui avait révélé la vérité ; et, lorsqu’il abandonnait une femme, il se croyait infidèle de bonne foi.

Aussi, en arrivant chez madame d’Auray, n’eut-il besoin d’aucun effort pour faire croire que sa promenade l’avait ennuyé et pour paraître de mauvaise humeur. Madame d’Auray n’eut pas même l’idée d’être jalouse. Certes, il ne ressemblait guère à un héros de roman qui rapporte une grande passion ; jamais on n’avait vu une physionomie plus maussade.

— Eh bien, mon cher, lui dit tout bas Melchior Bonnasseau, l’intrigue marche-t-elle ?

— Elle marchera toute seule dorénavant, reprit Lionel avec impatience ; je ne la suivrai pas, j’ai assez marché comme cela !

— Diable ! dit en lui-même l’homme à bonnes fortunes, nous avons été mal reçu.

M. Bonnasseau, comme on le croira sans peine, s’intéressait franchement au succès de Lionel auprès de madame de Pontanges.

La soirée se passa en mauvaises plaisanteries sur la promenade de M. de Marny, et il répondit à ces malices de manière à ôter tout soupçon sur les sentiments que lui inspirait Laurence.

Avant de jouer au whist, Melchior lui proposa de faire une partie de billard.

— Je viens de faire quatre lieues, dit-il, et vous voulez encore que je tourne pendant une heure autour d’un billard ? Vous êtes comme madame de Pontanges, qui, pour me reposer, m’a proposé en arrivant une promenade dans le parc !

— En vérité ? dit madame d’Auray en éclatant de rire ; cela est ravissant ! cette pauvre Laurence n’en fait pas d’autres ; ces grandes femmes rêveuses ne savent jamais recevoir. Laurence est pleine d’esprit ; eh bien, elle fait les honneurs de chez elle tout de travers !