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DE PONTANGES.

En disant cela, madame d’Auray servait le thé avec beaucoup de prétention, et poursuivait jusque dans le jardin, avec une tasse de thé, M. Rapart qui n’en prenait pas.

Après avoir joué au whist jusqu’à onze heures, Lionel remonta dans sa chambre. Il se mit au lit, harassé de fatigue, et s’endormit en détestant la femme pour laquelle il avait été obligé de faire à pied quatre lieues.


VIII.

UNE BONNE NUIT.


Le lendemain, Lionel se réveilla très-tard au bruit de la cloche qui annonçait le déjeuner. Il s’habilla à la hâte et descendit dans le jardin, frais et dispos, joyeux, aimable, ayant tout à fait pardonné aux fatigues de la veille.

— Recommençons-nous ce matin notre promenade à Pontanges ? dit malicieusement Melchior Bonnasseau ; il fait un beau soleil.

— Non, ma foi, répondit Lionel ; je suis blasé sur les voyages champêtres, et dorénavant j’aurai le soin d’emporter plusieurs cannes à la campagne, pour n’avoir plus à courir après celle qui sera perdue.

Lionel ne disait déjà plus la vérité en parlant ainsi, car depuis un instant il n’était préoccupé que d’une idée : — du projet de retourner à Pontanges.

Une fois les exigences de la vie réelle satisfaites, les besoins de la pensée, les rêves de l’imagination se font sentir. Dès que Lionel fut reposé, qu’il eut bien dormi, bien déjeuné, il se rappela qu’il avait une âme, que cette âme voulait des affections, et le souvenir de Laurence, dégagé des ennuis qui l’avaient obscurci un moment, lui revint à la pensée dans toute sa fraîcheur. Et Lionel passa toute la journée à rêver d’elle dans les bosquets d’alentour ! — et il essaya de dessiner son portrait de mémoire ; enfin, ce Sybarite du café de Paris tomba de lui-même dans toutes les vulgarités des romans.