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DE PONTANGES.

Ah ! j’oubliais encore un détail : elle avait une ceinture de moire bleue attachée par une boucle d’acier !… La boucle d’or qu’elle portait ordinairement s’était cassée la veille, et madame Ermangard avait eu la complaisance de lui prêter cette boucle d’acier qu’elle n’avait pas mise depuis douze ans.

Ces trois personnages formaient un ensemble vraiment risible. Laurence s’avançait gravement, donnant le bras droit à sa tante, si ridiculement affublée, et tenant de la main gauche sa petite protégée, si laide !

Je vous l’assure, en vérité, il n’y avait pas moyen de rester amoureux d’une femme encadrée de la sorte.

Surtout en présence de ces Parisiennes élégantes, femmes à la mode, s’il en fut, reines arbitraires de ce monde mesquin et vaniteux, pour qui la parure est la vie ; femmes sans amour, qui ont mis leur honneur à n’être jamais surprises en négligé, et qui accablent d’un mépris naïf et sincère la femme qui oublie de paraître belle.

Mesdemoiselles Bélin, en pensionnaires mal élevées, éclatèrent de rire et prirent en courant le sentier de l’avenue qui conduisait au château. Lionel les suivit. Il avait tellement peur d’être obligé à une politesse envers madame de Pontanges, qu’il la renia bravement.

Cette occasion d’éviter ses regards lui paraissant la meilleure, il offrit le bras à l’aînée de ces deux jolies personnes ; la plus jeune prit celui de son père, et tous les quatre se dirigèrent vers le château.

Devant la grille on dansait ; il y avait des boutiques illuminées tout autour de la place, qui était fort grande, de ces coquettes boutiques ambulantes qui ont l’air de toilettes à la duchesse, ou bien de petites chapelles, avec leurs cristaux, leurs porcelaines quasi dorées, leurs vases d’albâtre remplis de fleurs si franchement artificielles. C’était partout des loteries, des jeux de bague, des théâtres de marionnettes, des chants, des rires joyeux, des quolibets, des cris, toutes choses enfin très-gaies… ou fort tristes… cela dépend des caractères.

Les deux côtés de l’avenue étaient bordés de ces boutiques animées, et des lampions de toutes couleurs formaient des guirlandes de feu entre les arbres.