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DE PONTANGES.


XIX.

UNE PASSION AU CAFÉ DE PARIS.


Or vous comprenez que tout cela faisait un caractère de femme très-original.

Lionel l’aimait passionnément. — Vrai ! il l’aimait.

Il était triste en la quittant, bien triste… « Je reviendrai samedi, » se dit-il ; et il eut besoin de penser qu’il la reverrait bientôt pour n’être pas trop malheureux en lui faisant ses adieux.

Tout le temps du voyage de Pontanges à Paris, il s’occupa de son amour. Laurence ne lui avait jamais paru plus belle que le jour de son départ. Comme il se félicitait d’être revenu à Pontanges, d’y être arrivé avant le prince de Loïsberg, de n’avoir pas permis à Laurence de le détester plus d’un jour !

« Le prince est préoccupé d’elle… », pensait-il, et tout à coup des torrents de jalousie lui traversaient le cœur. « Il l’aime !… il ne peut même pas le cacher. Oh ! il faut que lady Suzanne sache tout cela et qu’elle vienne à mon secours…

» Il est aimable, M. de Loïsberg… et puis il est prince, et les femmes aiment tant les princes… Oh ! pas elle… sa vanité n’est pas là…

Voilà ce qui me séduit dans les femmes d’une grande naissance : c’est qu’elles ne se croient pas obligées d’aimer précisément dans le faubourg Saint-Germain, comme disent nos élégants de la Banque ; elles aiment, à la rigueur, l’homme qui leur plaît, ce que n’osent pas faire les autres femmes d’une distinction douteuse : celles-ci veulent de grands noms pour rehausser leur origine vulgaire. Les grandes dames, au contraire, sont blasées sur les avantages du rang, qui pour les autres sont tout. Quand une duchesse vous aime, on peut croire qu’elle vous trouve aimable. »

Lionel avait raison, son observation était juste ; il n’oubliait qu’une chose, c’est qu’elle s’appliquait de même aux hommes et surtout à lui.

Cependant, il faut être vrai, Lionel avait de la vanité, mais