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DE PONTANGES.

— Sans doute, reprit Lionel en éclatant de rire, car il n’avait pas prévu cette question… Sans doute, — avec un modèle !

Ce mot, qui pouvait passer pour une plaisanterie, servit de prétexte à la gaieté des moqueurs ; et les provinciaux, dupes, archidupes de ce prétexte, eurent aussi leur éclat de rire, et s’éloignèrent charmés des renseignements qu’ils avaient, — par un hasard bien heureux, — recueillis sur Alger, notre belle colonie africaine, qu’ils connaissaient maintenant comme s’ils y étaient allés, — et sur les merveilleux animaux dus à l’originalité de ces climats.

— Oh ! les honnêtes gens !… s’écria l’un des mystificateurs dès que les provinciaux furent partis.

— Les bonnes figures ! dit un autre.

— Oh ! le brun, l’oncle qui a une clef de montre, qu’il est bien ! comme il a donné dans le quadrupède !

— Le jeune, le gilet serin, voulait douter : c’est un malin ; la jeunesse est incrédule aujourd’hui…

— Oui, mais la clef de montre le ramenait à la vérité. Voilà un brave homme… facile à persuader…

— Il doit se croire bien aimé, cet homme-là ! dit Lionel.

— Lionel, mon cher, vous venez de vous trahir ! cette exclamation part d’un cœur amoureux. C’est donc sérieux avec la marquise ?

Lionel éprouva un mouvement d’impatience à cette attaque indiscrète de Melchior Bonnasseau.

— Je ne suis encore bien qu’avec la tante, dit-il en affectant de plaisanter.

Cependant ses amis l’avaient vu rougir, et Lionel prit le parti de se mettre en colère pour dissimuler son embarras.

— Garçon ! cria-t-il, vous n’en finissez pas. La salade ! la salade ! allons, dépêchez-vous !

Ferdinand l’observait alors avec malice.

— Voilà près d’un mois, dit-il, que je vous ai laissé à la campagne…

Ces mots embarrassèrent de nouveau Lionel, et pour lui, que rien n’avait jamais déconcerté, c’était une grande preuve de passion.