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DE PONTANGES.

— Non ! Lionel n’est pas un homme à aimer gratis, reprit Ferdinand, ou du moins c’est un ridicule qu’il peut cacher longtemps sans qu’on l’en soupçonne.

Ferdinand se leva de table à ces mots et sortit. Lionel resta seul avec Melchior Bonnasseau, et M. Bonnasseau lui parla de madame de Pontanges si longtemps et d’une manière si profane, que Lionel fut presque désenchanté de son amour en le quittant.

Il y a des hommes dont les éloges mêmes sont déflorants. On aime moins la femme dont ils ont osé parler.

Hélas ! quelle différence ! En arrivant au café de Paris, Lionel avait le cœur si bon, son âme s’épanouissait dans un amour si pur, dans une pensée si noble !

Et maintenant toute la poésie de son amour s’était évaporée.

Le monde avait soufflé sur cette flamme divine et venait de l’éteindre.

Laurence n’était plus pour lui cette femme adorable à qui il avait donné sa vie.

C’était madame la marquise de Pontanges, dont à Paris on le disait l’amant.

Ce n’était plus le bonheur à rêver…

C’était une conquête à faire !


XX.

DIPLOMATIE.


Ce jour tant désiré, ce samedi que Lionel appelait de tous ses vœux, ce jour fixé pour son retour au château de Pontanges, ce beau jour était arrivé, — cette heure d’amour avait sonné… et Lionel la passait paisiblement à Paris.

Il s’était dit en quittant Laurence : « Quand donc la reverrai-je ? que cette semaine va me paraître longue !… Quand serai-je à samedi pour la revoir ? »

Maintenant il se disait : « Je n’irai pas ; je ne partirai que lundi ; je la laisserai m’attendre deux jours entiers ! l’inquiétude exaltera son amour. Elle m’attendra d’abord avec confiance, puis avec angoisse… Enfin, quand le désespoir s’emparera