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DE PONTANGES.

eût été plus que compromise, car rien ne compromet plus une femme que les sacrifices d’un élégant, que la patience, la résignation d’un homme à la mode à supporter ses ennuyeux. Une femme d’esprit disait : « On a ses ennuyeux comme on a ses pauvres… » Madame de Pontanges était bien charitable en cela.

La résignation de M. de Marny était exemplaire. Encore si on lui avait envoyé un regard d’amour, il aurait eu le courage d’être aimable, même pour la sous-préfète ; mais, hélas ! Laurence ne le comprenait pas ; il n’y avait plus d’amour entre eux.

Enfin chacun se retira.

Madame de Pontanges, épuisée par deux jours de souffrance, deux nuits d’inquiétude, avait besoin de repos.

L’amour s’était engourdi dans son cœur, il n’agissait plus sur sa pensée ; elle ne distinguait qu’une chose, entre toutes ses idées confuses, c’est que ce qui l’avait tant inquiétée la veille n’était rien, et qu’elle pouvait dormir tranquille aujourd’hui…

Et elle dormit.

Mais Lionel… lui !…


XXII.

AGITATION.


Il aurait pu dormir sans doute, car cette fois sa chambre n’avait plus ni rats ni souris. Ce n’était plus le grand appartement du château où Lionel avait passé une nuit si terrible. Depuis cette époque, madame de Pontanges avait fait arranger plusieurs chambres d’amis, qui n’avaient aucun des nobles inconvénients de la gothique demeure, et M. de Marny, dans celle qu’il occupait, aurait pu dormir sans trouble. Mais des pensées plus tourmentantes que les ennuis de la vie réelle le tenaient éveillé malgré lui. Ses regrets amers le poursuivaient bien autrement que n’avaient fait les rats et les souris, à son premier séjour à Pontanges. Oh ! qu’il souffrait ! qu’il était malheureux ! malheureux à faire pitié… à une coquette !