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MONSIEUR LE MARQUIS

En disant cela, elle entourait le bas de sa jambe avec son mouchoir pour arrêter le sang qui s’échappait de sa blessure…

— Vous ne pouvez marcher, je vais chercher quelqu’un, dit Lionel.

— Non, ce n’est pas la peine, j’irai bien d’ici au château.

— Prenez mon bras.

Lionel la soutenait doucement, elle marchait avec difficulté, elle était obligée de s’appuyer contre lui : Lionel était heureux. Il la conduisit ainsi jusque vers la terrasse.

Arrivés là, il leur fallait monter quelques marches ; en posant le pied sur la première, Laurence poussa un léger cri. La douleur fut plus forte que son courage, elle devint tout à coup très-pâle.

— Mon Dieu ! comme vous souffrez ! dit-il ; laissez-moi vous aider.

Et passant ses deux bras autour de sa taille, il la souleva doucement et l’aida à franchir l’escalier.

Il était huit heures du matin ; madame de Pontanges n’était pas encore habillée ; elle portait un simple peignoir blanc qu’une ceinture retenait à peine, et Lionel sentait frémir et plier dans ses mains cette taille charmante que nul obstacle ne roidissait.

Et le cœur de Laurence battait avec violence.

Elle l’aimait donc toujours… Elle était si troublée qu’elle essaya de rire ; elle voulut marcher seule.

— Décidément, dit-elle d’une voix tremblante, je suis boiteuse.

Lionel la regarda ; la plus ravissante émotion embellissait ses traits ; c’était un mélange de douleur et de grâce qui était plein de charme. Il y avait de la souffrance dans le mouvement de ses sourcils, de la joie dans son sourire, et tant d’amour dans sa rougeur !…

Lionel était rassuré.

En entrant dans la bibliothèque, qui était l’appartement de son mari, madame de Pontanges parut de nouveau embarrassée ; elle se laissa tomber dans un fauteuil.

— Sonnez, je vous prie, dit-elle vivement ; je vous remercie ; je n’ai plus besoin de vous, on va venir.