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MONSIEUR LE MARQUIS

de la grâce jusque dans sa niaiserie. Comme Lionel adorait cette dupe ravissante, si lente à comprendre ce qu’elle éprouvait ! Tout en elle était amour : il y avait de l’amour dans sa tristesse, dans son sourire, dans ses regards, dans ses cheveux ; et elle disait : « L’amour ne troublera jamais ma vie ! » et elle reniait son propre cœur. Oh ! que de gens voudraient avoir, pour dire : « Je vous aime ! » l’accent qu’elle trouva pour dire : « Je ne vous aime pas ! »

Et ce fut à son accent que Lionel répondit ; il perdit la tête :

— Ô Laurence, s’écria-t-il avec passion, que je vous aime, moi !

Et il la pressait sur son cœur, il couvrait de baisers ses cheveux, son front, ses yeux, ce visage si beau qu’il adorait… sans qu’elle pensât à se défendre, tant elle était stupéfaite de le voir ainsi répondre par des caresses à ses raisonnements si froids.

D’abord, elle fut saisie d’une émotion si vive à ces caresses inconnues pour elle, — elle, pauvre femme qu’un baiser fraternel même n’avait jamais émue, qu’un baiser d’amour n’avait jamais brûlée ; elle fut si ravie, qu’elle ne songea pas tout de suite à se défendre…

Bientôt cependant elle se révolta.

— Mais c’est affreux ! s’écria-t-elle ; Lionel, vous ne m’avez donc pas entendue ? mais vous ne me comprenez donc pas ?

— Je ne comprends que vos regards qui m’appellent, et je leur réponds. Vous m’aimez, Laurence !… Laurence, pourquoi combattre ? je lis mieux que vous dans votre âme. Oh ! ne me repoussez pas… vous en seriez si malheureuse !… Vous m’aimerez tant…

— Eh bien, oui, je vous aime ! reprit-elle avec douceur, mais pas comme vous croyez. Écoutez-moi, ne me regardez pas ainsi, mettez-vous là, et causons de bonne amitié ; je vous aimerai si vous êtes docile…

— Oui, me voilà… je me soumets, Laurence ; j’écoute… vos beaux raisonnements, mais donnez-moi votre main.

— Si vous me faites peur, Lionel, je n’oserai plus vous voir, je vous dirai de ne plus venir…

— Qu’est-ce que cette bague… que vous avez là ?