Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
DE PONTANGES.

Enfin, revenante elle, madame de Pontanges plia le billet et le passa dans sa ceinture.

— Ma nièce, quelle raison donne-t-il ? demanda madame Ermangard.

— Une lettre de son père qui l’oblige d’être à Paris ce matin. M. de Marny me charge de vous exprimer tous ses regrets, monsieur le sous-préfet ; il ne peut se consoler de manquer la partie de chasse de demain.

Elle inventa ce mensonge avec une présence d’esprit merveilleuse ; elle parlait vite, mais avec beaucoup d’assurance : elle était si indignée !… « Je ne l’aime pas ! dit-il ; eh bien, qu’il le croie ; ce sera ma vengeance ! »


XXXI.

DÉSESPOIR.


Pleine de courage pour résister à Lionel en sa présence, Laurence était sans force contre ses souvenirs. Les premiers moments de colère passés, son cœur reprit sa pensée habituelle, et le regret du bonheur qu’elle avait perdu, de l’amour qu’elle avait sacrifié, fut la seule idée qui planât sur ses jours, qui remplit toutes les heures de sa vie.

Tant qu’elle eut du monde autour d’elle, tant qu’il lui fallut sourire et tromper, elle supporta sa douleur. Une si violente contrainte lui donnait une irritation nerveuse qui ressemblait à de la joie ; mais quand tous les importuns furent partis, quand elle retomba dans la solitude, quand elle reprit sa vie intime, cette vie intime que Lionel avait faite si brillante, oh ! ce fut alors un amer découragement.

Quoi ! ne plus l’attendre jamais !

Et rester seule là où il est venu.

L’avoir vu là, sur ce fauteuil, à cette place, et se dire : « Je ne l’y verrai plus… »

Et cette fleur qu’il a cueillie, elle est encore fraîche… elle a duré plus longtemps que mon bonheur !… »

Vivre sans lui, et tous les jours s’éveiller avec la même pensée : « Il ne viendra pas ! »