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DE PONTANGES.

Et pourtant elle l’aimait ! D’où venait cette résistance ? De son éducation, de ses principes… des lois du monde… toutes choses qui préservent sans doute, mais qui ne sauvent pas à l’heure du danger… qui ôtent seulement à l’amour ce qu’il a de chaste, l’élan et l’oubli.

— Oh ! quel bonheur ! s’écria Lionel, me voilà encore ici ! est-ce bien vrai ? C’est vous, ma douce Laurence, que je revois ! Je ne vous quitterai plus, n’est-ce pas ? Que je suis heureux, Laurence !…

Combien ce langage familier faisait souffrir madame de Pontanges ! mais elle n’osait s’en plaindre. Que dire ? pouvait-elle d’un mot désenchanter Lionel ? n’était-ce pas elle-même qui l’avait rappelé ?…

— Oh ! merci, disait-il, merci : votre lettre m’a rendu la vie ! Oh ! que je suis reconnaissant ! Laurence, que je t’aime !

— Si je ne vous avais pas écrit, vous ne seriez donc jamais revenu ? dit-elle d’un air fâché qui expliquait sa froideur.

— Je ne crois pas ; mais j’espérais toujours que vous m’écririez.

— Ah ! tout cela n’était qu’une ruse, reprit madame de Pontanges en s’éloignant. Puis elle ajouta d’un ton léger : — Vous ne savez pas ? ma tante est partie ce matin pour Paris.

Elle disait cela pour parler, pour donner à la conversation une marche insignifiante. Le langage passionné de Lionel l’effrayait ; mais Lionel se trompa sur le sens qu’elle attachait à ces mots.

— Elle est partie ! s’écria-t-il. Quoi ! nous sommes seuls ici !… Que vous êtes bonne de me dire cela !

Et madame de Pontanges rougit de la pensée qu’elle avait fait naître. Elle allait répondre : « Seuls, non… mon mari est ici ; » mais elle comprit ce que cette réponse aurait de ridicule. En effet, n’était-ce pas un singulier gardien pour préserver la vertu d’une jeune femme que ce pauvre insensé ? Laurence était au supplice ; son trouble n’échappait point à M. de Marny, mais il l’interprétait en sa faveur. Il était si heureux de la revoir ! Le billet qu’il avait reçu et qui le rappelait près d’elle