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DE PONTANGES.

Madame de Pontanges ayant sonné un domestique, elle lui donna l’ordre de mettre le couvert dans le salon. Lionel et Laurence s’assirent tous deux devant une petite table près du feu. Rien n’était plus intime que ce repas ; Lionel en fit la remarque.

— Quel gentil souper ! dit-il. Cette bonne tante, combien de jours restera-t-elle à Paris ?

— Je l’attends demain, reprit sèchement madame de Pontanges.

Pendant le dîner, Lionel fut bien obligé de parler de choses indifférentes devant les deux grands laquais qui les servaient, et durant cette trêve, Laurence retrouva sa sécurité ; sa tendresse se ranimait à mesure que le danger s’éloignait. Elle leva les yeux sur Lionel, qu’elle n’avait pas encore osé regarder jusqu’à ce moment :

— Ah ! mon Dieu !… s’écria-t-elle tout à coup, oubliant que ses gens l’écoutaient.

— Qu’avez-vous, madame ? demanda Lionel.

— Rien, rien ; c’est que… je n’avais pas remarqué… ce n’est rien vraiment.

Le fait est qu’elle n’avait pu voir sans effroi la pâleur de Lionel ; l’altération de ses traits était sensible. Oh ! qu’il avait souffert, qu’il l’avait aimée ! et pourtant ce n’était que huit jours d’absence… Elle le regardait avec inquiétude, et deux larmes de reconnaissance et d’amour s’échappèrent de ses beaux yeux. Toute considération de convenance, de prudence même, était méconnue. C’était un caractère étrange que celui de cette jeune femme, toujours froide et raisonnable seule avec celui qu’elle aimait, et toujours prête à se compromettre pour lui devant le monde par la violence et la naïveté de ses sentiments.

— Est-ce que vous avez été malade ? demanda-t-elle d’une voix troublée.

Lionel la regarda à son tour et sourit… du sourire le plus adorable.

— Non, madame, dit-il avec grâce.

Oh ! qu’il y avait de choses dans ce mot « Non », et dans l’inflexion de sa voix ! On ferait tout un volume pour exprimer ce