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MONSIEUR LE MARQUIS

qu’il dit en ce moment. Quel mélange ravissant de coquetterie et de passion ! Oh ! comme elle l’aimait, et lui, comme il la voyait avec délire se trahir par une émotion trop vive, frissonner au son de sa voix, rougir sous son regard et palpiter de sa pensée ! Elle était si tremblante, qu’il vint à son secours. Ils avaient changé de rôle maintenant : c’est lui qui voulait parler de niaiseries, qui cherchait à la distraire un instant de son amour.

— Je vous dirai, madame, que vous avez fait la conquête d’un de mes amis, pour qui j’ai une grâce à vous demander.

— De mon voisin, M. de Méricourt ? dit Laurence,

— Oh ! ceci est une vieille victoire. D’ailleurs, M. de Méricourt est un homme très-insignifiant, qui n’a qu’un mérite à mes yeux, c’est de posséder tout près de vous un château où je me réfugie quand vous ne voulez plus de moi. L’homme dont il est question est beaucoup plus séduisant.

— C’est ?…

— Ferdinand Dulac.

— Ah ! l’ami du prince de Loïsberg ?

— C’est donc l’ami de tout le monde ? reprit Lionel avec aigreur, car le souvenir de M. de Loïsberg lui était toujours pénible.

— Depuis longtemps M. Dulac est lié avec mon cousin… Eh bien, quelle grâce vous a-t-il chargé d’obtenir de moi ?

— Il en chargera un autre, vraiment ; ce n’est pas moi qui vous l’amènerai.

— Comment ! il veut venir ici ?

— Oui, mais vous ne l’y engagerez pas.

— Pourquoi ?

— C’est un homme dangereux.

— Vous vouliez me l’amener tout à l’heure ?

— Moi ! non, madame. J’ai dit qu’il désirait venir, mais je ne lui ai pas offert de vous le présenter : je me défie de lui…

— Quelle idée !

— Oh ! ce n’est pas ce que vous pensez, répondit Lionel en se levant de table ; mais, ajouta-t-il tout bas en se rapprochant de Laurence qui venait de s’asseoir près de la cheminée… mais c’est l’ami de votre cousin, et j’ai peur.