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DE PONTANGES.

— Peur ! répéta Laurence ; alors n’en parlons plus… Et elle jeta sur Lionel un regard empreint d’un mépris bien tendre.

Après avoir desservi le dîner, on ouvrit les fenêtres pour chasser l’odeur des mets, et Lionel s’aperçut qu’il tombait de la neige.

— Que la campagne sera belle demain ! dit-il ; toute cette délicieuse vallée sera couverte de neige demain… Oh ! quel souvenir !… je ne pourrai plus voir tomber la neige sans me rappeler…

Il n’acheva pas… sa pensée avait fait tellement rougir madame de Pontanges, qu’il eut encore pitié d’elle et changea de sujet.

— Je crains que cette fenêtre ne vous donne trop de froid.

— Oui, il vaut mieux ouvrir une porte.

Alors un domestique ouvrit la porte du salon qui communiquait aux appartements, et sortit.

M. de Marny resta seul avec Laurence.

— Vous ne m’aimez plus ! dit-il avec coquetterie ; le souvenir du prince vous a troublée.

Laurence sourit.

— Mon pauvre cousin… je ne sais seulement pas où il est !

— Je le sais, moi ; il est à Londres.

— Près de lady Suzanne ?

— Ah ! vraiment, vous en demandez trop, madame ; je ne suis pas venu ici exprès pour vous donner de ses nouvelles.

Lionel s’assit près de Laurence en disant ces mots ; puis, l’attirant doucement vers lui :

— Vous avez l’air triste, ajouta-t-il ; si vous m’aimiez comme je vous aime, vous seriez joyeuse comme moi.

— J’ai eu tant de chagrin depuis votre départ, que j’en suis encore accablée… Vous-même, je vous, trouve aussi bien changé : comme vous êtes pâle !

— Oh ! que j’ai été malheureux ! s’écria-t-il, je me croyais perdu ! Elle ne m’aime pas, pensais-je, et cette affreuse idée me poursuivait toujours. Laurence, ne me faites plus de peine : s’il me fallait vous quitter encore, je vous l’assure, j’en mourrais.