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DE PONTANGES.

— Un dépit de huit cent mille francs !… et vous appelez cela un malheur irréparable ? un fardeau qui doit peser sur toute une existence ?

— Sans doute ! un mariage n’est bon qu’autant qu’on n’en pourrait pas faire un meilleur…

— Ma foi, je ne vois pas trop quel meilleur mariage Lionel aurait pu faire ; il n’est pas déjà si riche.

— Je vous dis, moi, qu’elle aurait été assez folle pour l’épouser, et que cent cinquante mille livres de rente valent mieux que huit cent mille francs de dot une fois payés.

— Mais qui donc l’aurait épousé ?… Vous êtes énigmatique aujourd’hui !

— Madame de Pontanges.

— Et son imbécile, qu’en fais-tu donc ?

Mort !

— Mort !… Elle est veuve ?… Lionel n’en sait rien ?…

— Non ; mais il ne faut pas qu’il le sache…

— Pourquoi ?

— C’est mon secret.

— Oh ! cela est infâme ! Je vais lui écrire, Ferdinand ; c’est le malheur de trois personnes que vous allez faire ! Lionel a des défauts ; il est quelquefois un peu fat ; mais, au fond, c’est un bon jeune homme… c’est mon ami, je dois l’instruire…

— Il est trop tard, la noce se fait demain.

— Mais depuis combien de temps le mari de madame de Pontanges est-il mort ?

— Depuis un mois.

— Depuis un mois ! et vous n’avez rien dit à Lionel ? Oh ! que c’est mal !…

— Je ne l’ai su qu’hier, reprit Ferdinand, embarrassé de l’impression que M. Bonnasseau ressentait contre sa conduite ; sans cela, vous pensez bien, mon cher…

M. Bonnasseau eut l’air de le croire ; mais, à dater de ce moment, sa résolution fut prise. Il continua :

— De quoi donc est-il mort, ce pauvre fou ?

— Oh ! c’est un drame tout entier !… Après une grande scène dont je ne sais pas bien les détails, Lionel est revenu à Paris ; vous l’avez vu vous-même, à cette époque, courant les