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MONSIEUR LE MARQUIS

— Ce n’est rien, dit-il à l’oreille du banquier en le reconduisant dans le corridor ; ce n’est qu’une affaire d’argent, et je ne comprends pas comment la perte d’une cinquantaine de mille francs peut attrister un jour de bonheur.

Le beau-père comprenait fort bien ce genre de mélancolie, lui dont les jours de bonheur étaient ceux où il avait gagné à la Bourse. Il ne demanda pas d’autres explications, et il redescendit dans le salon pour rassurer sa fille.

Le général Rapart, notre ancienne connaissance, et plusieurs autres personnes, étaient encore dans la chambre de M. de Marny. Ferdinand voulut les éloigner.

— Général, dit-il bas à M. Rapart, emmenez-nous tous ces gens-là ; il ne faut pas faire tant de bruit : ce n’est qu’une affaire d’honneur ; il est possible que nous ayons besoin de vous. Nous vous ferons appeler ; mais tâchez qu’on ne s’aperçoive de rien.

Le général sortit, emmenant tous les curieux, et Ferdinand resta seul avec M. de Marny.

Lionel était retombé dans son abattement.

Quand il ne vit plus personne auprès de lui :

— Veuve ! veuve ! s’écria-t-il, et moi marié !… Oh ! c’est affreux !… Mais il est encore temps… je vais partir !

Ferdinand lui saisit le bras fortement.

— Que faites-vous ici, monsieur ? lui dit Lionel avec dureté.

— Je vous garde, pour vous empêcher de vous perdre…

— Laissez-moi partir ! s’écria Lionel d’une voix déchirante ; je veux la revoir !…

— C’est impossible ; vous ne pouvez partir ce soir. Songez quel scandale… et cette pauvre jeune fille qui vous aime… et toute cette famille que vous mettriez au désespoir !… Lionel… allons, du courage, mon cher.

— Y a-t-il longtemps qu’elle est veuve ?

— Je ne sais ; j’ai appris comme vous cette mort par les journaux.

— Vous ne le saviez donc pas ?

— Non, reprit Ferdinand, qui n’avait pas envie d’être étranglé une seconde fois… je l’ignorais ; mais peut-être ne vous en aurais-je point parlé… Je croyais que vous aviez rompu