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DE PONTANGES.

depuis longtemps avec elle… et d’ailleurs votre mariage… me confirmait dans l’idée que vous ne l’aimiez plus.

— Moi ! grand Dieu ! je ne l’ai jamais plus aimée !… Mais elle m’a fait tant de mal !… J’ai voulu me venger ; elle a été si impitoyable ! Si vous saviez ! non-seulement elle m’a chassé deux fois, mais quand, épuisé de chagrin, découragé, dans ma douleur, je me résignais… je ne lui demandais plus d’amour, je ne voulais que la revoir… elle a refusé de me recevoir ; et voilà… voilà la lettre qu’elle m’a fait écrire… Lisez… lisez… Quelle lettre ! Pouvais-je l’aimer encore après tant de froideur ? Ah ! cette affreuse lettre, je l’ai toujours auprès de moi ; je la relis pour me donner du courage, pour me désespérer ! Ferdinand, dites : à ma place, n’auriez-vous pas fait comme moi ?

Lionel remit alors à Ferdinand la lettre que le curé et madame Ermangard avaient combinée ensemble pendant la maladie de madame de Pontanges. Cette lettre ressemblait à toutes les lettres de parents vertueux et sévères qui veulent désespérer un jeune homme et le congédier. M. Dulac fit semblant de la parcourir, mais il n’en lut pas un mot, et nous ferons comme lui.

En cet instant, un domestique entra.

— Que voulez-vous, Germain ? dit Lionel ; je suis en affaires. Laissez-nous.

— Monsieur, le facteur m’a remis ces deux lettres.

— Posez-les sur la table… C’est bien… allez…

— Monsieur, il y a écrit sur celle-ci : Très-pressé.

— Donnez, reprit Lionel avec impatience.

Le domestique sortit. Lionel lut la lettre sur laquelle il y avait : Très-pressé ; il ne regarda pas l’autre, que son valet de chambre avait laissée sur la table.

— Ah ! c’est Bonnasseau qui m’écrit, dit-il. Ferdinand sourit d’un sourire infernal.

« Le marquis de Pontanges est mort subitement ; cette nouvelle changera peut-être tes projets. Puisse-t-elle arriver à temps !

Melchior Bonnasseau. »

Lionel chiffonna la lettre et la jeta au feu avec fureur.