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DE PONTANGES.

Une jeune femme des amies de la mariée lisait le journal… le même journal… et elle riait…

— Tu ris toujours, lui dit madame de Marny avec un sourire mélancolique.

— Ah ! tu rirais aussi de cela, ma chère Clémentine, si tu n’étais pas si préoccupée.

— De quoi donc riez-vous ?

— D’une mort… Cela est affreux ; cependant rien n’est si plaisant. Tu te rappelles bien ce marquis de Pontanges, cet idiot…

— Eh bien ?

— Eh bien ! il est mort, et l’on fait de lui un héros de science. Ô la bonne plaisanterie !… C’est une mystification. Vois… « La société, la littérature, les sciences et les arts viennent de faire une perte déplorable » Ah ! ah ! ah !

— Il est mort !… reprit madame de Marny… Elle s’efforça de sourire… C’est cela, pensa-t-elle. — Puis, par un mouvement involontaire, elle regarda la pendule, comme pour lire dans les heures s’il serait temps encore de tout rompre.

Il était minuit.

— Madame d’Auray m’a trompée, se disait Clémentine ; elle assurait qu’il ne pensait plus à madame de Pontanges. C’est elle qu’il aimait… je le vois bien… Il ne m’aime pas, moi ; il ne m’a épousée que par dépit…

Par dépit !

Et la pauvre enfant resta immobile et abîmée dans cette horrible pensée… et mille souvenirs qu’elle évoqua subitement la confirmèrent dans ses affreux soupçons.

Et alors on vint la chercher. La femme qui lui servait de mère l’emmena dans son appartement : c’était encore sa chambre de jeune fille. Elle y habitait pour la dernière fois. Peu d’instants avant cette heure, avec quels doux rêves elle en était sortie ! quel amer chagrin elle y rapportait !

Le matin encore, elle se croyait aimée… Son avenir était si beau ! Tout à l’heure, elle était heureuse et tremblante ; maintenant, elle est malheureuse et calme…