Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
MONSIEUR LE MARQUIS

Une rougeur pudique l’embellissait ; naguère, elle baissait les yeux modestement…

À présent, elle n’est plus timide ; ses yeux sont levés, ils sont hardis, ils regardent, ils interrogent… et sa résolution est prise : ce n’est plus une nouvelle mariée que l’on conduit à son époux, palpitante de crainte et d’amour…

C’est une femme offensée dont la première nuit de noces est un adieu.

On lui met son voile, cependant ;

On lui donne son livre de messe.

Son père l’embrasse tendrement ; il lui prend la main, et l’on marche en silence vers la chapelle du château.

Une galerie élégante, bâtie pour la fête, joint la chapelle au grand salon. Cette galerie est ornée de tapis et de fleurs. Les paysans se pressent pour voir passer la mariée.

— Comme mademoiselle est pâle ! dit la jardinière.

— Elle ne pleure pas, tiens ! Moi je pleurais.

— Elle vient de danser ; attendez donc, elle pleurera à la messe.

— V’là le marié… on le disait si beau !… Il a l’air méchant.

— Pourquoi qu’il mord son mouchoir comme ça ? dit une femme de chambre, ça n’est pas bon genre du tout.

Arrivés dans la chapelle, les mariés s’agenouillent. Clémentine se penche sur son livre de messe et se recueille.

Longtemps absorbé dans ses réflexions et craignant aussi de se trahir, Lionel, se voyant à genoux sur ce coussin de velours, devant tout ce monde, est subitement ramené à sa situation ; et, par une de ces idées folles qui nous traversent l’esprit quelquefois même au fort de nos émotions les plus graves, il se prend tout à coup à sourire et se dit : — Que je dois avoir l’air bête comme cela ! Je parie qu’ils se moquent de moi.

Vous jurez fidélité et protection ?…

Lionel n’avait pas entendu la voix du prêtre : il ne répondit point.

Le prêtre recommença.

Lionel se réveilla comme d’un songe.