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DE PONTANGES.

Oui, dit-il ; et il prononça ce mot d’une voix ferme, avec un accent si plein de sincérité, que Clémentine, étonnée, tourna la tête vivement pour le regarder, au grand scandale des assistants, qui trouvèrent ce regard bien osé pour une mariée.

Le curé fit un long discours, fort inconvenant, fort ridicule, ce qui malheureusement arrive quelquefois. Les gens indifférents, les curieux, en rirent avec assez peu de ménagement. Mais la pauvre mariée, qui ne l’écoutait pas, pleurait… elle pleurait son beau rêve détruit ! Malgré ses efforts pour se contraindre, on entendait ses sanglots. Lionel en fut effrayé ; il se crut deviné… un sentiment de profonde pitié s’empara de lui : — Qu’elle doit être malheureuse ! pensa-t-il.

Il regarda sa femme. Clémentine était charmante en cet instant. Son voile, d’un travail admirable, gracieusement jeté sur ses épaules ; sa tête baissée, ses mains jointes, sa taille doucement inclinée devant l’autel : toute cette attitude de recueillement qui cachait un si violent désespoir ; tant de modestie apparente et d’agitations dévorées lui donnaient un charme indicible. L’élégance ne nuit pas aux allures du désespoir. Beaucoup de dentelles dans le désordre de la passion, cela fait très-bien. Lionel était plus que personne sensible aux séductions de l’élégance, et ce désespoir si bien paré lui alla droit au cœur. Quoiqu’il la trouvât jolie, il n’aimait point Clémentine ; mais il devint subitement amoureux de la femme qui était là… à genoux, en larmes, avec des diamants, des fleurs, et de l’amour peut-être… Il commença à envisager sa situation sans horreur… Et quand la cérémonie fut achevée, quand il offrit la main à sa femme pour la conduire dans la sacristie, la regardant avec tendresse, il lui dit :

— Clémentine, êtes-vous donc malheureuse ?

— De la pitié ! pensa-t-elle, je n’en veux pas… j’aime mieux sa haine !


VI.

LA NUIT DES NOCES.


— Ferdinand a raison, pensait M. de Marny tandis qu’on déshabillait la mariée, ma femme est charmante… Elle a