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MONSIEUR LE MARQUIS

Une voiture de poste entra dans la cour.

On entendit encore la voix du postillon, celles de M. Dulac et de Lionel ; ils parlaient haut, mais Laurence, assourdie par la douleur, ne put distinguer leurs paroles.

— C’est infâme, une telle conduite !

— Calmez-vous, je vous comprends à merveille.

— Je serai au bois de Boulogne après-demain, à huit heures, avec Bonnasseau et le général Rapart.

— J’y serai ; mais parlez plus bas. Je sais fort bien que vous devez désirer me tuer. Je vous empêche de vous déshonorer… Cela est trop juste.

Et la voiture roula sur le pavé.

Laurence ferma les yeux… elle se boucha les oreilles pour ne pas entendre le bruit des roues.

Il lui sembla que la voiture venait de passer sur son corps. Un froid mortel la saisit ; elle espéra qu’elle allait mourir…

Et lorsque M. Dulac rentra dans le salon, il la trouva sans connaissance, par terre, évanouie…


IX.

CONVERSATION.


— Vous ne vous battrez pas avec M. de Marny, monsieur !

— Rassurez-vous, madame, Lionel sera le premier à renoncer à ce duel…

— Que voulez-vous dire ?

— Oh ! rien qui lui fasse tort dans votre esprit ; son courage n’est pas douteux, il l’a montré dans plus d’une affaire. Mais je sais qu’une fois revenu de sa fureur, il comprendra que j’ai agi avec sagesse, dans ses intérêts, dans les vôtres surtout, madame, et son attachement pour vous est trop véritable pour qu’il ne me sache pas gré un jour de vous avoir… — Il hésita… il allait dire « sauvée » — de vous avoir servie à ses dépens.

— Vous croyez donc qu’il avait quelque attachement pour moi ?

— Oui, madame ; je lui rends justice, il vous aime avec passion ; je dis plus, je ne crois pas qu’on puisse vous aimer