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MONSIEUR LE MARQUIS

portes ont des rideaux de soie ; les escaliers ont des tapis ; des étagères de bois de palissandre sont couvertes de porcelaines et de riens délicieux ; il y a des fleurs dans tous les vases, il y a même de jolis meubles faits exprès pour recevoir des fleurs.

Des tableaux, pas un ; mais des chinois, beaucoup ; — des vieilleries en grand nombre ; mais des souvenirs, pas un… Ces gens-là n’ont point voyagé. — N’importe, c’est joli, c’est coquet, c’est élégant. L’étoffe qui recouvre les murs ressemble à une robe de femme : on a peur de les chiffonner en les regardant, tant leurs vêtements ont de fraîcheur ; on a peur de s’asseoir, peur de marcher… On ne cause pas, on regarde ; tout est pour les yeux, et les yeux ne peuvent se détacher de ces merveilles de la mode.

Une jeune femme, comme une fée gracieuse, règne dans ce palais mignon. Sa parure est en harmonie avec ce qui l’entoure ; sa robe est brodée, son fichu est brodé, ses bas sont brodés : elle a des rubans dans les cheveux, des rubans sur les épaules, des nœuds de ruban sur la poitrine, des rubans à ses poignets, à sa ceinture ; elle est pavoisée comme un mât de cocagne ; elle est élégante, ravissante ; tout ce qu’elle porte est de bon goût et elle le porte avec grâce.

Elle est assise sur un canapé à balustrade, un canapé à coquetterie, à poses étudiées, un canapé qui fait valoir le bras et lui permet de s’arrondir avec nonchalance ; un balcon de boudoir, qui donne aux personnes qu’il soutient toute la désinvolture d’une femme assise à sa fenêtre, le coude appuyé sur la balustrade, la tête penchée sur sa main, et regardant au loin la route par où celui qu’elle aime doit venir.

Cette femme était Clémentine : elle était bien jolie ce jour-là ! Belle de la parure qu’elle avait choisie, belle de la langueur qu’une situation romanesque lui donnait, elle était ce que sont presque toutes les Parisiennes : distinguées sans élévation dans les idées ; intelligentes sans imagination dans leurs sentiments ; plus gracieuses que tendres ; enfin éminemment façonnées pour le monde ; grêles et mesquines dans les grandes situations, dans tous les malheurs qui demandent de l’élan et de la passion, mais charmantes dans les émotions contraintes et dans les malheurs à leur taille. Clémentine avait le cœur