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DE PONTANGES.

aimant ; mais elle avait l’âme terre à terre, si l’on ose s’exprimer ainsi : point de rêverie dans la pensée, point de mélancolie, et cependant susceptible d’un profond attachement. Dans une situation vulgaire, ou dans la vie intime, vie toute de confidences, vie toute de sentiments, elle eût été fade et peut-être ennuyeuse ; mais alors elle apparaissait séduisante. Les personnes pleines de goût et de convenance, dans une situation difficile et compliquée, sont placées à leur avantage ; toutes les gaucheries qu’elles ont le tact d’éviter leur comptent comme autant d’actions délicates. Elles empruntent enfin à leur position romanesque une grâce qui leur manque, le prestige de séduction que les femmes plus exaltées et plus poétiques ne tiennent que d’elles-mêmes.

Ainsi, le jour de son mariage, au pied de l’autel, cachant ses larmes avec modestie, Clémentine parut charmante à son mari.

Ainsi, quelques heures plus tard, avec son dépit mesquin, son désespoir ingénieux, sa dignité de pensionnaire, sa jalousie sans passion, Clémentine parut froide, exagérée, et son mari la quitta avec colère, mais sans regret : ce n’était plus la même personne.

Mais ce charme de contrainte, cette tristesse de bon goût, elle les avait retrouvés dès que l’heure des grandes émotions fut passée. Clémentine était en ce moment la femme telle qu’il faut que soit la femme dans la vie réelle, telle que M. de Marny l’aurait désirée s’il n’avait point connu Laurence, qui était une femme d’exception ; et malheur à qui s’arrête aux exceptions ! Clémentine avait ce qu’il faut pour plaire, ce qu’exige le bonheur dans le monde :

De l’imagination, point.
De l’esprit, peu.
De l’instruction, assez.
De l’intelligence, beaucoup.

De là vient qu’elle était à la fois coquette et bonne ménagère, deux qualités indispensables à la femme.

Plusieurs des personnes qui devaient dîner chez madame de Marny étaient arrivées et s’occupaient à admirer la nouvelle